Test du dessin de la famille

Le test du dessin de la famille, comme le test du dessin du bonhomme, est un test projectif et d'évaluation clinique, principalement utilisé dans le domaine de la psychologie et pédopsychiatrie pour évaluer la manière dont l'enfant se représente dans sa famille, comment il perçoit les relations avec la fratrie, les parents et éventuellement la parenté élargie, des proches aidants ou des parents de substitution. Il permet, notamment chez un enfant non verbal, ou ne parlant pas la langue du thérapeute d'évaluer d'une part la maturité émotionnelle et psychologique de l'enfant et d'autre part le style de communication du système familial, ainsi que d'identifier d'éventuels conflits au sein de ce système, avec un ou plusieurs autres membres de la famille.

Il consiste à demander à une personne (enfant de 5 à 16 ans le plus souvent) de dessiner une famille. Ce test est parfois aussi utilisé avec des adultes.

  • Approche normative (centrée sur les éléments du dessin : type de trait, taille, placement et détails, qui peuvent révéler des informations sur la perception de soi par l'enfant, et sur ses relations avec autrui et son environnement).
  • Approche qualitative (centrée sur le symbolisme des représentations graphiques).

Principe

modifier

Le principe sous-jacent au test est que : « L'enfant porteur d'un handicap est susceptible d'avoir une représentation déficiente de son propre corps (schéma corporel disproportionné ou déformé) et une image du corps altérée, s'il baigne dans un milieu non accueillant, voire rejetant »[1].

Il peut être préalable au test du dessin des contextes alimentaires[2],[3],[4].

Ce test peut aussi être utilisé avec des adultes (par exemple pour mieux[5] comprendre les relations entre des proches aidant d'une fratrie et une personne âgée).

Histoire

modifier

Ce test a été créé, enseigné et pratiqué par M. Porot (1952)[6] et L. Corman (1970)[7]. IL peut être utilisé dans le dialogue thérapeute-enfant, mais aussi en thérapie familiale.

Des pédopsychiatres comme Sofia Chraibi, Sonia Harrati et David Vavassori (en 2012) en proposent une autre utilisation, aux visées plus « psychanalytique » : ils se servent de cette création (le dessin, demandé à l'enfant durant l'entretien préliminaire à une thérapie lors de la première demande de consultation avec l'enfant et ses parents) comme d'un support pour le transfert ; c'est alors la parole émise autour et en dehors du dessin produit qui les intéressent, le dessin étant « propice au déploiement de phénomènes inconscients (projection, identification, déplacement, lapsus…) »[8],[9]. Selon eux on peut appliquer à ce test « les propos de Nina Rausch de Traubenberg sur le test de Rorschach au test du dessin de la famille : « Proposer [le dessin de la famille] à un sujet n'est pas lui faire dire ce qu'il ne veut pas dire, mais plutôt lui permettre d'exprimer ce qu'il ne peut pas dire en termes clairs » (Rausch de Traubenberg, 1986, p. 660), et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit de jeunes enfants »[8]. Le thérapeute peut ainsi plus facilement comprendre si le symptôme qui a conduit les parents à consulter est propre à l'enfant (conflit psychique personnel) ; ou si le thérapeute a affaire à un « enfant-symptôme » d'un problème de dynamique familiale, qui invite à une approche systémique du mode de fonctionnement parental/familial, en recherchant d'éventuelles pathologie du lien, source de troubles de l'attachement) ; ou encore s'il s'agit d'un symptôme déplacé par les parents sur l'enfant, « masquant en fait une demande parentale implicite, qu'il faudra reconnaître comme telle lors de l'entretien préliminaire »[8].

Christian Brassac et Marie-Claude Mietkiewicz ont, en 2008, proposé une version du test où la fratrie dessine conjointement une famille, tout en étant filmée, ce qui permet d'aussi analyser le processus interactionnel d'élaboration conjointe d'un dessin (co-dessiné par la fratrie ou la famille)[10].

