Utilisateur:HYPOLITE GNAFRON/Brouillon

LE PIEGE JUDICIAIRE

Les faits relatés sont absolument réels

Ils témoignent de la difficulté de survivre sans sombrer dans la folie 

Deux époux conventionnement séparés de biens vivent ensemble depuis de nombreuses années. Sans le sou, le mari s’emploie avec entrain  à dévaliser progressivement sa femme au point de la laisser sans ressources, pendant que lui, grâce à la bienveillance financière de celle-ci, finit par monter un empire de papier qui ne résistera guère à l’usure du temps. Un beau jour, alors qu’il a refait sa vie en d’autres lieux et souhaite se remarier,  il demande et obtient le divorce. Le jugement puis l’arrêt confirmatif alloue à la femme une prestation compensatoire d’un montant égale à la moitié de ce qu’elle demandait. L’avocat de celle-ci omet, malgré la demande réitérée de la femme,  de requérir l’attribution préférentielle de la petite maison, qui reste en indivision, et pour l’occupation de laquelle la femme est gentiment invitée à verser un loyer à son mari. Il omet également de prendre hypothèque  sur la part indivise du mari et sur d’autres biens immobiliers dont le mari a depuis fait l’acquisition conjointement avec sa nouvelle femme. Quelque temps plus tard, le mari demande le partage et obtient par jugement la licitation par voie de vente aux enchères publiques de la petite maison.  L’avocat omet de relever appel de cette décision qui, une fois exécutée, mettra la femme à la rue.  Le jugement fait l’objet d’une tentative d’exécution dans le cadre de laquelle le mari espère céder sa part contre la prestation compensatoire, qu’il n’a pas payée. Le montant de la prestation compensatoire étant supérieure à près de 10 fois la valeur de sa part dans la petite maison, la manœuvre échoue et le mari renonce à faire exécuter le jugement.   

Le mari, dont les affaires commencent à vaciller, dépose le bilan d’une des filiales du groupe et se fait malencontreusement condamner à contribuer au passif de la filiale à hauteur de 400 000 €. Le mari étant apparemment incapable d’honorer sa dette, le liquidateur de la filiale prend hypothèque sur la part indivise que détient le mari sur la petite maison et sur la part indivise qu’il détient avec sa nouvelle épouse sur une autre propriété, celle-là somptueuse d’une valeur supérieure au quintuple de celle de la petite maison (fruit des abus de biens sociaux commis par le mari dans la gestion de son groupe).

Bien qu’avisé comme on est en droit de l’espérer, l’avocat, omt de prendre hypothèque sur la part indivise détenue par le mari sur la petite maison de sorte que l’hypothèque inscrite du chef du liquidateur, qui  vient en premier rang, fait définitivement obstacle à la perspective de récupérer la pleine propriété de celle-ci.

Fin juriste, l’avocat tente de se rattraper aux branches et entreprend de poursuivre le notaire qui a reçu l’acte de vente de la petite maison. Celle-ci a été en effet payée avec des deniers provenant de la vente d’une autre maison appartenant en propre à la femme. Le notaire, qui le sait, passe outre et reçoit la vente au nom des époux indivis sans faire mention de l’emploi des fonds utilisés pour payer le prix ni même déclaré la circonstance en relatant l’origine des deniers investis dans le paiement du prix. Comble de malchance, il attaque le notaire sur le défaut de devoir de conseil alors qu’il fallait lui reprocher l’inexécution des obligations attachées à sa mission. Il néglige de faire appel de sorte que le jugement qui a logiquement débouté la femme, est devenu définitif. Le mari qui n’a toujours pas payé la prestation compensatoire provoque le courroux du rusé avocat qui, au terme de la citation directe qu’il introduit au pénal pour abandon de famille, obtient avec brio un jugement confirmé par la Cour condamnant le mari à la prison, mais avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de 2 ans et, sur intérêts civils, au paiement de 5 000 € de dommages et intérêts. Toujours aussi avisé, il obtient un jugement autorisant la saisie attribution des parts d’une filiale coffre-fort du groupe du mari, qui fait appel mais perd. Par distraction sans doute, le juriste avisé omet d’exécuter la saisie-attribution pourtant définitive.

