« Peinture surréaliste » : différence entre les versions

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{{Palette Dada et Surréalisme}}
{{En travaux|Witcher of Izalith|9 septembre 2023|commentaire=Durée prévue : un à deux mois.}}[[Fichier:Rene_Magritte,_1964.jpg|vignette|[[Le Fils de l'homme (Magritte)|''Le Fils de l'homme'']], [[René Magritte]], [[1964 en arts plastiques|1964]].]]
La '''peinture surréaliste''' est un courant pictural issu du [[Surréalisme|mouvement surréaliste]].
 
La '''peinture surréaliste''' est un courant pictural issu du [[Surréalisme|mouvement surréaliste]]. Elle est particulièrement active et organisée entre la fin des années 1920 et le déclenchement de la [[Seconde Guerre mondiale]], lors duquel ses membres se dispersent, tout en conservant une influence durable.
== Précurseurs ==
{{...}}
 
Elle s'inscrit dans le sillage de l'[[art moderne]] : plusieurs artistes surréalistes ont été influencés par le [[cubisme]], le [[futurisme]] ou encore l'[[art abstrait]]. Les peintres surréalistes s'attachent au thème du rêve, faisant émerger des figures sans lien logique apparent sur la toile, ou proposant des scènes mentales tourmentées.
 
Parmi les grands peintres surréalistes, on compte [[Salvador Dali]], [[Yves Tanguy (peintre)|Yves Tanguy]], [[Max Ernst]], [[René Magritte]], [[Paul Delvaux]] ou encore [[Victor Brauner]].
 
Après-guerre se fondent des groupes comme [[cobra (mouvement)|cobra]], qui entendent poursuivent la peinture surréaliste. Une bonne partie de l'art de la seconde partie du XXe siècle s'inspire des [[techniques surréalistes]], en particulier l'[[art brut]] et l'[[action painting]].
 
