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| header = Pile funéraire
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| caption1 = Pile de Labarthe-Rivière.
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| caption2 = Pile de Valcabrère.
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Une '''pile''', dite plus précisément '''pile romaine''', '''pile gallo-romaine''', '''pile funéraire''', est une sorte de tour élevée, de plan carré ou rectangulaire, plus rarement circulaire, constituant un monument funéraire.
Les piles, élevées entre le {{s mini-|I|er}} et le {{s-|IV}}, se retrouvent dans un large sud-ouest de la Gaule romaine avec une forte concentration dans la {{latin|[[civitas]]}} des [[Ausques]] où elles portent souvent un nom local, comme « tourasse » ou « tourraque » dérivé du mot « tour ». Des monuments comparables existent également dans d'autres partie de l'Empire romain : Italie où se trouve peut-être leur berceau géographique, Espagne, Afrique du Nord.
Faute de fouilles approfondies des sites, leur fonction est longtemps restée une énigme mais il est très probable qu'il s'agisse de monuments funéraires dédiés à la mémoire d'un notable local ; les piles servent aussi à montrer la richesse et la puissance de la famille de leur commanditaire.
Quatorze piles sont protégées comme [[monument historique (France)|monuments historiques français]].
== Terminologie ==
Le terme de pile, désignant indistinctement toute sorte de construction massive s'apparentant à un pilier composé de structures superposées<ref>{{CNRTL|pile}}.</ref>, s'est naturellement imposé dans le langage populaire pour ces édifices, ce que relève [[Camille Jullian]] en 1896{{Sfn|Jullian|1896|p=39-40}}. En [[Guyenne]] et [[Languedoc]], les mots « tourrasse » ou, en [[Gascogne]], « tourraque », sont des [[augmentatif]]s occitans de « tour ». Le nom de Peyrelongue (« pierre longue ») habituellement donné aux [[mégalithe]]s, se retrouve en plusieurs endroits, avec les formes Pirelongue ou Pirelonge ([[tour de Pirelonge]] à [[Saint-Romain-de-Benet]], près de [[Royan]])<ref name="Ge">{{Ouvrage|auteur=Stéphane Gendron|titre=La toponymie des voies romaines et médiévales|sous-titre=les mots des routes anciennes|éditeur=[[éditions Errance]]|année=2006|pages totales=196|isbn=2-8777-2332-1|passage=153}}.</ref>. En [[Saintonge]], le substantif « fanal »{{Note|group=N|Au milieu du {{s-|XVII}}, [[Claude Chastillon]] emploie le terme de « faniaux » en légende sa planche de dessins consacrée piles de [[pile gallo-romaine de Chagnon|Chagnon]] et d'[[pyramide d'Authon-Ébéon|Authon-Ébéon]]<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Claude Chastillon]]|titre=Topographie françoise [...]|année=1655|éditeur=Boissevin|pages totales=273 planches|passage=|url=https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/5750/?offset=1#page=105&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=}}.</ref>.}}, qui évoque une tour à signaux, est en réalité une évolution du terme {{latin|[[fanum]]}} (temple). Le toponyme « Montjoie », désignant fréquemment l'emplacement d'un monument militaire commémoratif élevé à un carrefour, se retrouve parfois associé à une pile ([[pile gallo-romaine de la Montjoie]] à [[Roquebrune (Gers)|Roquebrune]], Gers)<ref>{{Article|auteur=[[Henri Polge]]|titre=Oratoires et montjoies du pays de Gascogne|périodique=Bullletin de la [[Société archéologique du Gers]]|tome=LVI|année=1955|pages=111-115}}.</ref>. La pile d'Authon-Ébéon est parfois dénommée « pyramide »<ref>{{Mérimée|PA00104608}}.</ref>, substantif qui n'est pas systématiquement réservé aux monuments de forme pyramidale<ref name="Ge"/>.
