Utilisateur:FlashTheGordon/Brouillon

Le concept d’Offset Strategy s’inscrit dans le domaine de la supériorité militaire américaine. Il s’agit de tirer parti de la technologie pour gagner un avantage qualitatif face à l’ensemble des menaces. L’Offset Strategy est une réponse aux limitations en particulier financières d’une approche uniquement par force, quantitative, qui consiste à aligner en nombre équivalent ou supérieur des moyens de même nature face à une menace : char contre char, avion contre avion, divisions contre divisions, etc.
Les Etats-Unis ont initié fin 2014 leur troisième offset strategy, l'article se propose de décrire les caractéristiques propres de ces stratégies.

Le Secrétaire à la Défense Chuck Hagel lors de l'annonce de la Defense Innovation Initiative et de la Third Offset Strategy à la Ronald Reagan Presidential Library de Simi Valley en Californie, le 15 novembre 2014.

OFFSET STRATEGY - GENESE modifier

L’initiative lancée fin 2014 aux USA et menée sous l’égide du DOD[1] visant à redonner la supériorité militaire trouve le qualificatif de third [troisième] offset strategy par le secrétaire d’Etat à la défense Chuck Hagel[2] (discours prononcé au Reagan National Defense Forum à Simi Valley en Californie[3] ). L’étude TOWARD A NEW OFFSET STRATEGY – 2014 - EXPLOITING U.S. LONG-TERM ADVANTAGES TO RESTORE U.S. GLOBAL POWER PROJECTION CAPABILITY [4] du CSBA[5] formule des recommandations au profit de cette initiative, et comporte une analyse des deux premières Offset Strategies initiées dans les années 50 puis dans les années 70. Ce n’est que dans la seconde phase (années 70) que le vocable d’Offset Strategy surgit.

Années 50 – Project Solarium - L’arme nucléaire, levier de la supériorité des USA face à l’Union Soviétique modifier

Considéré comme la première version de l’Offset Strategy, le projet Solarium, lancé en 1953 par le président Eisenhower, visait à assurer la suprématie des Etats-Unis face à l’Union Soviétique, et avait pour but de contrer la supériorité soviétique en nombre de divisions (facteur 7). La volonté du président Eisenhower était d’assurer une dissuasion crédible sans mettre en péril la santé économique des USA.
Il en résultat une stratégie en deux points :

  • l’abandon d’une approche en nombre pour nombre de forces conventionnelles au profit d’une force nucléaire pouvant délivrer une réponse infligeant des dégâts massifs à l’adversaire (massive retaliation).
  • La notion de stratégie asymétrique (strategic asymmetry) qui consistait à pouvoir infliger des dégâts aussi aux satellites de l’Union Soviétique, y compris la Chine.

L’idée force est que l’arme nucléaire représentait le levier technologique majeur donnant l’avantage au regard du déficit en forces conventionnelles, les USA ayant en outre conduit un essai de bombe à hydrogène, que les Soviétiques, a priori, ne maîtrisaient pas. Le concept de massive retaliation a été publiquement introduit en 1954 au conseil de sécurité national (National Security Council) par le président Eisenhower. En complément, il est important de noter qu’un effort significatif était mené en matière d’espionnage, au sabotage et aux opérations secrètes, de façon à réduire les coûts de la stratégie nucléaire. Dans le même esprit, l’appui des nations alliées pour réduire l’utilisation de ressources US en Europe et en Asie était un axe à développer. Du fait de la course aux armements nucléaires à la fin des années 50, le concept de réponse nucléaire massive s’est avéré rapidement non soutenable financièrement, ce qui a conduit au concept de réponse nucléaire basée sur un format adapté (adequate) des forces, visant à pouvoir infliger des dégâts inacceptables à l’ennemi. Les investissements et développements correspondants ont conduit :

  • à l’extension significative des capacités de ravitaillement en vol (au profit des bombardiers stratégiques B47),
  • à la création d’un système de défense aérienne et anti-missile intégré (comprenant la détection pour l’alerte anti-missile),
  • à la mise en service du missile Minuteman à propulsion solide,
  • au durcissement des silos missile et à une dissémination géographique des moyens nucléaires.

Egalement, dans le domaine du renseignement et de la planification conventionnelle et nucléaire, le U2 Dragon Lady[6] et le satellite imageur photo Corona[7] sont l’expression de cette stratégie. Enfin, du point de vue budgétaire, l’Air Force a vu son budget augmenter (Strategic Air Command) au détriment de celui de l’Army et du Marine Corps.