== Précurseurs ==
=== Jérôme Bosch ===
[[Fichier:Jheronimus Bosch 011.jpg|vignette|[[Jérôme Bosch]] est une référence majeure pour le surréalisme, entre autres pour son tableau ''[[La Nef des fous (Bosch)|La Nef des fous]]'']]
La première figure que la postérité retient en temps que précurseur du mouvement surréaliste est [[Jérôme Bosch]]<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Jérôme Bosch : rétrospective d'un fascinant inspirateur des modernes |url=https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/jerome-bosch-retrospective-d-un-fascinant-inspirateur-des-modernes_3313979.html |site=Franceinfo |date=2016-03-08 |consulté le=2023-09-09}}</ref>. Il est à ce titre qualifié d'artiste {{Lien|langue=en|trad=Proto-Surrealism|fr=Proto-surréalisme|texte=proto-surréaliste}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Revulsion and Fascination: Hybrid Creatures in Visual Art |url=https://www.the-low-countries.com/article/revulsion-and-fascination-hybrid-creatures-in-visual-art |site=the low countries |consulté le=2023-09-09}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=How Did Bosch’s Garden Of Earthly Delights Influence Surrealism? |url=https://www.thecollector.com/bosch-garden-earthly-delights-surrealist-art/ |site=TheCollector |date=2021-08-28 |consulté le=2023-09-09}}</ref>, bien que des réserves aient été émises par l'historien de l'art Walter Bosing en raison du caractère anachronique de cette comparaison<ref>{{Ouvrage|auteur1=Walter Bosing|prénom1=Walter|nom1=Bosing|titre=Hieronymus Bosch, c. 1450-1516 : Between Heaven and Hell|passage=9|lieu=Londres|éditeur=Taschen|date=2000|pages totales=96|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=hCXN3R4_vpYC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=surrealism&f=false|consulté le=8 septembre 2023}}</ref>.
La première figure que la postérité retient en tant que précurseur du mouvement surréaliste est [[Jérôme Bosch]]<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Jérôme Bosch : rétrospective d'un fascinant inspirateur des modernes |url=https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/jerome-bosch-retrospective-d-un-fascinant-inspirateur-des-modernes_3313979.html |site=Franceinfo |date=2016-03-08 |consulté le=2023-09-09}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Surrealist Artists |url=https://www.surrealism-plays.com/surrealist-artists.html#Hieronymus%20Bosch |site=www.surrealism-plays.com |consulté le=2023-09-09}}</ref>. Il est à ce titre qualifié d'artiste {{Lien|langue=en|trad=Proto-Surrealism|fr=Proto-surréalisme|texte=proto-surréaliste}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Revulsion and Fascination: Hybrid Creatures in Visual Art |url=https://www.the-low-countries.com/article/revulsion-and-fascination-hybrid-creatures-in-visual-art |site=the low countries |consulté le=2023-09-09}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=How Did Bosch’s Garden Of Earthly Delights Influence Surrealism? |url=https://www.thecollector.com/bosch-garden-earthly-delights-surrealist-art/ |site=TheCollector |date=2021-08-28 |consulté le=2023-09-09}}</ref>, bien que des réserves aient été émises par l'historien de l'art Walter Bosing en raison du caractère anachronique de cette comparaison<ref>{{Ouvrage|auteur1=Walter Bosing|prénom1=Walter|nom1=Bosing|titre=Hieronymus Bosch, c. 1450-1516 : Between Heaven and Hell|passage=9|lieu=Londres|éditeur=Taschen|date=2000|pages totales=96|lire en ligne=https://books.google.ca/books?id=hCXN3R4_vpYC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=surrealism&f=false|consulté le=8 septembre 2023}}</ref>. La réception qu'en ont fait les artistes surréalistes évincent complètement l'aspect religieux des tableaux de Bosch, y préférant davantage le caractère grotesque et macabre de ses peintures, en plus de l'atmosphère fantasmagorique et inquiétante qui se dégagent des toiles de l'artiste de la [[Renaissance]]<ref>{{Lien web |langue=en |prénom=Alina |nom=Cohen |titre=Why Bosch Is Used to Describe Everything from High Fashion to Heavy Metal |url=https://www.artsy.net/article/artsy-editorial-bosch-describe-high-fashion-heavy-metal |site=Artsy |date=2018-04-24 |consulté le=2023-09-09}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |nom=Intermèdes |titre=Intermèdes |url=https://www.intermedes.com/article/10031-les-diableries-de-jerome-bosch-et-de-max-ernst/ |site=www.intermedes.com |consulté le=2023-09-09}}</ref>.
 
=== Giuseppe Arcimboldo ===
Le peintre [[Milan|milanais]] [[Giuseppe Arcimboldo]] est lui aussi crédité en tant qu'influence majeure du mouvement surréaliste<ref>{{Lien web |titre=Arcimboldo, le premier des surréalistes |url=https://www.lorientlejour.com/article/681266/Arcimboldo%252C_le_premier_des_surrealistes.html |site=L'Orient-Le Jour |date=2010-12-10 |consulté le=2023-09-09}}</ref>.
 
=== Autres maîtres cités ===
Chez les maîtres anciens, les peintres surréalistes ne cherchent pas des maîtres, mais surtout des correspondances soulignant l'intrusion du rêve dans la réalité. Sont ainsi régulièrement citées des œuvres de [[Francisco de Goya]], [[William Blake]], [[Caspar David Friedrich]] ou [[Rudolf Füssli|Füssli]]<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 29</ref>.
 
=== La poursuite de la peinture moderne ===
Parmi les peintres récents, ils s'inscrivent dans la poursuite du modernisme, citant des peintres comme [[Paul Gauguin]], [[Gustave Moreau]], [[Edvard Munch]] ou [[Emil Nolde]]<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 30</ref>.
 