En dehors des régions françaises, c'est le terme plus générique de [[mausolée]] qui est le plus souvent employé, soit que le caractère funéraire soit demeuré évident par la bonne conservation du monument, soit qu’on lui ait attribué d'autres fonctions : borne, monument commémoratif, etc., qui l'auraient protégé du vandalisme. Un mausolée antique, au sens strict du terme français, est un {{citation|monument funéraire grandiose [...] destiné à recevoir la dépouille d'un personnage puissant [...]}}<ref>{{CNRTL|mausolée}}.</ref> ; ce n'est pas le cas des piles qui, dans leur immense majorité, ne sont pas aménagées pour servir de sépulture et qui se rapprochent davantage d'un [[cénotaphe]]<ref>{{CNRTL|cénotaphe}}.</ref>.
== Caractéristiques ==
En 1898, Philippe Lauzun publie un premier inventaire des piles du sud-ouest de la France ; il y inclut tous les monuments en forme de tour, quel que soit leur plan, qu'ils soient ou non pourvus de niches ou creusés d'un loge funéraire et ne conclut pas toujours sur leur fonction, alors souvent méconnue{{Sfn|Lauzun|1898}}.
Huit décennies plus tard, Pierre Audin se livre à une étude de la pile de Cinq-Mars mais élargit le champ de sa publication à l'ensemble des monuments funéraires turriformes, en France comme à l'étranger, considéré eux aussi comme des « piles »{{Sfn|Audin|1977}}.
Dans l'introduction de l'ouvrage consacré à l'étude des piles du sud-ouest qu'elle publie en 2016, Pascale Clauss-Balty donne une définition beaucoup plus restrictive de la pile, déjà esquissée en 1993 par Pierre Sillières et Georges Soukiassian et basée sur le type le plus fréquemment rencontré dans le sud-ouest de la France. C'est un monument en forme de tour, massif, sur plan carré ou rectangulaire, pourvu dans sa partie supérieure d'une niche abritant à l'origine une statue{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=9|gr=C}} ; cette définition exclut des monuments comme la [[pile de Cinq-Mars]] ou la [[tour de Pirelonge]] (absence de niche), la [[La Tourasse (Aiguillon)|tourasse d'Aiguillon]] (plan circulaire) ou la [[tour de Mézolieux]] (monument creux pourvu d'une chambre funéraire){{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=202-203|gr=C}}.
=== Généralités et plan ===
Une pile est une tour pleine {{incise|Les excavations pratiquées par les curieux au {{s-|XIX}} n'ont jamais révélé la moindre cavité intérieure}} quadrangulaire qui se décompose généralement en plusieurs structures dont les dimensions en plan se réduisent au fur et à mesure de l'élévation. Dans la pratique, le plan des piles s'écarte parfois de ce schéma-type ; un certaine homogénéité dans les construction des piles est toutefois discernable au plan micro-régional{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=198|gr=C}}. La Tourasse à [[Aiguillon (Lot-et-Garonne)|Aiguillon]] ([[Lot-et-Garonne]]) est de plan circulaire, mais son statut de monument funéraire, longtemps discuté, semble désormais attesté<ref name="FP"/>.
La hauteur d'une pile est difficile à établir en raison de la dégradation des monuments subsistants. Celle de [[Pile de Cinq-Mars|Cinq-Mars]] ([[Indre-et-Loire]]), la plus haute, atteint {{unité|29.40|mètres}}{{Sfn|Audin|1977|p=359}} et celle de [[pile gallo-romaine de Clergué|Clergué]] ([[Haute-Garonne]]), sans doute la plus petite, ne dépasse pas {{unité|6|à=7|mètres}}{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=53|gr=C}}.
=== Description ===
==== Parties constitutives ====
[[Fichier:Pile schéma.svg|vignette|Schéma d'une pile (façade principale){{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=180|gr=C}}.]]
Le massif de fondations, destiné à ancrer le monument dans le sol, est toujours largement débordant par rapport à l'élévation et sa profondeur, en fonction de la qualité du sous-sol et de la hauteur de la pile, varie entre {{unité|0.6|et=1.5|m}}. Généralement dépourvu de parement, il est constitué de blocs cimentés{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=189|gr=C}}.
