Politique électorale de la Restauration

La politique électorale de la Restauration a connu quelques évolutions, mais tout en préservant un strict système censitaire. Par ces ajustements les gouvernements en place cherchent à favoriser leurs soutiens politiques : grands propriétaires ruraux pour les monarchistes ; bourgeoisie urbaine pour les constitutionnels et les libéraux.

La Charte de 1814 octroyée par Louis XVIII organise une monarchie parlementaire de type bicaméral. Le pouvoir législatif est partagé entre le roi et le parlement composé d'une chambre des pairs et d'une chambre des députés.

La chambre haute modifier

Les pairs sont nommés par le roi en nombre illimité. Cette disposition sera utilisée plusieurs fois par le régime, ces nouvelles fournées étant destinées à compenser des velléités d'opposition de la part d'une partie des anciens membres. La Charte laisse la possibilité de nominations à vie ou héréditaires; elles seront toutes héréditaires après les Cent-Jours, disposition qui ne sera supprimée que par la monarchie de juillet. Une trentaine de pairs seront exclus en 1815 pour avoir pris le parti de Napoléon pendant l'épisode des Cent-Jours[1].

La chambre basse modifier

Première Restauration modifier

Pour être électeur il est imposé une double condition d'âge (30 ans) et de cens (paiement de 300 F. de contributions directes), ce qui réduit le corps électoral à moins de 100 000 pour une population d'environ 30 000 000 d'habitants. Les conditions d'éligibilité sont encore plus draconiennes : il faut être âgé de 40 ans (ce qui correspond à peu près à l'espérance de vie de l'époque[2]) et payer une contribution de 1 000 F. Ainsi le nombre d'éligibles est réduit à 15 000[3].

Pendant la Première Restauration (- ), les élections ne sont pas organisées et ce sont les membres du Corps législatif qui assument la fonction législative. Cette assemblée est dissoute par Napoléon pendant les Cent-Jours (mars-) lequel organise des élections dans les mêmes conditions censitaires mais avec des conditions d'âge respectivement de 21 ans pour l'électorat et 25 pour l'éligibilité. De retour au pouvoir après la deuxième abdication de l'empereur, Louis XVIII dissout immédiatement la chambre et rappelle le corps électoral aux urnes.

Seconde Restauration modifier

Les Élections législatives françaises d'août 1815 sont les premières à se dérouler sous la Restauration. Le scrutin est indirect, les collèges d'arrondissement élisant des candidats potentiels, le choix définitif se faisant au niveau du collège départemental, celui-ci étant tenu d'élire la moitié des députés parmi les candidats retenus au scrutin du premier degré. Les conditions d'âge sont celles retenues pour l'élection précédente (21 ans pour l'électorat, 25 ans pour l'éligibilité)[4]. Le nombre de députés est porté à 395. Dans un contexte de terreur blanche et avec l'occupation d'une grande partie du territoire par les armées alliées, elles amènent une écrasante majorité d'ultras.

Les excès de cette chambre réactionnaire amènent le roi à dissoudre l'Assemblée en . Les élections qui suivent inversent le rapport des forces (la majorité passe aux constitutionnels ou doctrinaires) ouvrant une phase de libération du régime[5]. Les renouvellements annuels par cinquième confirment cette tendance. En 1817, la Loi Lainé supprime le double degré de vote, l'élection se faisant alors au suffrage direct et au scrutin de liste dans le chef-lieu du département. Les conditions d'électorat et d'éligibilité reviennent à la norme initiale (30 ans pour l'électorat, 40 ans pour l'éligibilité). Le renouvellement d' envoie à la Chambre des libéraux tels La Fayette, Manuel et Benjamin Constant.

L'assassinat du duc de Berry le entraine une crise politique qui brise le mouvement libéral. Les ultras imposent une nouvelle loi électorale dite loi du double vote. Les 3/5e des députés sont élus par les collèges d'arrondissement, les 2/5e sont élus au niveau du département par le quart des électeurs les plus imposés, ceux-ci étant donc amenés à voter deux fois. Parallèlement, des mesures de dégrèvement fiscal devaient permettre de faire passer les électeurs les plus suspects au-dessous de la barre de 300 F. Le renouvellement partiel de la chambre aux Élections législatives françaises de 1820 ramènent ainsi les Ultras au pouvoir.

Porté par le succès obtenu par l'Expédition d'Espagne, le président du Conseil, Joseph de Villèle convainc Louis XVIII de dissoudre la Chambre et d'organiser de nouvelles élections en 1824 qui se traduisent par un raz-de marée des ultras. Dans la foulée, Villèle fait passer une nouvelle loi électorale supprimant les renouvèlements annuels et fixant à 7 ans la durée de la législature[6].

En 1827, Villèle est non seulement attaqué à sa gauche par les constitutionnels libéraux, mais doit également faire face à sa droite à une partie des ultras qui le trouve trop mou et à la défection des amis de Chateaubriand opposés aux lois liberticides sur la presse. Il demande à Charles X de dissoudre la chambre. Erreur politique, car les nouvelles élections constituent une victoire pour les libéraux et entrainent la chute du cabinet.

La recherche de compromis avec le ministère Martignac ne peut aboutir et la nouvelle chambre finit par voter la défiance au gouvernement Polignac par l'Adresse des 221. La Chambre entre ainsi en conflit avec le roi qui la dissout et appelle à de nouvelles élections en 1830. Celles-ci sont encore plus favorables aux libéraux qui reviennent à 274 sur 428 députés en dépit du système du double vote. Charles X ne cède pas et promulgue les Ordonnances de Saint-Cloud qui prononcent une nouvelle dissolution de la chambre et ramènent à 238 le nombre des députés. Les élections prévues les 6 et n'eurent pas lieu.

Entretemps le régime tombe après la Révolution de Juillet

Administration locale modifier

Comme le Premier Empire, le régime est très centralisé. Les acteurs locaux sont perçus comme de simples représentants de l'Administration centrale. Aussi si les conseillers municipaux sont élus selon un strict système censitaire, le maire est nommé par le gouvernement ou par son représentant, le préfet. Il en est de même des conseillers généraux et des conseillers d'arrondissement.

Plusieurs projets visant à substituer l'élection par un collège étroit à la nomination furent discutés, mais n'aboutirent pas.

Notes et références modifier

  1. A.Jardin et A-J Tudesq, La France des notables; I. L'évolution générale, Collection Points, Seuil 1973 p.36
  2. « [INED] L’espérance de vie en France », sur ined.fr via Wikiwix (consulté le ).
  3. Jean-Claude Caron, La France de 1815 à 1848, collection Cursus, Armand Colin 2002, p. 9
  4. Isabelle Backouche, La Monarchie parlementaire de Louis XVIII à Louis-Philippe Pygmalion 2000, p.30
  5. Caron, Op. Cit. p.15
  6. Backouche Op. Cit. p.105