Utilisateur:Casa Gizia/Brouillon

Critique littéraire, romancier, dramaturge, Georges Rodenbach (1855-1898) est un classique de la littérature belge de langue française, auteur d’une importante œuvre poétique. Mais en fait il reste inconnu, peu lu, oublié même.

GEORGES RODENBACH, POETE CATHOLIQUE modifier

Georges Rodenbach

Critique littéraire, romancier, dramaturge, Georges Rodenbach (1855-1898) est un classique de la littérature belge de langue française, auteur d’une importante œuvre principalement poétique. La pensée qu'il développe tout au long de son œuvre poétique s'inscrit en profondeur dans la ligne bien particulière de la mystique flamande et germanique ; c'est la spiritualité platonicienne issue de Saint-Augustin qui a produit le corpus dionysien, qui, à partir du 13e siècle a connu une grande popularité dans les milieux monastiques et dans le courant des béguines. On la trouve notamment chez la béguine anversoise Hadewijch et ses disciples mais aussi chez Maître Eckhart et chez le bienheureux Jan Ruysbroeck. En voici la thèse principale : créés de toute éternité dans le Verbe divin, nous avons quitté ce paradis primordial; nous sommes déracinés et du ciel et nous devons y retourner par le moyen d'une vie conforme à l'Évangile que le Verbe est venu nous annoncer : redevenir ce que nous étions à l'origine, redevenir les enfants de Dieu que nous étions, ce dont Jésus nous prévient « Celui qui n'accueillera pas le royaume des cieux comme un petit enfant n’y entrera pas (Luc 18 16)

LA JEUNESSE BLANCHE, 1886. modifier

Après quelques recueils publiés à partir de 1877 qu'il reniera ensuite comme indignes de lui et comme marqués par l'influence de ses amis parisiens, Georges Rodenbach publie en 1886 son premier recueil qui exprime vraiment sa pensée, « La jeunesse blanche », le premier d'une série de recueils qui formera jusqu'à sa mort prématurée en 1898 un tout cohérent. « La jeunesse blanche » raconte tout simplement son enfance chrétienne à Gand chez les jésuites de Sainte-Barbe où il eut pour condisciple Émile Verhaeren avec lequel il lia une grande amitié qui durera toute sa vie, bien que leurs poésies respectives diffèrent totalement. Rodenbach était un esprit très ouvert qui sut toujours reconnaître la valeur chez les autres, même s'il ne partageait pas leurs pensées et leurs manières. Ce collège Sainte-Barbe verra encore deux grandes poètes belges s'asseoir sur ses bancs, Maurice Maeterlinck et Charles Van Lerberghe. Cet adjectif "blanc" va revenir tout au long de son œuvre poétique comme symbole de cette pureté primordiale à laquelle il sera fidèle toute sa vie. Puis il relate son premier amour, très pur, très pudique, puis sa première déception, sa solitude et son expérience triste de la vie qu'il résume dans « Nostalgie de jeunesse blanche », le 6e poème du chapitre « Les jours mauvais » :

« Douleur de voir diminué Son patrimoine ancien d'espérance et de rêve Et d'être un grand oiseau perdu sur une grève Qui bat de l'aile exténué ».

L'espérance c'est l'Espérance chrétienne et le rêve c'est la poésie, la beauté. Il relate ensuite l'expérience du péché. Alors il se réfugie dans la solitude, il « s'isole dans la mer qui respecte ses rêves » (« Renoncement ») ; ainsi s'achève « La jeunesse blanche » qui connut aussitôt un grand succès à Paris comme à Bruxelles. Il montre une âme candide qui était plus du ciel que de la terre. Rodenbach commence une assez brillante carrière littéraire de romancier, de cri-tique, de journaliste, mais tout cela était l'étourdissement d'une âme étrangère à ce monde et qui ne confiait son secret fragile qu'à sa poésie. Dans « Vers l'amour » publié en 1886 aussi, il s'exclame qu'il est fait pour l'amour, comme l'avait dit Saint Augustin, mais se souvenant de sa première déception il sombre de nouveau dans la mélancolie. Epris d'amour et d'idéal, il n'arrive pas à s'adapter à ce monde où règne la laideur et la trahison. C'était un doux, un rêveur. « Heureux les doux » avait dit Jésus.

