Tourelle pour deux armes mixtes

artillerie de la ligne Maginot

La tourelle de 75 mm R modèle 1905 modifiée pour deux armes mixtes, ou plus simplement tourelle pour deux armes mixtes, est l'un des types de tourelle qui équipent les blocs d'infanterie de la ligne Maginot. Il s'agit d'un modèle de tourelle à éclipse, installé en saillie sur la dalle de béton de son bloc et armé avec deux armes mixtes (deux jumelages de mitrailleuses et deux canons de 25 mm AC). Son rôle était d'assurer la défense de son ouvrage et le flanquement avec les casemates voisines.

Tourelle pour deux armes mixtes.

Caractéristiques modifier

Schéma d'un bloc montrant le système de mise en batterie d'une tourelle.
Tourelle pour deux armes mixtes arrachée par une charge explosive (ouvrage de La Ferté, bloc 2).

La tourelle pour deux armes mixtes fait 2,90 mètres de diamètre à l'extérieur et 135 tonnes au total. Sa partie mobile est mise en batterie à l'aide d'un contrepoids à l'extrémité d'un balancier, le tout étant en équilibre d'abord manuellement, puis à partir de 1934 grâce à un moteur. Une fois en batterie, elle émerge de 1,03 mètre au-dessus de son avant-cuirasse[1].

Son blindage est de 285 mm d'acier pour le toit et de 185 mm pour la muraille (la partie entre la toiture et l'avant-cuirasse). Une fois la tourelle éclipsée, la toiture repose sur les voussoirs d'acier de l'avant-cuirasse scellées dans la dalle de béton du bloc.

Armes modifier

Elle est armée avec deux armes mixtes, chacune composée d'un jumelages de mitrailleuses et d'un canon antichar, ce qui fait un total de quatre mitrailleuses et de deux canons.

Les mitrailleuses sont des MAC 31 de calibre 7,5 mm, d’une portée pratique de 1 200 mètres[N 1],[2]. La dotation en munitions est théoriquement de 200 000 cartouches de 7,5 mm par jumelage, réparties entre les magasins de l'ouvrage et du bloc.

Les canons sont des canons antichars de 25 mm modèle 1934 raccourcis[N 2].

Servants modifier

Une tourelle pour deux armes mixtes nécessite une équipe de dix-huit hommes pour son service complet en situation de combat : un officier ou adjudant, trois sous-officiers et quatorze servants (l'équipe de combat est composée du quart de veille et du quart de piquet). En situation de veille, l'équipe est à demi-effectif (le quart de veille n'armant qu'une arme mixte)[N 3].

L'équipe de combat se répartit à raison de deux sous-officiers (un sergent chef de chambre de tir et un caporal chargeur) et quatre servants (deux pointeurs-tireurs et deux chargeurs) dans la chambre de tir, un officier (chef de tourelle) et quatre servants (pourvoyeurs des norias) à l'étage intermédiaire, un sous-officier et cinq servants (pourvoyeurs garnissant les boîtes-chargeurs) à l'étage inférieur. Les six hommes tout en bas peuvent être utilisés pour faire les manœuvres d'éclipse en cas de panne électrique (marche à bras). S'y rajoute un caporal au PC (poste de commandement) du bloc, posté au téléphone[3].

Équipements modifier

Le chef de tourelle dispose d'un périscope pour repérer les objectifs, le pointage se faisant par la lunette de tir se trouvant entre les deux armes mixtes. Les armes mixtes peuvent être pointées indépendamment. En cas d'assaut massif ou de nuit, le tir peut être réglé en automatique pour balayer en rotation à 20 centimètres au-dessus des réseaux barbelés, grâce à une came qui roule sur une circulaire.

Le refroidissement des tubes peut se faire par aspersion d'eau (20 litres d'eau sont prévus par jour, stockés dans des citernes situées à l'étage supérieur du bloc[N 4])[4].

