Utilisateur:Hippo75/Esclavage

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à intégrer dans Décret du 15 mars 1790 modifier

Limites :

  • Mainmorte remplacée par redevance annuelle. Mainmorte abolie, mais redevance maintenue.
  • le paysan n'a pas de visibilité Droits rachetables auj, peut-être abolis demain :
  • Rachats des droits rendus impossibles :

Ces droits iniques, non seulement la Constituante ne les a pas abolis, mais elle en a organisé le rachat de façon à le rendre impossible. « La première de ces dispositions est celle qui veut qu’on ne puisse racheter les droits fixes sans racheter en même temps les droits actuels. « La seconde est celle qui maintient la solidarité parmi les débiteurs des droits conservés. » C’est sur ces deux points que Couthon se borne à appeler la réforme de la Législative : « Il est temps, Messieurs, de réformer des dispositions si vicieuses, si injustes, si impolitiques, si inconstitutionnelles, c’est la pétition du peuple que je vous présente quand je fais ici la motion expresse de décréter : « 1° Que tout débiteur de droits ci-devant seigneuriaux conservés, pourra en faire le rachat partiel, sans, qu’en vertu de la solidarité, il puisse être contraint à rembourser au delà de sa quote-part ; et ne seront réputés conservés et susceptibles de rachat que ceux des dits droits, qui seront établis par titres constitutifs suivis de prestations ou, au moins, par trois reconnaissances successives, également suivies de prestation et dont la plus ancienne rappelle le titre de concession ; « 2° Qu’il n’y aura lieu au rachat forcé des droits casuels, que dans le cas où, après le rachat effectué des droits fixes, il y aurait mutation réelle de propriété par vente ou acte équivalant à vente. »

« Sur la représentation faite par un membre de l’Assemblée que la dureté du régime féodal se perpétuera encore après sa proscription si le ci-devant vassal demeure assujetti à ne pouvoir rembourser les rentes déclarées rachetables par l’article 6 du décret du 4 août 1789 qu’autant qu’il rembourserait les droits casuels de lods et ventes et de rachats et qu’il affranchirait la contribution solidaire de ses consorts. (Quand plusieurs ex-vassaux étaient tenus solidairement à un droit, ils ne pouvaient se racheter chacun pour sa part : il fallait que le rachat eût lieu d’ensemble et c’était une difficulté de plus.)


  • Abolition progressive :Or, même dans une ardente période révolutionnaire, de 1789 à 1795, même après l’abolition en principe du régime féodal, c’est pièce à pièce seulement, et sous des efforts répétés, que tomba la propriété féodale. Sans la ténacité profonde du paysan, la féodalité durerait peut-être encore en partie, malgré l’éblouissante nuit du 4 août. L’expropriation de la féodalité s’est faite par morceaux, même en pleine période révolutionnaire.
  • Ainsi, à parler net, ce n’est pas précisément le régime féodal que l’Assemblée a aboli, malgré sa déclaration fastueuse et presque vide du 4 août. Elle n’a pas aboli l’ensemble de ces charges pécuniaires qui grevaient la propriété paysanne au profit des seigneurs. Elle a simplement supprimé ce qui subsistait dans la société de l’esclavage proprement dit, du servage, de la servitude personnelle. Mais, comme depuis longtemps, par le progrès même de la vie nationale, par la mobilité, tous les jours croissante, des intérêts et des hommes, cette servitude personnelle directe avait disparu, comme depuis des siècles elle avait dû, pour se continuer, se déguiser et prendre la forme d’un contrat, comme presque partout la chaîne visible et pour ainsi dire matérielle de l’esclavage ou du servage avait été remplacée par le lien d’une redevance pécuniaire, et que les seigneurs avaient prudemment donné à leur exploitation et oppression ancienne le caractère nouveau du droit bourgeois, la Constituante faisait vraiment œuvre vaine. Elle arrachait du sol quelques pauvres racines oubliées d’esclavage et de servage : mais l’arbre féodal, avec les ramifications presque infinies de ses droits pécuniaires, continuait à tenir sous son ombre le champ du paysan. De là, entre les juristes de l’Assemblée bourgeoise et les paysans révolutionnaires, un malentendu irréparable.

https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_socialiste/La_L%C3%A9gislative/D%E2%80%99une_Assembl%C3%A9e_%C3%A0_l%E2%80%99autre_%E2%80%94_Le_mouvement_paysan

  • Membres du Comité féodal :
    • Antoine Lautour-Duchatel, participant activement aux travaux du comité féodal
    • Joseph-François Le Malliaud de Kerharnos, Le Malliaud demanda le rétablissement de la loi des passeports, fit régler le 10 août 1792 le mode de rachat des droits casuels
    • M. Martin, nommé membre du Comité féodal
    • M. Gérard, nommé membre du Comité féodal
    • M. Essarts, nommé membre du Comité féodal
    • M. de Perigny, nommé vice-président du comité féodal
    • M. Reignier, nommé membre du Comité féodal
    • M. de Langon
    • M. Maradat d'Oliveau
    • M. Mourot
    • M. Bacry
    • M. Là Salière
    • M. Gagon du Chenay
    • M. Jac
    • M. Otemvs
    • M. Qouville
    • M. Salomon de la Saugerie
    • M. de Crecy
    • François Denis Tronchet, Comme membre du comité féodal, il fut rapporteur du mode de rachat des droits seigneuriaux déclarés rachetables (3 mai 1790), des routes seigneuriales (18 décembre), des droits seigneuriaux grevant les biens d’emphytéose (13 septembre 1791), et des conséquences de la suppression de la dîme (7 juin 1791) ; il fit aussi déterminer l’emploi des fonds provenant du rachat des droits féodaux http://www.assemblee-nationale.fr/evenements/code-civil-1804-biographies.asp
    • M. Ratier de Montgnyon
    • M. Rédon
    • M. CJ/assey
    • M. Lesterpt de Beauvais
    • Philippe-Antoine Merlin de Douai

Source : https://books.google.fr/books?id=fp5AAAAAcAAJ&pg=PA502&lpg=PA502&dq=%22membre+*+comit%C3%A9+f%C3%A9odal%22&source=bl&ots=L0ylB54m-h&sig=Hk9W4y0gTqPsS2SmlM1a4zgKUoM&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjmrKrauvHRAhXFXhoKHUpAAZMQ6AEILDAC#v=onepage&q=%22membre%20*%20comit%C3%A9%20f%C3%A9odal%22&f=false

Synthèse sur la concession de fief modifier

fief=domaine concédé, au Moyen-Âge, par un seigneur à son vassal.

  • 19/20 héritage : A l’origine l’investiture est une conséquence de l’hommage mais progressivement il va y a avoir renversement, en effet au bout de quelques générations les vassaux dont les fiefs deviennent héréditaires perdent de vue la concession primitive et considèrent que le fief fait partie de leur patrimoine. http://www.cours-de-droit.net/cours-histoire-du-droit-a121606450
  • 18/20 Les conditions de le succession héréditaire : L’héritier devait faire foi et hommage à son seigneur et devait recevoir de lui une nouvelle investiture (nouveau contrat + nouvelle concession de fief)Þ L’héritier devait payer à son seigneur un droit de relief ou de rachat : droit perçu par le seigneur sur l'héritier du fief (futur vassal) à la mort du vassal titulaire. Son montant était fixé dans la plupart des communes aux revenus du fief pendant un an. Cependant, par la suite, le droit du seigneur s’effaça. La plupart des communes vont dispenser ce droit de relief au vassal. Ainsi, en France, au XIII ème, le droit de relief n’est perçu qu’à l’égard des héritiers collatéraux
  • 17/20 Seuls les droits seigneuriaux sont supprimés sans indemnité, tandis que les autres droits dérivant d'un contrat d'inféodation sont déclarés rachetables, ainsi que l'indique le décret relatif aux droits féodaux des 15-28 mars 1790. http://mjp.univ-perp.fr/france/1789nuit4aout.htm
  • 17/20 : C’est en vain que la Constituante élève la voix jusqu’au ton de la menace :

« Il est temps enfin que ces désordres cessent, si l’on ne veut pas voir périr, dans son berceau, une constitution dont ils troublent et arrêtent la marche. Il est temps que les citoyens dont l’industrie féconde les champs et nourrit l’Empire, rentrent dans le devoir et rendent à la propriété l’hommage qu’ils lui doivent. »

Appel inutile : car les règles juridiques que trace l’Assemblée heurtent trop violemment l’instinct, l’espérance des paysans et l’idée soudaine qu’ils s’étaient faite du sens du décret du 4 août.

L’Assemblée, en effet, ne se borne pas à rappeler que tous les droits féodaux doivent subsister jusqu’au rachat quand ils représentent une concession de terre faite jadis par le seigneur propriétaire aux tenanciers. Elle affirme, avec une énergie extrême, que le seigneur sera présumé avoir fait cette concession de fonds, tant que le tenancier n’aura pas apporté la preuve contraire. « Cet article (l’article 2 du titre II de la loi du 15 mars) a pour objet trois espèces de droits, savoir : les droits fixes (comme la rente foncière, payée tous les ans), les droits casuels dus à la mutation des propriétaires et les droits casuels dus tant à la mutation des propriétaires qu’à celle des seigneurs (c’est en réalité l’ensemble des droits onéreux qui pèsent sur les paysans)… Ces trois espèces de droits ont cela de commun qu’ils ne sont jamais dus à raison des personnes, mais uniquement à raison des fonds et parce qu’on possède des fonds qui en sont grevés. « Cet article soumet ces droits à deux dispositions générales.

« La première que dans la main de celui qui possède (et dont la possession est accompagnée de tous les caractères et de toutes les conditions requises en cette matière par les anciennes lois, coutumes, statuts ou règles), ils sont présumés être le prix d’une concession primitive de fonds.

« La seconde que cette présomption peut être détruite par l’effet d’une preuve contraire, mais que cette preuve contraire est à la charge du redevable et que, si le redevable ne peut pas y parvenir, la présomption légale reprend toute sa force et le condamne à continuer le payement… »

C’était la condamnation des paysans à perpétuité. Car comment leur eût-il été possible de fournir la preuve contraire ? La preuve négative est toujours malaisée à administrer. Le seigneur, lui, était dispensé de fournir la preuve positive. Il était dispensé de produire le titre primitif en vertu duquel ses ascendants avaient concédé un fonds de terre, moyennant une redevance perpétuelle et féodale.

Pour le seigneur, la possession valait titre. Comment le paysan pourra-t-il renverser ce titre ? Comment pourra-t-il établir qu’à l’origine, dans le lointain obscur et profond des siècles, ses pauvres aïeux n’avaient pas reçu ces fonds de terre du seigneur, mais qu’ils avaient été astreints à une redevance féodale, soit parce que le seigneur leur avait avancé de l’argent et avait abusé de sa qualité de créancier pour les lier d’une chaîne de vassalité indéfinie, soit simplement parce que le seigneur avait usé envers eux de violence et de menaces, soit enfin parce qu’ils étaient esclaves et serfs et que le droit féodal est la rançon de leur liberté ?

Demander aux paysans de remonter ainsi le sombre cours de l’histoire, c’est demander aux cailloux, lentement usés par les eaux, la source inconnue du torrent. (...) Mais les droits, dont le peuple sentait le plus le poids et qui influaient plus essentiellement sur son bien-être, c’étaient les droits utiles, tels que les cens, censives, rentes seigneuriales, champarts, terrages, agriers, arrages, complant, lods et ventes, relief, et autres de ce genre, Or, tous ces droits ont été conservés par le décret de l’Assemblée constituante du 15 mars 1790. »

Couthon déclare qu’il n’entend pas demander l’abolition de tous ces droits indistinctement. Il les divise en deux catégories :

  • il y a les droits récents, fondés sur des titres et représentant vraiment des concessions de terre faites par les seigneurs : ceux-là doivent être respectés.
  • Mais tous les droits anciens représentent seulement une usurpation des seigneurs, une application monstrueuse de leur prétendu droit à la propriété universelle.