La soubassement a pour but de surélever le corps de la pile, c'est-à-dire les étages supérieurs, afin d'exposer encore plus le monument à la vue{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=217|gr=C}}. Il est souvent parementé de la même manière que les étages supérieurs mais son plan ne conditionne pas le leur{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=179|gr=C}}.
[[File:Tour de Biran détail.jpg|vignette|gauche|Niche, tourraque de Lacouture.]]
Le podium est le premier étage ostentatoire de l'édifice et son importance apparaît dans la qualité de son parement et dans les décorations ([[pilastre]]s, [[corniche]]s) dont il est parfois pourvu, en tout cas pour les piles les plus grandes. C'est également sur la face principale du podium qu'est fixée la plaque d'inscription portant la dédicace de la pile{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=181-182|gr=C}}.
L'édicule est l'élément le plus important de la pile. C'est à ce niveau qu'est installée, quand elle existe, la niche qui abrite une représentation du défunt dont on veut honorer la mémoire. La construction de l'édicule intègre les mêmes éléments décoratifs que le podium. La niche est souvent terminée en arc en plein cintre, à fond plat ou arrondi. Sa largeur est généralement supérieure à sa profondeur : il n'est pas nécessaire de disposer d'une niche profonde puisque la statue qu'elle recèle doit être installée à l'entrée, bien en vue{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=186|gr=C}}.
La question de la toiture n'est pas résolue, aucune pile n'étant conservée intacte jusqu'à ce niveau. Toutes les formes permettant un bon écoulement des eaux sont envisageables, [[bâtière]], toiture à quatre pans voire pyramide, cône{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=186|gr=C}}.
==== Maçonnerie et décor ====
[[Fichier:2016-09 Pile de Cinq-Mars -- Décor de briques face sud.jpg|vignette|redresse|Décor, pile de Cinq-Mars.]]
La maçonnerie fait appel à un noyau en {{latin|[[opus caementicium]]}} recouvert d'un parement, en {{latin|[[opus vittatum]]}} le plus fréquemment, mais parfois en grands blocs (piles de Saintonge) ou en briques (pile de Cinq-Mars). Dans le cas de la [[pile gallo-romaine de Roques|pile de Roques]], l'emploi des galets de la Garonne pour les fondations et le noyau et de la brique pour le parement traduit une adaptation aux matériaux et aux techniques de construction locaux, également mis en œuvre dans le [[rempart gallo-romain de Toulouse]], tout proche et sans doute construit à la même époque{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=57|gr=C}}.
Dans le cas d'un parement en moellons, il semble que des enduits de couleurs vives aient parfois été apposés en décoration : il en subsiste des vestiges, par exemple sur la [[pile romaine de Luzenac]]{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=190|gr=C}}. Aux Toureilles, c'est grâce à un jeu de moellons de différents couleurs que la pile est décorée{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=184|gr=C}}. Les panneaux en brique, calcaire et terre cuite de la pile de Cinq-Mars sont sans équivalent connu<ref>{{Ouvrage|auteur1=Marie Bèche|titre=La pile de Cinq-Mars , mémoire de maîtrise en archéologie|volume=1|lieu=Tours|éditeur=Université François-Rabelais|année=1999|pages totales=142|passage=38}}.</ref>, bien qu'un décor à base de motifs géométriques en argile cuite soit envisagé à Chagnon, même si la pile est disparue<ref>{{Article|auteur=[[Auguste-François Lièvre]]|titre=Les fouilles de Villepouge - Isis ou la magie en Saintonge au temps des Romains|périodique=Bulletin de la [[Société des antiquaires de l'Ouest]]|année=1898|tome=VIII, sér. 2|page=105|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65710n/f109}}.</ref>.
