Utilisateur:DominicSimard/Brouillon

L'alchimie dans le monde byzantin fait partie d’un ensemble de pratiques scientifiques héritées des grandes civilisations de l'antiquité, les Grecs, les Romains, les Égyptiens et les Mésopotamiens et que les intellectuels byzantins ont étudié, enseigné et transmis à travers des institutions scientifiques telle l'Université de Constantinople. Pour ces civilisations de l’antiquité, l’alchimie était souvent un processus de coloration d’objets faits de matériaux dits plus pauvres qui servaient à leur donner une nouvelle valeur. Les travaux des alchimistes de l’antiquité étaient souvent composés de recettes qui permettaient aux alchimistes de confondre les métaux à l’aide de teintures ou d’autres éléments chimiques. L’alchimie était aussi pour ces savants de l’antiquité une manière d’exprimer la nature mystique du monde et était souvent combinée aux études philosophiques, religieuses ou astronomiques. Cette vision de la pratique alchimique a été transmise chez les savants byzantins pour qui la pratique scientifique relève surtout de la préservation et de l'étude des grands écrits de l'Antiquité que vers de nouvelles évolutions. Par exemple, les écrits de philosophes grecs tels Platon, Aristote ou encore Démocrite sont d’une importance capitale dans le domaine scientifique byzantin. L'alchimie, comme science mythique et mystique, jouera un rôle assez important dans le travail de plusieurs scientifiques byzantins, qui très souvent occupent aussi des postes ecclésiastiques, mais elle sera aussi persécutée et mal vue pendant de longues périodes de la civilisation byzantine, tout comme l’ensemble des pratiques scientifiques. L'alchimie représente donc pour les intellectuels byzantins une sorte de rencontre entre le domaine scientifique et le domaine spirituel. L’alchimie dans le monde byzantin ne peut donc pas être dissociée de la philosophie, de la rhétorique, de l'astronomie, de l'astrologie et des études religieuses. La science byzantine est surtout reconnue pour avoir su léguer les grandes connaissances scientifiques issues des penseurs de l'Antiquité à d’autres civilisations de leur époque tels les musulmans, ou suite à la chute de Constantinople, aux grands penseurs de la Renaissance italienne. Dans ce sens, même si les travaux d'alchimies byzantins ne font pas légion, les alchimistes byzantins joueront un rôle clé dans le développement de sa pratique à travers l'Europe et le Moyen-Orient.


Les textes précurseurs de l’alchimie dans l’Empire byzantin

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Deux des premiers textes qui se révèlent comme précurseur de la pratique alchimique byzantine sont des textes ayant appartenu au marchand Giovanni Anastasi au 18e et 19e siècle. Ces deux textes ont été transmis respectivement au musée de Leyde aux Pays-Bas et à la Kongelige Biblioteket de Stockholm. Ces deux textes, probablement issus de la tradition scientifique égyptienne et datant du 4e siècle, compilent plusieurs de ces recettes concernant la transformation de l’argent, de l’or, des pierres précieuses et des étoffes et s’inscrivent dans la tradition dite pseudo-Démocrite, issue des idées matérialistes du philosophe grec Démocrite. Ces textes sont l’un des premiers exemples concrets de recettes alchimiques ayant atteint le monde byzantin et précèdent un autre texte fondateur pour les travaux alchimiques de Byzance, ceux de l’alchimiste gréco-égyptien Zozisme de Panoplie. Les travaux de cet alchimiste vont encore plus loin en établissant un rapport entre la transmutation des métaux et la pratique religieuse, un rapport essentiel pour la compréhension de l’étude alchimique chez les Byzantins. Les travaux de Zozisme s’éloignent aussi de ces simples recettes pour décrire des procédés chimiques beaucoup plus complexes. Selon les écrits de Zozisme, toutes les matières sont composées d’un corps ou soma et d’une partie volatile, attribuable à son esprit, ou pneuma. La pratique alchimique serait essentiellement un procédé cherchant à utiliser le feu, soit par les techniques de distillation ou de sublimation, pour séparer l’esprit de son corps. Ce concept aura une grande influence sur les philosophes byzantins et arabes des siècles suivants et Zozisme peut être considéré comme le premier grand philosophe de la tradition byzantine.