Ce que je viens de dire de la prétention des ci-devant seigneurs à la propriété universelle est prouvé par mille exemples, que fournissent encore de nos jours la plupart de nos départements. Je me bornerai à citer le mien, (le Puy-de-Dôme) dans lequel il se trouve une infinité de villages, où les seigneurs jouissent encore du droit de tout posséder, tout concéder sans autre titre de propriété que leur qualité de seigneur ; tout, par cette qualité, leur appartient ; le malheureux, sans autre ressource que ses bras, sans autre patrimoine que sa bêche, n’est pas libre de s’en servir exclusivement pour ses besoins. La nature lui présente un sol ingrat, abandonné, couvert, depuis la création du monde, de rochers effrayants. (...)Malgré la vigueur de ce langage le Comité féodal laissait percer un grand embarras : embarras dans les principes, embarras dans la conclusion. D’abord, il n’osait pas proclamer que tous les droits féodaux étaient la survivance d’un état social violent et que même s’ils représentaient un contrat, une concession primitive, la forme féodale de ce contrat devait en vicier le fond. Le Comité féodal imaginait un système historique étrange. Selon lui, toutes les terres de Gaule étaient originairement libres, et, quand les chefs francs distribuèrent des terres à leurs compagnons, ils ne leur imposèrent pas de droits féodaux : c’est par une usurpation ultérieure que les seigneurs infligèrent le droit de mutation à leurs vassaux : et il semble d’après la théorie historique et juridique du Comité féodal que les droits féodaux seraient légitimes si les chefs francs les avaient primitivement imposés à leurs compagnons. Visiblement, le Comité recule devant l’aveu d’une expropriation nécessaire. Il n’ose pas dire clairement que la liberté nouvelle exige la disparition des formes de propriété qui étaient liées à la servitude ancienne. (...) Dorliac, lui aussi, essaie en une dissertation savante, de démêler les origines historiques de la féodalité. « L’événement qui a donné lieu aux seigneurs de bâtir leur système est celui où les comtes, abusant de la faiblesse des descendants de Charlemagne obtinrent le capitulaire qui rendit les comtes héréditaires, pour ne les soumettre qu’à un droit d’investiture dont ils se dispensèrent bientôt après. Ce furent les usurpations qu’on fit ensuite de l’autorité royale qui firent naître de toutes parts les fiefs, les arrière-fiefs, les vasselages. Ces inventions n’étaient qu’un appui réciproque que se jurèrent entre eux, contre le souverain, une foule de tyrans, qui envahirent ensuite les propriétés, réduisirent le peuple en un état de servitude et anéantirent toutes les lois. « Ils furent autant de despotes, et se prétendirent les maîtres absolus de ceux dont ils n’étaient auparavant que capitaines ou protecteurs et de tout ce qui était enclavé dans l’arrondissement de leurs seigneuries. »

(...) C’est à la fin de la séance du 14 juin que l’Assemblée passa au vote : la bataille fut très confuse. Un des modérés, Dumolard, proposa un amendement qui aurait sauvé, en partie, la propriété féodale : « Le ci-devant seigneur pourra suppléer à la représentation du titre primitif de concession de fonds par trois reconnaissances énonciatives du dit titre, appuyées d’une possession publique et sans troubles de quarante ans. » https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_socialiste/La_L%C3%A9gislative/D%E2%80%99une_Assembl%C3%A9e_%C3%A0_l%E2%80%99autre_%E2%80%94_Le_mouvement_paysan

17/20 Inféodation de qqc. à qqn. Action d'inféoder une propriété, une charge, un droit que l'on concède à quelqu'un à titre de fief en échange de certains services; résultat de cette action.
Contrat d'inféodation. Dès le VIe siècle, le contrat d'inféodation par lequel un seigneur mettait son vassal en possession d'un fief s'étant répandu universellement, il en était résulté une multitude d'espèces particulières de fiefs (Lar. 19e).


  • 17/20

Suivant Merlin, le terme de droits féodaux ne doit signifier rigoureusement que les droits qui sont nés du contrat de fief ou d’inféodation

Ainsi trois sortes de droits étaient abolis sans rachat : les droits honorifiques, les droits serviles et les droits justiciers ; restaient les droits fonciers, fiefs ou censives, présumés représentatifs d’une concession de fonds ; pour ceux-là, l’assemblée constituante décrétait en premier lieu qu’ils ne devaient être supprimés que contre rachat, et de plus qu’ils devaient continuer à être acquittés jusqu’à rachat effectif. Toute sa théorie sur la propriété féodale se résume dans cette déclaration : « L’assemblée constituante a rempli, par l’abolition du régime féodal, une des plus grandes missions dont l’avait chargée la volonté souveraine de la nation française ; mais ni la nation ni ses représentans n’ont eu la pensée d’enfreindre par là les droits sacrés de la propriété. Aussi, en même temps qu’elle a reconnu avec le plus grand éclat qu’un homme n’a jamais pu devenir propriétaire d’un autre homme, l’assemblée nationale a maintenu de la manière la plus précise tous les droits et devoirs utiles auxquels des concessions de fonds avaient donné l’être, et elle a seulement permis de les racheter. » Merlin, le grand initiateur et organisateur de tout ce système, le résumait en ces mots significatifs : « Les fiefs ont cessé d’être, et sont devenus de véritables alleux. »

Une seconde considération, c’est que le système féodal formait un tel enchevêtrement que presque tout le monde était à la rois seigneur et vassal. Tout le monde payait ou recevait des rentes féodales ; Il s’ensuit que beaucoup de ceux qui étaient dépouillés comme seigneurs se retrouvaient libérés comme vassaux. Sauf les classes populaires, qui gagnaient sans perdre, et la couronne, dernier terme de l’arbre féodal, qui perdait sans rien gagner, tout le monde gagnait et perdait à la fois ; cela est si vrai que l’un des plans proposés au comité de féodalité, et que Merlin et Tronchet ont discuté très sérieusement, proposait précisément que la couronne accordât l’affranchissement aux grands vassaux, à la condition pour ceux-ci d’affranchir leurs propres vassaux et ainsi de suite.


La révolution française a touché à la propriété dans trois circonstances mémorables. Elle a touché à la propriété individuelle par l’abolition des droits féodaux, — à la propriété dans la famille par les lois successorales, — enfin à la propriété de corporation par l’aliénation des biens ecclésiastiques.

Malheureusement la réforme équitable décrétée par l’assemblée constituante, avec les sages garanties qui lui servaient de contrepoids, ne fut pas exécutée. Les distinctions savantes, consacrées par les jurisconsultes, furent trouvées subtiles par un peuple exaspéré, exalté et trop enivré de sa force pour se souvenir toujours de la justice. L’horreur contre la féodalité était telle que l’on ne pouvait croire qu’il y eût quelque chose de fondé dans ses prétentions. Partout le peuple refusa de payer et de racheter, et la législation révolutionnaire lui donna raison. Il faut donc reconnaître que, partie du sentiment de l’équité, la révolution s’est laissé entraîner à la confiscation.

Lorsque l’on décompose le complexum feudale, on y rencontre, selon Merlin, divers élémens, et en premier lieu un certain nombre de droits sur l’origine historique desquels on n’est pas d’accord, mais qui avaient pour caractère d’être représentatifs des droits de souveraineté...

1. Ces droits représentatifs de la souveraineté étaient appelés droits de justice, et la souveraineté féodale s’appelait la justice....Tous ces droits, quelle qu’en ait pu être la justice à l’origine, représentaient un état de choses qui n’existait plus depuis longtemps, celui où le seigneur, féodal avait tous les attributs et les charges de la souveraineté... On voit que d’injustices accumulées pesaient sur la tête des travailleurs, et combien il était équitable que cette première classe de droits fût abolie sans indemnité.

2. Une seconde classe de droits, encore improprement appelés droits féodaux, étaient les droits de mainmorte, à savoir la servitude personnelle, et tous les droits représentatifs de la servitude.

3. Les droits féodaux reposaient exclusivement sur le contrat de fief ou inféodation, lequel était censé avoir toujours été à l’origine une concession libre de fonds, faite en retour de certains services. Ces concessions étaient de deux sortes ; ou bien la terre avait été donnée à charge de service militaire, et c’était alors ce que l’on appelait un fief, ou bien à charge de culture et moyennant une redevance annuelle, et c’est ce qu’on appelait une censive. Les fiefs et les censives constituaient encore les terres nobles et les terres roturières. Les premières étaient occupées par des vassaux ; les secondes par des censitaires, qui n’étaient guère autre chose que des fermiers. <

u>Cette troisième classe de droits ainsi définie, constituait vraiment une propriété, et jamais l’assemblée constituante n’a eu la pensée d’y porter atteinte. Ce sont ces droits qu’elle avait déclarés rachetables dans la fameuse nuit du 4 août, et si réellement ils ont disparu dans la tourmente sans avoir été rachetés, ce n’est pas la faute de la constituante, mais des assemblées qui ont suivi. Cependant, même dans les droits féodaux proprement dits, et déclarés rachetables, il y avait encore une distinction à faire entre les droits utiles et les droits honorifiques, les premiers consistant en argent, les autres en actes de dépendance et de subordination. La constituante, en maintenant les premiers à titre de rachetables, crut devoir supprimer les seconds sans rachat, car d’une part ils ne représentaient pas une propriété, de l’autre ils étaient contraires au principe de l’égalité des citoyens que l’on voulait établir. C’est ainsi qu’était abolie la foi-hommage, car là où il n’y a plus de seigneur il n’y a plus d’hommage. De cette nature étaient encore certains droits frivoles, tels que l’obligation, dans certains pays, de danser devant le seigneur, de faire un certain nombre de sauts certains jours de l’année, de porter le dais aux processions etc. : c’était là la comédie du régime féodal, et nous n’avons pas à rechercher si le fameux droit du seigneur en faisait partie ; Merlin n’en parle pas.

c’est parce que les paysans étaient devenus propriétaires de fait qu’ils ne pouvaient plus supporter des maîtres. Comment croire que la terre qui a appartenu à mon père, qui appartiendra à mes enfans, que je nourris de mon travail, qui n’a jamais vu son maître, puisse être tenue de payer un droit à quelqu’un que je ne connais pas, en vertu d’une concession qui aurait eu lieu il y a mille ans et dont on n’a jamais vu les titres ?


Ajoutons une dernière considération. Nous avons vu que dans toute propriété féodale il y avait deux domaines : le domaine direct et le domaine utile. Le premier se nommait simplement la directe. Les théoriciens du droit féodal avaient fini par poser en principe que tout domaine devait avoir une directe ; de là cet axiome : « pas de terre sans seigneur. » tous les vassaux, à quelque degré qu’ils fussent placés, devaient donc finir par relever tous d’un seul maître, à savoir le roi. C’était la théorie de la directe universelle, que les jurisconsultes, plus ou moins imbus des idées romaines, avaient fait prévaloir, de manière à tirer du système féodal lui-même la consécration du pouvoir monarchique. C’était là sans doute une fiction ; mais tout était fiction dans le droit féodal. Ce droit s’était formé peu à peu et par une série d’usurpations dans un temps où il n’y avait ni pouvoirs publics, ni lois écrites, ni aucun principe juridique.


Ce régime une fois formé, les juristes avaient cherché à lui donner un état légal, et ils avaient fini par régulariser et soumettre à une sorte de droit ce qui n’avait été que le résultat du hasard des faits. Ce ne pouvait être qu’à l’aide de fictions ; mais ces fictions elles-mêmes étaient devenues des faits : elles servaient de règles à la vie civile et quotidienne de la féodalité. Quand le système politique avait changé, il avait fallu accommoder le régime des fiefs au nouveau système. De là la théorie de la directe universelle, laquelle même n’était pas historiquement tout à fait fausse, puisqu’à l’origine le roi barbare s’était cru le légitime propriétaire de tout le pays conquis, et que c’était lui qui, par des distributions de terres, avait jeté les premières bases du régime féodal.


Source : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Propri%C3%A9t%C3%A9_pendant_la_r%C3%A9volution_fran%C3%A7aise

  • 17/20

Le régime juridique des biens au Moyen Âge se caractérise par un éclatement manifeste. Sur le sol du royaume de France, à l’époque féodale, la propriété a tendance à reculer et dans certaines régions, cette propriété romaine a même tendance à disparaître. Cette propriété romaine se compose de trois éléments : usus, fructus et abusus. L’usus est le droit de jouir d’un bien. Le fructus est le droit de percevoir les fruits (revenus) d’un bien. L’abusus est le droit de disposer du bien, la possibilité de l’aliéner à titre gratuit (donation) ou sous forme de vente. Dans le monde féodal, ce système de propriété romaine se trouve démembré. Lorsqu’une terre est inféodée, les trois éléments n’appartiennent plus à la même personne. Malgré tout, il existe certains biens qui échappent à ce démembrement et qui concerne l’aspect de la propriété romaine pleine et entière.

Les terres sur lesquelles les trois éléments éclatent sont les tenures féodales. Les terres où ces trois éléments restent reliés sont les alleux.

http://www.cours-univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-histoire-institutions-9.html

  • 17/20 Le fonds seigneurial A quelques variantes près, le cadre de classement d’un fonds seigneurial respecte l’ordre chronologique par grande famille, répartissant les documents de la manière suivante :
    • 1- documents généraux concernant la famille : généalogie, titres, droits, procès...
    • 2- papiers particuliers ;
    • 3- pièces concernant la seigneurie : titres de propriétés, terriers, cartulaires, droits seigneuriaux... ;
    • 4- autres fiefs et arrières fiefs

http://www.essonne.fr/fileadmin/sports_loisirs/Archives_departementales_2009/pdfs/07_02_Sources_histoire_locale_seigneuriale_2.pdf

  • 17/20 : La nuit du 4 août 1789, "l'Assemblée nationale détruit entièrement la féodalité". Les nobles et les ecclésiastiques abandonnent donc leurs droits, soit par conviction, soit par résignation, soit par entraînement. Mais pour mettre en oeuvre cette décision, l'Assemblée nomme une commission appelée "Comité des Droits féodaux" dont le rapport va inspirer un décret du 15 mars 1790 qui établit un régime très nuancé qui cherche à concilier les intérêts en présence. Sont abolis immédiatement et sans indemnités les droits féodaux attentatoires à la souveraineté de l'Etat et aux Droits naturels de l'homme (utilisation de la notion de "cause injuste" du contrat), les justices seigneuriales, le servage, les banalités, les privilèges des nobles (droit de chasse par exemple), les girouettes, les privilèges de colombier ou de pigeonnier, les titres de noblesse, les armoiries, la dîme (impôt payé à l'Eglise), les péages seigneuriaux.