=== Environnement ===
Il arrive souvent, mais ce n'est pas systématique, que la pile soit accompagnée d'un enclos funéraire à son pied. En outre, les fouilles sont parfois incomplètes ou anciennes et mal documentées : ces enclos peuvent d'autant plus passer inaperçus qu'il ont peut-être été constitués de matériaux périssables (palissades ou haies){{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=195-196|gr=C}}. À Mirande (piles de Betbèze), de nombreuses sépultures sont retrouvées dans et autour de l'enclos, confirmant le rôle de monument funéraire de la pile{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=152|gr=C}}.
Dans plusieurs situations, la découverte d'une {{latin|[[villa romaine|villa]]}} à proximité de la pile conduit à supposer que c'est la famille du propriétaire décédé de la {{latin|villa}} qui a décidé de l'érection de ce monument<ref>{{chapitre|auteur=Georges Soukiassian|titre=Les piles funéraires du Sud-Ouest|auteur ouvrage=Jean-Charles Moretti et Dominique Tardy (dir.)|titre ouvrage=L'architecture funéraire monumentale : la Gaule dans l'Empire romain|année=2006|éditeur=éditions du CTHS|isbn=978-2-7355-0617-0|pages totales=522|passage=473-477}}.</ref>.
== Fonction ==
Les piles
=== Bornes ===
Parmi les hypothèses les plus souvent proposées, figurent les « bornes » assimilables à des [[borne milliaire|milliaire]], compte tenu de leur présence le long des voies romaines. Mais, même en tenant compte des édifices disparus, leur nombre n’est pas suffisant pour justifier leur usage systématique dans ce sens, et leur grande taille apparaît quelque peu disproportionnée avec le rôle d’une simple borne. Enfin, certaines piles se
Elles ont également pu marquer la limite de certains territoires ce qui est avéré à [[Roques (Haute-Garonne)|Roques]] où la [[pile gallo-romaine de Roques|pile]] a servi de bornage à la fin du {{s mini-|XVIII}} ou au début du {{s-|XIX}}<ref>{{Ouvrage|auteur=Julie Massendari|titre=Haute-Garonne|éditeur= Académie des inscriptions et belles-lettres |collection= [[Carte archéologique de la Gaule]] |numéro dans la collection= 31/1 |lieu= Paris |année= 2006 |pages totales= 398 |isbn=978-2-8775-4188-6|passage=317}}.</ref>, ou servi d’[[Amer (navigation maritime)|amer]] dans les régions côtières<ref>{{Article|auteur=[[Daniel Massiou]]|titre=Les Santons avant et pendant la domination des Romains|périodique=[[L'Investigateur : journal de l'Institut historique|Journal de l'Institut historique]]|volume=III|année=1835-1836|url=https://books.google.fr/books?id=UolfAAAAcAAJ&pg=PA258#v=onepage&q&f=false|page=258}}.</ref>.
=== Phares ===
L'assimilation des piles à des phares, liée au terme fanal parfois rencontré, se heurte à une impossibilité technique. Au contraire d'une [[lanterne des morts]], qui est creuse, ce qui permet d'installer un feu à son sommet, une pile est pleine. L'accès au sommet ({{unité|7|à=24|m}}) ne peut se faire que par un dispositif extérieur d'escaliers ou d'échelles dont les indispensables points d'ancrage sur la maçonnerie du monument n'ont jamais été
=== Temples ===
[[Fichier:Pile gallo-romaine de la Montjoie (ou bien temple?) , comune de Roquebrune (Gers).jpg|vignette|Pile gallo-romaine de la Montjoie.]]
Enfin, l'hypothèse couramment répandue qu'il puisse s'agir de temples dédiés à divers dieux, et notemment [[Mercure (mythologie)|Mercure]], patron des voyageurs, est renforcée par la position des piles près des voies. De nombreuses statues (entières ou fragmentées) de divinités et des objets de culte sont retrouvés aux abords des piles, surtout dans les enclos funéraires associés, mais leur nature est parfois mal interprétée : à Labarthe-Rivière, une aile en pierre ne provient certainement pas du casque de Mercure mais plutôt de la statue d'un oiseau couronnant la pile<ref name="Gav">{{Article|auteur=Robert Gavelle|titre=Tombes et « antéfixes » gallo-romains|périodique=[[Revue de Comminges]]|tome=LXXIX|numéro=2|année=1966|pages=56-57}}.</ref>.
