Un vanneur
Un Vanneur est le titre de trois tableaux peints par Jean-François Millet entre 1847 et 1848. Le premier, aujourd'hui conservé à la National Gallery[1] fut peint en 1847-48 et présenté au Salon de 1848. Par la suite, Millet en proposa deux autres versions, l'une conservée au Musée du Louvre[2] et l'autre au Musée d'Orsay[3].
Histoire
modifierLa première version du Vanneur fut présentée dans le Grand Salon lors du Salon de 1848[4], en même temps que La Captivité des juifs de Babylone[5]. Si La Captivité des juifs de Babylone, en tant que tableau d'Histoire, avait pour but d'attirer les commandes ; le second quant à lui marquait davantage l'entrée de Millet dans un genre nouveau : la peinture de la vie quotidienne paysanne. En effet, par cette représentation d'un vanneur, Millet se détourne de ses références littéraires et artistiques pour proposer des œuvres directement inspirées du monde paysan, veine qu'il ne fera que poursuivre dès 1849 en s'installant à Barbizon. Par ailleurs Millet a également réalisé au moins deux autres versions de l'œuvre. La première, nettement plus petite, est exposée au Musée du Louvre, et la seconde au Musée d'Orsay.
Description
modifierDans son Salon de 1848, Théophile Gautier décrit ainsi le Vanneur : « Le Vanneur, qui soulève son van de son genou déguenillé et fait monter dans l'air, au milieu d'une colonne de poussière dorée, le grain de sa corbeille, se cambre de la manière la plus magistrale. Il est d'une couleur superbe ; le mouchoir rouge de sa tête, les pièces bleues de son vêtement délabré sont d'un caprice et d'un ragoût exquis. L'effet poudreux du grain qui s'éparpille en volant, ne saurait être mieux rendu, et l'on éternue à regarder ce tableau. Le défaut de M. Millet le sert ici comme une qualité. »
Cette série représente en effet à chaque fois un vanneur, en habit de travail et sabots aux pieds, qui, à l'aide d'un van, fait sauter le grain pour le séparer de la paille. Une évolution dans la représentation est cependant notable. Le vanneur semble en effet se redresser d'une version à l'autre.
Quoi qu'il en soit, le vanneur – comme les autres figures de Millet : glaneuses, bergères, laboureurs, etc. - était la représentation d'un type bien davantage qu'un individu. Millet souhaitait avant tout créer des « synthèses » telles qu'il les appelait.
Contexte de création
modifierL'apparition de ces sujets paysans dans l’œuvre de Millet a pu être favorisée par le climat socialiste qui régnait autour de la Révolution de 1848, et ce même si Millet n'y a pas participé et refusait d'être qualifié de « socialiste ».
De plus, en 1846 déjà, Michelet par exemple rendit hommage aux paysans dans son ouvrage intitulé Le Peuple : « Le paysan n'est pas seulement la partie la plus nombreuse de la nation, c'est la plus forte, la plus saine et, en balançant le bien le physique et le moral, au total la meilleure ». Tel n'était certes pas l'avis de tous, mais le paysan gagnait peu à peu une dignité nouvelle. Enfin, en instaurant le suffrage universel en 1848, la IIe République fit du paysan un citoyen à part entière[5], lui reconnaissant une place dans la société qu'il n'avait pas jusque-là.
1848 apparaît donc comme la date clé de la carrière de Millet. « Tout se passe comme si 1848 lui permettait enfin de faire ce qu'il a à cœur, d'appréhender ce monde paysan qu'il aime, qu'il a largement observé et dont il va rendre les plus beaux aspects tout au long de sa carrière. Et Le Vanneur marque cette rupture »[6] explique notamment Chantal Georgel à l'occasion de l'exposition Jean-François Millet & Millet USA au Palais des Beaux-Arts de Lille.
Réception de l'œuvre
modifierCe tableau séduit les sympathisants républicains. Théophile Gautier par exemple loua ainsi le Vanneur : « Il est impossible de voir quelque chose de plus rugueux, de plus farouche, de plus hérissé, de plus inculte ; eh bien ! ce mortier, ce gâchis épais à retenir la brosse, est d’une localité excellente, d’un ton fin et chaud quand on se recule à trois pas. Ce vanneur qui soulève son van de son genou déguenillé, et fait monter dans l’air, au milieu d’une colonne de poussière dorée, le grain de sa corbeille, se cambre de la manière la plus magistrale. »[7]. Il ajoute également que « la peinture de M. Millet a tout ce qu’il faut pour horripiler les bourgeois à menton glabre », remarque qui explique l'intérêt qu'ont pu trouver les républicains dans cette œuvre.
Ce tableau, présenté au Salon de 1848, sut se démarquer parmi les 5000 autres œuvres exposées cette année-là, et fut acheté pour 500 francs par Alexandre-Ledru-Rollin[5], ministre du gouvernement provisoire.
Son importance est d'autant plus forte qu'il a notamment inspiré Gustave Courbet pour son tableau Les Casseurs de Pierres réalisé en 1849[5], et qui fut détruit lors du bombardement de Dresde en 1945.
Notes et références
modifier- numéro d'inventaire : NG 6447 (Notice de l'œuvre)
- numéro d'inventaire : RF 1440, (notice de l'œuvre)
- numéro d'inventaire : RF 1874 (notice de l'œuvre)
- La revue des deux Mondes - 1848 - tome 22
- « Le paysan entre en Histoire », sur www.histoire-image.org, (consulté le )
- « Redécouvrir Jean-François Millet au Palais des Beaux-Arts de Lille », Culturebox, (lire en ligne, consulté le )
- Théophile Gautier - Le salon de 1848
Liens externes
modifier
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Fiche de la réplique exposée au musée d'Orsay à Paris
- (en) « Jean-François Millet - The Winnower », sur nationalgallery.org.uk (consulté le )