Années 70 – Offset Strategy - La technologie comme levier de la suprématie modifier

Le concept d’Offset Strategy est développé dans la seconde moitié des années 70 par le secrétaire à la défense américain Harold Brown et son adjoint Recherche et Développement William J. Perry. Il est présenté par Brown en 1981 au Congrès[8] : Technology can be a force multiplier, a resource that can be used to help offset numerical advantages of an adversary. Superior technology is one very effective way to balance military capabilities other than matching an adversary tank-for-tank or soldier-for-soldier… [La technologie peut nous apporter un bras de levier de force significatif, elle est une ressource qui peut nous permettre d’avoir l’avantage face à la supériorité numérique de nos adversaires. La supériorité technologique est un moyen efficace d’optimisation de nos capacités militaires en regard d’une approche char-contre-char ou soldat-contre-soldat pour contrer nos adversaires.]

Il faut aussi noter dans le rapport de Brown au Congrès la nécessité d’équilibrer des moyens technologiques complexes coûteux avec des moyens bas-coût : Even with the most sophisticated weapon systems, however, we cannot allow the numerical disparities between us and the Soviets to widen further. Thus, we continue to plan our forces on the basis of a “high-low” mix of high performance, high technology systems with less complicated, less expensive systems. [Même avec les systèmes d’armes les plus sophistiqués, nous ne pouvons nous permettre de voir s’étendre encore plus les disparités en nombre entre nous et les soviétiques. Par conséquent, nous continuons à planifier nos forces sur un principe de mixité de performances « haut – bas » : des systèmes de haute technologie couplés à des systèmes moins complexes et moins chers.]

Cette stratégie a conduit au développement :

  • de nouvelles plateformes ISR[9] et C2[10],
  • des armements de précision,
  • de la furtivité des aéronefs,
  • des moyens spatiaux ISR et navigation (incluant la donnée précise du temps). La DARPA a été un acteur majeur des développements technologiques, avec un plan long-terme (Long Range Research and Development Plan - LRRDP) initié dès 1975. Il est considéré que l’AWACS[11], le JTIDS[12], les systèmes de drones, le F117-A et les munitions de précision bas-coût sont le fruit de cette stratégie.

La supériorité des USA dans les conflits était amenée par la capacité offertes par ces technologies de pouvoir frapper avec précision à tout moment des cibles de très haute valeur : cela représente donc une forme de dissuasion, et se substitue à une approche de conflit ouvert où des forces doivent être alignées nombre pour nombre.

Années 90 - RMA – Revolution in Military Affairs modifier

L’Offset Strategy a trouvé un terrain d’application concrète non pas face aux forces du Pacte de Varsovie, mais lors des premières opérations en Irak (Desert Storm), où il est reconnu qu’il s’agissait de la première application de capacités militaires intégrées et interconnectées en un ensemble unique et cohérent. William J.Perry illustre cette situation dans un discours donné en 2003[13] sur le lien technologie/sécurité: The American commander in Desert Storm, who had both of these resources [NDLR : AWACS et Système de localisation de haute précision JSTARS], knew at all times, for every place in the battle area, exactly where every Iraqi airplane and every Iraqi ground vehicle was located. That’s a huge advantage. The Iraqi commander, on the other hand, only knew what he could learn by looking out of his foxhole. Le concept de Revolution in Military Affairs (RMA)[14] fait son apparition dans la communauté DOD à cette occasion. Elle se définit comme a "discontinuous increase in military capability and effectiveness" arising from simultaneous and mutually supportive change in technology, systems, operational methods, and military organizations[15]. Le concept de RMA sera le vocable associé à la transformation militaire durant le mandat du secrétaire à la défense Rumsfeld. Le concept d’offset strategy est revenu sur le devant de la scène sous l’impulsion de Robert Work.

THIRD OFFSET STRATEGY - 2014 – Defense Innovation Initiative modifier

Le secrétaire à la défense Chuck Hagel a lancé en novembre 2014 la Defense Innovation Initiative (DII)[16], expression d’une game-changing third ‘offset’, ou troisième offset de rupture (discours prononcé au Reagan National Defense Forum à Simi Valley en Californie[17]) . L’ambition est le maintien d’une suprématie militaire américaine, dans un environnement stratégique et un environnement budgétaire tous deux incertains. Robert O. Work, adjoint au secrétaire à la défense, a développé en particulier au CSBA en 2003[18], puis au CNAS[19], des réflexions sur l’Offset Strategy dans les deux déclinaisons particulières de ces think-tank. Il est un acteur central de la troisième Offset Strategy.