LE LIVRE DE JESUS, 1888. modifier

Le recueil suivant, « Le livre de Jésus » publié en 1888 reprend le thème de Jésus revenant incognito sur terre, et tout le monde le méconnaît, le délaisse. C'est le spectacle de une ville - il pense-peut-être à Gand- qui s'industrialise et où règnent désormais les idéologies matérialistes, l'argent, le machinisme, avec la misère prolétarienne, et le cynisme des riches. Ce récit onirique touchant et très romantique s'achève amèrement. On voit que le poète sombre peu à peu dans un pessimisme grandissant. Jésus veut mourir, ne plus vivre en ce monde mauvais.

« Oh ! Mourir ! N'être plus ! Ne plus se voir haïr Par ceux là pour lesquels on a donné sa vie .»

Ce livre ne sera publié qu'après la mort du poète.

LE REGNE DU SILENCE, 1896. modifier

Pour fuir ce pessimisme affreux le poète écrit en 1896 « Le règne du silence » où il décrit l'espace solitaire de son enfermement, les chambres où il se réfugie, l'eau partout présente à Bruges et à Gand :

L'eau déserte
     « Le long des quais, sous la plaintive mélopée
	Des cloches, l'eau déserte et toute inoccupée »,

et toujours les cygnes; « Les cygnes sont comme du songe entre les quais » (« Du silence » poème 19 ) et toujours les cloches qui remplissent l'espace et cet univers « de quartiers déserts, de couvents, et d'hospices » (Paysages de villes, poème 11) .

Georges Minne - Georges Rodenbach

Ici nous sommes à Bruges non plus à Gand, ici la vie citadine est restée la même, ancestrale, traditionnelle, avec sa piété, ses couvents, ses pieuses femmes qui courent à la messe ou aux offices de l'église la plus proche. Ce contraste entre Gand la moderne et Bruges l'ancienne explique les pensées de Georges Rodenbach. Il refuse le monde moderne qui déshumanise l'homme, le réduit à la condition de prolétaire sans âme dans un paysage d'usines et de quartiers misérables. Là, pas de religion, le prêtre y est rare, au contraire Bruges reste religieuse. C'est la même pensée qui anime son contemporain de langue flamande Guido Gezelle (1830-1899). É

« Le règne du silence » s'achève sur un vers terrible : « Et puisque la nuit vient, j'ai sommeil à mourir ! » (épilogue) ; on peut penser que le poète connaît une sorte de dépression dont il n'ar-rive pas à sortir.

LES VIES ENCLOSES, 1896. modifier

Le recueil suivant, « Les vies encloses » (1896), est le plus sombre de son œuvre. Déjà malade, Rodenbach s'enferme de plus en plus, et c'est cet univers clos qu'il décrit avec une grande richesse d'expression, de sentiments, de couleurs . Mais il n'oublie pas l'essentiel lorsqu'il écrit « La maladie est un voyage vers Dieu » (« Les malades aux fenêtres », poème 19). Il faut s'y plonger comme dans un monde mystérieux dont il est l'Orphée silencieux. Il sent que la poésie meurt avec la foi, que tout son idéal de beauté, de pureté primordiale disparaît.

     "Ah ! tant d'images décaties !
     Et tout ce beau froment en vain
     Qui rêvait d'être des hosties."

Poème 3, ch « L'âme sous-marine ».

Le naturel ne débouche plus sur le surnaturel. Dans cet univers de rêve il espère préserver un peu de beauté, de sacré. Là, il explore l'âme, ses richesses, ses secrets. C'est une sorte de psychanalyse esthétique envoûtante. Ces pages très fin de siècle ont un charme indéfinissable, unique.

     "Sombre royaume souterrain
     Labyrinthe d'inconscience
     C'est là qu'on est un peu divin."

(ibid) Retrouver le divin en soi dans un monde profané. Alors il rêve tandis que la maladie le menace. Il ouvre sa fenêtre le soir ; un accordéon joue dans le lointain « pour empêcher la mort du chant d'être complète ». (« Le soir dans les vitres », poème 12). Il cherche refuge dans une église où le soir envahi tout de ténèbres (poème 16).

