Syndicalisme criminel

doctrine faisant l'apologie du crime ou autres moyens illégaux afin de parvenir à la réforme sociale

Le syndicalisme criminel (criminal syndicalism) est, dans le droit de plusieurs juridictions des États-Unis, la doctrine faisant l'apologie du crime ou autres moyens illégaux afin de parvenir à la réforme sociale.

William Simon U'Ren et ses clients
Me William Simon U'Ren défendant en 1935 des communistes de l'Oregon contre des accusations de syndicalisme criminel.

Description modifier

Le syndicalisme criminel décrit la doctrine selon laquelle la réforme sociale, économique et politique doit être atteinte par la violence ou d'autres moyens illégaux[1],[2],[3],[Note 1],[Note 2].

Par extension, et par analogie aux lois sur l'anarchie criminelle, le terme de syndicalisme criminel est aussi employé pour décrire les actes inspirés par cette doctrine, l'apologie de cette doctrine ainsi que d’organisations faisant l'apologie de cette doctrine.

Histoire modifier

Prémices modifier

Durant le XIXe siècle, les relations sociales aux États-Unis étaient marquées par une grande violence; le syndicat Industrial Workers of the World (I.W.W.), fondée en 1905, prônait l'action directe tels que la grève sauvage ou le boycott dans les luttes sociales[1].

En 1917, la I.W.W. lança des appels d'ordre antimilitaristes et pacifistes ; de plus, des accusations de sabotage furent lancées contre cette organisation[1].

Naissance des lois sur le syndicalisme criminel modifier

En 1917, l'Idaho fut le premier état à promulguer des lois contre le syndicalisme criminel, en réaction à une grève des secteurs miniers et forestiers, fortement pénétrés par l'I.W.W.; les poursuites entreprises en application de cette loi détruisirent cette organisation dans cet État[2]. La même année, le Minnesota promulgua une loi semblable[5].

En 1919, la Californie, confrontée à des grèves dans son puissant secteur agricole, promulgua une loi portant répression du syndicalisme criminel[5].

De 1917 à 1920, vingt États fédérés ainsi que deux territoires adoptèrent, au total, des lois semblables[Droit 2].

Application modifier

Huit mois après l'adoption en de lois sur le syndicalisme criminel par le Montana, 134 personnes furent arrêtées et, parmi elles, 52 furent condamnées; dans l'Idaho, berceau de ces lois, ce furent 200 arrestations et 31 condamnations qui eurent lieu durant la période entre 1917 et 1918[6].

La fin de la Première Peur Rouge amena une baisse de l'usage de ces lois[7].

En 1927, la Cour suprême des États-Unis valida, dans l’arrêt Whitney v. California, les lois sur le syndicalisme criminel, arguant que l’État a le droit de se défendre contre tout discours incitant à la violence afin de le détruire[Droit 3].

En 1935, Dirk De Jonge, militant communiste, fut condamné par l'Oregon pour avoir évoqué, au cours d'un meeting communiste, les conditions de détentions dans la prison du comté de Multnomah ainsi qu'une grève maritime à Portland; la Cour Suprême cassa la condamnation[Droit 4],[4],[8][9].

Évolution modifier

En 1969, la Cour Suprême adopta, dans l’arrêt Brandenburg, des standards plus stricts par rapport au Premier amendement et cassa, par conséquent, la condamnation de Clarence Brandenburg pour syndicalisme criminel[Droit 2].

L'application de cette loi fut rendue plus difficile par la suite.

En 1997, le Montana accusa plusieurs adhérents du mouvement des miliciens, dont Joe Holland et Calvin Greenup, de syndicalisme criminel après qu'ils eurent menacé de pendre plusieurs personnages officiels[1],[10],[11]; en 1999, une proposition de loi passa, qui remplaça l'infraction de syndicalisme par celle d'"incitation criminelle" (criminal incitement) afin de respecter la jurisprudence fédérale sur le premier amendement[Droit 5].