Cependant, le monument usuellement dénommé [[pile gallo-romaine de la Montjoie]] s'écarte beaucoup du schéma habituel des piles funéraires et il pourrait s'agir de la {{latin|[[cella (temple romain)|cella]]}} d'un temple de type {{latin|[[fanum]]}}{{Sfn|Lauzun|1898|p=27-28}}.
=== Monument funéraire ===
Il est communément admis
Cette fonction funéraire n’est pas forcément en contradiction avec les diverses hypothèse précédentes, car les tombeaux étaient souvent bâtis aux carrefours, selon les règles mêmes établies par les arpenteurs romains<ref>
== Chronologie, évolution et études archéologiques ==
[[Fichier:Area 1-Pos.6-Tomba delle ghirlande.jpg|vignette|gauche|Tombeau aux guirlandes (Pompéi).]]
L'origine des piles funéraires de Gaule pourrait se trouver dans des monuments funéraires massifs du type de ceux retrouvés à [[Pompéi]], comme le tombeau aux guirlandes daté du {{-s-|I}}. Leur principe et leur architecture (plusieurs étages, niche à statue, noyau en blocage recouvert d'un parement) auraient été diffusés dans d'autres [[province romaine|provinces romaines]], dont celles de Gaule et de [[Germanie (province romaine)|Germanie]], moyennant une adaptation aux matériaux, exigences et savoir-faire des architectes locaux{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=218|gr=C}}.
Lorsque les fouilles ont permis de l'établir, notamment par la découverte de mobilier archéologique associé aux piles dans les enclos funéraires auxquels elles sont rattachées, il ressort que ces monuments sont construits à partir de la seconde moitié du {{sap-|I}} et cessent d'être fréquentés vers la fin du {{s-|IV}}{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=197|gr=C}}.
Après la christianisation, faute de pouvoir être reconverties en chapelles ou en églises en raison de leur nature massive, les piles servent de carrière de pierre ; si le noyau est laissé intact, le parement, composé de pierres régulièrement taillées, est soigneusement récupéré mais l'époque précise de cette opération n'est pas connue<ref>{{Article|auteur=Thomas Creissen|titre=Les mausolées de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge central : entre gestion d’un héritage et genèse de nouveaux modèles|périodique=[[Gallia (revue)|Gallia]]|tome=LXXVI|numéro=1|année=2019|titre numéro=''Monumentum fecit'' : Monuments funéraires de Gaule romaine|page={{Alinéa|12 et 70}}|doi=10.4000/gallia.4560}}.</ref>. Certaines ont dû plus tardivement laisser la place à une voie de chemin de fer, une route ou d'autres aménagements, comme la pile de [[Vielle-Adour]] ([[Hautes-Pyrénées]]){{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=68|gr=C}}.
S'en suit une logue période où les piles, dépouillées de leur parement et de tout ornement, réduites à des blocs de maçonnerie, ne sont plus reconnaissables et leur fonction initiale disparaît de la mémoire collective. En outre, elles ne sont étudiées que tardivement et partiellement, ce qui multiplie et renforce les légendes au sujet de leur destination{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=9|gr=C}}. Après des fouilles très ponctuelles et souvent réalisées selon la méthodologie d'usage au {{s-|XIX}}, il faut attendre les années 1960 pour qu'un relevé généralisé des piles du sud-ouest soit réalisé. Quelques sites bénéficient français en outre de fouilles programmées ou de sauvetage<ref>{{Article|auteur1=Pierre Sillières|auteur2=Georges Soukiassian|titre=Les piles funéraires gallo-romaines du sud-ouest de la France : état des recherches|titre numéro=Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, Actes du Colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992)|année=1993|page= 300|périodique=Supplément à la [[Revue archéologique du Centre de la France]]|numéro=6|url=https://www.persee.fr/doc/sracf_1159-7151_1993_act_6_1_942}}.</ref>. C'est ainsi qu'en 2005 des fouilles réalisées à la pile de Cinq-Mars mettent au jour un enclos et les vestiges d'un bâtiment confirmant la vocation funéraire de la pile<ref>{{article|auteur1=Emmanuel Marot|titre=La pile gallo-romaine de Cinq-Mars-la-Pile (Indre-et-Loire) : réexamen du dossier à la lumière des récentes découvertes |périodique=[[Revue archéologique du Centre de la France]] |tome=47 |année=2008 |url=http://racf.revues.org/index1174.html}}.</ref>.