Les paysans attendent aussi la suppression des droits strictement féodaux, considérés comme la contrepartie d'une concession de terre. Ces droits sont maintenus jusqu'à ce qu'ils soient rachetés par ceux qui les paient. Le montant du rachat est un capital égal à vingt fois la redevance annuelle. Cette suppression très mitigée est mal accueillie par les paysans. Dans les régions où les droits féodaux sont restés lourds (Nord, Est, Paris), les paysans se soulèvent et refusent de payer. Les députés prennent peur et utilisent une tactique juridique favorable aux bourgeois. En réalité, la féodalité ne sera définitivement supprimée que sous la Convention Montagnarde (loi du 17 juillet 1793). http://www.lacitoyennete.com/magazine/retro/revolutionfrancaise.php 17/20 Pour le seigneur, la possession valait titre. Comment le paysan pourra-t-il renverser ce titre ? Comment pourra-t-il établir qu’à l’origine, dans le lointain obscur et profond des siècles, ses pauvres aïeux n’avaient pas reçu ces fonds de terre du seigneur, mais qu’ils avaient été astreints à une redevance féodale, soit parce que le seigneur leur avait avancé de l’argent et avait abusé de sa qualité de créancier pour les lier d’une chaîne de vassalité indéfinie, soit simplement parce que le seigneur avait usé envers eux de violence et de menaces, soit enfin parce qu’ils étaient esclaves et serfs et que le droit féodal est la rançon de leur liberté ? Demander aux paysans de remonter ainsi le sombre cours de l’histoire, c’est demander aux cailloux, lentement usés par les eaux, la source inconnue du torrent. Aujourd’hui encore, qu’il s’agisse de Fustel de Coulange ou de Waitz, les érudits ne sont point d’accord sur les origines mêmes du système féodal. Est-il une sorte de consolidation foncière des hiérarchies militaires ? Est-il une transformation du grand domaine gallo-romain ? L’histoire hésite : Comment les paysans auraient-ils pu s’orienter ? Comment auraient-ils pu démontrer que leurs ancêtres avaient été pleinement serfs et que c’est uniquement pour se libérer de ce servage qu’ils avaient consenti le payement à perpétuité de redevances foncières ? ... Malgré la vigueur de ce langage le Comité féodal laissait percer un grand embarras : embarras dans les principes, embarras dans la conclusion. D’abord, il n’osait pas proclamer que tous les droits féodaux étaient la survivance d’un état social violent et que même s’ils représentaient un contrat, une concession primitive, la forme féodale de ce contrat devait en vicier le fond. Le Comité féodal imaginait un système historique étrange. Selon lui, toutes les terres de Gaule étaient originairement libres, et, quand les chefs francs distribuèrent des terres à leurs compagnons, ils ne leur imposèrent pas de droits féodaux : c’est par une usurpation ultérieure que les seigneurs infligèrent le droit de mutation à leurs vassaux : et il semble d’après la théorie historique et juridique du Comité féodal que les droits féodaux seraient légitimes si les chefs francs les avaient primitivement imposés à leurs compagnons.


https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_socialiste/La_L%C3%A9gislative/D%E2%80%99une_Assembl%C3%A9e_%C3%A0_l%E2%80%99autre_%E2%80%94_Le_mouvement_paysan

  • 16/20 Quant aux droits seigneuriaux, exercés au nom du pouvoir de justice et de commandement du seigneur, et non en fonction d’un contrat foncier, ils constituent un véritable catalogue, d’une extrême diversité dans les appellations comme dans les réalités : « banalités » sur les outils de production collectifs (four, moulin, pressoir) et sur les ventes (le banvin), souvent en partie tombées en désuétude ; droits sur les usages de chaque habitant et de la communauté dans son entier ; droits sur le travail (les corvées, en fait souvent remplacées par des redevances) ; droits sur les exploitations agricoles (par exemple sur chaque tête de bétail) ; droits sur les transports, les péages ou encore le passage des troupeaux ; droits sur les foires et marchés ; droits sur les personnes et la communauté (ainsi le « fouage » payé par chaque chef de famille) ; enfin les multiples droits honorifiques (banc d’église, colombier, girouette, etc.). Tout cela entre dans un unique ensemble appelé par les juristes 'le complexum feudale', dans lequel le Comité des droits féodaux réussit à distinguer en 1790 deux grandes catégories :
  • les droits « réels » (ou « utiles ») qui dérivent d’une concession initiale de la terre (grosso modo les droits féodaux, champart inclus) ;
  • les droits « personnels » qui dérivent d’une usurpation de pouvoir par les seigneurs.

Par un décret du 15 mars 1790, cette dernière forme de féodalité, dite « dominante », est abolie sans indemnité et une liste d’une centaine de droits concernés est établie (en 1790, puis en 1791) : gavenne, chiénage, muyage, caponage, poursoin, pulvérage, etc., un long inventaire qui ne laisse pas d’étonner quiconque le découvre. Mais la féodalité dite « contractante » connaît un tout autre sort. Les paysans peuvent, s’ils le souhaitent, se libérer de ces droits, non abolis, par un rachat dont les modalités sont déterminées par le décret du 3 mai suivant : pour les redevances payables en argent, ils doivent verser au seigneur vingt fois le montant annuel ; pour celles en nature, vingt-cinq fois la valeur estimée des produits versés pour une année ; enfin l’équivalent d’un droit de lods et ventes ; le tout devant être réglé en une seule fois et sans que le moindre système de crédit soit prévu. La Constituante a réalisé là une savante construction juridique, mais elle se révèle vite érigée sur du sable. En effet, pour l’immense majorité des paysans, seule compte la première phrase du décret adopté du 6 au 11 août 1789 : « L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal [...]. » Dès lors, à l’automne 1789, le passage d’un

https://books.google.fr/books?id=yX5UbSdoupAC&pg=PP100&lpg=PP100&dq=%22D%C3%A8s+lors,+%C3%A0+l%E2%80%99automne+1789,+le+passage+d%E2%80%99un%22&source=bl&ots=QB4PKoDO3E&sig=-ZmGcBGtc78m2F8mOFGYrQczIXw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjko8PS2-7QAhWHIcAKHaMzCR4Q6AEIHDAA#v=onepage&q=%22D%C3%A8s%20lors%2C%20%C3%A0%20l%E2%80%99automne%201789%2C%20le%20passage%20d%E2%80%99un%22&f=false

  • 18/20 Vous concevez, en effet, Messieurs, que ce n’est pas précisément l’honorifique du régime féodal qui, pesait sur le peuple. Il l’outrageait, l’avilissait, le dégradait sans doute, puisqu’il le séparait de la condition commune à tous les hommes et qu’il détruisait l’égalité établie par la nature.

« Mais les droits, dont le peuple sentait le plus le poids et qui influaient plus essentiellement sur son bien-être, c’étaient les droits utiles, tels que les cens, censives, rentes seigneuriales, champarts, terrages, agriers, arrages, complant, lods et ventes, relief, et autres de ce genre, Or, tous ces droits ont été conservés par le décret de l’Assemblée constituante du 15 mars 1790. » https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_socialiste/La_L%C3%A9gislative/D%E2%80%99une_Assembl%C3%A9e_%C3%A0_l%E2%80%99autre_%E2%80%94_Le_mouvement_paysan

  • 17/20 « Ce que je viens de dire de la prétention des ci-devant seigneurs à la propriété universelle est prouvé par mille exemples, que fournissent encore de nos jours la plupart de nos départements. Je me bornerai à citer le mien, (le Puy-de-Dôme) dans lequel il se trouve une infinité de villages, où les seigneurs jouissent encore du droit de tout posséder, tout concéder sans autre titre de propriété que leur qualité de seigneur ; tout, par cette qualité, leur appartient ; le malheureux, sans autre ressource que ses bras, sans autre patrimoine que sa bêche, n’est pas libre de s’en servir exclusivement pour ses besoins. La nature lui présente un sol ingrat, abandonné, couvert, depuis la création du monde, de rochers effrayants.

https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_socialiste/La_L%C3%A9gislative/D%E2%80%99une_Assembl%C3%A9e_%C3%A0_l%E2%80%99autre_%E2%80%94_Le_mouvement_paysan

  • 16/20 La nature des droits seigneuriaux était très diverse. Les uns étaient des droits féodaux, nés du contrat d'inféodation et supposant entre les parties la relation juridique de vassalité. D'autres étaient de véritables démembrements de la souveraineté, que nous considérons aujourd'hui comme l'attribut exclusif de l'Etat, tels que le droit de justice et les banalités qui supposaient un droit de contrainte sur les humains. Ceux-là étaient les droits seigneuriaux véritables, parce qu'ils ne supposaient pas une terre tenue en fief de l'une des parties par l'autre. Enfin, on confondait très souvent avec eux de simples redevances foncières, qui n'étaient que le loyer du sol et qui dérivaient des différents procédés d'amodiation alors employés. http://www.cosmovisions.com/droits-seigneuriaux.htm
  • 16/20 Investiture des Fiefs, est la concession primitive du fief ou acte d'inféodation; c'est aussi la réception du nouveau vassal en foi & hommage, par le moyen de laquelle le vassal est saisi & investi de son fief. http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?a.63:45./var/artfla/encyclopedie/textdata/image/
  • 16/20 concession par le seigneur au vassal d'un fief : La féodalité n'est pas seulement un système politique dont l'autorité centrale partage dans les faits le pouvoir souverain avec des principautés, des fiefs ou des fédérations, gouvernés par des seigneurs, mais aussi et surtout un ensemble d'institutions et de relations concernant toute la société dite féodale[4], créant et régissant des obligations et des services - principalement militaires - de la part d'un homme libre, dit « vassal », ayant le plus souvent pour effet la concession par le seigneur au vassal d'un bien, dit « fief» [5]. http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/(f%C3%A9odalit%C3%A9)/fr-fr/
  • 16/20 un fonds de terres est concédé à un preneur à charge pour lui de le cultiver, de l'améliorer, et de payer une redevance annuelle appelée rente colloque. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5621196j/texteBrut
  • 16/20 Si le rachat n'est qu'une faculté individuelle accordée à chaque redevable, il est évident qu'elle doit s'étendre au droit de ne racheter que tel ou tel fonds, lors même que le propriétaire en possède plusieurs sous une même seigneurie, pourvu que les divers fonds ne dérivent pas du même contrat d'inféodation ou d'accensement, et ne soient pas tenus sous une charge indivisible. https://frda.stanford.edu/fr/catalog/nz125bh9048_00_0393
  • 16/20 : S'agit-il de la réversibilité d'un fief d'oblation ? Il est clair qu'elle a été éteinte, au profit du possesseur de ce fief et de sa famille, par les lois qui ont aboli le régime féodal. Comme il ne peut exister de contrat sans cause, il faut nécessairement que tout contrat qui, dans son principe, avait une cause juste et licite, cesse d'être obligatoire dès que sa cause a cessé. Quelle était la cause de l'obligation à laquelle le droit de réversibilité devait l'être, par rapport aux fiefs offerts ? C'était, pour le vassal, l'honneur, ou, si l'on veut, ce qu'il regardait comme l'honneur de posséder son bien avec la qualité, soit de fief simple, soit de fief titré. Or, par la destruction de la féodalité, le vassal est pour jamais privé de cet honneur. Le droit de réversibilité, auquel il s'était soumis par le contrat d'inféodation de son propre bien, n'a donc plus de cause. Le contrat passé entre lui et son seigneur, est donc rompu. Il faut donc qu'il soit remis au même état que si ce contrat n'avait jamais eu lieu. Son bien reprend donc, entre ses mains, son premier caractère de propriété libre, incommutable et transmissible à ses héritiers, quels qu'ils soient.
  • 16/20 1. Qu'était la seigneurie en 1789 ? Un rapide rappel de l'histoire de la seigneurie s'avère nécessaire. On sait que dans le domaine ouest européen, le servage qui s'était généralisé à l'époque de la seigneurie carolingienne fut aboli. Cette grande révolution se produisit entre le XIe et le XIIIe siècles dans le Royaume de France (5). La seigneurie se trouva alors formée de deux parties, la réserve seigneuriale et le domaine des censives. La réserve seigneuriale rassemblait le lieu de résidence du seigneur, des terres cultivées pour l’entretien de sa maison, des terrains jugés utiles comme des forêts où il exerçait le noble sport de la chasse. Le domaine des censives connaissait une forme de propriété complexe puisque les droits y étaient partagés entre seigneur et paysans censitaires. Le cens était récognitif de la seigneurie, mais aussi des droits du censitaire et en premier lieu de son précieux droit de tenure héritable. Le seigneur ne pouvait exproprier le tenancier, en échange ce dernier devait payer des redevances et se soumettre à la justice seigneuriale. (Doniol et Bloch) (6)

Cette abolition du servage avait conféré aux ci-devant serfs la liberté personnelle et des droits d'accès à la terre. Elle avait également permis à la communauté villageoise d'obtenir une reconnaissance juridique. Quant au seigneur, s'il avait renoncé à son ancien rôle de grand exploitant de terres travaillées par les corvées serviles, il voyait le nombre des villages soumis à sa directe augmenter considérablement. Les corvées, ou rente en travail, étaient remplacées par le paiement d'une rente payée par le paysan sur le produit de son travail. Le seigneur était devenu un rentier du sol (Bloch).