Dans ''Le Surréalisme et la peinture'', André Breton affirme que la grande bascule artistique a eu lieu en 1910, avec d'un côté l'émergence du [[cubisme]], notamment autour de [[Pablo Picasso]], régulièrement cité voire vénéré par les surréalistes, et de l'autre côté l'invention de l'[[art abstrait]] : [[André Breton]] rend hommage à [[Vassili Kandinsky]] dans ce même ouvrage<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 30-31</ref>. Les surréalistes louent également [[Marc Chagall]] pour son travail du rêve, sa fusion des personnages et l'abandon de la pesanteur dans ses œuvres<ref name="Rispail33">Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 33</ref>. [[Paul Klee]] est également cité dans le ''Manifeste'' de 1924<ref name="Chavot82">Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', "Paul Klee", Paris, Flammarion 2001, p. 82</ref>.
 
Les artistes de dada et du surréalisme ont revendiqué l'influence de [[Giorgio de Chirico]], bien que celui-ci n'ait pas directement appartenu à un des deux mouvements<ref>Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', Paris, Flammarion 2001, p. 44</ref>. Ils admirent notamment son symbolisme menaçant, l'irruption d'éléments étranges sans lien logique apparent, son travail de mise en scène intérieur, qu'il qualifie lui-même de {{citation|peinture métaphysique}}<ref name="Rispail33" />. (Chirico se détourne néanmoins d'eux au cours des années 1920, en affirmant revenir à une forme de classicisme. La rupture devient nette en 1928<ref>Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', Paris, Flammarion 2001, p. 59</ref>.)
 
== Historique ==
=== La peinture surréaliste existe-t-elle ? ===
{{...}}
{{Exergue|On dit qu’il ne saurait y avoir de peinture surréaliste. Peinture, littérature, qu’est-ce là|André Breton|Le surréalisme et la peinture<ref>{{article|titre=Le surréalisme et la peinture|périodique=[[La Révolution surréaliste]]|année=1925|numéro=4|passage=29|wikisource=Page:La Révolution surréaliste, n04, 1925.djvu/31|id=LRS4}} {{harv|Breton|2008|texte=OCIV|p=356}}.</ref>}}
 
En 1924, dans le premier ''[[Manifeste du surréalisme]]'', [[André Breton]] est quasiment muet sur la peinture{{note|groupe=n|Alors que dans sa conférence à Barcelone en 1922<ref> « Caractère de l’évolution moderne et ce qui en participe », publiée dans ''Les pas perdus'' ({{Ouvrage|libellé=OCI|prénom1=André|nom1=Breton|titre=Œuvres complètes|tome=I|éditeur=Gallimard|collection=Bibliothèque de la Pléiade|date=1988|isbn=2-07-011138-5|passage=291-308}}).</ref>, Breton accorde, parallèlement à la poésie, un place importante à la peinture, les peintres ne sont cités qu’en note de bas de page dans le ''Manifeste'' : [[Uccello]], [[Georges Seurat|Seurat]], [[Gustave Moreau|Moreau]], [[Henri Matisse|Matisse]], [[Derain]], [[Picasso]], [[Georges Braque|Braque]], [[Marcel Duchamp|Duchamp]], [[Picabia]], [[Chirico]], [[Paul Klee|Klee]], [[Man Ray]], [[Max Ernst|Ernst]], [[André Masson (artiste)|Masson]]<ref>{{harvsp|Durozoi|Lecherbonnier|1972|p=188-189}}, {{harvsp|Durozoi|1997|p=99}}, {{harvsp|Adamowicz|2004|p=14}}</ref> {{harv|Breton|1988|texte=OCI|p=330}}. Pour une étude détaillée voir {{Ouvrage|auteur=[[José Pierre]]|titre=André Breton et la peinture|éditeur=L'Age d’homme|date=1987|sudoc=002461528|chapitre=Le « Manifeste du surréalisme » et la peinture|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=CTwK6S-U7DcC&pg=PA80}}}}. Contrairement à la [[littérature surréaliste|littérature]], l’application de la définition du surréalisme dans le domaine pictural n’est pas encore établie{{note|groupe=n|Comme le rappelle [[Robert Desnos]] en 1926{{sfn|Adamowicz|2004|p=16-17}} : {{citation|On a souvent reproché au surréalisme d’être inapplicable à la peinture. C’est qu’en effet le grand problème de la peinture a été l’application de la définition du surréalisme aux procédés picturaux. Problème stérile qui l’a paralysé pendant plusieurs mois<ref>{{article|titre=Surréalisme|périodique=[[Cahiers d'art]]|année=1926|passage=213|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97954213/f221.item}}, repris dans {{Ouvrage|prénom1=Robert|nom1=Desnos|titre=Écrits sur les peintres|éditeur=Flammarion|collection=Textes-Flammarion|date=1984|isbn=2-08-064609-5|url=https://archive.org/details/ecritssurlespein0000desn/page/92|passage=92}}</ref>}}.}}.
== Techniques ==
 