En 2024, quatorze de ces piles sont protégées comme [[monument historique (France)|monuments historiques français]], dix par une mesure de classement, quatre par une mesure d'inscription.
== Répartition géographique en France ==
[[Fichier:Gaule - localisation piles.svg|vignette|redresse=1.3|Nombre de piles par département français{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=11|gr=C}}.]]
Les piles se retrouvent dans une grande partie de la Gaule, avec une nette prédominance pour le Sud-Ouest de la France.
=== Région Centre-Val de Loire ===
[[Fichier:Cinq-Mars-la-Pile, la Tour tombeau 3.jpg|vignette|gauche|Pile de Cinq-Mars.]]
Les deux monuments funéraires d'Indre-et-Loire se distinguent du schéma habituel des piles par
Des fouilles entreprises en 2018 à [[La Chapelle-Vendômoise]] mettent au jour une structure composé d'une enceinte de {{unité|7.2|m}} de côté accompagnée d'un massif de maçonnerie d'environ {{unité|2|m}} de côté. Sa fonction funéraire est attestée mais pas sa nature exacte ; il pourrait cependant s'agir d'une pile de petite dimension associée à un enclos et proche d'une {{latin|villa}}<ref>{{Article|auteur1=Fabrice Couvin|auteur2=Marielle Delémont|auteur3=Alexandre Fontaine|auteur4=Philippe Gardère|titre=Note sur la découverte d’un petit monument funéraire à proximité d’une villa, à La Chapelle-Vendômoise (Loir-et-Cher)|périodique=[[Revue archéologique du Centre de la France]]|tome=LVII|année=2018|url= http://journals.openedition.org/racf/2969}}.</ref>.
{{clr}}
=== Région Nouvelle-Aquitaine ===
[[Fichier:Tour Pirelonge 2.JPG|vignette|Tour de Pirelonge.]]
Trois piles sont recensées en [[Charente-Maritime]], dont deux encore en élévation, la [[tour de Pirelonge]] et la [[pyramide d'Authon-Ébéon]]. Il semble que toutes trois étaient parementées en grand appareil, et deux au moins sont associées à un enclos funéraire{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=202|gr=C}}.
Dans le [[Lot-et-Garonne]], [[La Tourasse (Aiguillon)|la Tourasse d'Aiguillon]] se distingue par son plan circulaire<ref name="FP">{{Article|auteur=Frédéric Prodéo|titre=Aiguillon – 47 rue Claude-Debussy » (notice archéologique)|périodique=ADLFI. Archéologie de la France - Informations|date=30 août 2021|url=http://journals.openedition.org/adlfi/102428}}.</ref>. La [[Pile gallo-romaine de Saint-Pierre-de-Buzet|tour de Peyrelongue]] conserve son parement en petit appareil et sa niche voûtée en [[cul-de-four]]<ref>{{Mérimée|IA47001092}}.</ref>.
La pile de [[Lescar]], dans les [[Pyrénées-Atlantiques]], détruite en 1847, était associée à un enclos funéraire et dépendait certainement d'une {{latin|villa}} proche{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=66|gr=C}}.
C'est à [[Vielle-Adour]] que se trouvait la seule pile connue des [[Hautes-Pyrénées]]. Démolie au milieu du {{s-|XIX}} lors de la construction d'une ligne de chemin de fer, elle mesurait alors trois mètres de côté pour une hauteur de {{unité|6|m}} environ{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=68|gr=C}}.
=== Région Occitanie ===
[[Fichier:Moulis - Pile de Luzenac - 20150820 (1).jpg|vignette|gauche|Pile de Luzenac.]]
La [[pile romaine de Luzenac]], seul monument de ce type connu en [[Ariège (département)|Ariège]], conserve des vestiges des enduits colorés dont son parement était revêtu{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=190|gr=C}}.
[[Fichier:Labarthe-Rivière pile romaine.jpg|vignette|Pile romaine de Labarthe-Rivière.]]
Les monuments funéraires gallo-romains recensés dans l'[[Aude (département)|Aude]], [[tour de Mézolieux]] et [[monument funéraire gallo-romain de Villelongue-d'Aude]], ainsi qu'un troisième disparu à [[Roubia]], présentent la particularité, non rencontrée ailleurs, de posséder une loge ou chambre funéraire au-dessous de leur niche et destinée à abriter des sépultures, probablement sous la forme d'urnes{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=202|gr=C}}.
Dans la [[Haute-Garonne]], la voie reliant [[Toulouse]] à [[Dax]] était jalonnée d'au moins cinq piles, dont trois sont encore visibles ; deux autres se trouvaient plus à l'écart, toujours à proximité d'une voie de passage{{Sfn|Clauss-Balty|2016|p=197|gr=C}}.
Le [[Gers (département)|département du Gers]] est le plus riche en piles funéraires : douze sont recensées dont huit encore debout<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jacques Lapart|auteur2=Catherine Petit|titre= Le Gers|éditeur= Académie des inscriptions et belles-lettres |collection= [[Carte archéologique de la Gaule]] |numéro dans la collection= 32 |lieu= Paris |année= 1993 |pages totales= 354 |isbn= 2-8775-4025-1|passage=45}}.</ref>, dans des états de conservation très variables et toutes semblent avoir possédé une niche. La fonction de [[Pile gallo-romaine de la Montjoie|pile de la Montjoie]], à [[Roquebrune (Gers)|Roquebrune]] n'est pas connue avec précision, il pourrait s'agir de la {{latin|[[cella (temple romain)|cella]]}} d'un {{latin|[[fanum]]}}{{Sfn|Lauzun|1898|p=27-28}}.
=== Région Provence-Alpes-Côte d'Azur ===
[[Fichier:Tour de la Chèvre d'Or, Biot.jpg|vignette|redresse=0.7|gauche|Tour de la Chèvre d'Or.]]
La [[Tour de la Chèvre d'Or]], à [[Biot (Alpes-Maritimes)|Biot]], la seule connue dans la région, est très éloignée de la zone géographique où les piles sont les plus fréquentes ; sa fonction de monument funéraire ne fait toutefois pas de doute<ref name="FW">{{Article|auteur1=Michel Fuchs|auteur2=François Wiblé|titre=Monuments funéraires dans les Alpes romaines|périodique=Bulletin d'études préhistoriques et archéologiques alpines|tome=XXIV|année=2013|pages=277}}.</ref>.
{{Clr}}
== Monuments funéraires de type proche à l'étranger ==
[[Fichier:Pilone romano appena restaurato.jpg|vignette|redresse=0.8|Pilier d'Albenga reconstruit.]]
Des monuments funéraires dont la fonction et le principe peuvent être comparés à celui des « piles » françaises se rencontrent aussi dans d'autres parties de l'Empire romain.
[[Fichier:Nécropole Haouch Taâcha by H. Saladin.jpg|vignette|gauche|Nécropole d'Haouch Taâcha.]]
Les « piliers [[trévires]] » comme celui d'[[mausolée d'Igel|Igel]], même si leur décoration est différente, sont également des monuments pleins, dédiés à la mémoire d'un défunt. Ils ne comportent pas de chambre funéraire mais sont fréquemment associés à un enclos et proches d'une {{latin|villa}}<ref>{{Chapitre|auteur=Gabrielle Kremer|titre=Monuments funéraires de la cité des Trévires occidentale : réflexions sur les commanditaires|auteur ouvrage= Jean-Noël Castorio et Yvan Maligorne|titre ouvrage=Mausolées et grands domaines ruraux à l’époque romaine dans le nord-est de la Gaule|année=2016|éditeur=Ausonius éditions|pages totales=190|usbn=978-2-3561-3167-6|passage=87|url=https://hal.science/hal-01852588/file/SA_90_06.pdf|format=pdf}}.</ref>.
En Italie, à [[Albenga]] ou à [[Pompéi]] par exemple, des piles sont très proches des exemplaires de Gaule, avec toutefois un parement généralement en {{latin|[[opus incertum]]}} rehaussé de briques{{sfn|Clauss-Balty|2016|p=203-206|gr=C}}. La [[Tour des Scipion]] à [[Tarragone]], procède du même principe mais le parement est en grand appareil<ref>{{Article|langue=es|prénom1=Ferran |nom1=Gris Jeremias|prénom2=Joaquìn Ruiz |nom2=de Arbulo Bay|titre=Torre de los Escipiones: de la interpretación a la divulgación del patrimonio|périodique=Virtual Archeology Review|date=mai 2015|volume=VI|numéro=12|page=39|url=https://www.academia.edu/17642396/Torre_de_los_Escipiones_de_la_interpretaci%C3%B3n_a_la_divulgaci%C3%B3n_del_patrimonio|issn=1989-9947}}.</ref>.
En [[Tunisie]], un groupe homogène est construit dans la région des basses steppes ([[Kasserine]], nécropole d'Haouch Taâcha) et, même si aucune fouille approfondie ne semble avoir eu lieu, la morphologie et la fonction de ces piles datables des {{sp-|II|ou|III|s}} sont très comparables aux édifices français{{sfn|Clauss-Balty|2016|p=206-209|gr=C}}. Le même type de monument funéraire se retrouve aussi en [[Libye]] ([[Ghirza]]){{Sfn|Audin|1977|p=359}}.
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=N}}
=== Références ===
* ''Les piles funéraires gallo-romaines du Sud-Ouest de la France'', Presses universitaires de Pau et des Pays de l'Adour, 2016 :
{{Références|groupe=C}}
* Autres références :
{{Références}}
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=== Bibliographie ===
{{légende plume}}
* {{Article|auteur=Pierre Audin|titre=La pile de Cinq-Mars et les piles gallo-romaines|périodique=[[Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest]]|année=1977|tome=LXXXIV|numéro=2|page=351-367|doi=10.3406/abpo.1977.2883|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur=Pascale Clauss-Balty|directeur=oui|titre=Les piles funéraires gallo-romaines du Sud-Ouest de la France|lieu=Pau|éditeur=Presses Universitaires de Pau et des Pays de l'Adour|collection=Archaia III|année=2016|pages totales=231|isbn=978-2-3531-1063-6|plume=oui}}
* {{Article|auteur=[[Camille Jullian]]|titre=La question des piles et les fouilles de Chagnon (Saintonge)|périodique=Mémoires de la [[Société des antiquaires de France|société nationale des antiquaires de France]]|année=1896|tome=VII, sér. 6|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408247n/f49|pages=39-62|plume=oui}}
* {{Article|auteur=[[Philippe Lauzun]]|titre=Inventaire général des piles gallo-romaines du sud-ouest de la France et plus particulièrement du département du Gers|périodique=Bulletin Monumental|lieu=Caen|éditeur=Henri Delesques imprimeur-éditeur|année=1898|tome=LXIII|pages=5-68|doi=10.3406/bulmo.1898.11144|plume=oui}}
=== Articles connexes ===
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{{Palette|Monuments funéraires romains|Architecture romaine}}
{{Portail|Rome antique|architecture et urbanisme}}
[[Catégorie:Pile (monument)|*]]
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