Le terme cens était largement usité pour désigner cette nouvelle rente que le censitaire s'engageait à payer au seigneur, en échange de droits sur la censive. On sait, par ailleurs, que la monarchie en France, créa son propre espace politique en se présentant comme l'arbitre entre seigneurie et communauté villageoise. En faisant de sa justice une justice d'appel, le roi de France exerçait cet arbitrage et constitua ses pouvoirs régaliens n'hésitant pas à dépouiller la seigneurie.

Au XIIIe siècle, cette abolition du servage s'était opérée largement et se poursuivit dans les siècles suivants. Elle s'effectuait par des lettres de manumissions et des chartes de franchise. En 1789, il existait encore près d'un million de serfs, ou plus précisément de mainmortables, non libres, qui relevaient de seigneuries ecclésiastiques, principalement situées dans le centre et l'est du Royaume. Précisons, pour éviter des contresens, que ce servage devenu mainmorte n'était plus qu'un vestige éloigné et transformé de la seigneurie asservissante.


2. Les formes de propriété foncière sous l'Ancien régimeNous pouvons maintenant préciser les formes de propriété foncière existantes à la veille de la Révolution. Il y en avait trois, la seigneurie, les biens communaux et les alleux.

La seigneurie était la forme dominante et de loin, avec ses deux parties, la réserve seigneuriale sur laquelle le seigneur exerçait des droits exclusifs et le domaine des censives sur lequel les droits étaient partagés entre seigneur et paysans. La seigneurie pouvait être achetée, vendue, échangée et son propriétaire pouvait être un noble, un ecclésiastique, un roturier. (7)

Les biens communaux étaient une forme de propriété collective, propriété des habitants sur lesquels s'exerçaient des droits d'usage indispensables à la vie rurale. Ces communaux pouvaient être des bois, des terrains de pâturages indispensables à l'élevage, des terres cultivées que les communautés villageoises conservaient précieusement et louaient aux nécessiteux pour leur assurer un lopin de subsistance, des pièces d'eau, des tourbières, les bords de rivière et de mer etc…Les droits d'usage appartenaient aux habitants de la communauté villageoise et étaient soigneusement définis en fonction des communaux existants et distribués à chacun. Étaient habitant ayant droit les hommes, les femmes et les enfants. Cette conception des droits d'usage sur la propriété collective, accompagnée des réunions des habitants pour les mettre en œuvre a été, malgré toutes les atteintes qu'on a voulu lui porter, la source vivante d'une conception universelle du droit. Georges Lefebvre l'a admirablement rappelé :

"La communauté rurale conservait le sentiment très vif d'un droit social…Supérieurs à la propriété sont les justes besoins de la communauté dont tous les membres ont droit à la vie, elle doit être aménagée en conséquence."(8)

Les communaux furent un enjeu véritable entre seigneurs et paysans. La seigneurie parvint à s'approprier les bois et les mis peu à peu en défens, c'est-à-dire qu'elle en interdit progressivement les usages aux habitants : chasse, puis ramassage du bois, puis pâturage, etc... À la fin du processus de mise en défens des usages, le bois était devenue forêt seigneuriale : ce fut chose faite dès le XVIe siècle dans les régions de plaine les plus peuplées et dont les besoins étaient, pourtant, les plus pressants.

Les alleux étaient des terres libres, c'est-à-dire non astreintes au paiement de rentes, témoins d'une époque antérieure à l'apparition de la seigneurie ou qui parvint à échapper à la directe seigneuriale. On estime à 1 % des terres cultivées la superficie de ce qui restait des alleux à la veille de la Révolution.

L'opposition entre seigneurie et communauté villageoise s'est exprimée dans les conceptions du droit de l'une et de l'autre. La réaction seigneuriale avait renforcé la doctrine de la concession primitive des fonds par le seigneur aux paysans et dont la devise était "Nulle terre sans seigneur". Toutefois, dans la pratique, la seigneurie était freinée par les coutumes qui ne connaissaient pas cette concession primitive des fonds revendiquée par le seigneur, et la résistance des communautés villageoises qui opposaient la conception paysanne du droit : "Nul seigneur sans titre" et dénonçaient "la seigneurie usurpante", textes à l'appui (Doniol, Bloch).

Pour la paysannerie, le terme liberté avait un sens précis, celui de franchise : être libre ou franc en tant que personne, ou non asservi, et pouvoir accéder à une terre libre ou franche elle aussi, c'est-à-dire non astreinte au paiement de rentes de quelque nature qu'elles soient. Et enfin, participer aux assemblées générales des habitants pour y délibérer et prendre part aux votes : en anglais, le mot franchise signifie toujours droit de vote.

Avant de donner une estimation de la répartition de la propriété, précisons que la seigneurie étant formée de la réserve seigneuriale et du domaine des censives, c'est bien l'addition de ces deux parties qui lui donne son sens. Ainsi à la veille de la Révolution, la part du clergé, c'est-à-dire la part des seigneuries ecclésiastiques, représentait environ 10 % des terres cultivées en réserve. À cette part s'ajoute une inconnue qui est celle du domaine des censives de ces seigneuries ecclésiastiques. Le clergé représentait environ 125 000 personnes, soit 0,5 % de la population du Royaume.

Même chose pour la noblesse, y compris le roi, dont on estime la part en réserve entre 20 et 25 % des terres cultivées, plus l'inconnue de la part du domaine des censives. La noblesse représentait 300 à 350 000 personnes, soit 1,5 % de la population. ... 5. Une nouvelle avancée avec la loi du 18 juin 1792

L’Assemblée acheva la Constitution en septembre 1791. Elle fut remplacée par la Législative élue au suffrage censitaire et qui siégea à partir du 1er octobre.

Au printemps 1792, les troubles de subsistance prirent, dans la moitié nord du pays, une ampleur inouïe sous l'effet de la spéculation à la hausse des prix. Les rassemblements qui, dans les campagnes, regroupaient de quelques centaines de gens à 2 ou 3 000 personnes en juillet 1789, atteignaient maintenant des foules de 40 000 personnes et plus dans le Bassin parisien et se conjuguèrent avec la cinquième jacquerie. Les pouvoirs publics ayant abandonné leurs responsabilités en matière de ravitaillement, le peuple commençait à s'organiser lui-même, développant des greniers populaires et des marchés spontanés où le prix des grains était fixé par rapport aux salaires.

À l'Assemblée législative, la question de la suppression sans rachat des droits féodaux fut à nouveau posée et débattue de février à juin 1792. Depuis près de trois ans le refus du rachat s'était fait entendre et comprendre par les actes, les pétitions et les publications. À l'issue de cinq mois de débats, le nouveau Comité des droits féodaux de l'Assemblée présenta un projet de décret supprimant, sans indemnités ni rachat, les droits de mutation des censives (les lods et ventes), dont le décret du 15 mars 1790 prévoyait le rachat par les censitaires. Le débat qui suivit révèle que la conception de la seigneurie usurpante avait fait son chemin chez les députés. Duchâtel, membre de ce Comité des droits féodaux et rapporteur du projet, considérait que la théorie de la concession primitive des fonds n'était qu'une fantaisie qui ne reposait sur aucun titre : au moment de l'occupation germanique, personne n'avait concédé des terres à qui que ce soit. Et les seigneurs imbus de cette illusion étaient bien incapables de fournir le moindre titre de concession primitive ou d'acte originaire justifiant ses droits. https://revolution-francaise.net/2011/09/11/448-une-revolution-paysanne

  • 16/20 Les paysans = Appelés rustres, manants ou vilains, les paysans forment près de 90% de la population de l’Europe médiévale. Ils travaillent autour du château de leur seigneur. Sauf de rares exceptions, les paysans ne possèdent pas leurs terres : ils travaillent celle que leur seigneur leur cède, appelée la tenure. Celle-ci se compose en général d’une petite maison, d’un jardin, de terres labourables, parfois de prés et de vignes, et du droit d’utiliser la forêt. En échange, le paysan doit au seigneur des corvées et de nombreuses redevances (sommes d’argent, parties de la récolte ou produits de l’élevage). Qu’il soit libre ou serf, il est toujours dépendant du seigneur qui possède sa terre et doit lui obéir.

http://fr.wikimini.org/wiki/F%C3%A9odalit%C3%A9

  • 16/20 1. La concession de fief :

Le fief peut être de différentes natures. S’il est le plus souvent de nature foncière (une terre, un château...), ic fief peut également porter sur des objets incorporels, source de revenu pour le vassal : on parle alors de « fief en l’air » qui prennent différentes formes. Cela peut être un droit, tels que ceux de péage, de marché, dc foire ou celui de percevoir des impôts. Il peut s’agir encore du versement régulier d’une somme d’argent : on parle de « fief-rente ». Enfin, le fief peut consister en une fonction (« fief-fonction »), c’est-à-dire une charge publique dont l’exercice est délégué au vassal (prérogatives fiscale, judiciaire, militaire). Le plus souvent, le fief-fonction accompagne la concession d’une terre, laquelle constitue le ressort de l’exercice de la fonction. Le fief peut être d’origines différentes. Il peut provenir directement du patrimoine du seigneur (fief d’attribution). ¡1 peut aussi provenir du patrimoine du vassal (fief de reprise) : celui-ci, à la recherche d’une protection, cède une terre (un alleu) au seigneur qui la lui restitue sous forme de fief. Pour entrer en possession du fief, Ie vassal doit en être investi par le seigneur. L’investiture est l’acte dc concession du fief, par lequel le seigneur transfère au vassal son fief. L’investiture s’opère par la montrée du fief, quand celle-ci est possible, puis par la remise au vassal d’un objet : Ic passage dc l’objet des mains du seigneur à celles du vassal, matérialisant la concession du fief. L’objet peut symboliser le fief lui-même, telle une motte de terre, un étendard... ; ii peut également s’agir d’un objet ne représentant pas le fief, et que le seigneur conserve à l’issue de l’investiture : telle une verge, un couteau, un gant...Avec le développement de l’écrit, on voit apparaître au xrr, puis se généraliser au xiiic siècle, l’acte d’aveu et dénombrement, charte dans laquelle est consignée l’étendue des terres ou des droits concédée.
2. La patrimonialité du fief L’importance du fief dans la relation vassalique accompagne la croissance des droits du vassal sur celui-ci. Cette évolution est le fait de la patrirnonialisation du fief due à son caractère héréditaire attesté dès les xcxisiècles, puis au xiie, https://books.google.fr/books?id=4qzuhtgVbbQC&pg=PA56&dq=%22concession+de+fief%22+-doute&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjvy7nQt8HQAhWDtBoKHayvBA4Q6AEIITAB#v=onepage&q=%22concession%20de%20fief%22%20-doute&f=false

  • 16/20 principe : On peut caractériser le féodalisme par l'ensemble des institutions et usages contractuels entre suzerains et vassaux : le suzerain doit à son vassal l'entretien, généralement sous la forme d'une concession de fief (terres ou droits, ou encore rente), et la protection. En retour le vassal est tenu de fournir à son suzerain aide et conseil (foi et hommage).

Le vassal était celui qui, ayant reçu une propriété territoriale nommée bénéfice ou fief, se trouvait par là dans la dépendance du garant de cette propriété, auquel il devait foi et hommage, en échange d’une assistance de son suzerain dans certains cas. Le suzerain était celui qui, ayant conféré le fief, avait droit à l'aide du vassal. Du reste, le même seigneur pouvait être suzerain pour certains fiefs (ceux qu'il avait conférés), et vassal pour d'autres (ceux qu'il avait reçus).

