Tempérament de Bach

Le tempérament de Bach est censé être la manière dont le compositeur Jean-Sébastien Bach lui-même devait accorder son clavicorde, pour l’interprétation entre autres de son chef-d'œuvre Le Clavier bien tempéré (1722 / 1740-1742).

Page titre du Clavier bien tempéré

Il n'existe aucune certitude sur la façon dont ce tempérament était conçu, car Bach n'a laissé aucune instruction écrite sur la façon dont il accordait. Il était reconnu pour sa capacité à accorder son clavier avec rapidité et facilité, mais on ignore comment [1]. Il faut garder présent à l'esprit que l'éducation musicale de Bach était basée sur le tempérament mésotonique, méthode d'accord de clavier dominante durant la période baroque (de 1600 à 1750 environ).

Interprétations modifier

La source probablement la plus ancienne est la publication en 1753 de Versuch über die wahre Art das Clavier zu spielen de Carl Philipp Emanuel Bach. Cet ouvrage décrit comment accorder les quintes légèrement différentes de la pureté, accompagnées d'un contrôle auditif des tierces majeures et mineures, et des accords complets, de sorte que l'on puisse jouer proprement dans les vingt-quatre tonalités. Il ressort clairement de la description qu'il s'agit d'un mode d'accord purement auditif, mais cette prescription n'est pas suffisamment concluante pour aboutir à une reconstitution univoque du tempérament prescrit.

Johann Philipp Kirnberger a publié en 1771 L'Art de l'écriture pure en musique. En tant qu'élève de Bach, il prétend suivre les enseignements de Bach. Cependant, cet ouvrage ne fournit pas non plus une certitude complète sur la manière dont Bach aurait accordé un clavier.

Friedrich Wilhelm Marpurg a publié en 1776 Versuch über die musikalische Temperatur. Il suggère que Bach aurait appliqué le tempérament égal (TE). Cette supposition a été largement reprise dans nombre de publications, mais la grande majorité des publications scientifiques dans ce domaine ne soutient plus cette hypothèse depuis Kelletat (1960).

Johann Nikolaus Forkel a publié en 1802 Leben, Kunst und Kunstwerke de Über Johann Sebastian Bach. Forkel non plus, qui était de bons amis avec les fils de Bach et donc une importante source d'informations, n'indique pas exactement comment Bach accordait le clavier. Forkel savait par ses échanges de courrier avec Kirnberger que ce dernier n'était pas du tout d'accord avec son ancien élève Marpurg[2].

Robert Holford Macdowall Bosanquet (1876) doute de que Bach aurait pu appliquer le tempérament égal [3].

Herbert Kelletat  (1960) fut probablement le premier à suggérer que le Kirnberger III aurait pu être le tempérament de Bach, ou tout autre tempérament similaire.

Sparschuh A., mathématicien, est le premier à proposer une hypothèse relative à la méthode d’accord de Bach en 1998, basée sur l’interprétation de la rangée de boucles qui décore la page de titre du Clavier bien tempéré. Son hypothèse conduisant à un diapason alternatif, est donc incertaine, et de fait, il proposa par la suite quelques autres alternatives.

Le claveciniste Bradley Lehman publia une hypothèse alternative en 2005, également basée sur l’interprétation de la rangée de boucles décoratives qui surplombe le titre Clavier bien tempéré. Ainsi, il a élaboré une autre procédure envisageable[4]. Cette idée a également incité d'autres auteurs, tels que John O'Donnell et John Francis, à adopter leur propre interprétation des «boucles», aboutissant à des tempéraments alternatifs.

Le facteur de clavecin Emile Jobin a publié en 2005 une nouvelle vision dans laquelle deux tierces majeures sont pures et trois quintes très légèrement agrandies de manière peu conventionnelle (celles sur La bémol, Mi bémol et Si bémol). Cette configuration des quintes conduit à une très bonne correspondance des caractéristiques des quintes avec les caractéristiques des boucles correspondantes sur le graffiti de Bach. La définition précise de l'accord de Bach reste encore floue.

La seule certitude concernant le Tempérament de Bach est devenue qu'il doit être « bien tempéré », et en tout cas, inégal.