     "L'ombre se tresse au front comme une couronne d'épines
      Mais c'est l'instant où on se sent un Dieu" (poème 17)

Il y a un côté divin dans cette quête intérieure, le soir en solitude. Est-il seul ? Pourtant il est marié depuis 1888 à une hennuyères de Frameries, Anna Maria Urbain dont aura un fils, Constantin.

C'est dans le chapitre « Les lignes de la main » qu'il exprime sa nostalgie d'avoir été déraciné du ciel (poème 9) ; le recueil et plein de verve admirable «Le gris du ciel du Nord dans mon âme est resté ». (« La tentation des nuages », poème 4) et la « Lune m'a hanté d'un paysage blanc » (poème 9), il se sent « La voix suprême d'une race qui disparaît […] Et plainte au fond de l'eau d'une cloche noyée » (épilogue). Ces vers achèvent le recueil

Puis il semble que la lumière renaisse en son âme avec une sorte d'hymne eucharistique par laquelle il va achever sa course terrestre, car sans le savoir c'est son dernier recueil qu'il publie, l'année de sa mort 1898, sous le titre « Le miroir du ciel natal ». Remarquons-le: non pas miroir du sol natal, mais du ciel natal. Ce ciel est non seulement le ciel de Belgique, mais la Belgique de son enfance est le miroir du vrai ciel, ce ciel dont nous avons été déracinés. Ce retour à l'enfance émerveillée soulève son cœur d'une indicible joie, toujours pudique et discrète, d'une nostalgie pleine d'espérance. Il l'exprime dans son épilogue :

     Seigneur en un jour grave il m'en souvient seigneur,
     Seigneur, j'ai fait le vœu d'une œuvre en votre honneur,
     C'est donc pour vous qu'ici brûlent d'abord des lampes
     Qui disent votre gloire et sont mes dithyrambes.
     Toutes ces chastes premières communiantes
     Vêtent mes rêves blancs de leurs robes qui chantent.
     C'est pour prix de vos biens et pour m'en rendre digne
     Que j'ai fait jusqu'à vous péleriner mes cygnes.
     J'ai varié  dans l'air le concert noir des cloches
     Pour m'exprimer moi-même en leur chant qui ricoche
     Et les jets d'eau montés en essors de colombes
     C'est ma Foi tour à tour qui s'élance et retombe.
     J'ai cherché votre Face en aimant les hosties,
     Viatique d'amour dont ma vie est nantie.
     Seigneur! en ma faveur souvenez-vous Seigneur,
     Seigneur, de l'humble effort d'une œuvre en votre honneur.

Notes et références modifier

Références modifier

1.Georges Rodenbach, "Oeuvre poètique " t. 1 et 2 "Le Mercure de France" Paris 1923 - 1925. Réédité par "Archives Karéline" , 2008. 2. Ibid t.2 "Les vies encloses poème n°9, p.55.

Bibliographie modifier

  • Gorceix (Paul): Georges Rodenbach (1855-1898),Edité par Honoré Champion (2006)
  • Anny Bodson-Thomas: L'Esthétique de Georges Rodenbach, Edité par H. Vaillant-Carmanne (1947)
  • Pierre Maes: Georges Rodenbach, Edité par Paris-Bruxelles. Eugène Figuière éditeur (1926)
  • Patrick laude:Rodenbach, les décors de silence : essai sur la poésie de Georges Rodenbach, Bruxelles, éditions Labor 1990
  • Le Monde de Rodenbach, études et documents réunis par Jean-Pierre Bertrand. Georges Rodenbach
  • Bruges-la-Morte, présentation, notes et dossier documentaire par Jean-Pierre Bertrand et Daniel Grojnowsk
  • Christian Berg: L’Automne des idées. Symbolisme et décadence à la fin du xixe siècle en France et en Belgique. Études réunies par Kathleen Gyssels, Sabine Hillen, Luc Rasson et Isa Van Acker, Leuven, Peeters, coll. La République des Lettres, 2013

Liens externes modifier