  • 16/20 Cens (droit seigneurial) : la censive peut être soit le fonds (« posséder/ acheter une censive »), soit la redevance (« payer la censive »), synonyme de cens applicable à la terre, soit la façon de posséder le fonds (fonds tenu en censive et non en fief ou en franc-alleu).
  • 15/20 LE RÉGIME FONCIER ET L 'ASSEMBLEE CONSTITUANTE 99 - 30 les banaUtés et autres monopoles; 49 les droits de jastice*

Par suite, rentraient dans la classe des droits réels les redevances annuelles en argent et en nature, les droits de mutation, les renies foncières perpétuelles, les corvées réelles et tous droits, d'ordinaire personnels, qui, par convention, pourraient être réels. Les droits personnels sont présumés dériver d'exactions, les réels de concessions de terres ^ Mais, qui ne voit combien les Constituants respectaient peu leur propre classification ? La mainmorte réelle n'était certainement pas un droit personnel; c'était le prix de la concession de terre que le seigneur avait faite à ses serfs affranchis ; c'était, comme les corvées réelles^ un vestige de l'ancienne servitude. Pourquoi cette mainmorte se trouvait-elle rangée dans la classe des droits personnels, à la différence des corvées réelles qui portaient sur les mêmes personnes et dérivaient des mômes causes ? Raison d'équité, dira-t-on; la mainmorte était odieuse; et, d'ailleurs, elle avait presque disparu en fait par l'institution des communautés taisibles et n'était plus qu'une survivance. Mais alors la logique réclame. La suppression de la mainmorte réelle devrait entraîner celle des droits qui la représentent. U n'en est rien pourtant. L'Assemblée déclare qu'elle ne fait que développer les décrets d'aobt 1789 ; elle en reproduit même, dans sa loi du 15 mars 1790, l'article premier, comme si tout son décret n'en était que la conséquence immédiate et nécessaire. Mais, comment du semblable a-t-elle pu déduire le contraire ? En août 1789, elle a détruit les actes représentatifs de la mainmorte réelle. Maintenant, elle respecte tous les actes d'affranchissement qui ont converti la mainmorte réelle ou mixte en redevances foncières et en lods et ventes; seuls « les droits et charges qui ne sont représentatifs que de servitudes purement personnelles » sont entièrement supprimés Ce qui lui paraissait si logique au mois d'août 1789, rabolition avec la mainmorte réelle des droits qui la représeoteut, ne Test plus en mars 1790; c'est Merlin lui-môme qui déclare, malgré l'opposition des députés de la Franche-Comté, que ces droits doivent 'être conservés '. Sans doute, disait Tronchet, « il y avait eu des mainmortes réelles établies à la suite de concessions de fonds, môme en Franche-Comté * ». Mais, ou il fallait conserver la mainmorte réelle, ou il fallait, avec elle, abolir tout ce qui l'avait remplacée: hors de là, point de logique. L'Assemblée ne prend ni l'un ni l'autre parti. Timide, elle s'arrête à un compromis. En somme, elle ne supprime que des droits presque partout disparus ; elle conserve ceux qui les ont suppléés et qui sont trôs répandus. Ce n'est guère qu'un enregistrement. — Quant aux autres droits personnels : prestations et corvées personnelles, banalités et autres monopoles (hallage, minage, etc.), droits de justice, ils sont entièrement supprimés, comme dérivant de la « portion de puissance publique » usurpée à lorigine par les seigneurs, — ce qui est certainement faux pour les corvées et les monopoles, et fort contestable pour la justice. Les justices seigneuriales, odieuses dans tout le royaume, disparaissent devant un État fort, pleinement indépendant et souverain. Les monopoles particuliers sont coudamnés : les droits de péage, de passage, de pontonnage sont abolis : ils ne seront plus perçus par des individus qui peuvent commettre des abus. L'entretien des ponts et des chemins sera supporté par les départements et par l'État, et ce sont les contribuables qui le paieront. De môme, les droits de hallage et de minage : ils ne seront plus un monopole au profit du propriétaire de la halle; ils passeront, en fait, à la municipalité qui louera ou achètera les bâtiments et percevra des rétributions sur les marchands, suivant un tarif fixé par elle *. Aux particuliers qui pouvaient abuser de leurs droits, qui, propriétaires de la halle du village ou du pont qui y conduisait, commet talent impunément toute sorte de vexations, vont se substituer des coi*ps politiques, des collectivités, plus ou moins étendus suivant la nature et l'importance des objets : l'État, le département et la commune. Mais si le seigneur produit un titre qui prouve Torigine réelle des corvées, des banalités, des monopoles, tous ces droits seront rachetables. Or, le seigneur avait des titres et des reconnaissances, souvent extoi*qués par la ruse ou la violence, qui présentaient comme dérivant de concessions de fonds des droits qui n'étaient rien moins qu'usurpés. L'Assemblée se contentait, en cas de perte du titre primordial, de deux reconnaissances conformes, soutenues d'une possession ininterrompue de quarante ans *. C'était trop accorder à la possession. Aussi, pour racheter un peu cet excds de complaisance, pour tenir la balance égale entre le tenancier et le seigneur, la Constituante obligeait-elle celui-ci à prouver qu'il avait « fait à une communauté quelque avantage de plus que de s'obliger à tenir perpétuellement en état les moulins et les fours », ou qu'il lui avait concédé des droits d'usage ou de propriété. Elle était plus favorable au non-seigneur possesseur de banalités : il n'avait qu'à montrer la convention souscrite ayec une communauté d'habitants, et, sans aucun examen des termes, les droits stipulés étaient conservés et rachetables ^. Elle considérait alors, non la nature du droit, mais la qualité du possesseur. Le seigneur, dont elle se défiait, était moins bien traité que le non-seigneur.


https://archive.org/stream/lalgislationciv02sagngoog/lalgislationciv02sagngoog_djvu.txt

  • 15/20 Ledit sieur Croze formera l’enregistrement de chaque article du précis de la liquidation desdits rachats et sous-rachats, qui sera préalablement visé par le directoire du département ; il tirera la somme hors ligne à la marge droite, et il en donnera quittance au redevable, soit sur le dernier contrat ou titre de propriété qu’il représente, soit sur un double de sa déclaration, s’il n’exige pas une quittance par devant notaires, qui lui sera pour lors délivrée à ses frais.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5427385t.r=alphonse+aulard.langFR

  • 15/20 La propriété, quelle que fût alors sa nature, ou fiefs, ou biens d'Eglise ou terres communales, n'était pas absolument libre ; le franc-alleu seul ne devait que l'impôt. Le fief, la terre du paysan vassal, étaient soumis à de nombreuses restrictions https://books.google.fr/books?id=rbU5AQAAMAAJ&pg=PA173&lpg=PA173&dq=%22paysan+vassal%22&source=bl&ots=uewrAMMOD4&sig=nvn3-1xSlzfNbsFBBAYDO5GbzZ0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiOqbr4hPHQAhXsA8AKHU0DCYYQ6AEIJjAE#v=onepage&q=%22paysan%20vassal%22&f=false
  • 15/20 paradigme : La manière dont a été opérée, au plan législatif, "la destruction du régime féodal" est tout à fait significative à cet égard. Au-delà de la proclamation solennelle de l'abolition des privilèges et des droits féodaux, fixée par le décret du 11 août ("L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal"), il s'agit de légaliser cette "destruction" sans léser les intérêts des seigneurs-propriétaires. Il revient à Merlin de Douai, le 8 février 1790, de présenter, au nom du comité féodal de l'Assemblée, le décret d'abolition de la féodalité. Son "discours très rhétorique, au référentiel juridique très dense" s'articule autour de la phrase-pivot "Le régime féodal est détruit". Ici le fait discursif majeur est la division du thème de la féodalité, à partir de cette phrase-pivot, en deux univers sémantiquement distincts:
  • d'un côté, en négatif, les "biens féodaux", manifestations de la suprématie du suzerain sur le vassal, qu'il faut bien sûr détruire. Soit le paradigme suivant:

le droit d'aînesse la masculinité des fiefs
un attribut de la supériorité des fiefs
un attribut de la supériorité censuelle
le retrait féodal le retrait censuel
la foi et l'hommage les charges honorifiques
Les lois de succession de fiefs
sont abolis

  • de l'autre côté, en positif, le "droit féodal" issu d' "un contrat de fief", donc d'une convention particulière qui fait partie intégrante du droit "naturel" de propriété, et qui bien sûr doit être conservé. Soit le paradigme suivant:

R. Robin, "Fief et seigneurie dans le droit et l'idéologie juridique à la fin du XVIIIème siècle", Annales historiques de la Révolution française, N°4, 1971.
Le droit féodal est issu d'un contrat de fief
Un droit censuel est issu d'un contrat de sens
les corvées réelles sont issues d'une concession de fonds
les banalités réelles sont issues d'un concession de fonds
le droit de triage est issu d'une concession de fonds de la féodalité véritable du système féodal
Ainsi se met en place une "opération de sauvetage" (Régine Robin) de la propriété "féodale" au profit d'une fusion de la classe dirigeante à l'intérieur de la classe des propriétaires-citoyens. Le discours d'assemblée est donc bien d'emblée dans une situation paradoxale: en détruisant la structure "féodale" de la société d'Ancien régime, il "donne à la Révolution française un caractère d'individualisme radical, perçu comme condition indispensable de l'égalité démocratique" 62; en récupérant la propriété "féodale", il met temporairement la pensée bourgeoise des Lumières au service de la classe seigneuriale. http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:sXMdQ2fIfYgJ:www.academia.edu/28317660/Le_tout_de_la_nation._Port%25C3%25A9e_et_limites_du_discours_dassembl%25C3%25A9e_1789-1791_+&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=fr

  • Les formes de propriété atypiques Bien sûr, il faudrait moduler ce constat et ne pas sous-estimer les divergences régionales ou carrément locales qui tiennent à la plus ou moins grande puissance de la seigneurie, à son plus ou moins grand acharnement à maintenir ses droits sur la terre (aveux et dénombrements, assises de fiefs, terriers…), enfin à la plus ou moins grande rigueur qui s’attache au statut des terres et des personnes12. Le cas des biens des mainmortables en est l’illustration. Il faudrait également concéder que la division propriété éminente/propriété utile est loin d’épuiser la question, puisqu’il existe quantité de formes de propriété imparfaites qui n’ont rien ou peu à voir avec la seigneurie, entendons par là toutes les façons de tenir la terre qui restent profondément ambiguës, tous les contrats de concession de la terre qui participent à la fois de la location et de la vente : les baux à rente, baux à locatairerie… qui font du preneur un locataire perpétuel, habilité à vendre, louer, hypothéquer le bien pour lequel il verse une rente annuelle13. Il faudrait, enfin, ne pas oublier que la propriété est cisaillée par les droits d’usage qui s’appliquent avec plus ou moins de force dans le cadre de la communauté villageoise. Mais cet aspect important nous entraînerait trop loin et hors de notre propos. http://books.openedition.org/pur/22533?lang=fr
  • 15/20 Puis la loi 17 juillet 1793 avait supprimé sans indemnité tous les droits féodaux sans distinction, même les redevances pour concession de fonds, qui seraient « mélangées de féodalité ». Alors, les propriétaires du Coudray réclamaient le titre primordial ou d’origine de la rente, et la preuve qu’elle ne rentrait pas dans la catégorie de celles qu’avait supprimées la Révolution. http://www.linieres-saint-andre.com/2015/02/conflit-sur-la-rente-fonciere-du.html
  • 15/20 fiefs : Les contrats féodaux qui avaient pour objet la concession d'un domaine foncier ou d'un droit réel (fiefs-terre) et ceux qui consistaient dans l'assignation d'une rente ou pension pécuniaire (fiefs-argent) étaient principalement destinés à procurer au seigneur la force militaire dont il avait besoin pour la sécurité et la puissance de sa seigneurie. C'est service l'obligation essentielle du vassal était alors le service de guerre. Mais d'autres concessions féodales (fiefs-offices) n'avaient pour objet que de procurer au seigneur les fonctionnaires d'ordre administratif, judiciaire ou financier dont il avait besoin pour le gouvernement des gens de son domaine ou de ses vassaux : car la tendance, qui imposait alors à toute propriété la forme féodale, s'étendait aussi à tout office, à toute délégation d'autorité. Dans ce genre de fief, l'obligation principale du vassal n'était pas le service militaire; c'était l'accomplissement de la fonction concédée, et quand l'objet de cette fonction était réputé honorable et noble (ce qui avait lieu pour tous les agents de l'administration supérieure), le titulaire jouissait des mêmes prérogatives que les autres vassaux, faisait partie de la cour des pairs, en devenait justiciable et se trouvait soumis à toutes les aides féodales; il pouvait même, en cas de nécessité, être astreint à contribuer de sa bourse, sinon de sa personne, au service de guerre. En savoir plus sur http://www.cosmovisions.com/feodalite-regime-politique.htm#8hfks8JIRQAuhhPA.99
  • 15/20 Le feodum (étymologie discutée) est à l'origine une allocation d'argent, de denrées pour services rendus, mais très vite il entraîne l'attribution d'un bien foncier, ou d'un ensemble de droits, pour rémunérer les services d'un homme libre appartenant en général à la classe des hommes de guerre, les milites. Le seigneur donne un fief, celui qui le reçoit devient son vassal et lui doit fidélité, conseil et service des armes. Le fief est rapidement héréditaire en ligne directe, et son titulaire est appelé feudataire. http://www.histoire-france-web.fr/Documents/Dico_medieval.htm
  • 15/20 Propriété éminente : Une personne ou une institution possède la propriété éminente d'une terre lorsqu'elle en possède les droits de propriété, mais qu'elle ne l'exploite pas elle-même.

C'est le cas de la seigneurie foncière des campagnes et des villes au Moyen Âge classique, ou encore de la Couronne espagnole sur les terres américaines à l'époque moderne. La propriété (ou le domaine) éminente s'oppose au domaine (ou à la propriété) utile qui est l'ensemble des droits de celui qui exploite le fond et qui en recueille les fruits. La propriété éminente d'un domaine correspond plus à celle, actuellement, d'une commune par rapport à un propriétaire, qu'à celle d'un propriétaire par rapport à un locataire ou à un fermier. En effet, le propriétaire éminent n'a ni la possibilité de reprendre le domaine utile, ni celle d'en augmenter le cens, ni celle de l'améliorer (c'est le censitaire qui construit). De son côté, le titulaire du domaine utile a la possibilité de le louer ou de le vendre. Le statut de la noblesse interdisait de retenir le domaine utile, c'est-à-dire de l'exploiter directement pour soi-même, excepté la partie du domaine principal appelée "réserve seigneuriale". Déroger à ce statut faisait perdre la qualité de noble. C'est à cause de cette règle, qui interdisait aux nobles de concurrencer les non nobles dans leur domaine, que le système latifundiaire a très tôt disparu en France. La distinction domaine éminent/domaine utile a disparu en France dans la période révolutionnaire, qui met fin à nombre d'institutions féodales, d'abord par l'abolition des privilèges. Ensuite par la redéfinition du droit de propriété, dans la déclaration des droits de l'homme (... inviolable et sacré, si ce n'est l'utilité publique, légalement constatée...), définition à rapprocher de l'affirmation "l'homme est libre, car il s'appartient à lui-même", la propriété sur l'homme étant à la base de sa liberté, cette propriété était nécessairement "inviolable et sacrée". Puis dans le code civil qui fait de la propriété un droit absolu avec usus, fructus, abusus indissociables, probablement par réintroduction des institutions du droit romain. Les démembrements de la propriété ont été réintroduits, par nécessité, progressivement, d'abord en nue-propriété/usufruit, plus tard en copropriété des parties communes, sans retourner à la définition féodale de la propriété. La distinction féodale domaine éminent/domaine utile demeure en droit anglo-saxon, essentiellement en Angleterre pour définir les relations entre le propriétaire du sol, celui des bâtiments et des parties communes et celui de l'appartement particulier, et dans une moindre mesure en droit américain pour, par exemple, définir la possibilité pour un état d'user de son autorité pour exproprier une propriété privée, éventuellement au bénéfice d'une autre personne privée. Ceci pose la question délicate de réconcilier une constitution républicaine avec une institution de droit féodal.