Protocole

modifier

Une feuille de papier A4 et un crayon à papier, une gomme, des feutres… sont donnés à l'enfant qui est installé dans une position confortable pour dessiner, avec une consigne claire et simple (la consigne proposée par L. Corman est de dessiner « une famille, une famille que tu imagines, de ton invention »).

- Si l’enfant est très jeune ou présente un retard de développement, le thérapeute vérifie qu'il comprend le sens de l'expression « sa famille »).
- Le thérapeute explique aussi que ce dessin est pour lui, et qu'il gardera le dessin[8].

L'enfant est ainsi placé en position active et créatrice dans la relation.

Ce que révèle le test

modifier

C'est l'un des nombreux tests qui peut être utilisé dans l'examen psychologique, par exemple pour mieux comprendre l'origine de difficulté relationnelles, scolaires, etc.[11] ; le dessin offre un aperçu de ses sentiments, émotions et préoccupations de l'enfant au moment où il dessine. Le dessin est un moyen symbolique lui permettant d'exprimer des choses sur lesquelles il est difficile de mettre des mots[8].

L'interprétation du test se base sur les mécanismes associés à la projection. En s'appuyant sur une analyse quantitative et/ou qualitative, en rapport à une codification préétablie, le professionnel s'intéresse aux caractéristiques de la famille dessinée par l'enfant, et peut ensuite comparer ce dessin avec la réalité du contexte familial.

L'analyse s'appuie sur des « étalonnages » du test, basés sur le type formel de dessin généralement associé à tel ou tel âge ou au degré de maturité de l'enfant (voir à ce propos le test du dessin du bonhomme[12], où selon l'âge et l'évolution de l'enfant, on attend d'abord le Bonhomme Têtard (vers 3 ans), puis le Bonhomme conventionnel, avec des détails tels que les yeux, le nez et la bouche, puis les oreilles, les cheveux (vers l'âge de 4 - 5 ans), puis le Bonhomme réaliste à partir de 9 à 12 ans). La taille des personnages, leur positions respectives, leurs attitudes, la présence d'un sourire ou de larmes, font partie des nombreux éléments susceptible de donner des pistes que le thérapeute pourra exploiter avec l'enfant et, le cas échéant, avec les parents.

Les variations individuelles sont importantes, parfois aussi dues au contexte ethnique et socioculturel, au fait d'être gaucher (contrarié ou non) à un handicap ou à une instabilité psychomotrice[13]. Chaque enfant se développe à son rythme mais certains jalons développementaux sont attendus à des âges spécifiques. Ce sont eux, qui avec d'autres indices, guident les professionnels pour distinguer les dessins correspondant à un développement typique de ceux qui pourraient indiquer un retard ou une difficulté particulière. Parfois, l'enfant introduit spontanément aussi un dessin de la maison[8].

Le thérapeute peut inviter l'enfant à expliquer son dessin, à dire à qui il s'identifierait le plus volontiers. Si l'enfant dessine une personne décédée ou disparue, des cadavres, ou omet de dessiner l'un des parents ou membres de la fratrie, ce sont des indices de souffrance, de déni ou de refus conscient ou inconscient (suppression symbolique, refus du deuil) qui pourront être discutés avec le thérapeute.