[[Max Morise]], dès le premier numéro de ''[[La Révolution surréaliste]]'', questionne la possible existence d’une « plastique surréaliste » {{sfn|Adamowicz|2004|p=13}}. Dans sa chronique sur les beaux-arts intitulée « Les yeux enchantés<ref>{{article|titre=Les yeux enchantés|périodique=La Révolution surréaliste|année=1924|numéro=1|wikisource=Page:La Révolution surréaliste, n01, 1924.djvu/38|passage=27-28}}.</ref> », il considère que {{cita|ce que l’écriture surréaliste est à la littérature, une plastique surréaliste doit l’être à la peinture, à la photographie, à tout ce qui est fait pour être vu}}{{sfn|Durozoi|1997|p=85}}. Alors que l’[[écriture automatique|automatisme]] est considéré, à cette époque, comme la [[techniques surréalistes|technique]] véritable en littérature, son application au domaine plastique pose encore question{{sfn|Spies|2002|loc=« La légitimation de l’art surréaliste »|p=19}}. En avril 1925, [[Pierre Naville]], dans le numéro 3 de la revue, ira jusqu’à affirmer : {{citation|plus personne n’ignore qu’il n’y a pas de ''peinture surréaliste''. Ni les traits du crayon livré au hasard des gestes, ni l’image retraçant les figures de rêve, ni les fantaisies imaginatives, c’est bien entendu, ne peuvent être ainsi qualifiées<ref>{{article|titre=Beaux-Arts|périodique=La Révolution surréaliste|année=1925|numéro=3|wikisource=Page:La Révolution surréaliste, n03, 1925.djvu/29|passage=27}}.</ref>}}. Réagissant à cette « attitude négatrice{{sfn|Durozoi|Lecherbonnier|1972|p=189}} », Breton commence à publier ''Le surréalisme et la peinture'' :
{{Citation|L’œuvre plastique, pour répondre à la nécessité de révision absolue des valeurs réelles sur laquelle aujourd’hui tous les esprits s’accordent, se réfèrera donc à un ''modèle purement intérieur'', ou ne sera pas<ref>{{harvsp|id=LRS4|texte=« Le surréalisme et la peinture », juillet 1925|p=28}} {{harv|Breton|2008|texte=OCIV|p=352}}</ref>.}}
 
=== Les débuts ===
Parmi les peintres surréalistes de la première période figure [[Max Ernst]], qui était, comme la plupart des membres fondateurs, auparavant membre de [[dada]]. Sa pratique se caractérise notamment par le collage, qu'il produisait notamment avec [[Francis Picabia]]<ref name="ref_auto_1">Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 49-50</ref>. Dans le même temps, transcrivant en peinture le principe littéraire de l'[[écriture automatique]], [[André Masson (peintre)|André Masson]] peint par automatisme, laissant (ou prétendant laisser) son bras courir au hasard sur la page<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 50</ref>. [[Joan Miro]] rejoint également le groupe très rapidement, puis [[Yves Tanguy (peintre)|Yves Tanguy]]. La peinture surréaliste est liée par l'intrusion du rêve et le refus des règles classiques, mais les pratiques de ses membres sont très diverses<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 51</ref>.
 