  • 14/20 La propriété utile est le droit de jour de la chose qui a été concédée à certains charges, et d'en percevoir les fruits, en reconnoissant un Seigneur supérieur ; de cette espèce est celle des vassaux et des censitaires https://books.google.fr/books?id=W9O7jWQ3FKcC&pg=PA524&dq=%22Propri%C3%A9t%C3%A9+utile+est%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj-p5Gl98PQAhXoBsAKHWGcAtEQ6AEIIzAB#v=onepage&q=%22Propri%C3%A9t%C3%A9%20utile%20est%22&f=false
  • 14/20 La tenure noble au fief  : C’était ordinairement une terre concédée par une personne à une autre personne moyennant la prestation de certains services ou fiefs déterminés. Il arrivait parfois que la tenure noble ne soit pas une terre mais un droit on parle de « fief en l’air ». Quelque fois, le fief ne procédait pas une concession véritable faite par un seigneur à un vassal car il arrivait souvent qu’une personne décide de devenir vassal d’un seigneur et reconnaisse d’obtenir de lui à titre de fief un bien, généralement une terre, dont il était au départ le propriétaire libre et absolu. Cette personne donnait ce bien à un seigneur avec la volonté en échange que le seigneur le prenne sous sa protection. Le concédant d’un fief s’appelle « seigneur de fief » ou « suzerain ». Le concessionnaire s’appelle « vassal ». L’origine du fief est trouvée dans le bénéfice militaire de l’époque carolingienne http://slimlady54.e-monsite.com/pages/intro-historique-au-droit/partie-1-introduction-a-l-histoire-du-droit-3.html
  • 14/20 bail à cens : Le Bail à cens : C'est le bail par lequel le Seigneur aliène la dominité utile de sa terre moyennant une rente perpétuelle en argent. Il existe deux sortes de baux:

- Le bail à cens: il n'est usité que pour les terres Nobles ou celles qui, ayant été déjà baillées à cens, sont revenues entre les mains du Seigneur. En effet, bien que celui-ci en paie la taille, il réunit entre ses mains les dominités Directe et Utile, et peut donc les séparer à nouveau. - Le bail à emphytéose perpétuelle: pour cela, il suffit de posséder ce fond en Franc-Alleu, et indépendant de toute Seigneurie Directe, quoique d'ailleurs rural et sujet au payement des tailles, la roture n'ayant rien d'incompatible avec l'allodialité et l'indépendance. Le Bail Emphytéotique n'est donc que le bail d'un fond qui est tenue en roture. http://miroir.mrugala.net/Arisitum/cdf/feod.htm

Synthèse de l'histoire du servage modifier

Acte d’affranchissement de mars 1247 modifier

Ordonnance de 1270 (seul le roi peut affranchir un serf) modifier

  • Texte 16/20 : Ordonnance de 1270 dans le Chapitre XXXIV / Chapitre 34 (et pas 24 (Contenu ancien français ?) : nul vaffal ne pouvoit diminüer & abreger fon fief au prejudice de fon Seigneur

https://books.google.fr/books?id=pJ6aFGzfE_EC&pg=PA283&lpg=PA283&dq=Suivant+l%27ancien+droit+de+la+France,+nul+vassal&source=bl&ots=QHKHhvPmUZ&sig=dVhIQ89NhUA_hdt7Pdm4fndRTCc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi26b_7mY7PAhWmL8AKHYvZAhYQ6AEIJjAC#v=onepage&q=Suivant%20l'ancien%20droit%20de%20la%20France%2C%20nul%20vassal&f=false

  • Contenu français moderne (chapitre 24 à tort) : nul vassal ne pouvait diminuer et abréger son fief au préjudice de son seigneur

https://books.google.fr/books?id=iAWvxLwPyPUC&pg=PA340&dq=saint-louis+1270+affranchissement+-lettre+-carte+-lettres&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjcms2EmY7PAhXFSxoKHS2_BvIQ6AEIVjAI#v=onepage&q=saint-louis%201270%20affranchissement%20-lettre%20-carte%20-lettres&f=false

« Suivant l’ancien droit de la France, nul vassal ne pouvait diminuer et abréger son fief au préjudice de son seigneur ; et s’il le faisait, la partie du fief abrégée ou diminuée était dévolue au seigneur supérieur dans le même état qu’elle était avant l'abrégement ; or, comme les hommes de corps faisaient partie des fiefs, il est évident que celui qui affranchissait son homme de corps, éteignait et abrégeait par cet affranchissement une partie de son fief ; et ainsi ce serf affranchi était dévolu au seigneur supérieur dans le même état qu’il était avant l’affranchissement. De là vient que l’affranchissement du serf ne pouvait se faire sans l'assentement du baron ou du chief seigneur. Quand le seigneur suzerain avait donné son consentement à l’affranchissement, il avait aussi diminué son fief ; et ainsi ce serf af franchi était dévolu successivement de seigneur en seigneur jusqu'au roi ; de là vient qu’il n’y avait que le roi qui pouvait amortir et affranchir les personnes et les terres. Ainsi, un serf ne pouvait presque point parvenir à obtenir sa franchise, n’étant pas assez riche pour payer à tous ces seigneurs les finances qu’ils exigeaient. Il faut raisonner de même des amortissements que les églises étaient obligées de payer aux seigneurs jusqu'au roi, sur le déclin de la seconde race ou au commencement de la troisième,lorsque les droits de mutation dans la possession des fonds eurent été établis (i). »

(i) Recueil des ordonnances des rois de France, t. I.

  • Sur l'Esclavage : Dans la société féodale, les serfs faisaient juridiquement partie du fonds, de sorte que lorsqu'un territoire était vendu, ils l'étaient avec lui. Par ailleurs, nul vassal ne pouvait diminuer la valeur de son fonds au préjudice de son suzerain, faute de quoi la partie diminuée devait être restituée au suzerain et ce dans l'état antérieur. De ce fait, nul ne pouvait affranchir un serf sans l'assentiment de son seigneur, et de suzerain en suzerain, seul le roi avait le pouvoir d'affranchir des personnes, moyennant une juste compensation[1].

Ordonnance de 1311 modifier

Voyez, par exemple, le préambule de l'ordonnance de 1311, par laquelle Philippe le Bel affranchit les serfs du Valois :
« Attendu que toute créature humaine qui est formée à l'image de notre Seigneur doit généralement être franche par droit naturel, et comme en aucuns pays cette liberté naturelle est si effacée par la servitude que les hommes et les femmes qui les habitent sont considérés comme morts, et ne peuvent disposer, à la fin de leur douloureuse et chétive vie, des biens que Dieu leur a prêtés en ce siècle, etc., etc. »

Édit du 3 juillet 1315 (bailliage de Senlis) modifier

Abolition de l'esclavage en France métropolitaine à l'initiative du roi Louis X

« Comme, selon le droit de nature, chacun doit naitre franc, et comme la vitude moult nous déplait, considérant que notre royaume est dit et renommé le royaume des Francs, et voulant que la chose, en vérité, soit d'accord avec le nom, avons ordené et ordenons à tous lieux, villes et communautés et personnes singulièrement et généralement , que par tout notre royaume les serviteurs seront amenés à franchise. »
... « Ordonnons en mandement à tous nos justiciers et subjects, que en ces choses ils obéissent et entendent diligemment. »

«  Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux...
Comme, selon le droit de nature, chacun doit naître franc...
Nous, considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs, et voulant que la chose, en vérité, soit accordante au nom...
par délibération de notre grand conseil, avons ordonné et ordonnons, que généralement par tout notre royaume...
franchise soit donnée à bonnes et convenables conditions...
et pour ce que les autres seigneurs qui ont hommes de corps, prennent exemples à nous de eux ramener à franchise...
Donné à Paris le tiers jour de juillet l'an de grâce 1315 »

Ordonnance du 5 juillet 1315 modifier

Lettres de Louis X, par lesquelles il enjoint à ses Commissaires de faire contribuer à l'aide ordonnée pour la guerre, les personnes en servitude, lesquelles ne voudroient jouir de l'affranchissement général qui leur a été accordé.

Arrêt de 1402 modifier

Germain de La Faille, Annales de la ville de Toulouse depuis la Réunion de la Comté de Toulouse à la Couronne, 1701

Ordonnance royale de janvier 1474 (village de Maroilles dans le bailliage de Chaumont) modifier

Lettres de manumission ou d'affranchissement pour les Habitants de Maroilles, dans le Baillage de Chaumont, Louis XI, à Paris, Janvier 1474

Édit de février 1776 : portant suppression de la corvée (2) modifier

  • (2) Avant Turgot, réparation des routes par la corvée, qui fut supprimée par l'édit ci-dessus ; rétablie provisoirement le 11 août 1776 ; supprimée de nouveau en Berry, arrêt du 13 avril 1781. Contribution en argent, représentative de la corvée, arrêt du conseil, 6 novembre 1786 ; confirmée par déclaration du 27 juin 1787 etc.

https://books.google.fr/books?id=Q3U1AQAAMAAJ&pg=PA358&lpg=PA358&dq=11+ao%C3%BBt+1776+corv%C3%A9e&source=bl&ots=9hHtyiqm-5&sig=ck5FQetBOZ5T2bHYsm17n96Mjo0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiigrrVuv3PAhWWOsAKHbemB6UQ6AEILzAE#v=onepage&q=11%20ao%C3%BBt%201776%20corv%C3%A9e&f=false

Édit/Ordonnance du 8/10 août 1779 modifier

L'édit du 8 août 1779. pensé et conçu par Necker, marque une étape importante dans le procès des survivances serviles (ou « mainmortables »), et plus généralement du régime sei- gneurial. en France. Certes. son bilan concret n'est guère éloquent : mauvaise application dans les terres de la Couronne. opposition tenace du parlement bisontin à son enregistrement, audien- ce des plus restreintes parmi les seigneurs privés. Mais son poids ne s'en avère pas moins notable. Tout d'abord, dans les domaines de la jurisprudence et de la littérature, il donna une impulsion décisive à l'offensive contre la mainmorte. Et surtout, en supprimant autoritairement le droit de suite, il ouvrit le processus « révolutionnaire » de suppression des droits féodaux. processus qui ne devait se clore qu'en 1793.

Ordonnance du 27 juin 1787 modifier

Décret du 4 août 1789 (sanctionné le 21 septembre 1789 par Louis XVI) modifier

Décret du 15-28 mars 1790 (abolition des privilèges féodaux.: droits seigneuriaux abolis sans indemnité & droits rachetables) modifier


Décret du 3-9 mai 1790 (Sur les principes, le mode et le taux du rachat des droits seigneuriaux, déclarés rachetables par les article 1 et 2 du titre 3 de la loi du 15 mars 1790) modifier

Décret du 3-31 juillet 1790 (Décret des 3-31 juillet 1790 relatif au rachat des divers droits féodaux sur lesquels il avait été réservé de statuer) modifier

Décret du 13-20 avril 1791 concernant l'abolition de plusieurs droits seigneuriaux, notamment de ceux qui étaient ci-devant annexés à la justice seigneuriale, et le mode de rachat de ceux qui ont été déclarés rachetables) modifier

Décret du 13 avril 1791 concernant l'abolition de plusieurs droits seigneuriaux, notamment de ceux qui étaient ci-devant annexés à la justice seigneuriale, et le mode de rachat de ceux qui ont été déclarés rachetables

Décret du 15-19 juin 1791 (Loi relative à l'instruction sur les ci-devant droits seigneuriaux, déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790) modifier


Décret des 18 juin-6 juillet 1792 (relatif aux droits féodaux) modifier

Décret du 20 août 1792 (Décret relatif au rachat successif et séparé des droits casuels non supprimés et des droits fixes...) modifier

Décret du 25 août 1792 (abolition des privilèges sans contrepartie) modifier

Décret du 15 décembre 1792 modifier

Décret sur l'administration révolutionnaire française des pays conquis (15 décembre 1792). Abolition des privilèges, des droits féodaux, des dîmes et des anciens impôts remplacés par des taxes sur les riches ; séquestre des biens des princes, du clergé et des ennemis de la République, qui serviront de gage à l'assignat français dont le cours est imposé aux populations ; élections de nouvelles administrations par des assemblées primaires (ce qui introduit la souveraineté populaire) où ne sont admis que les citoyens ayant prêté serment à la liberté (ce qui vide le principe de son contenu) ; envoi massif de commissaires nationaux du Conseil exécutif, de députés de la Convention chargés de fraterniser avec le peuple et d'imposer le nouveau régime, le "gouvernement libre et populaire".



