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Eugène Alphonse Morel, né à Paris 3e le [1] et mort à Meudon le , est un écrivain, critique littéraire et bibliothécaire français, connu surtout pour avoir fortement influé sur l'évolution des bibliothèques françaises au XXe siècle.

Biographie

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Enfance et formation

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Eugène Morel naît du mariage de Charles Adolphe Morel, un fabricant de bronze, et de Marie Louise Salanson[1]. Il a un frère de cinq ans son aîné, Frédéric Morel[2].

Leur père, Charles Morel, avait établi sa propre usine de fonderie sur la rue Thorigny dans Le Marais. Comme celle-ci prospéra, il put offrir à ses deux fils une éducation de qualité. Pour Eugène Morel, celle-ci commence à l’institut Sainte-Marie de Monceau, où son frère aîné étudie déjà. C’est toutefois au Lycée Charlemagne qu’il finit son éducation secondaire en y obtenant le baccalauréat en 1885. Il entreprend par la suite des études à la Faculté de droit de Paris, où il obtient en 1889 sa licence de droit[2].

Lors de la première année de ses études en droit, lors de l'année 1886, Morel rejoint La Revue Moderne[2]. Dans la même année, il en devient le secrétaire de rédaction[3]. Il y rencontre par ailleurs certaines figures du Naturalisme français, tel que J.-H. Rosny jeune et Lucien Descaves, qui l'encourage dans sa propre carrière d'écrivain[3][2]. C’est justement pendant cette même première année d'études de droit qu’il écrit son premier roman, L’ignorance acquise[2]. Ce roman est publié trois ans après, soit en 1889, et est très bien reçu par la critique[3].

Ayant terminé ses études de droits et passé l'admission au Barreau, Eugène Morel travaille pour le Parquet français lorsqu'il perd dès son premier cas en Cour de justice. À la suite de cet échec, il renonce rapidement au Droit[2][3].

Entre 1890 et 1891, Morel effectue son service militaire, dans le cadre duquel il est envoyé à la garnison d’Amiens. Là-bas, Morel rencontre le fils de Jules Verne,par l'entremise duquel il est présenté à l’écrivain lui-même, qui s’était retiré à Amiens[2]. Le temps de la conscription d'Eugène Morel ne dure qu'un an, plutôt que trois, en raison de la mort du frère de Morel, Frédéric, survenue alors que ce dernier était en service actif dans l'armée française en 1884[2].

Vie Professionnelle

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Il entre à la Bibliothèque nationale en 1892 comme attaché temporaire pour la préparation du nouveau catalogue: le Catalogue des imprimés[4]. Parallèlement à ses premières années à la Bibliothèque nationale, il continue sa carrière d'écrivain et publie plusieurs romans, articles et pièces de théâtre.

En 1906, il participe à la fondation de l'Association des bibliothécaires français[5], dont il sera élu président en 1918. En 1908-1909, il publie Bibliothèques, essai sur le développement des bibliothèques publiques et de la librairie dans les deux mondes, et en 1910, La Librairie publique, ouvrages dans lesquels il préfigure le développement des bibliothèques publiques au XXe siècle, en militant pour des bibliothèques plus modernes et plus proches des modèles américain et britannique qui lui ont laissé forte impression et dont il devient un fervent défenseur en France. En 1911, il introduit alors en France la classification décimale de Dewey à la bibliothèque de Levallois-Perret, dont le catalogue est publié en 1913[6].

Il a soutient la création de la bibliothèque parisienne pour enfants, L'Heure Joyeuse, dont les pionnières furent Claire Huchet, Marguerite Gruny (nièce d’Eugène Morel[2]) et Mathilde Leriche[7].

Décès

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Eugène Morel décède le 23 mars 1934 d’une hémorragie cérébrale[4] alors qu’il collabore avec la bibliothèque populaire de Meudon. Il s’efforçait de militer contre l'utilisation du terme « populaire », qui selon lui avait une connotation négative. Il aidait également au catalogage de cette bibliothèque[3].

Sa pensée

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Dans ses ouvrages Bibliothèques et La Librairie publique, Morel présente diverses idées visant à revoir la manière de penser les bibliothèques françaises, qu'il considère dépassées. Il soutient l’idée d’un accès gratuit aux bibliothèques, qui seraient financées par la contribution publique, comme le prescrit le modèle anglo-saxon des free public libraries qui introduisent le concept encore méconnu en France qu'est la Lecture publique[7]. Eugène Morel souhaite que les bibliothèques offrent des lectures à la fois intéressantes, formatrices et accessibles pour les usagers et souhaite également que les fonds de la Bibliothèque nationale se concentrent sur des acquisitions d’ouvrages utiles pour les chercheurs[3].