Robert O. Work, Adjoint au secrétaire à la défense américaine

La Defense Innovation Initiative comprend:

  • un axe technologique où il s’agit d’identifier les technologies-clefs à développer lors de la prochaine décennie (et au-delà),
  • un axe concept opérationnel, centré sur la recherche de nouveaux concepts et de nouveaux types de wargaming.
  • un axe centré sur les ressources humaines, posant la question de la formation militaire, de la formation des leaders et des managers, de l’entraînement et de la préparation.
  • un axe fonctionnement interne comportant la recherche de l’optimisation des coûts de fonctionnement de « l’entreprise DOD », et l’optimisation des processus d’acquisition.

L’initiative du DOD comporte des actions externes visibles et accessibles. Il est reconnu que le domaine commercial privé civil détient aujourd’hui une connaissance et un potentiel d’innovation supérieurs à celui du domaine défense. L’axe technologique a pris fin 2014 la forme d’un appel à idées de l’industrie sur les technologies à développer. Un Request For Information[20] a été publié le 3 décembre 2014. La cible semble être en particulier le réseau de start-up de la Silicon Valley que le DOD cherche à attirer. On notera que le secrétaire à la défense Hagel mentionne dans son discours cité supra un focus sur la robotique, les systèmes autonomes, la miniaturisation, le Big Data et les techniques avancées de fabrication, dont l’impression 3D. Le focus dédié à la robotique s’inspire de recommandations faites par Robert Work[21], alors CEO du CNAS, et qui sera nommé adjoint au secrétaire à la défense le 30 avril 2014, et Shawn Brimley[22], son directeur exécutif, dans une étude publiée en janvier 2014[23] : l’étude est un manifeste pour une prise en compte par le politique des systèmes autonomes, qui représentent une opportunité majeure dans l’outil de défense. L’axe fonctionnement interne s’exprime sous la forme de l’initiative Better Buying Power 3.0 (http://bbp.dau.mil), avec un credo « Do more without more ». Cette initiative du DOD vise à optimiser les processus d’acquisition en soutenant l’innovation et les PME, et à optimiser les coûts et délais des programmes d'armements.

Notes et Références modifier

  1. US Department Of Defence
  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Chuck_Hagel
  3. http://warontherocks.com/2014/11/a-game-changing-third-offset-strategy/
  4. http://www.csbaonline.org/publications/2014/10/toward-a-new-offset-strategy-exploiting-u-s-long-term-advantages-to-restore-u-s-global-power-projection-capability/
  5. Center for Strategic and Budgetary Assessments, http://www.csbaonline.org/
  6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lockheed_U-2
  7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Corona_(satellite)
  8. http://history.defense.gov/Portals/70/Documents/annual_reports/1982_DoD_AR.pdf
  9. Intelligence, Surveillance, Reconnaissance
  10. Command and Control
  11. Airborne Warning and Control System
  12. Joint Tactical Information and Distribution System
  13. “Technology and National Security: Risks and Responsibilities”, Conference on Risk and Responsibility in Contemporary Engineering and Science: French and U.S. Perspectives, France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies April 7-8, 2003. http://stanford.edu/dept/france-stanford/Conferences/Risk/Perry.pdf
  14. https://en.wikipedia.org/wiki/Revolution_in_Military_Affairs
  15. STRATEGY AND THE REVOLUTION IN MILITARY AFFAIRS: FROM THEORY TO POLICY (Steven Metz, James Kievit) June 27, 1995. http://www.au.af.mil/au/awc/awcgate/ssi/stratrma.pdf
  16. Memo DOD officiel: http://www.defense.gov/pubs/OSD013411-14.pdf
  17. http://warontherocks.com/2014/11/a-game-changing-third-offset-strategy/
  18. http://www.csbaonline.org/wp-content/uploads/2011/03/2003.05.20-Anti-Access-Area-Denial-A2-AD.pdf
  19. Center for a New American Security, http://www.cnas.org
  20. http://online.wsj.com/public/resources/documents/offsetrfi1203.pdf
  21. https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_O._Work
  22. http://www.cnas.org/people/experts/staff/shawn-brimley
  23. http://www.cnas.org/20YY-Preparing-War-in-Robotic-Age#.VL0la8actUQ