Étienne d'Alexandrie et l’École d’Alexandrie

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Le début du 7e siècle voit l’émergence sur le plan alchimique d’un cercle de penseurs alexandrins, communément appelé l'École d'Alexandrie, où sinon l'Académie philosophique d'Alexandrie. On retrouve dans cette école plusieurs grands penseurs dont notamment Étienne d’Alexandrie, aussi appelé Stéphanos d’Alexandrie, un alchimiste, mathématicien, philosophe, astronome et probable médecin. Étienne d'Alexandrie sera l'un des premiers penseurs alexandrins à exporter ses idées dans le monde byzantin, à la suite d'une invitation à la cour de l'empereur Héraclius, que l'on situe autour de l'an 610. Étienne d’Alexandrie et ses compatriotes tel Olympiodore l’Alchimiste, Synésios de Cyrène ou encore Énée de Gaza se consacre depuis longtemps à l’étude des travaux d’alchimie et de philosophie grecs, romains et égyptiens. On attribue notamment à Synésios un commentaire sur les écrits pseudo-Démocrite datant de 389 et à Olympiodore un commentaire sur les travaux de Zozisme. Étienne d’Alexandrie offrira pour sa part plusieurs commentaires sur les travaux de Platon et d’Aristote, mais aussi un traité mystique sur la transformation des métaux en or. Commentant sur les travaux d’alchimies grecs, il affirme que:

« Le sage parle par énigmes autant que faire se peut... Les fourneaux matériels, les instruments de verre, les flacons de toute sorte, alambics, kérotakis [plaque de métal posée sur un récipient contenant des charbons ardents, pour fondre la cire, condenser les vapeurs], ceux qui s'attachent à ces vains objets succombent sous ce fastidieux fardeau. »[1]

Pour lui, l’alchimie révèle donc plutôt du mystique que du mythique, se dissociant donc de l'aspect matériel de l'alchimie qu'il définit plutôt comme «l’étude méthodique de la création du monde par le verbe». Ses travaux se composent donc de révision de concepts atomiques de l’époque antique, comme le modèle stoïcien, selon lequel l’esprit serait composé d’air et de feu et aurait la capacité de pénétrer chaque élément du monde et de le gouverner. L’aspect spirituel fait partie intégrale du travail d'Étienne d'Alexandrie et illustre le lien très fort qui unit les sciences telle l'alchimie à la profession ecclésiastique dans l'Empire byzantin. En effet, les congrégations religieuses et les monastères sont les hauts lieux des sciences byzantines et les enseignements offerts comme à l'université de Constantinople sont la plupart du temps donné par des hommes de religion. Étienne d'Alexandrie n'est pas officiellement un ecclésiastique, mais plusieurs mentionnent l'importance de sa ferveur chrétienne dans ses travaux. On estime que le roi Héraclius aurait invité Étienne d’Alexandrie peu après son avènement vers 610 et que Étienne y aurait enseigné la philosophie et l’alchimie pendant plusieurs années. Le rôle de l'empereur Héraclius dans le développement d'un véritable domaine alchimique chez les penseurs byzantins est mal défini, mais certains affirment que la recherche de la pierre philosophale était devenue pour lui une obsession.[2] La capacité de transformer les métaux en métaux précieux est donc définitivement un grand attrait pour les grands souverains et les sociétés de l'époque, même si les grands alchimistes tels Étienne d'Alexandrie semblent se dissocier de l'aspect matériel de cette pratique. C'est d'ailleurs un élève d'Étienne d'Alexandrie, du nom de Marianos ou Morienus, qui aurait introduit l’alchimie dans le monde musulman en initiant le prince Khalid ibn Yazid vers 675. Les princes musulmans seront très vite attirés par les promesses de cette science occulte et c'est pourquoi les musulmans deviendront les plus importants alchimistes pour les siècles à venir.