Notes et références

modifier

Citations originales

modifier

Références

modifier
  1. V. Matar Touma, « Image du corps chez l’enfant sourd. Perception et vécu à travers le dessin et le TSEA », Pratiques Psychologiques, vol. 24, no 2,‎ , p. 213–225 (ISSN 1269-1763, DOI 10.1016/j.prps.2017.05.003, lire en ligne, consulté le ).
  2. Elise Ruscigno, Le Test du Dessin des Contextes Alimentaires selon une perspective cross-culturelle, (lire en ligne).
  3. Salvatore D’Amore, « Les contextes alimentaires vus, commentés et dessinés par les adolescents. Recherche sur les représentations et les pratiques socio-alimentaires, selon une démarche multi-méthodologique », Bulletin de psychologie, vol. Numéro 492, no 6,‎ , p. 527–544 (ISSN 0007-4403, DOI 10.3917/bupsy.492.0527, lire en ligne, consulté le ).
  4. A. Lepot et S. D'Amore (2020) Le test du dessin des contextes alimentaires-Version Famille (TDCA-F). Dessine comme tu manges : les adolescents à table, 1, 83-108.
  5. P. Chatel, E. Bouteyre et C. Hardwigsen, « La fratrie face à la dépendance d'un parent âgé : la place d’aidant des enfants à travers le dessin de la famille », NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie, vol. 18, no 103,‎ , p. 27–37 (ISSN 1627-4830, DOI 10.1016/j.npg.2017.07.006, lire en ligne, consulté le ).
  6. Nathalie Bigras, Familles et réussite éducative: Actes du 1e symposium québécois de recherche sur la famille, Presses de l'Université du Québec, , 177–196 p. (lire en ligne), « Le rôle de la famille dans le développement de l’enfant pendant la petite enfance ».
  7. Louis Corman, Le Test du dessin de famille (Symbolisation par un animal des tendances interdites), vol. 9, , 417–430 p. (ISSN 0008-4824, DOI 10.1177/070674376400900508, lire en ligne).
  8. a b c d e et f Sofia Chraibi, Sonia Harrati et David Vavassori, « Une utilisation originale du dessin de la famille dans l'entretien préliminaire enfant/parent: », Enfances & Psy, vol. n° 54, no 1,‎ , p. 127–136 (ISSN 1286-5559, DOI 10.3917/ep.054.0127, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Karen Machover, Personality projection in the drawing of the human figure : (a method of personality investigation), Springfield, Charles C. Thomas, , 181 p. (OCLC 1139117767, LCCN 49-7063, disponible sur Internet Archive).
  10. Christian Brassac et Marie-Claude Mietkiewicz, « La production conjointe d'un dessin de la famille : une histoire interactionnelle: », Bulletin de psychologie, vol. Numéro 495, no 3,‎ , p. 245–255 (ISSN 0007-4403, DOI 10.3917/bupsy.495.0245, lire en ligne, consulté le ).
  11. Huguette Caglar, « Étude à travers le test du dessin de la famille des troubles des apprentissages scolaires liés à des difficultés d'identification », Bulletin de psychologie, vol. 33, no 343,‎ , p. 165–171 (ISSN 0007-4403, DOI 10.3406/bupsy.1979.1132, lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) Jennifer L. Jolly, « Florence L. Goodenough: Portrait of a Psychologist », Roeper Review, vol. 32, no 2,‎ , p. 98-105 (DOI 10.1080/02783191003587884).
  13. Philippe Claudon, « Instabilité psychomotrice et image du corps chez l'enfant », dans Jêrome Boutinaud, Image du corps : figures psychopathologiques et ouvertures cliniques, Paris, In press, coll. « Ouvertures psy », (ISBN 978-2-84835-337-1, BNF 44517661, SUDOC 191897523).

Voir aussi

modifier

Bibliographie

modifier
  • Georges Cognet, Comprendre et interpréter les dessins d'enfants, Paris, Dunod, coll. « Enfances. Psychologie et pédagogie », , 216 p. (ISBN 978-2-10-055296-2, ISSN 1768-1499, BNF 42484809, SUDOC 154479403).
  • Pascale Ezan, Mathilde Gollety et Valérie Hemar-Nicolas, « Le dessin comme langage de l'enfant : contributions de la psychologie à l'enrichissement des méthodologies de recherche appliquées aux enfants consommateurs », Recherche et applications en marketing, vol. 30, no 2,‎ , p. 82-103 (ISSN 0767-3701, e-ISSN 2051-2821, DOI 10.1177/0767370114565766 Accès payant, JSTOR 26375510).
  • Colette Jourdan-Ionescu et Joan Lachance, Le dessin de la famille, Paris, Établissements d'applications psychotechniques, .

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier