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Evolution du langage modifier

Le langage est à la fois un moyen de communication (système signal-réponse), une langue (système signe-sens) et une faculté (acquisition et production de signaux).

De nombreuses définitions ont été proposées par les différentes disciplines étudiant le langage (la linguistique, la neurobiologie, la psychologie, la philosophie, la biologie évolutive etc.), chacune s’intéressant à une de ses particularités. Ainsi, selon la définition, l’évolution du langage ne se rapporte pas aux mêmes processus et les explications envisagées sont tout aussi éloignées.

L’évolution du langage se rapporte à l’ensemble des modifications :

- de forme et de structure du langage d’un individu depuis son apprentissage (échelle d’une vie)

- biologiques de la faculté de langage (échelle de temps longue, celle d’un groupe phylogénétique)

- culturelles et historiques des langues (échelle de temps longue, celle d’une civilisation)

Sous le regard de chaque discipline il reste de nombreuses données inconnues et le rapprochement des disciplines semble une piste pour une compréhension globale du langage.

Selon John Maynard Smith et Eörs Szathmáry, le langage apparait comme la plus récente des huit transitions majeures dans l’évolution de la vie, permettant l’émergement des sociétés humaines. Plus généralement, l’évolution de la communication permet l’émergence des différents niveaux de sociabilité.

Au sens large du terme langage, on peut le considérer comme un système de communication que beaucoup d'êtres vivants sociaux possèdent (fourmis, abeilles, singes...). Ces organismes ont développé différents mécanismes et systèmes pour pouvoir communiqué entre eux.

Au sens plus restreint du terme langage, on peut considérer cette faculté comme uniquement humaine. Beaucoup de scientifiques se sont intéressés à l'évolution du langage humain au fil du temps. Des modèles et hypothèses ont été posé pour chercher à comprendre et expliquer l'évolution de cette faculté. Aujourd'hui ce sujet est très discuté entre les chercheurs. Ils se heurtent notamment aux difficultés d'une définition universelle du langage, d'en trouver ses limites (dans quelle situation considère-t-on que l'être ne possède plus la faculté de langage ?) etc...

Le langage comme système de communication modifier

Afin de comprendre l’évolution du langage, il faut considérer qu’il s’agit avant tout un système de communication.

Les systèmes de communication sont constitués de « signaux » correspondants au support physique de l'information, émis par de diverses structures.

Les signaux  modifier

Signaux visuels modifier

  • Les gestes : Méthode de communication utilisée par diverses espèces dont l’ensemble des primates.
Figure-Danse en huit de l'abeille (Apis mellifera). Les ondulations symbolisent le frétillement.
  • L'expression faciale : plus répandue, elle permet de deviner certaines émotions d'un animal, afin d'agir en conséquence. Ainsi, on saura par exemple qu'un chien est en colère lorsqu'il montre ses dents.
  • Changement de couleur et bioluminescence : peut varier en fonction d'une période de reproduction, d'un état de santé ou d'un milieu environnemental.

Signaux acoustiques modifier

Essentielle pour de nombreuses espèces telles que les oiseaux, les baleines (possédant plusieurs dialectes en fonction des régions)[1], les singes ou encore les chiens de prairie utilisant un des systèmes de communication les plus complexes en pouvant décrire le type de prédateurs, sa taille et sa vitesse à ses congénères[2][3].

Ces signaux sont également présents chez  les amphibiens anoures qui coassent pour attirer les partenaires, et chez de nombreux groupe d’insectes (grillons, cigales…)

Chant de baleine Megaptera novaeangliae

Il existe aussi des signaux acoustiques basés sur la vibration du substrat : les éléphants par exemple émettent des signaux vibratoires en frappant le sol de leurs pattes pouvant être reçus par d’autres éléphants à plusieurs kilomètres de distances[4]

Signaux chimiques modifier

Les fonctions de ces signaux se sont beaucoup diversifiées, ils peuvent jouer un rôle important dans la détection intra et interspécifique, ainsi que dans la détection de ressources.

Ce système peut atteindre de hauts niveaux de complexité, et devenir très importants dans les eusociétés  comme chez la fourmi[5].

Signaux tactiles modifier

Le toucher peut être un facteur important lors des interactions sociales, combats (pour défier un adversaire) ou reproduction.

Ces signaux sont également utilisés dans les stratégies de "huddling" (agrégation d’individus).

Signaux électriques modifier

Beaucoup plus rare, l’électrocommunication, réalisable dans l’eau uniquement, permet de générer un champ électrique détecté par des électrorécepteurs. Les différences d’amplitude et de fréquence de ce champ permettent de transmettre des informations sur l’espèce, le sexe, l’état de santé de l’individu.

Processus de transmission modifier

Tous ces signaux ne sont exploitables que s’ils respectent quatre étapes : Production, Transmission, Réception et Interprétation.

La production constitue à elle seule une grande partie des coûts associés, puisqu’elle va souvent nécessiter la présence d’organes spécialisés (larynx des mammifères, glandes phéromonales des abeilles…). De plus, à l’organe en lui-même se rajoute le coût de la présence d’un contrôle nerveux et éventuellement hormonal (noyaux du chant dans le cerveau des oiseaux).

La transmission est le moment pendant lequel le signal va traverser un « canal de transmission », modifiant plus ou moins au passage le signal émis. Cette modification peut éventuellement créer des pressions de sélection, sélectionnant par exemple les individus dont l’organe émetteur est le plus adapté, de sorte que le l’animal récepteur reçoive l’information émise avec le plus de précision possible.

La réception du signal représente l’autre grande partie des coûts associés à la communication, nécessitant la transduction en signaux nerveux au niveau de structures réceptrices permettant la chimioréception, photorécepetion, audition...

Enfin, l’interprétation des signaux passe par le système nerveux central qui va reconnaitre, classer le signal puis traiter l’information (ex : rôle des aires associatives corticales chez les Vertébrés).

Les avantages du langage en tant que système de communication modifier

La plupart du temps, les individus ayant une forme de communication notable appartiennent à des espèces ayant un mode de vie social. (Voir évolution de la socialité) Cette constatation a amené certains auteurs à se demander si la socialité n’était pas un prérequis à l’apparition du langage[6]. En effet, pour une bonne coordination, il est logique que la sélection naturelle ait finit par faire émerger des capacités de communications efficaces, expliquant le succès évolutif de ces espèces. On peut toutefois se demander sur quels mécanismes ce caractère a pu être sélectionné.

Stratégies de chasse et de fourragement modifier

Un langage élaboré permet d’émettre des informations de façon d’autant plus précise que le moyen de communication est précis. De cette façon, des individus chassant ou fourrageant en meute ou en groupe peuvent facilement décupler leur efficacité en élaborant des comportements plus ou moins complexes. Un exemple assez connu est celui de la danse des abeilles : une éclaireuse ayant localisé une source de nourriture va effectuer une de danse devant ses congénères qui leur permettra de savoir ou trouver la nourriture, mais aussi en quelle quantité et de quel type[7]. De cette façon, les espèces sociales sont avantagées par rapport aux espèces non sociales en cas de compétition.

Résistance à la pression de prédation modifier

Avoir un langage permet de développer plusieurs adaptations contre les prédateurs comme par exemple des mécanismes de guets et d'alertes. On peut par exemple citer le chien de prairie, qui en un seul cri et selon la durée et l’intensité de celui-ci, peut avertir ses congénères du nombre de prédateurs en vue, de sa distance, de son type (volant ou terrestre) et de la vitesse à laquelle il approche[2] [3]. De la même façon, une fourmi peut alerter sa colonie à l’aide de phéromones adéquates.

On pourrait citer un autre mécanisme : la dilution de la pression de prédation. En effet, si un prédateur fait face à un groupe de proies organisées, la probabilité d’être mangé est divisée par le nombre de proies dans le groupe. Cependant, cet effet découle de la socialité plus que du langage en lui-même.

Meilleure adaptation aux contraintes environnementales modifier

Certaines fourmis sont capables de s’agréger et de former des ponts vivants au dessus de l’eau, voire des ilots flottant[8]. Ce comportement est une réponse à une contrainte environnementale, qui ne serait pas possible sans un minimum de « concertation » et donc de langage. On peut donc dire que face à un environnement induisant un stress, les espèces possédant un langage sont susceptibles de mieux réagir que les autres.

Ces paramètres constituent une liste non exhaustive des bénéfices qu’apportent le langage et la socialité. Ceci permet de dire que dans beaucoup de cas, les espèces ayant un langage et donc sociales auront tendance à avoir une meilleure compétitivité que les non sociales pour une même niche écologique. Cela a par exemple été montré sur une espèce d’abeille charpentière, Ceratina australensis[9]. Les deux concepts de socialité et de langage semblent indissociables en écologie.

Langage humain, fitness et culture modifier

Ces observations sont parfaitement déclinables à l’Homme, qui possède la particularité unique du langage articulé. Il a en effet développé des stratégies de chasse en groupe et de défense contre les prédateurs qui n’étaient possible que grâce à ce moyen de communication, sur lequel il a par la suite bâti toute une société organisée, jusqu’à celle que nous connaissons aujourd’hui.

Le langage impacte la fitness via l’expression et la communication de pensées.  Ainsi, le langage contribue aux performances cognitives de l’individu.

De plus, le langage est mis en jeu dans la manipulation, la séduction, le maintien de relations sociales etc.

Enfin, chaque individu bénéficie des perceptions et raisonnements des autres. L’individu dispose d’un très large éventail de savoirs et de connaissances qui traversent le temps et qu’il ne pourrait acquérir seul.

« Le caractère du langage est de procurer un substitut de l'expérience apte à être transmis sans fin dans le temps et l'espace, ce qui est le propre de notre symbolisme et le fondement de la tradition linguistique[10]. »

Évolution de la communication modifier

La morphologie et la physiologie d’un animal limitent les différentes possibilités d’émission et de réception. Ces contraintes résultent le plus souvent de la phylogénie (ex. les oiseaux chanteurs ont une syrinx et un contrôle nerveux moteur associé qui leur permet d'émettre des signaux acoustiques potentiellement complexes ; les crocodiles n'ont pas d'organe émetteur d'onde sonore spécialisé). On constate chez la plupart des espèces une coévolution émetteur-récepteur, mettant en relation les caractéristiques d’un signal émis et les possibilités de réception de l’individu récepteur. Ceci permet à chaque animal d’avoir une gamme de communication potentielle. Ainsi, on pourra avoir une diversité de celle-ci au niveau des espèces, des populations ou même des individus permettant au langage d’évoluer via les pressions de sélection : un individu dont la stratégie de communication est plus efficace aura une meilleure fitness et donc une plus grande probabilité de voir sa stratégie maintenue sur le long terme.   

La sélection sexuelle peut aussi jouer un rôle très important dans l’évolution de la communication et du langage

Évolution du langage chez l'Homme modifier

Avant d’essayer de comprendre les mécanismes d’évolution du langage proposés par certains scientifiques, il est important de situer l’apparition du langage chez l’humain dans le temps.

Théories d'apparition du langage chez l'Homme modifier

Selon Perreault et Mathew[11] des chercheurs en anthropologie, le langage humain serait apparu il y a entre 350 000 et 150 000 ans chez Homo sapiens. Cette datation est estimée par la vitesse d’accumulation de phonèmes. L’étude des os, de la musculature cranio-faciale et des phénomènes culturels (sépultures) donnent aussi des informations sur le moment de son apparition.

Il existe également quelques théories de l'apparition du langage chez les l'Homme :

La théorie "bouche-gestuelle"[12]

La parole et la vocalisation auraient évolué de la gestuelle chez l’humain.  Cette hypothèse est supportée par plusieurs arguments :

  • Les zones cérébrales qui contrôlent la production et le traitement du langage (aires de Broca et de Wernicke notamment), la main et le visage sont proches et interconnectées.
  • Il y aurait un lien entre la latéralisation du langage et la préférence manuelle. Ce lien a récemment été remis en cause par le groupe d’imagerie neurofonctionnelle de Bordeaux[13].
  • Lorsque l’on parle, on utilise aussi ses mains pour s’exprimer (par exemple lors d’un discours).
  • Pour s’exprimer, les enfants humains montrent du doigt.

Les protolangues 

Il est difficile d’envisager que le langage soit apparu d’un bloc. Certains soutiennent que le langage suit une évolution graduelle depuis un langage primitif. Les langues ne fossilisent pas, il faut donc faire appel à des méthodes linguistiques pour reconstruire ce langage primitif et les langages intermédiaires (protolangues).

Bickerton[14] [15]propose quant à lui de s’intéresser à 3 types de langages actuels qui pourraient s’approcher des protolangues :

  • Le Pidgin : langue développée par les esclaves dans les plantations.

Elle a permis de créer une communauté d’esclaves et d’organiser la résistance contre les esclavagistes au 18ème et 19ème siècle

  • Le langage des jeunes enfants.
  • Le langage appris aux singes.

La propriété de récursivité serait absente de ces langages.

On peut reprocher à cette approche le fait que le Pidgin est une nouvelle langue, crée par des individus qui possèdent déjà une langue.

Les modèles d'évolution du langage modifier

Les nombreuses recherches existantes aujourd’hui s’intéressent principalement à l’évolution du langage chez l’Humain. Beaucoup de scientifiques (biologistes, neurologues, écologistes…), linguistes, psychologues s’interrogent sur les mécanismes évolutifs de ce langage. Pour un grand nombre d’entre eux, le langage serait le propre de l’homme. Pour John Maynard Smith et Eörs Szathmáry il y a eu huit transitions majeures dans l’évolution de la vie. L’apparition du langage serait la plus récente des huit et consisterait en un passage des sociétés de primates vers les sociétés humaines. Pour eux, le langage est uniquement présent chez les humains puisqu’il est à la base de leurs sociétés. Il s’agit d’un nouveau mécanisme de transmission d’informations permettant une transmission socioculturelle de ces informations, non limitée par l’hérédité. 

Il peut être intéressant de comprendre quels méthodes utilisent les chercheurs pour établir leurs modèles et hypothèses au sujet de l'évolution du langage chez l'Homme. Comment arrivent-ils à établir une limite derrière laquelle les êtres ne possèdent plus cette faculté de langage humain mais plutôt un système de communication ? Comment arrivent-ils à définir des critères propres au langage humain ? Telle est toute la difficulté de cette étude. Les réponses dépendent souvent de la vision propre du chercheur sur le langage. Les modèles et résultats établies sont donc très souvent critiqués d'un chercher à l'autre.

Protein FOXP2 PDB 2a07.png
Protein FOXP2 PDB 2a07

Dans beaucoup d’études, l’approche comparative est utilisée. Elle repose sur la recherche des points communs et différences entre les systèmes de communications non humains (retrouvés chez les animaux) et le langage chez l’Homme. L’absence de caractéristiques particulières chez les « langages non humains » est souvent retenue comme critère de singularité du langage humain. Par exemple, le gène FOXP2 est une protéine qui pourrait potentiellement avoir un lien avec l'apparition de la faculté du langage chez l'Homme. En effet, cette protéine intervient dans le développement de structures cérébrales interconnectées et associées à l’activité motrice. Elle a été mis en évidence chez une famille humaine ayant des difficultés d'articulation et de compréhension de certaines règles de grammaire. Sa dernière grande mutation coïnciderait avec l'apparition du langage articulé chez l'Homme. Ce gène est hautement conservé chez les mammifères et les oiseaux chanteurs. Peut-on alors considérer que ces animaux ont la même faculté de langage que les humains ? Les chercheurs se heurtent donc à de nombreux cas comme celui-ci qui sont difficiles à résoudre. Certains ont pourtant réussi à établir des modèles d'évolution bien qu'ils soient très critiqués.

Modèle d'évolution d'une dynamique à trois composantes modifier

Selon Simon Kirby[16], le langage est un nouveau système de transmission d’information. Le langage n’est pas complètement inné, il doit être en très grande partie appris. La meilleure façon d’apprendre est d’observer son prochain (qui lui-même a appris en observant etc) lorsqu’il utilise le langage puis de le copier. Ce principe est appelé langage itératif.

Le langage évolue donc au fil du temps avec les observations et les interprétations du comportement de chaque individu dans l’utilisation de la langue sur chaque individu dans une société. Le langage serait lui-même un mécanisme d’évolution comprenant 3 systèmes dynamiques qui prennent part à la transmission d’information : l’évolution biologique, la transmission culturelle et l’apprentissage individuelle qui a un plus faible impact dans ce mécanisme.

Ces trois dynamiques interagissent entre elles de façon cyclique et complexe. Les mécanismes d’apprentissage des langues font partie de notre héritage biologique et sont donc soumis à l’évolution biologique. Cette évolution a un impact sur la dynamique culturelle de transmission linguistique par l’apprentissage réitéré (apprentissage itératif). Les nouvelles structures de langages issus de la transmission culturelle ont alors en partie un effet sur la fitness des individus les possédants et donc par conséquent un impact sur la trajectoire de leur évolution biologique dans les mécanismes d’apprentissage du langage…

Modèle d'évolution du FLB (Faculty of Language in the Broad sense) et FLN (Faculty of Language in the Narrow sense) modifier

L’article de Marc Hauser, Noam Chomsky (linguiste et philosophe), and W. Tecumseh Fitch, paru en 2002[17] a produit une énorme discussion en linguistique, en sciences cognitives et en théorie de l’évolution sur le langage. Dans l’article les auteurs abordent la question de ce qu’il y a de commun et de différent entre l’espèce humaine et les autres espèces, ainsi que la question de l’évolution du langage. Ces chercheurs ont proposé un classement des différentes facultés de langage pour faciliter les discussions sur l’évolution. Ils ont créé les termes de FLB et FLN.

Division de la faculté de langage modifier

Le FLB correspond à une faculté de langage au sens large. Cela inclut les propriétés du langage des Hommes partagées avec les systèmes de communication des êtres « non-humains » (les animaux). Il est composé d’un système sensori-moteur qui fait intervenir le système moteur et le système sensoriel et d’un système conceptuel-intentionnel permettant de représenter ce que l’on a l’intention de faire. Le FLB regrouperait les êtres possédant des systèmes biologiques qui sont nécessaires mais pas suffisant au langage humain (mémoire, respiration, digestion, circulation).

Le FLB inclut également le FLN qui est la faculté du langage au sens étroit. Cette faculté est basée sur le mécanisme de récursivité qui est la possibilité de créer une infinité d’expressions (idées, sentiments..) à partir d’un nombre fini d’éléments (les mots). Ces expressions sont ensuite transmises aux deux systèmes sensori-moteur et conceptuel intentionnel. Le langage humain est doté d’une telle faculté.

Evolution de FLN et FLB modifier

Ces trois chercheurs ont mis en avant trois hypothèses d’évolution :

  • Hypothèse 1: Le FLB est strictement homologue à la communication animale. Cela sous entend que les composants fonctionnels permettant le langage des humains seraient identiques à ceux des systèmes de communication des autres espèces.
  • Hypothèse 2: Le FLB est une adaptation dérivée, spécifiquement humaine, pour le langage. C’est la sélection naturelle qui a joué un rôle dans la formation du FLB, ce processus étant sans parallèle chez les animaux non-humains.
  • Hypothèse 3: Seule le FLN est uniquement humaine. Le FLN serait une évolution récente spécifiquement humaine. Les systèmes sensori-moteur et conceptuel-intentionnel sont alors combinés avec des composantes socioculturelles et communicatives.

Marc Hauser, Noam Chomsky, and W. Tecumseh Fitch suggèrent que l’hypothèse 3 serait la plus plausible. Ils pensent que si les hypothèses 1 ou 2 seraient potentiellement valables, il faudrait qu’une série de mutations graduelles du FLB puissent mener à terme à une capacité du langage Humain basé sur la récursivité. Des modifications mineures de ce système fondamental sembleraient insuffisantes pour y parvenir.

Les apports de l'expérimentation modifier

De nombreux résultats d’expériences d’autres chercheurs (neurologue, linguiste, psychologue, biologiste…) ont été étudié dans leur article pour justifier leurs points de vu. Ces études portent notamment sur les système sensori-moteur et conceptuel sensoriel qu’ont les animaux et les humains en commun mais aussi sur le principe de récursivité.

  • Chez les oiseaux chanteurs :

La faculté à produire des signaux complexes comme chez les humains, qui est une faculté propre au FLB, a été retrouvé chez de nombreux animaux ayant la capacité à l’apprentissage vocal comme l’oiseau chanteur[18]. Il a été montré que certaines zones du cerveau d’un être humain pourraient être similaires à celles des oiseaux chanteurs (notamment le canari). Des problèmes et déficits de langages similaires à ceux des humains ont été repéré chez ces oiseaux lorsqu’à lieu une lésion dans une zone identique du cerveau. Il a été aussi montré que l’expression de gènes, certes différents dans le structure, ont cependant un mécanisme d’activation identique dans différentes zones du cerveau de ces oiseaux et des humains via des test d’ouï et de parole. Que ce soit chez les humains ou les oiseaux certains gènes sont activés ou non lorsqu’ils entendent un congénère de la même espèce s’exprimer. D’autres gènes sont activés dans les mêmes régions du cerveau (principalement le cortex moteur du visage) lorsqu’ils émettent des sons.

  • Chez les tamarins :
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Tamarin

Les tamarins sont-ils capables d’apprendre des phrases a structure complexe basée sur le principe de récursivité ? Les tamarins sont conditionnés la veille du test. On leur fait écouter des suites de séquences de syllabes respectant les règles de soit un système à phrase simple (à état fini) (ABAB) ou à phrase structurée (AAABBB) basée sur le principe de récursivité. Le système à phrase simple est basé sur une alternance d’élément A et B. Le système à phrase structurée consiste en une chaine d’éléments A et B dans laquelle chaque élément A et B peuvent être séparés par un élément intervenant. Il y a une intégration d’unités de représentation au sein de cette chaine hiérarchisée. Le test consiste a faire écouter des nouvelles séquences de syllabes respectant ou non les règles d’un des deux systèmes. Les tamarins ayant été conditionné pour le système à phrase simple, réagissent quand la suite de syllabes écoutée ne correspond pas aux règles apprises (9 sur 10 tamarins). (en regardant pendant un long moment le speaker, quand ils ne réagissent ils ne le regardent que très brièvement) Les tamarins ayant été conditionné pour le système à phrase complexe réagissent moins quand une suite de syllabes ne respecte par les règles du système. Les tamarins ont donc échoué au test. Cette étude montre que les tamarins pourraient ne pas posséder le principe de récursivité mais cela ne prouve pas forcément que tous les êtres non humain ne le possède pas.

Les critiques et limite du modèle FLN/FLB modifier

Cette expérience est assez critiquée. Il a été montré que des étourneaux ont pu réussir ce test contrairement aux singes[19]. Le test a été réalisé avec des séries de 8 gazouilles et 8 hochets différents. Ces oiseaux ont été formés pour picorer leur nourriture correspondant à une récompense si ils entendaient une série respectant le système de grammaire auquel ils ont été formé. Si ils picorent à tort, la récompense leur est interdite. Seuls 2 sur 11 étourneaux ont échoué au test. Il existe aussi de nombreux échecs chez les humains dans ce test qui sont pourtant censés être capable de récursivité.

D’autres chercheurs, comme Ray Jackendoff et Steven Pinker[20] ont aussi montré que la récursivité, bien qu’absente des autres systèmes de communication animale, se trouve dans la cognition visuelle. Or, nous ne savons pas si les animaux « non-humains » sont capables de récursivité visuelle ce qui implique qu’elle ne peut être le seul développement évolutif qui permet le langage aux humains.

Ils contestent également principalement la 2ème et la 3ème hypothèse. PInket et Jackendoff considèrent que leur caractérisation de la faculté du langage restreint (FLN) est problématique et ce, pour plusieurs raisons : Tout d’abord, ils mettent en place une dichotomie des capacités cognitives : celles qui sont entièrement spécifiques aux humains et les capacités « non-linguistiques » ou « non-humains », omettant ainsi les capacités cognitives qui auraient pu être en grande partie modifiées pendant l’évolution humaine. Fitch, Hauser et Chomsky omet les traits qui sont des adaptations, ne considérant que le trait dans sa version ancestrale et actuelle. De plus, leur comparaison humain/animaux ne permet pas de faire une différence entre les similarités dues aux fonctions communes et les similarités dues à l’héritage d’un ancêtre commun récent. L’affirmation qu’un trait est « spécifique au langage » ou « spécifique aux humains » peut être interprété de deux manières. Tout d’abord, le « tout ou rien ». Le trait est spécifique aux humains et n’a rien de similaire dans le règne animal. Il apparaît, à partir de rien, dans l’évolution. Cela peut être interprété avec des termes plus nuancés : le trait a été modifié au cours de l’évolution humaine à un tel degré qu’il en est différent de manière significative de son ancêtre évolutif (a priori, cela serait le résultat d’une adaptation à une nouvelle fonction pour laquelle le trait a été sélectionné). Fitch, Hauser et Chomsky attribuent au FLB n’importe quel trait retrouvé dans le monde animal tel que l’imitation vocale chez les oiseaux chanteurs qui a évolué indépendamment du langage humain. La comparaison entre « trait partagé avec animaux non-humains » et « évolué récemment » n’a de sens que si les animaux en question ont un ancêtre commun récent (tels que les chimpanzés). S’il s’agit de moineaux ou de dauphins, alors le trait (comme l’apprentissage vocal), peut être partagé avec l’animal et évolué récemment.

Modèle d'évolution de Sperber et Orrigi[21] modifier

Orrigi et Sperber[21] ont constaté jusqu’à présent que les différentes approches d'évolution du langage considèrent cette faculté comme une adaptation. Ils construisent leur modèle et émettent des hypothèses afin d’expliquer la sélection du langage non humain au cours du temps. A partir de ce modèle, ils proposent une nouvelle conception du langage humain qu'ils comparent à un système de communication déductif.

Le modèle modifier

Quand on considère la faculté du langage comme une adaptation biologique, on doit envisager une de ses fonctions proximales permettant l’ensemble des autres fonctions (compétence linguistique, communication verbale). Il s’agit de la fonction d’acquisition du langage. Or une adaptation est maintenue uniquement si elle apparaît dans un environnement dans lequel elle a une valeur adaptative. Dans cet environnement particulier, le langage doit préexister. La faculté de langage et le langage sont donc l’une pour l’autre une précondition.

Considérons un mutant qui a la faculté d’échanger avec ses semblables. Il en tire un bénéfice uniquement lorsqu’un autre individu présente cette aptitude. Habituellement, les mutants présentant une innovation adaptative bénéficient d’un avantage sélectif quand ils sont en petit nombre.

Trois hypothèses tentent de résoudre ce problème chez les langages non humains basés sur un code inné. On accepte comme prérequis que le langage apporte un bénéfice.

  • L’hypothèse du trait neutre : (Sober,1984[22])

Le trait "langage" n’apporte initialement pas de bénéfices mais pas de coûts non plus. Il peut se répandre dans la population car il n’est pas contre sélectionné. Quand un nombre limite d’individus portant ce trait apparaissent et interagissent , ils en tirent bénéfices. Le trait est donc sélectionné.

  • L’hypothèse de la transition de fonction :

La mutation est initialement sélectionnée car elle a une autre fonction bénéfique et la fonction de code inné se surajoute ou supplante la précédente.

  • L’effet Baldwin :

Cette hypothèse est controversée car elle utilise les principes dans la sélection naturelle mais se base sur une vision lamarckienne.  Le code inné est acquis culturellement et le posséder de façon innée (via les gènes) devient un avantage et épargne des coûts d’apprentissage.

Orrigi et Sperber notent que ces hypothèses ne peuvent s’appliquer au langage humain car l’inné et l’acquis sont très importants.

La part de l’inné n’étant pas prépondérante, la probabilité que deux mutants aient des langages compatibles est très faible. De plus, l’apprentissage du langage peut se faire avec des erreurs.

Le langage comme système de communication déductif modifier

Ces chercheurs proposent donc de concevoir le langage humain comme un système de communication déductif. Le destinataire est capable de reconstruire l’information du communicant en tenant compte de ses intentions bien qu’il n’ait pas exactement la même correspondance signe-sens. La faculté de langage est le fait d’être disposé à traiter un élément linguistique non codé et de le stabiliser comme un signal compréhensible. Cela nourrit la cohérence entre les langages. (Notons qu’ils se sont basés sur les travaux de Ruth Millikan[23])

  1. (en) Carey, « Whales Found to Speak in Dialects », Live Science,‎
  2. a et b (en) « New Language Discovered: Prairiedogese », sur npr.org,
  3. a et b (en) « Prairie dogs may have the most complex language », sur phys.org,
  4. (en) Edwards, « Seismic properties of Asian elephant (Elephas maximus) vocalizations and locomotion », The journal of the acoustical society of America, no 108,‎
  5. (en) Jackson, « Communication in Ants », Current Biology,‎
  6. (en) Steels, « Is sociality a crucial prerequisite for the emergence of language ? », Oxford University Press,‎ , p. 36-57
  7. (en) Riley et al., « The flight paths of honeybees recruited by the waggle dance », Nature, no 435,‎ , p. 205-207
  8. Bert Holldobler, Edward O. Wilson, Voyage chez les fourmis, Seuil, , 247 p. (ISBN 2020256282)
  9. (en) Rehan et al., « Fitness consequences of ecological constraints and implications for the evolution of sociality in an incipiently social bee. », Biological Journal of the Linnean Society, no 103,‎ , p. 57-67
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  11. (en) Perreault, « Dating the Origin of Language Using Phonemic Diversity », PloS one,‎
  12. (en) Fisch, « Communication and Language in Animals. », Springer protocols Organism Models of Autism Spectrum Disorders, no Volume 100 of the series Neuromethods,‎ , p. 265-282
  13. « Préférence manuelle et langage : existe-t-il vraiment un hémisphère dominant ? », sur cnrs.fr,
  14. (en) Bickerton, « Language and Species », University of Chicago Press,‎
  15. (en) Bickerton, « Language and Human Behavior », University College London Press,‎
  16. (en) Kirby, « The evolution of language », Oxford Handbook of Evolutionary Psychology,‎
  17. (en) Hauser, « The faculty of language: what is it, who has it, how did it evolve? », Science, no 298,‎ , p. 1569–1579
  18. (en) Jarvis, « Learned Birdsong and the Neurobiology of Human Language », Annals of the New York Academy of Sciences, no 1016,‎ , p. 749-777
  19. (en) Traxler, « What's special about human language? The contents of the "narrow language faculty" revisited », Lang Linguist Compass,‎
  20. (en) Jackendoff, « The nature of the language faculty and its implications for evolution of language (Reply to Fitch, Hauser, and Chomsky) », Cognition: International journal of cognitive science, no 97,‎ , p. 211-225
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  22. (en) Elliott Sober, The Nature of Selection: Evolutionary Theory in Philosophical Focus
  23. (en) Ruth Millikan, Language, Tought and Other Biological Categories