Dans son ouvrage ''Le Surréalisme et la peinture'', André Breton affirme l'importance qu'eut pour eux l'arrivée de [[Joan Miro]]. Miró constitue en effet une recrue de choix pour le mouvement surréaliste. {{Citation bloc|L'entrée tumultueuse de Miró en 1924 marque une date importante de l'art surréaliste. Miró […] franchit d'un bond les derniers barrages qui pouvaient encore faire obstacle à la totale spontanéité de l'expression. À partir de là, sa production atteste d'une liberté qui n'a pas été dépassée. On peut avancer que son influence sur Picasso, qui rallie le surréalisme deux ans plus tard, a été en grande partie déterminante<ref>André Breton, ''Le Surréalisme et la peinture. Genèse et perspective artistique du surréalisme'', Paris, New York et Gallimard, 1941 et 2002, p. 94</ref>.}}
 
[[Paul Klee]], qui est cité positivement dans le ''Manifeste'' de 1924, participe à l'exposition surréaliste de 1925 et publie des dessins dans ''La Révolution surréaliste''. Plusieurs poètes, comme [[René Crevel (écrivain)|René Crevel]] et [[Paul Eluard]], lui consacrent des essais ou des poèmes. Il n'adhère jamais au mouvement, mais lui et les surréalistes s'influent mutuellement. Son travail pictural est en effet volontiers automatique, fait émerger le rêve, le merveilleux et l'humour, tout en traduisant une recherche dans l'[[inconscient]]<ref name="Chavot82" />.
 
=== Ralliements et expansion : la fin des années 1920 et les années 1930 ===
[[Fichier:Salvador_Dali_-_Le_spectre_du_sex-appeal.jpg|vignette|Reproduction du ''[[Le Spectre du sex-appeal|Spectre du sex-appeal]]'' de [[Salvador Dalí]], réalisé en [[1934 en dadaïsme et surréalisme|1934]].]]
L'un des représentants les plus fameux de la peinture surréaliste, [[Salvador Dali]], arrive à Paris en 1928. Il est d'abord connu par le groupe pour la co-création du film ''[[Un Chien andalou]]'' avec [[Luis Buñuel]]. Alors qu'il était d'abord attiré par le [[futurisme]] et le [[cubisme]], il s'inscrit nettement dans la pratique surréaliste avec sa toile ''Le Grand Masturbateur'', peinte en 1929. Il développe ensuite sa méthode {{citation|paranoïaque-critique}}, qui suscite l'admiration d'[[André Breton]] et le voit produire ses tableaux les plus célèbres. Il est régulièrement mis en marge du mouvement, notamment lorsqu'il fait part de son admiration pour Adolf Hitler, mais continue de participer aux revues surréalistes<reF name="Chavot62">Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', Paris, Flammarion 2001, p. 62</ref>.
 
Au moment où Dali prend la première place au sein des peintres surréalistes, [[Joan Miro]] vit assez mal les dissensions politiques du groupe. Il déclare vouloir {{citation|assassiner la peinture}} et travaille sur de nombreux [[collage (art)|collage]]s, d'une manière assez différente de ceux des cubistes et des dadaïstes, puisqu'il abandonne la précision dans les formes<ref>Georges Raillard et Joan Miró, Ceci est la couleur de mes rêves : entretiens avec Miró, Paris, Seuil, 2004, p. 94</ref>.
 
Le peintre roumain Victor Brauner rejoint officiellement le surréalisme en 1930. Depuis 1924 et la fondation de sa revue ''75 HP'', il s'en rapprochait néanmoins déjà (sans avoir lu le ''Manifeste'' d'André Breton), notamment à travers l'influence de Giorgio de Chirico<reF>Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', Paris, Flammarion 2001, p. 49</ref>.
 
A partir de 1934, la peinture du belge [[Paul Delvaux]] se rapproche fortement des recherches surréalistes. Il travaille notamment avec obstination sur le thème du rêve, ce qui lui vaut d'être présent à l'Exposition internationale de peinture surréaliste en 1938<reF>Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', Paris, Flammarion 2001, p. 63</ref>.
[[Fichier:René_Magritte_-_Les_Grâces_naturelles.jpg|vignette|Reproduction du tableau ''Les Grâces naturelles'' de [[René Magritte]], réalisé en [[1942 en dadaïsme et surréalisme|1942]].]]
 