Michel Psellos

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Malgré les désirs de l'empereur Héraclius de promouvoir l'alchimie dans le monde byzantin, les cercles d’intellectuels de Constantinople verront leurs travaux être contestés par l'Église et les études et les écrits byzantins connaîtront un grand déclin dans les siècles à venir. La pratique scientifique sera en effet bannie du territoire byzantin pendant un long moment avant d’être rétablie par l’empereur Constantin VII, dit le Porphyrogénète, qui aurait régné de 944 à 959. L’une des figures principales de l’érudition byzantine, et celui qui ramènera le plus la pratique scientifique à l’avant-plan est le scientifique Michel Psellos, né en 1017 apr. J.-C. Michel Psellos est l'un des personnages les plus influents de l'histoire scientifique byzantine et on lui attribue la restauration de la renommée des institutions scientifiques telle l'université de Constantinople, qui avait connu un grand déclin depuis le règne de l'empereur Héraclius. Très jeune, Psellos affiche un savoir encyclopédique et dès l'âge de 25 ans, il affirme posséder tous les savoirs du monde.[3] Il s'affiche aussi très vite comme un orateur hors pair et devient un professeur renommé et respecté par tous tellement, qu'il est invité par l'empereur Constantin IX Monomaque à faire carrière dans la chancellerie impériale. Donc, en plus d'être un savant aux connaissances impressionnantes pour l'époque, Psellos possède un rôle extrêmement important dans l'administration de l'empire. Plus important encore, Constantin Monomaque militera pour la restauration de l’importance de la culture dans la société byzantine et offrira donc une tribune à des intellectuels comme Psellos et leurs enseignements. Il semblerait que Psellos ait pris cette occasion pour redonner une légitimité au domaine alchimique, notamment avec ses écrits Épitre Sur La Chrysopée ou dans une lettre adressée au patriarche Michael I Cerularius intitulée Comment Faire De L’Or. Cette lettre avance que la transmutation des métaux serait un processus tout à fait naturel et donne une série de recettes permettant la transformation de différents métaux en or. Selon la légende, Psellos aurait fini jaloux du patriarche qui serait devenu un maître de la pratique alchimique à la suite de l’étude de cette lettre. Toutefois, selon l’historien Joseph Bidez qui a publié les écrits de Psellos en 1928, Psellos ne possédait que des connaissances inexactes des procédés alchimiques.[4] Malgré cette affirmation, Michel Psellos possède une importance non négligeable sur l’évolution de la culture byzantine et la restauration de l’alchimie comme un sujet d'étude d’importance au même niveau que la philosophie et la rhétorique.

La transmission des concepts alchimiques vers l’Occident

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Si par la suite l’alchimie est surtout une affaire des Arabes et ensuite des grands alchimistes européens tel Nicolas Flamel, l’alchimie byzantine continuera d’avoir une importance considérable sur la pratique, notamment à travers les écrits du scientifique catalan Arnold de Villanova, dont les écrits auraient émergé en Italie du Sud au 14e siècle. Sa traduction d’œuvre alchimique provenant de l’Empire byzantin aurait grandement influencé la pratique chez les penseurs humanistes de la Renaissance. La chute de Constantinople en 1492 aurait aussi entrainé un exode de penseurs et de prêtres transportant plusieurs manuscrits contenant des processus alchimiques encore inconnus de l’Occident.


  1. Anna Maria Ieraci Bio, « A. COLINET, Les alchimistes grecs. Tome X. L'Anonyme de Zuretti ou L'art sacré et divin de la chrysopée par un anonyme », Byzantinische Zeitschrift, vol. 95, no 2,‎ (ISSN 0007-7704, DOI 10.1515/byzs.2002.680, lire en ligne, consulté le )
  2. Martin, Sean., Alchemy & Alchemists, Oldcastle Books, (OCLC 941370596, lire en ligne)
  3. Cheynet, Jean-Claude (1947-....)., Le monde byzantin. (ISBN 2130638546 et 9782130638544, OCLC 903046939, lire en ligne)
  4. Bidez, Joseph., Catalogue des manuscrits alchimiques grecs : Michel Psellus, Epître sur la Chrysopée, opuscules et extraits sur l'alchimie, la météorologie et la démonologie, M. Lamertin, (OCLC 493644125, lire en ligne)