La communication entre le PC de l'ouvrage et celui du bloc se fait par téléphone, celle entre le PC du bloc et le poste de pointage se fait par transmetteur d'ordres (système visuel copié sur celui de la marine), tandis que celle entre l'étage intermédiaire et la chambre de tir se fait par tuyau acoustique ou par transmetteur[N 5],[5].

Liste des tourelles modifier

Les tourelles pour deux armes mixtes sont des tourelles pour deux pièces de 75 mm R modèle 1905 modifiées. Lors de l'extension de la ligne Maginot en 1934, treize tourelles modèle 1905 surnuméraires (commandées en 1913 pour moderniser les forts Séré de Rivières, livrables en 1915, elles n'avait pas été installées) sont réutilisées pour faire des économies et pour armer les blocs des « nouveaux fronts ». Quelques modifications furent apportés, d'une part en renforçant la cuirasse, d'autre part en augmentant l'angle de tir (qui passe de 12° 45' à 30°). Une seule tourelle a été mise en place avec son armement initial.

Douze autres tourelles sont modifiées en 1934 en remplaçant les deux pièces de 75 mm par deux armes mixtes pour servir de tourelles d'infanterie. Elles sont toutes attribuées au front Nord-Est, après transformation par la Société des Ateliers et Chantiers de la Loire (établissement de Saint-Denis).

Secteur fortifié de l'Escaut
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle Remarques
Eth 2 561 Démantelée en 1941
Secteur fortifié de Maubeuge
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle Remarques
Les Sarts 2 563 Démantelée en 1941
Bersillies 2 560 Démantelée en 1941
La Salmagne 1 562 Démantelée en 1941
Boussois 2 553 Démantelée en 1941
Secteur fortifié de Montmédy
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle Remarques
La Ferté 2 571 Sautée lors des combats de 1940
Chesnois 1 572 Transférée au musée de Fermont
Thonnelle 4 569 Encore en place, mais vide
Vélosnes 1 570 Déposée en 1941
Secteur fortifié de la Sarre
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle
Haut-Poirier 2 566
Secteur fortifié de Rohrbach
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle
Welschoff 2 567
Rohrbach 1 568

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. La portée pratique des mitrailleuses en tir rasant est de 600 mètres, mais la hausse est établie jusqu'à 2 400 mètres pour le tir avec la balle lourde modèle 1929 D. La portée maximale est de 4 900 mètres.
  2. Le canon de 25 mm AC modèle 1934 a son tube raccourci à 1,50 mètre, ce qui limite sa portée utile à 800 mètres et son pouvoir de perforation à 40 mm de blindage (à 400 mètres et à 30°).
  3. L'équipage d'un bloc d'infanterie est divisé en quatre équipes, appelées « quarts » comme dans la marine : quart de veille, quart de piquet, quart de renfort et quart disponible. Le bloc est occupé par trois quarts qui alternent toutes les huit heures (toutes les quatre heures en situation d'alerte), le quart de veille assure le service d'un jumelage de mitrailleuses de la tourelle, le quart de piquet se repose ou participe aux corvées, le quart de repos dort dans la chambrée du bloc, tandis que le quart disponible est dans la caserne de l'ouvrage, avec relève de ce dernier toutes les 24 heures.
  4. Ces citernes sont alimentées par les eaux de ruissellement canalisées par des drains. En cas d'insuffisance, des wagonnets-citerne munis d'une pompe peuvent ravitailler les blocs en manque.
  5. Transmetteur d'ordres modèle 1937 C (Carpentier) entre le PC du bloc et la tourelle, transmetteur téleflex (plus compact) entre l'étage intermédiaire et la chambre de tir.

Références modifier

  1. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française », , 222 p. (ISBN 978-2-908182-97-2, LCCN 2001332836), p. 72.
  2. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 109-110.
  3. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 3, p. 10-14.
  4. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 40.
  5. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 125-126.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X).
  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 1, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française » (no 2), (réimpr. 2001 et 2005), 182 p. (ISBN 2-908182-88-2).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 3 : Le destin tragique de la ligne Maginot, Paris, Histoire et collections, , 246 p. (ISBN 2-913903-88-6).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquête, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).

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