En 2007, Matthew Hunter Kramer fut arrêté pour ce motif après avoir menacé un élu républicain avec un fusil[12].

En 2009, à l'initiative de Ed Blackmon, arrêté pour violation de ces lois 45 ans plus tôt, le Mississippi a abrogé ses lois sur le syndicalisme criminel, adoptées en 1964 afin de lutter contre le mouvement des droits civiques[13],[14],[15],[16].

Cas notables modifier

Voici quelques personnes ayant été poursuivies ou condamnées pour syndicalisme criminel:

Photo d'Anita Whitney prise dans les années 1910.

Actuellement modifier

En 2024, les juridictions du Colorado[Droit 6], du Nevada[Droit 1], de l'Oklahoma[Droit 7],[Droit 8],[Droit 9],[Droit 10],[Note 3] de l'Utah[Droit 12],[Droit 13],[Droit 14],[Droit 15] ainsi que de la Virginie-Occidentale[Droit 16],[Droit 17] ont encore des lois pénalisant le syndicalisme criminel.

De plus, les juridictions suivantes font encore références à la notion de syndicalisme criminel dans leur législation :

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. « Certains États ont adopté des lois dirigées contre le « syndicalisme criminel », ou, suivant la définition de la loi d'Oregon, « doctrine qui incite au crime, à la violence, au sabotage comme moyens d'accomplir ou de réaliser des réformes économiques ou politiques ou la révolution[4]. »

    — Roger Pinto, La Cour suprême et le New Deal

  2. « Criminal syndicalism is the doctrine which advocates or teaches crime, sabotage, violence or unlawful methods of terrorism as a means of accomplishing industrial or political reform[Droit 1]. »

    — auteur, NRS 203.117

    « Le syndicalisme criminel est la doctrine qui fait l'apologie du crime, du sabotage, de la violence ou des méthodes illégales de terrorisme comme moyens d'accomplir la réforme industrielle ou politique. »

    — NRS 203.117

  3. L'Oklahoma interdit, par une disposition spécifique, la promotion du syndicalisme criminel dans les établissements scolaires[Droit 11].

Références modifier

  1. a b c et d (en) Lawrence F. Reger, « Montana's Criminal Syndicalism Statute : An Affront to the First Amendment », Montana Law Review, vol. 58, no 1,‎ , p. 288-310 (lire en ligne, consulté le )
  2. a et b (en) Adam M. Sowards, Idaho's Place : A New History of the Gem State, University of Washington Press, , 320 p. (ISBN 978-0-295-80507-8, lire en ligne), p. 83
  3. Marc Ancel (dir.), Louis B. Schwartz (dir.) et Herbert L. Packer, Le système pénal des États-Unis d’Amérique, Paris, Éditions de l'Épargne, coll. « Les grands systèmes de droit pénal contemporains » (no 3), , 273 p., chap. 5 (« Les infractions contre l’État »), p. 127-128
  4. a et b Roger Pinto, La Cour suprême et le New Deal, Librairie du Recueil Sirey, , 266 p. (lire en ligne), p. 232
  5. a et b (en) Stephen Schwartz, Brotherhood of the Sea : A History of the Sailors' Union of the Pacific, 1885-1985, Transaction Publishers, , 157 p. (ISBN 978-0-88738-121-8, lire en ligne), p. 51
  6. Goldstein, 2001, p. 128
  7. Goldstein, 2001, p. 202
  8. Goldstein, 2001, p. 212
  9. (en) « Criminal Syndicalism Law of Oregon », sur oregonencyclopedia.org (consulté le )
  10. (en) Anti-Defamation League, « Beyond the Bombing : Montana », sur The Nizkor Project, (consulté le )
  11. (en) Associated Press, « Montana Militia Chief Says He Has New Attitude Terms Of The Surrender Had Been Negotiated Over Several Weeks », The Spokesman-Review,‎ , p. 53 (lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Ken Ritter, « Man Arrested in Threat on GOP Official », Fox News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. (en-US) Doug Kramer, « Segregationist laws taken off Mississippi books », Cleveland,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. (en-US) « COFO, Miss. Draw Battle Lines », The Harvard Crimson,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. (en) Council of Federated Organizations, Mississippi Legislature - 1964, Jackson, Mississippi, , 36 p. (présentation en ligne, lire en ligne), p. 19-20
  16. a et b « UNE CENTAINE DE NOIRS LUTTANT POUR L'INTÉGRATION AURAIENT ÉTÉ ARRÊTÉS », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. (en) McComb Incident Summary : June-September 1964, , 2 p. (lire en ligne)
  18. « Three Arrested For Miss. Bombings; Others Suspected Says Police Chief », sur thecrimson.com (consulté le )
  19. (en-US) Amy Schmidt, « McComb Civil Rights Movement », sur Mississippi Encyclopedia (consulté le )
  20. (en-US) « TENSION PERSISTS IN M'COMB, MISS.; But Some in Town Express Hope for Improvement », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  21. (en) Moriel Rothman-Zecher, « The Upside of Brandenburg v. Ohio », sur The Paris Review, (consulté le )
  22. « Le «test de Brandenburg» pour incitation à la violence », sur freespeechdebate.com (consulté le )

Droit modifier

  1. a et b (en) États-Unis, Nevada. « [Revised Statutes] », art. 203.117. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  2. a b et c (en) Cour Suprême des États-Unis, Brandenburg v. Ohio, (lire en ligne)
  3. a et b (en) Cour Suprême des États-Unis, Whitney v. California, (lire en ligne)
  4. (en) Cour Suprême des États-Unis, De Jonge v. Oregon, (lire en ligne)
  5. (en) États-Unis, Montana. « Senate Bill no 236 ». (version en vigueur : 1999) [lire en ligne (page consultée le 31 aout 2015)]
  6. (en) États-Unis, Colorado. « Colorado Revised Statutes », art. 18-11-203. (version en vigueur : 2014) [lire en ligne (page consultée le 30 juillet 2015)]
  7. (en) États-Unis, Oklahoma. « Oklahoma Statutes », art. 21-1261. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  8. (en) États-Unis, Oklahoma. « Oklahoma Statutes », art. 21-1262. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  9. (en) États-Unis, Oklahoma. « Oklahoma Statutes », art. 21-1263. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  10. (en) États-Unis, Oklahoma. « Oklahoma Statutes », art. 21-1264. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  11. (en) États-Unis, Oklahoma. « Oklahoma Statutes », art. 21-1327. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  12. (en) États-Unis, Utah. « Utah Code », art. 76-8-901. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  13. (en) États-Unis, Utah. « Utah Code », art. 76-8-902. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  14. (en) États-Unis, Utah. « Utah Code », art. 76-8-903. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  15. (en) États-Unis, Utah. « Utah Code », art. 76-8-904. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  16. (en) États-Unis, Virginie-Occidentale. « West Virginia Code », art. 61-1-5. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 11 septembre 2015)]
  17. (en) États-Unis, Virginie-Occidentale. « West Virginia Code », art. 61-1-7. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 11 septembre 2015)]
  18. (en) États-Unis, Californie. « California Code », art. 44932(a)(3). (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]
  19. (en) États-Unis, Minnesota. « Minnesota Statutes », art. 185.06. (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 30 aout 2015)]

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) National Civil Liberties Bureau, War-Time Prosecutions and Mob Violence : Involving the Rights of Free Speech, Free Press and Peaceful Assemblage, The Minerva Group, Inc., (1re éd. 1917-1919), 60 p. (ISBN 978-1-4101-0445-8, lire en ligne)
  • (en) Robert Justin Goldstein, Political Repression in Modern America from 1870 to 1976, University of Illinois Press, , 682 p. (ISBN 978-0-252-06964-2, lire en ligne)
  • (en) « State Sedition Laws : Their Scope and Misapplication », Indiana Law Journal, vol. 31, no 2,‎ , p. 270-285, article no 6 (résumé, lire en ligne, consulté le )