Bibliographie modifier

  • Bach C. Ph. E. (1753) : Versuch über die wahre Art das Clavier zu spielen. Enleitung. Pag. 10, § 14.
  • Kirnberger J. (1771) : “Die Kunst des reinen Satzes in der Musik” (L’Art de l’écriture pure en musique) (ISBN 3-48701-875-6). Cet ouvrage indique quelles propriétés selon Bach étaient souhaitables pour un bon tempérament, mais pas comment celles-ci sont concrètement mises en œuvre sur la base d'instructions d'accord.
  • Marpurg F. (1776) : “Versuch über die musikalische Temperatur“ (ISBN 0-36408-671-8). Proposition : le tempérament égal.
  • Forkel J. N. (1802) : Über Johann Sebastian Bachs Leben, Kunst und Kunstwerke. Hoofdstuk III. Page 17.
  • Kelletat H. (1966) : Zur musikalischen Temperatur, I. Johann Sebastian Bach und seine Zeit (1960, 1981, (ISBN 3-87537-156-9). Proposition : Kirnberger III, ou n'importe quel tempérament semblable, ou une proposition qui lui est propre (1966).
  • Kellner H. (1977) : « Eine Rekonstruktion der wohltemperierten Stimmung von Johann Sebastian Bach » (Das Musikinstrument 26/1, p. 33–35).
  • Barnes J. (1979–4)
  • Billeter B. (1979) : Anweisung zum Stimmen von Tasteninstrumenten in verschiedenen Temperaturen (ISBN 3-87537-160-7).
  • Lindley M. (1994) : "A Quest for Bach's Ideal Style of Organ Temperament" (M. Lustig, ed., Stimmungen im 17. und 18. Jahrhundert, Michaelstein, 1997).
  • Sparschuh A. (1998) : “Stimm– Arithmetic des wohltemperierten Klaviers von J. S. Bach” (Deutsche Mathematiker Vereinigung, Jahrestagung 1999, Mainz, S. 154–155).Il s'agit probablement de la première approche de reconstruction d'un Tempérament de Bach, basé sur une figure bouclée, dessinée par J. S. Bach, en haut d'une partition de « Das wohltemperirte Clavier », comme le montre la figure ci-jointe. Viennent ensuite toute une série de textes aux interprétations variées.
  • Jira M. (2000) : “Musikalische Temperaturen und Musikalischer Satz in der Klaviermusik von J. S. Bach” (2000, Hans Schneider – Tutzing, (ISBN 3-79521-004-6).
  • Zapf M. (2001) : klavecimbel-kenner, "Handing down the Tradition: The survival of Bach's Finger Technique in an Obscure Nineteeht-Century Clavier Tutor". (De Clavicoridio V, sept. 2001, p. 39-44). Il s'agit d'une proposition mise à jour basée sur Sparschuh
  • Francis J. C. (2004–6) : “The Keyboard Temperament of J. S. Bach”. Inspiré de Sparschuh (Eunomios).
  • Lehman B. (2005–2) : “Bach’s extraordinary temperament: our Rosetta Stone – 1 ; – 2” (Early Music, vol. 33, No 1, feb 2005, p.3-23 ; vol. 33, No 2, mai 2005 p. 211-231). Inspiré d'une interprétation des boucles de Bach, différente de l'interprétation de Sparschuh.
  • Allain-Dupré P. (2005) : “Justesses et Tempéraments” (academis.edu) variante de la proposition Lehman.
  • Francis J. C. (2005–2) : “Te Esoteric Keyboard Temperaments of J. S. Bach”. Nouvelle interprétation inspirée de Sparschuh (Eunomios).
  • Jencka D. (2005) : Brief aan Early Music (2005–8, p. 545), en réponse à Lehman
  • Jobin E. (2005–8) : "BACH et le Clavier bien Tempéré" ; (site internet de "Clavecin en France"). Inspiré d'une nouvelle interprétation des boucles de Bach, basée sur des calculs de cents
  • Maunder R. (2005–8) : Brief aan Early Music (2005–8, p. 545–546), en réponse à Lehman
  • Mobbs K., MacKenzie A. (2005–8) : Brief aan Early Music (2005–8, p. 546–547), en réponse à Lehman
  • Lucktenberg G. (2005–12) : kort artikel "Light Reading for the Winter", in Newsletter of Southeastern Historical Keyboard Society (SEHKS),
  • Francis J. C. (2005–7) : “Das Wohltemperirte Clavier, Pitch, Tuning and Temperament Design”, une révision de sa première proposition de 2004 (Eunomios)
  • O'Donnell J. (2006–11) : “Bach's temperament, Occam's razor, and the Neidhardt factor” ; (Early Music, 2006–11, p. 625-633)
  • Lindley M., Ortgies I. (2006-11) : “Bach style keyboard tuning” ; (Early Music, 2006-11, p. 613-623).
  • Lehman B. (2006–4) : “Bach’s Art of Temperament” ; (site internet de Microstick)
  • Spanyi M. (2006) : "Kirnberger's Temperament and its Use in Today's Musical Praxis" ; (Clavichord international – 11 (2007-5), 1, pages 15-22).
  • Interbartolo G., Venturino P. (2007-07) : Bach 1722, "Il temperamento de Dio" ; {ISBN A000068628).
  • Billeter B. (2008-3) : "Zur 'Wohltemperirten' Stimmung von Johann Sebastian Bach: Wie hat Bach seine Cembali gestimmt?" ; (Ars Organi Zeitschrift, 2008-3, p. 18-21).
  • Di Veroli C. (2008-11) : “Unequal Temperaments: Theory, History and Practice” (e-book).
  • Amiot E. (2008) : Discrete Fourier Transform and Bach’s Good Temperament
  • Broekaert J. (2021) : « Le Mésotonique tempéré de Bach » (Pianistik n° 111, déc. 2020, p. 4-19) ; nouvelle version traduite : (academia.edu, 2021–11) The Well Tempered Meantone. Inspiré de Jobin, avec des battements égaux sur les quintes et les tierces majeures.

Sources modifier

Notes et références modifier

  1. Forkel, 1802 : Ueber Johann Sebastian Bachs Leben, Kunst und Kunstwerke, p. 17
  2. Kelletat 1981, Zur musikalischen Temperatur, I. Johann Sebastian Bach und seine Zeit, p. 42, note 18 en bas de page
  3. Bosanquet, An elementary treatise on musical intervals and temperament, p. 28–30
  4. Lehman B. (2005–2) : Bach’s extraordinary temperament: our Rosetta Stone