=== Exils et dispersions ===
Le déclenchement de la [[Seconde Guerre mondiale]] entraîne la dispersion des membres du mouvement surréaliste. Le peintre [[Max Ernst]] est d'abord interné dans des camps français, au motif qu'il est citoyen allemand. Plusieurs membres se retrouvent à Marseille, sous l'aile du Centre américain de secours dirigé par Varian Fry et Daniel Benedite. Autour d'[[André Breton]] arrivent de nombreux peintres : [[Victor Brauner]], [[Oscar Dominguez]], [[Max Ernst]] libéré, [[Jacques Hérold]], [[Wilfredo Lam]], [[André Masson (peintre)|André Masson]] et [[Hans Bellmer]]<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 108-109</ref>.
 
Plusieurs surréalistes se réunissent à [[New York]], où ils bénéficient de l'aide de [[Peggy Guggenheim]], qui a épousé [[Max Ernst]] en 1941. En 1942 a ainsi lieu l'exposition ''Art Of This Century'' au [[Musée Solomon-R.-Guggenheim|Musée Guggenheim]], où sont exposés de nombreux surréalistes, et pour laquelle André Breton aide Peggy Guggenheim à établir le catalogue, qui sera préfacé par [[Hans Arp]] et [[Piet Mondrian]]<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 112-113</ref>.
 
[[Salvador Dali]] se rend aux [[États-Unis]] au début du conflit mondial. Il y entre en quête de notoriété, se convertit au catholicisme, et abandonne le groupe surréaliste<ref name="Chavot62"/>.
 
=== Après-guerre ===
{{...}}
==== Cobra ====
{{Article détaillé|Cobra (mouvement)}}
En 1948 est formé le groupe [[cobra (mouvement)|cobra]], qui cherche à revenir à un surréalisme {{citation|pur}} opposé à un surréalisme intellectualisé que ses membres imputent à [[André Breton]]. Le groupe se forme à Paris, mais est composé surtout de membres hollandais ou belges flamands : [[Christian Dotremont]], [[Jacques Calonne]], [[Joseph Noiret]], [[Asger Jorn]], [[Karel Appel]], [[Pierre Alechinsky]], [[Carl-Henning Pedersen]], [[Constant Nieuwenhuis|Constant]], [[Guillaume Corneille|Corneille]], [[Jan Nieuwenhuys]], [[Pol Bury]], [[Georges Collignon]], [[Henry Heerup]], [[Egill Jacobsen]], [[Ejler Bille]], [[Jacques Doucet (peintre)|Jacques Doucet]] et [[Jean-Michel Atlan]]. Ils s'intéressent notamment à l'[[art brut]], les réalisations de l'art primitif celte et scandinave, les dessins d'enfants, et renouent avec l'automatisme. [[Pierre Alechinsky]], notamment, est très apprécié par [[André Breton]] et [[Joyce Mansour]]<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 120-122</ref>.
 
== Traits esthétiques et techniques ==
{{Article détaillé|Techniques surréalistes}}
=== Se libérer de la perception traditionnelle ===
Les peintres surréalistes ont produit des œuvres parfois radicalement opposées, si bien que trouver un critère permettant de déterminer au premier coup d'oeil qu'une peinture est surréaliste a semblé une entreprise impossible aux critiques. Les surréalistes, d'ailleurs, ont accepté et revendiqué cette pluralité. Une ligne directrice est néanmoins établie par [[André Breton]] dès son premier article sur « Le surréalisme et la peinture » (''[[La Révolution surréaliste]]'', 4) : il s'agit tout d'abord de répondre à {{citation|un modèle purement intérieure}}. L'abandon de l'imitation de la réalité perçue est complet. La perception habituelle de l'objet extérieur est considérée comme limitante : les peintres surréalistes s'efforcent de casser cette perception, de faire surgir des éléments et des perceptions nouvelles, en fonction d'exigences internes{{sfn|Durozoi|Lecherbonnier|1972|p=[https://archive.org/details/lesurrealisme0000unse/page/190 190]}}.
 