Décret 17 juillet 1793 (abolition définitive et sans indemnité des droits féodaux et seigneuriaux) modifier

  • texte 15/20 (Décret qui supprime sans indemnité toutes les redevances ci-devant seigneuriales et droits féodaux, même ceux conservés par le décret du 23 août 1792)
http://mjp.univ-perp.fr/france/1789nuit4aout.htm#1793
  • texte & image 20/20 Opinion et projet de décret sur le mode d'exécution de la loi du 17 juillet 1793, concernant le brûlement des titres : https://archive.org/details/opinionetprojetd00bour :
  • La Convention montagnarde prononce, le 17 juillet 1793, l'abolition de toutes les redevances féodales

Synthèse de l'histoire de l'esclavage modifier

COUR ROYALE DE PARIS (23 décembre 1843)
L'ordre royal du 2 mars 1739, qui prohibait la traite des CaraÏbes et Indiens, est-il applicable à tous les Indiens sans distinction de ceux des Indes orientales (1) ?
La maxime de droit public français Nul n'est esclave en France, proclamée par les édits de 1315, 1318, 1553, est démeurée en vigueur même depuis l'établissement des colonies.
Les édits de 1716, 1738 et 1777, en permettant aux maîtres de conserver la propriété des esclaves qu'is amnèreraient en France, leur imposaient l'accomplissement de certaines formalitées... il suffit qu'un esclave ait touché le sol français sous l'empire de ces règlements pour qu'il soit reputé avoir conquis sa liberté, alors surtout qu'il y a des présomptions suffisantes pour établir que le maître n'a pas rempli les formalités prescrites par les édits.
L'affranchissement de la mère esclave entraîne-t-il comme conséquence l'affranchissement de l'enfant impubère (2) ? Edit mars 1685, art. 47.


Édit du 3 juillet 1315 (bailliage de Senlis) modifier

Loi du 20 mai 1802- Loi rétablissant l'esclavage en France modifier

Décret du 29 mars 1815 modifier

Décret du 29 mars 1815
Abolition de la traite négrière par l'empereur Napoléon Ier
https://books.google.fr/books?id=sezoSzqQZuEC&pg=PA373&dq=%C3%89dit+du+3+juillet+1315&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjokbqtlY7PAhXCCBoKHRZIBrQQ6AEIVDAJ#v=onepage&q=%C3%89dit%20du%203%20juillet%201315&f=false

Ordonnance du 8 janvier 1817 : Interdiction de l'introduction d'esclaves noirs dans les colonies modifier

Loi du 15 avril 1818 modifier

Loi du 15 avril 1818
Interdiction de la traite négrière à l'initiative de Louis XVIII

Loi du 25 avril 1827 modifier

Loi du 25 avril 1827
Criminalisation de la traite négrière


Loi du 22 février 1831 modifier

Loi du 4 mars 1831
Durcissement de l'interdiction de la traite des Noirs à l'initiative du roi Louis-Philippe Ier

Engagisme modifier

  • 11 novembre 1882 : Abolition de l'engagisme à la Réunion

Décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848 modifier

Annexes modifier

Division de la France en bailliages et en sénéchaussées modifier

Titre=Concession de fonds (féodalité)

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Une concession de fonds a désigné en France jusqu'à la Révolution française l'octroi par la seigneur au vassal d'un bien, ordinairement une terre.

Un enjeu politique modifier

La fin de l'empire carolingien est marqué par une forte augmentation des concessions de fonds faites par le monarque, en particulier à partir de Charles II (843-877). Il s'agit d'un moyen de rétribution qui va considérablement diluer le pouvoir central au profit des grands seigneurs. L'accession au pouvoir d'Hugues Capes va d'ailleurs être soutenu par des personnes comme Adalbéron de Reims dans la volonté de préserver la puissance des féodaux.

Il faudra attendre le XIIIe siècle pour que le Roi reprenne le dessus sur les féodaux.

Des formes évolutives modifier

La concession de fonds au Moyen Âge modifier

La concession de fonds est réalisé en principe dans le cadre d'un contrat. Ce dernier prend principalement trois formes :

Les trois principales formes de contrats modifier

Le contrat de fief modifier

Dans le contrat de fief (ou « contrat d'inféodation »), le suzerain (seigneur de fief) concède un fief (terres ou droits, ou encore rente) à son vassal et s'engage à le protéger. En retour le vassal est tenu de fournir à son suzerain aide et conseil (foi et hommage), mais aussi et surtout le versement d'une série de droits féodaux, tels que la redevance, la corvée réelle, la banalité réelle ou encore le droit de triage, droit de relief, droit de mutation etc.

Le contrat de cens modifier

Suivant le contrat de cens (« contrat de sens », « bail à cens »), le seigneur censier concède sa terre censale (appelé aussi « censive ») à un censitaire (essentiellement des fermiers).

Le contrat de tenure modifier

Selon le « contrat de tenure » (« bail à rente »), la terre, appelée tenure, est concédée à un tenancier (appelé aussi « concessionnaire », « possesseur »). La terre peut être de noble tenure (fief), roturière (tenure roturière), ou ecclésiastique (tenure ecclésiastique)

Contrat et ordre modifier

Dans la société d'Ancien Régime, la concession de fonds varie également suivant qu'il s'agit d'une terre noble, roturière ou ecclésiastique cédée contre redevance :

Le contrat noble modifier

Le « contrat noble » (ou « contrat féodal ») pour la concession d'un terre noble.

Le contrat roturier modifier

Le « contrat roturier » (« contrat roturier », bail à emphytéose perpétuelle, bail emphytéotique) : la terre roturière (appelée aussi « roture » ou encore alleu) est concédée à un alleutier moyennant « droit de champart ». Le prix d'un alleu est désigné aussi allodial, qu'il soit corporel ou incorporel.

Le contrat ecclésiastique modifier

Le « contrat ecclésiastique ») concernant l'octroi d'une terre ecclésiastique.

La concession de fonds lors de la Révolution Française modifier

Objets du fonds modifier

Le fonds renvoie ici ordinairement à un fief ou à une censive. Il s'agit d'une terre attribuée contractuellement et induisant un certain nombre de droits et de devoirs :

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Les droits du seigneur modifier

Le seigneur revendique une série de droits féodaux.

Les droits du vassal modifier

Le vassal peut être un noble ou un paysan. Le vassal noble peut concéder à son tour le fief (arrière-fief). Le vassal paysan à la possibilité d'exploiter la terre ainsi concédée.


Un enjeu majeur pendant la Révolution Française modifier

La nuit du 4 août 1789 a donné lieu aux décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, qui déclarent « détruire entièrement le régime féodal », puis au décret du 15 mars 1790, qui précise les « effets généraux de la destruction du régime féodal ». Il s'agit d'une remise en question de la légitimité des droits féodaux : quels droits perçus doivent être abolis ? Lesquels sont justifiés et doivent continuer à être payer ? Lesquels doivent devenir rachetables ?

Lors de la Révolution Française, une «  concession primitive de fonds » renvoie à l'existence première d'une concession de fonds antérieurement à l'obtention du bien par succession héréditaire.

PARTIE 1 INTRODUCTION A L'HISTOIRE DU DROIT[3/]

Þ Par l’entrée dans les ordres : en principe un serf ne peut rentrer dans les ordres mais il peut rentrer en religion et dans ce cas il passe de serf a religieux



§3 _ Les roturiers


A _ Les vilains ou hommes de poeste ou hommes coutumiers


(Ceux qui habitent la campagne ; vilain vient du latin villa, ferme)

Ils ne diffèrent guère des serfs car ils sont eux aussi assujetti à la taille aux corvées et aux banalités. Par contre ils ne sont pas frappés par la mainmorte et le formariage. Ils peuvent domicilier là où ils le désirent


B _ Les bourgeois


(Ceux qui habitent la ville)

Leur condition est supérieure à celle des vilains et voisine à celle des nobles

Du point de vue politique, ils ont l’électorat, l’éligibilité aux fonctions municipales et aux états provinciaux et généraux

Du point de vue privé, ils ont des avantages qui rappellent ceux des nobles : ils sont dispensés des corvées et des banalités

La qualité de bourgeoise s’est acquise au XII ème (avec l’apparition des villes) :

Þ Par naissance

Þ Par mariage

Þ Par prescription : séjour continu dans une ville pendant 1 an et 1 jour

Þ Par concession du droit de bourgeoisie

Le droit de bourgeoisie comprend la bourgeoisie réelle attachée à la ville et la bourgeoisie foraine qu’on pouvait acquérir en se déclarant bourgeois du roi tout en habitant les terres d’un seigneur ; on relevait ainsi du roi et de sa juridiction



Section 2 _ La condition des terres

§1 _ La tenure noble au fief

           A _ Définition

C’était ordinairement une terre concédée par une personne à une autre personne moyennant la prestation de certains services ou fiefs déterminés. Il arrivait parfois que la tenure noble ne soit pas une terre mais un droit on parle de « fief en l’air ». Quelque fois, le fief ne procédait pas une concession véritable faite par un seigneur à un vassal car il arrivait souvent qu’une personne décide de devenir vassal d’un seigneur et reconnaisse d’obtenir de lui à titre de fief un bien, généralement une terre, dont il était au départ le propriétaire libre et absolu. Cette personne donnait ce bien à un seigneur avec la volonté en échange que le seigneur le prenne sous sa protection. Le concédant d’un fief s’appelle « seigneur de fief » ou « suzerain ». Le concessionnaire s’appelle « vassal ». L’origine du fief est trouvée dans le bénéfice militaire de l’époque carolingienne

B _ La forme du contrat de fiefs

Le contrat de fief était un contrat solennel qui se composait de : Þ L’hommage (du vassal au seigneur) Þ La foi (vassal jure au seigneur fidélité) Þ L’investiture (seigneur investit le vassal de son fief (symbole=motte de terre))


C _ Les obligations résultant du contrat de fiefs

Le contrat de fief est un contrat synallagmatique (qui engendre des obligations réciproques ou bilatérales) à la charge du seigneur et du vassal. Il y a 3 obligations : Þ L’obligation essentielle : elle est commune au seigneur et au vassal ; elle consiste dans un devoir réciproque de fidélité entre le seigneur et son vassal avec interdiction de se prononcer en duel judiciaire (l’interdiction de régler les différents par le combat, de se faire la guerre, de s’injurier, de se désavouer l’un par rapport à l’autre) Þ Les obligations particulières du vassal : elle est faite en contre partie de la terre qui lui est due ; le vassal n’est pas tenu à des redevances pécuniaires c’est-à-dire que la concession est faite gratuitement mais pas de manière désintéressée car elle est faite à charge de 4 services personnels : o Service de guerre o Service de cour de justice o Service de conseil o Service d’aide : obligation pour le vassal d’aider financièrement son seigneur ; c’est une conséquence du devoir de fidélité. Il y a 4 types d’aide : § Paiement de la rançon du seigneur prisonnier § Mariage de la fille aînée § Armement (adoubement) au fils aîné du seigneur § Aide financière au seigneur quand il va faire une croisade


2 sanctions possibles :

           La commise féodale est la confiscation du fief du vassal au profit du seigneur. Elle avait lieu dans plusieurs cas :

Þ Si dans le combat, le vassal abandonnait lâchement son seigneur. Þ S'il avait su quelques attentats contre son seigneur et ne l’avait pas averti. Þ S'il avait été le délateur de son seigneur. Þ S'il manquait à quelqu'un des services auxquels il était obligé, mais il ne perd pas pour cela son fief. Þ Si le vassal entrait en religion où se faisait prêtre, il perdait son fief, parce qu'il ne pouvait plus en faire le service; dans ce cas, certains fiefs étaient affectés à des ecclésiastiques. Þ Lorsque le vassal détériorait considérablement son fief et surtout s'il abusait du droit de justice. Þ Le désaveu (rétractation d’un aveu) faisait aussi perdre le fief: mais la commise n'avait pas lieu lorsqu'il avait un autre seigneur. Þ La commise avait lieu pour trahison (vassal vivait en concubinage avec la femme de son seigneur ou à sa soeur non mariée, lorsqu'elle demeurait avec son frère ; vassal attaquait son seigneur, ou le château de son seigneur ; vassal tuait le frère ou le neveu du seigneur)

           La saisie féodale est la mise sous séquestre du fief où le roi peut en percevoir les frais. Elle avait lieu en cas de manquement simple : le vassal était coupable de négligence ou de retard dans l’accomplissement des obligations ; quand ces manquement se prolongeait un an et un jour, la saisie féodale pouvait être transformée en commise
                       3 _ Les obligations particulières du seigneur

Þ Rendre justice à son vassal devant la cour féodale qui va être composée au choix, du seigneur, mais aussi des autres paires de vassaux Þ Maintenir le vassal en possession de son fief à l’encontre des possibles agressions des tiers

S’il ne remplissait pas sa fonction la sanction était la rupture du lien féodal : le vassal était délié de son serment vassalique de fidélité à l’égard du seigneur ; mais, la vassal ne retrouvait pas pour autant sa liberté, il se rattachera au seigneur supérieur à celui qu’il avait