Les affaires en apparence florissantes du mari périclitent au point qu’il est contraint de déposer le bilan de l’ensemble des sociétés du groupe qu’il a créé à force de magouilles, non sans avoir préalablement tenté de dissimuler sa débâcle à coups de faux bilans et d’abus de biens sociaux, ainsi qu’on vient de le voir. Le redressement judiciaire est très vite converti en liquidation judiciaire. Le liquidateur décide de cesser l’activité sans même chercher à céder l’entreprise et licencie le personnel à toute allure. L’actif comprend du matériel, des stocks, les constructions et le droit au bail à construction consenti par le propriétaire sur lequel celles-ci sont édifiées. Le liquidateur fait vendre à l’encan le matériel, les stocks pour un prix global à peine suffisant pour couvrit la charge des licenciements et s’empresse de résilier le bail à construction sans se préoccuper du sort des hypothèques constituées par le groupe du mari sur les constructions et le bail,  laissant au propriétaire le soin de payer les montants garantis, dont le total est quasiment égal à la valeur de l’immeuble ainsi délaissé (dans un état effroyable) avec l’élégance dont les liquidateurs savent faire preuve, omettant à cette occasion de poursuivre en responsabilité le principal créancier inscrit, alors pourtant que, contre la garantie constituée par l’hypothèque, ce dernier a accepté de maintenir ses concours et permis au mari d’aggraver le passif dans des proportions inimaginables. Le liquidateur a même poussé  la courtoisie jusqu’à admettre définitivement au passif du groupe la créance de celui-ci, de telle sorte que  l’heureux propriétaire de l’immeuble ne dispose d’aucun moyen pour échapper au paiement d’une dette qu’il n’a pas contractée et dont il ignorait l’existence.

La femme ne demeure pas inactive. Constatant les fautes commises par l’habile avocat, elle décide d’en changer et confie à un autre la mission de poursuivre son confrère prédécesseur en responsabilité, ce que celui-ci s’empresse de ne pas faire sans fournir le première commencement d’une bonne raison alors pourtant qu’il est avéré que le fin juriste qui devrait être mis en cause, entre autres actions glorieuses :

-        N’a jamais tenté de recouvrer par la voie civile le montant de la prestation compensatoire, alors qu’à époque de l’arrêt ayant confirmé ce montant, le mari était parfaitement capable de le régler,

-        A omis de requérir l’attribution préférentielle de la petite maison,

-        S’est fourvoyé dans une action vouée à l’échec contre le notaire,

-        A délibérément menti à plusieurs reprises aux juridictions saisies dans la fin maladroite et vaine d’obtenir gain de cause,

-        A omis d’inscrire la créance de prestation compensatoire par hypothèque sur la petite maison,

-        A omis d’exécuter une saisie-attribution définitive qui aurait permis d’obtenir le paiement de la prestation compensatoire,

-        A omis d’appréhender le patrimoine personnel du mari, pourtant visible et d’une valeur suffisante à l’apurement des dettes du mari.   

J’ai gardé pour la fin quelques cerises sur la part demeurée intacte du gâteau.

Le délai de 2 ans imparti pour relever appel du jugement ayant ordonné la vente par licitation de la petite maison n’étant pas alors expiré, la femme demande au nouvel avocat de relever appel dans la fin de solliciter l’attribution préférentielle de cet immeuble. L’avocat se prend les pieds dans le tapis et déclare l’appel deux jours trop tard.

Créancier hypothécaire du mari des suites du jugement l’ayant condamné à combler le passif d’une des filiales du groupe et de la sûreté qu’il a fait inscrire sur la petite maison, le liquidateur entreprend une action en licitation partage de ce bien indivis. Par conclusions en réplique, la femme fait plaider l’autorité de la chose jugée, l’appel en cours et l’irrecevabilité de la demande. Sur quoi le liquidateur saisit le conseiller à la mise en état chargé de l’instruction de l’appel du jugement ayant ordonné la licitation à la demande du mari, et obtient de ce dernier une ordonnance déclarant l’appel irrecevable.

L’ordonnance est un morceau de bravoure :

1°)- Rendue sur le fondement de l’appel du jugement, elle mentionne la femme en qualité d’appelante, ce qui est exact, et le liquidateur en celle d’intimé alors que cette qualité revient au mari et que le liquidateur, qui n’est pas partie au jugement attaqué et qui n’est pas intervenu volontairement à la procédure, est parfaitement irrecevable à requérir quoi que ce soit ;

2°)- Elle stipule que le conseiller à la mise en état a été saisi sur incident formé par le mari alors que ce dernier fait défaut à la procédure et que l’incident est réellement formé par le liquidateur,

3°)- L’appel relevé contre le jugement attaqué l’est pour nullité de cette décision qui a été rendue par le tribunal de grande instance alors qu’en cette matière le juge aux affaires familiales est seul compétent (agissant par la voie oblique le créancier de l’indivisaire emprunte le droit et les moyens de ce dernier) puisque l’instance a trait au mode de partage consécutif au divorce ; recevable ne tout état de cause,  l’appel nullité est recevable nonobstant l’expiration du délai imparti.

L’ordonnance est évidemment nulle. 

La seule méthode pouvant être utilement mise en œuvre consiste à déférer l’ordonnance à la Cour en souhaitant que dans son infinie sagesse, elle dise enfin le droit à la place de l’envers. 

Mon avis ? On a pas fini de trembler.