=== Le collage ===
{{Article détaillé|Collage (art)}}
Le collage est l'assemblage de différentes formes créant un tout nouveau. Cette pratique est initiée par les artistes de [[dada]] puis reprise par les surréalistes, notamment dans les premiers temps du mouvement. Dans les arts visuels, un collage peut comprendre des coupures de journaux, des rubans, des morceaux de papiers colorés ou faits à la main, des photographies, etc., collés sur un support solide ou une toile. Selon le critique Jean-Luc Rispail, {{citation|Le collage a pour fonction de démystifier et de révéler une vérité cachée sous les apparences}}<ref name="ref_auto_1" />.
 
=== La méthode paranoïaque-critique de Salvador Dali ===
{{Article détaillé|Méthode paranoïaque-critique}}
La méthode paranoïaque-critique est une technique inventée par [[Salvador Dalí]] et utilisée par lui seul. Elle consiste, selon Dali, de se mettre dans un état paranoïaque : peur que soi-même soit manipulé, ciblé ou contrôlé par d'autres. Dans la pratique, Dali travaille sur ses propres obsessions, qu'il déconstruit ensuite dans un univers onirique et brutal. La sexualité, la mort, les monstres, le cannibalisme, les animaux et les matières fécales sont constitutifs de son paysage mental ; il les traite avec provocation et souvent avec humour<ref>Pierre Chavot, ''L'ABCdaire du surréalisme'', 'Dali. Paranoïaque critique", Paris, Flammarion 2001, p. 62</ref>.
 
Dali la définit comme {{Citation|une méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basée sur l’objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes}}<ref>[[Salvador Dalí|S. Dalí]], ''La Conquête de l’irrationnel'', {{p.|16}}, Éditions surréalistes, [[Paris]], 1935.</ref>. atrice Schmitt<ref name=opeint303/>, à propos d'une rencontre entre Dalí et [[Jacques Lacan|Lacan]], nota que {{citation|la paranoïa selon Dalí est aux antipodes de l'hallucination par son caractère actif<ref name=opeint303/>}}. Elle est à la fois méthodique et critique<ref name=opeint303/>. Elle a un sens précis et une dimension phénoménologique et s'oppose à l'automatique, dont l'exemple le plus connu est le cadavre exquis<ref name=opeint303>{{harvsp|Descharnes|Néret|2001-2007|p=303}}.</ref>. Faisant le parallèle avec les théories de Lacan, il conclut que le phénomène paranoïaque est de type pseudo-hallucinatoire<ref name=opeint304>{{harvsp|Descharnes|Néret|2001-2007|p=304}}.</ref>. Les techniques d'images doubles sur lesquelles Dalí travaillait depuis Cadaqués (''[[l'Homme invisible (Dalí)|L'Homme invisible]]'', 1929) étaient particulièrement propres à révéler le fait paranoïaque<ref name=opeint304/>.
 
== Postérité ==
{{...}}
L'exposition ''Art Of This Century'', ouverte le 20 octobre 1942 au [[Musée Solomon-R.-Guggenheim|Musée Guggenheim]], a une influence considérable sur certains jeunes peintres américains qui fréquentent le groupe surréaliste, en particulier [[Robert Motherwell]] et [[Jackson Pollock]], qui seront plus tard tenant de l'''[[action painting]]''. André Masson voit dans ce mouvement pictural {{citation|le rebondissement de l'automatisme d'une manière grandiose}}<ref>Jean-Luc Rispail, ''Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action'', Paris, Gallimard, 1991, p. 113</ref>.
 