La réflexion de Morel sur la modernisation des bibliothèque s'intéresse aussi à une réforme du Dépôt légal, que Morel va proposer dans ses écrits. Selon ce projet de réforme, il suggère que le dépôt légal quant aux imprimeurs et aux éditeurs soit systématisé[5], de sorte qu’une bibliographie nationale unifiée soit créée. Il espère qu’ainsi les bibliothèques aient moins à gérer leur bibliographie et aient plus de temps pour classer les ouvrages selon les principes de classification décimale et pour consacrer leur temps au service à l’usager et à la constitution de collection[3], comme c’est le cas dans les bibliothèques anglo-saxonnes.

Morel s'intéresse de plus à la formation des bibliothécaires, critiquant dans La Librairie publique la formation offerte par l’École des chartes de l'époque[2]. Selon lui, la formation des futurs bibliothécaires devrait se construire autour de trois grands axes de connaissances :

  • La connaissance du livre (à savoir un volet présentant un portrait global de la production, de l’édition et du commerce du livre après 1750)[6];
  • Le classement et la recherche (à savoir un volet qui s’intéresse à la bibliographie et la documentation)[6];
  • Les bibliothèques (à savoir un volet qui présente les bibliothèques de France et de l’étranger) et la pratique de la profession de bibliothécaire (à savoir les fonctions que les bibliothécaires sont susceptibles d’exercer)[6].

Il construit à cette fin un programme de formation intitulée « les bibliothèques modernes », qu’il présente sous forme de quatre cycles de conférences. Celles-ci sont tenues en collaboration avec l’École des Hautes-Études sociales entre 1910 et 1914[3]. Pour ces conférences, Morel invite à intervenir plusieurs autres bibliothécaires et figures éminentes des sciences de l'information de l’époque, tel que Henri La Fontaine et Paul Otlet, qui ont été les invités d’honneur de la première année du programme[6].

Dans le même ordre d'idée, Morel cherche à intégrer à la formation des bibliothécaire un volet dédié au service bibliothécaire adressé aux enfants. En effet, Morel dit qu'il faut que les bibliothécaires soient formés pour un service adapté à la jeunesse[7]. Pour cela, il encourage et participe à la formation de femme pour tenir ces services ou bibliothèques pour enfants, tel que Claire Huchet, Marguerite Gruny et Mathilde Leriche, qui dirigeront l'Heure Joyeuse de Paris dès sa fondation en 1924, pour laquelle Morel collabore avec le Book Committee on Children's Libraries[7]. Morel, dans sa conception des bibliothèques pour enfants, pose le principe selon lequel la connaissance du fonctionnement de la bibliothèque est essentielle à l’éducation. Il considère donc qu'il est du devoir des bibliothécaires d'aider à créer l’habitude, chez les jeunes, de faire des recherches personnelles, de sorte qu’ils puissent s’instruire eux-mêmes[2].


  1. a et b Archives numérisées de l'état civil de Paris, acte de naissance no 3/1155/1869 (consulté le 22 mars 2020)
  2. a b c d e f g h i j et k (en) Gaëtan Benoît, Eugène Morel : Pioneer of Public Libraries in France, Litwin Books, LLC, , 260 p. (ISBN 978-0-9778617-8-1)
  3. a b c d e f g et h Agnès Sandras, « Eugène Morel : l’odyssée d’un polygraphe au pays de la classification décimale », Les Études Sociales, vol. 166, no 2,‎ , p. 163 (ISSN 0014-2204 et 2428-3509, DOI 10.3917/etsoc.166.0163, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Jean-Pierre Seguin, Eugène Morel et la lecture publique: Un prophète en son pays, Éditions de la Bibliothèque publique d’information, (ISBN 978-2-902706-73-0 et 978-2-84246-225-3, DOI 10.4000/books.bibpompidou.1827, lire en ligne)
  5. a et b Agnès Simon, « Bibliothécaires : lisez Morel ! », sur bbf.enssib.fr, (consulté le )
  6. a b c d et e Lydie Ducolomb, « Eugène Morel et la section des Bibliothèques modernes », sur bbf.enssib.fr, (consulté le )
  7. a b c et d Gaetan Benoit, « Eugène Morel and Children's Libraries in France », The Journal of Library History (1974-1987), vol. 20, no 3,‎ , p. 267–286 (ISSN 0275-3650, lire en ligne, consulté le )