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=n}}
 
=== Références ===
{{Références}}
 
== Bibliographie ==
* [[André Breton]], ''Le Surréalisme et la Peinture'', Paris, Gallimard, 1928-1965.
*{{Ouvrage|libellé=OCIV|prénom1=André|nom1=Breton|titre=Œuvres complètes|tome=IV, Écrits sur l'art et autres textes|éditeur=Gallimard|collection=Bibliothèque de la Pléiade|date=2008|isbn=978-2-07-011692-8}}
* [[Maurice Nadeau]], ''Histoire du surréalisme'', Paris, Le Seuil, 1947-1970.
* {{Ouvrage|libellé=Durozoi et Lecherbonnier 1972|auteur=Gérard Durozoi|auteur2=Bernard Lecherbonnier|titre=Le surréalisme : théories, thèmes, techniques|éditeur=Larousse|date=1972|lire en ligne=http://archive.org/details/lesurrealisme0000unse}}
* [[Sarane Alexandrian]], ''Le Surréalisme et le rêve'', Paris, Gallimard, 1974.
* {{Ouvrage|libellé=Rispail 1991|auteur=Jean-Luc Rispail|titre=Les surréalistes : une génération entre le rêve et l'action|éditeur=Gallimard|date=1991|isbn=2-07-053140-6|lire en ligne=https://archive.org/details/lessurrealistesu0000risp}}
* {{Ouvrage|libellé=Passeron 1991|auteur=[[René Passeron]]|titre=Histoire de la peinture surréaliste|éditeur=Librairie générale française|collection=Le livre de poche|année première édition=1968|année=1991|isbn=2-253-05587-5}}
*{{Ouvrage|libellé=Durozoi 1997|auteur=Gérard Durozoi|titre=Histoire du mouvement surréaliste|éditeur=Hazan|date=1997|isbn=2-85025-560-2|url=https://archive.org/details/histoiredumouvem0000duro}}{{commentaire biblio SRL|autre ed. 2004 {{ISBN|2-85025-920-9}}}}
* {{Ouvrage|libellé=Chavot 2001|auteur=[[Pierre Chavot]]|titre=L'ABCdaire du surréalisme|éditeur=Flammarion|collection=ABCdaire|date=2001|isbn=2-08-012729-2}}
*{{Ouvrage|libellé=Spies 2002|auteur1=[[Werner Spies]]|directeur=oui|titre=La révolution surréaliste|nature ouvrage=[https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cxxAMEq exposition présentée au Centre Pompidou], 6 mars-24 juin 2002|éditeur=Centre Pompidou|date=2002|isbn=2-84426-105-1}}
* Robert Descharnes et Gilles Néret, ''Dalí'', Taschen, 2001-2007, 780 p.
*{{Ouvrage|libellé=Adamowicz 2004|prénom1=Elza|nom1=Adamowicz|titre=Ceci n'est pas un tableau: les écrits surréalistes sur l'art|éditeur=l'Âge d'homme|collection=Bibliothèque Mélusine|date=2004|isbn=978-2-8251-1875-7}}
* Martine Antle, ''Cultures du surréalisme, les représentations de l'autre'', Châtenay-Malabry, Acoria, 2007.
* Paul Aron, Jean-Pierre Bertrand, ''Les 100 Mots du surréalisme'', Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2010 {{ISBN|978-2-13-058220-5}}.
* [[Serge Fauchereau]], ''Avant-gardes du XXe siècle, arts et littérature, 1905-1930'', Paris, Flammarion, 2016, {{ISBN|978-2-0813-9041-6}} (pp. 316-362).
 
== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
{{Catégorie principale|Tableau surréaliste}}
* [[Surréalisme]]
 
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| commons = Category:Surrealist paintings
}}
* Centre Pompidou, ''L’art surréaliste, Direction de l'action éducative et des publics'', http://www.cnac-gp.fr/education/ressources/ENS-surrealisme/ENS-surrealisme
{{Liens}}
 
 
{{Palette|Chronologie de Dada et du surréalisme}}
{{Palette|Surréalisme|Chronologie de Dada et du surréalisme}}
{{Portail|dada et surréalisme|Peinture|Arts}}
 
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[[Catégorie:Mouvement artistique]]
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