           D _ Les droits du vassal sur le fief

A l’origine, le droit du vassal sur le fief était un droit purement personnel : il était intransmissible à ses héritiers et inaliénable Puis, le fief va tendre à devenir héréditaire et inaliénable : on parle de patrimonialité des fiefs

                       1 _ L’hérédité des fiefs

Au début de la période féodale, le fief était viager (droit qui s’éteint à la mort de son titulaire, rente à vie) et à la mort du vassal, il retournait de droit au seigneur. Ainsi, l’héritier du vassal n’avait aucun droit sur le fief mais il pouvait toujours obtenir la concession du fief en contractant à son tour un nouveau contrat vassalique (de foi et d’hommage) avec le seigneur. A partir du XI ème, la coutume évolue en reconnaissant que l’héritier a un droit personnel à la succession du fief


a _ Les conditions de le succession héréditaire

Þ L’héritier devait faire foi et hommage à son seigneur et devait recevoir de lui une nouvelle investiture (nouveau contrat + nouvelle concession de fief) Þ L’héritier devait payer à son seigneur un droit de relief ou de rachat : droit perçu par le seigneur sur l'héritier du fief (futur vassal) à la mort du vassal titulaire. Son montant était fixé dans la plupart des communes aux revenus du fief pendant un an. Cependant, par la suite, le droit du seigneur s’effaça. La plupart des communes vont dispenser ce droit de relief au vassal. Ainsi, en France, au XIII ème, le droit de relief n’est perçu qu’à l’égard des héritiers collatéraux

b _ Les règles de la succession au fief

Þ En ligne directe, le droit d’aînesse assurait au fils aîné du vassal la possession indivisible du fief et ceci afin de lui permettre de remplir ses obligations militaires envers le seigneur Þ En ligne collatérale, le privilège de masculinité donnait à degré égal la référence de l’homme sur la femme Ex : si le seigneur avait une fille et un neveu, la fille était possesseur du fief et les conditions posées étaient : elle ne pouvait se marier sans le consentement du seigneur et le seigneur pouvait la contraindre au mariage jusqu’à l’âge de 60 ans, son mari était chargé d’acquitter les obligations militaires et les services de cour (justice) et de conseil Þ L’exclusion des ascendants : les personnes âgées ne pouvaient faire le service militaire mais cette règle disparue au XV ème car i n’y a plus de guerres privées Þ Quand le possesseur du fief n’a pas d’héritier, c’est le droit de réversion qui s’applique : le fief retourne au seigneur concédant Þ Si l’héritier du fief est mineur, le fief est confié au seigneur concédant jusqu’à ce que l’héritier ait atteint sa majorité. Le seigneur à la garde et la jouissance du fief. Il a aussi une obligation vis-à-vis du mineur : assurer l’entretien du fief Þ Le droit de bail : à partir de XIII ème, la possession et la jouissance du fief ne sont plus attribuées au seigneur mais à celui qui en aurait hérité si le seigneur n’avait pas existé ; ce droit de bail perdure jusqu’à la majorité qui est de 21 ans pour le garçon et de 15 ans pour la fille

c _ Le droit d’aînesse

Il a été appliqué pour la 1ère fois au XII ème en Normandie, sous Henri II Plantagenêt (1153-1189). Il a été étendu à la Bretagne. A partir du XIII ème, il s’est généralisé dans toute la France.

Ce droit s’est imposé pour maintenir l’indivisibilité du fief et permettre à l’aîné de remplir tous les devoirs de la seigneurie, essentiellement le service militaire

Au début, ce droit avait un caractère absolu : le fils aîné héritait entièrement du fief de son père défunt et c’était à lui de pourvoir à l’établissement de ses frères et sœurs (nourriture…). Cette règle du droit s’est maintenue pour les grandes seigneuries titrées et aussi pour la couronne

Mais, pour les fiefs simples (non titrés) et aussi pour les châtellenies, cette règle était considérée comme trop rigoureuse à l’égard des filles mais aussi à l’égard des fils puînés (nés après).

Ainsi, ce droit fut adouci selon 3 combinaisons différentes…

Þ Le système de l’arrière vassalité dé puîné consistait à attribuer 2/3 du fief au fils aîné et 1/3 aux puînés. Ici, l’indivisibilité du fief est ainsi sauvegardée : l’aîné est le seul vassal direct du seigneur pour la totalité du fief (il est le seul à accomplir les actes issus du contrat de vassalité) et les puînés deviennent les vassaux du fils aîné Þ Le système des tenures en parage était consacré en droit sous Saint louis par les coutumes du Mans et de l’Anjou : il attribuait 2/3 du fief au fils aîné et 1/3 aux puînés mais, contrairement au système précédent, les puînés ne sont les vassaux de personne et donc ils sont les paires de l’aîné Þ Le système de la vassalité directe des puînés trouve son origine dans un texte de Philippe Auguste en 1209 et fut mis en vigueur à Paris et à Orléans : il attribuait 2/3 du fief au fils aîné et 1/3 aux puînés mais, contrairement aux systèmes précédents, ils deviennent les vassaux directs du suzerain. Ce système était le plus avantageux pour le suzerain

                       2 _ L’aliénation des fiefs

a _ L’aliénation indirecte par voix de sous-inféodalité La sous-inféodalité consistait pour la vassal à concéder à son tour la totalité de son fief à un autre vassal

Cette opération a été admise très tôt mais le risque était qu’elle affaiblisse le vassal et qu’elle le mette dans l’impossibilité de remplir ses obligations vassaliques envers son suzerain. Ainsi, une faculté de sous féodalité est limitée à une partie seulement du fief ou alors la sous-inféodalité n’est autorisée qu’à titre de tenure roturière. Ici, le fief sous-inféodé formait un arrière-fief qui dépendait du 1er fief


b _ L’aliénation directe par voix de vente ou de donation

Au début, elle était interdite pour 2 raisons :

Þ Le droit du vassal était viager Þ Ce droit vassalique constituait un contrat « intuitu personae » (contrat conclu en considération de la personne avec laquelle il a été passé)

Mais le jour où le fief est devenu héréditaire on a de même admis qu’il pouvait aussi être aliéné mais avec l’autorisation préalable du seigneur Puis, le droit s’est adouci ainsi, l’aliénation pouvait avoir lieu sans même le consentement du seigneur mais 3 mesures ont été sauvegardées pour le droit du seigneur Þ La transmission du fief n’était effectuée que quand l’acquéreur avait prêté foi et hommage au seigneur Þ Le seigneur, en cas de vente, pouvait toujours opérer au retrait féodal (il pouvait reprendre la fief en remboursant l’acquéreur)

Þ Le seigneur avait toujours la garantie d’un intérêt pécuniaire (il percevait un droit à l’aliénation du fief) : En cas de vente il percevait le droit de quint (il percevait 1/5 de la vente) et le droit de requint (il percevait 1/5 du 1/5 de la vente) En cas de donation il percevait le droit de relief qui constitue son bénéfice pécuniaire que lui rapporte son domaine direct


§2 _ Les tenures roturières

           A _ Définition

C’était des terres concédées à des roturiers moyennant une redevance pécuniaire. La forme la plus répande de tenure roturière est le censive (le concédant était le seigneur censier et le cessionnaire était le censitaire)

B _ Comparaison fief/censive

Les points communs :

Ils étaient tous deux des tenures féodales : ils étaient des concessions qui présentaient un dédoublement de la propriété en 2 parties distinctes : le domaine direct (qui appartient au seigneur censier) et le domaine utile (qui appartient au censitaire)

Les différences :

Þ Le fief avait pour origine le bénéfice carolingien (il était employé avant tout comme un moyen d’influence politique en regrouper le plus de vassaux autour du seigneur) alors que le censive procédait de la precaria ecclésiastique (il était employé comme forme d’exploitation économique de la guerre) Þ Dans le fief les obligations du concessionnaire étaient le service personnel et, exceptionnellement, une prestation pécuniaire au seigneur alors que les obligations de la censure étaient les redevances du cessionnaire pécuniaires uniquement Þ Le contrat de fief se forme par foi et hommage d’où les relations personnelles entre le vassal et le seigneur alors que le contrat de censive ne forme aucun lien personnel entre le seigneur et le vassal car le vassal ne devait prêter ni foi ni hommage à son seigneur. Seule la censive était tenue à l’égard du seigneur

C _ Les obligations du censitaire Le vassal était tenu à des obligations à l’égard du seigneur censier Þ Le paiement du cens recognitif : redevance pécuniaire peu élevée ayant un caractère de reconnaissance de la propriété) Þ Le paiement du surcens : redevance beaucoup plus élevée qui présente un véritable fermage ; la champart est une redevance permettait au censitaire de s’acquitter de ce paiement en argent ou en nature en abandonnant une partie de ses fruits de la terre au seigneur Þ Le règlement de certaines prestations au profit du seigneur telles que les corvées, les banalités (parfois obligatoires) qui étaient stipulées dans le contrat de censive Le censitaire pouvait s’exonérer de ces obligations en déguerpissant (en abandonnant la tenure) et ainsi la terre n’assujettissait plus le vassal Le seigneur avait un moyen d’exécution : le droit de faire une saisie censuaire

D _ Les droits du censitaire

Au début, la censive était viagère, comme le fief. Cependant, par la suite, elle est devenue héréditaire comme le fief. La transmission héréditaire de la censive va s’opérer de manière égale entre les héritiers c’est-à-dire sans privilège d’aînesse et sans appliquer le principe de masculinité

Au début, la censive était inaliénable. Cependant, l’aliénation de la censive a été admise quand la transmission héréditaire a été reconnue

En revanche, il était interdit aux censitaires de sous accenser sa tenure c’est-à-dire «  cens sur cens ne vaut » : pour concéder une tenure et acquérir le titre de seigneur féodal, il fallait à l’époque posséder soit une tenure noble (fief) soit une terre libre

En revanche, le censitaire pouvait toujours céder sa terre par bail à rente foncière. La succession et l’aliénation de la censive étaient l’occasion pour le seigneur de la perception de certains droits pécuniaires au profit du seigneur censier

Ces droits sont : Þ Le droit de relief en cas de transmission héréditaire Þ Les droits d’ost et de vente en cas d’aliénation à titre onéreux (vente) Þ Le droit d’achat en cas d’aliénation à titre gratuit (donation) Þ Le droit de mutation que le nouveau censitaire devra obtenir du seigneur Tous ces droits vont, par la suite, soit disparaître soit s’atténuer considérablement


§3 _ Les tenures serviles

           A _ Définition

C’était des terres concédées par un seigneur à des serfs

           B _ La condition juridique

C’était à peu près la même chose que celle des tenures roturières sauf sur 2 points de vue Þ La tenure servile n’est ni héréditaire ni librement aliénable contrairement aux tenures roturières Þ Le seigneur pouvait fixer arbitrairement les redevances à payer par le tenancier pour les tenures serviles alors que pour les tenures roturières, le seigneur était lié par les termes du contrat et ne pouvait réclamer davantage que ce qui était permis par le contrat


§4 _ L’alleu

           A _ Définition

Le franc alleu ou alleu était une tenure appartenant à un particulier en propriété libre et absolue (exception dans le régime féodal). L’alleu différent des tenures féodales à plusieurs points de vue Þ Il ne comprenait pas le dédoublement de la propriété Þ Il ne dépendait pas d’un propriétaire supérieur c’est-à-dire qu’il était en dehors de la pyramide des terres Þ Le propriétaire ne posait aucune redevance sur l’alleu


B _ Les 3 sortes d’alleux Þ Les alleux souverains : ces terres formaient de petits Etats indépendants. Ils disparaîtront assez vite, le dernier alleu étant celui d’Yvetot qui disparu en 1553 Þ Les alleux justiciers : ceux dont les titulaires exerçaient le droit de justice. Au XIII ème, on considéra qu’il tenait ce droit (de justice) directement du roi et ce à titre de fief Þ Les alleux simples : les possesseurs en étaient propriétaires libres et absolus mais soumis au droit de justice du seigneur de la région


           C _ Les tentatives d’élimination des alleux

L’alleu était une anomalie dans la société féodale. C’est pourquoi, à partir du XV ème, la politique des seigneurs tendait à éliminer les alleux en les faisant rentrer dans le cadre des tenures féodales. Toutefois, les seigneurs n’y parviendront pas complètement et donc au final on aboutit à 3 systèmes différents selon les localités

Þ Sous l’influence du droit coutumier - au nord - on considérait qu'il n'existait « nulle terre sans seigneur » : le seigneur qui prétendait exercer son autorité sur le terres devait prouver son droit de propriété en produisant son titre de propriété ; dans ce cas la terre était un alleu Þ Sous l’influence du droit romain (écrit) - au sud - on disait qu'il n'existait « nul seigneur sans terre » : toute terre est soumise à un seigneur justicier Þ Dans certaines provinces il n’existait « nul alleu sans titre » : c’était l’alleutier qui faisait la preuve de la franchise de la terre (il montrait que sa terre était libre)

La période médiévale classique concerne cinq siècles de notre Histoire. Elle commence avec la dynastie capétienne. En 987 meurt le dernier Carolingien (Louis V), sans descendance. C’est son plus proche parent qui vient revendiquer la succession, son oncle Charles de Lorraine qui est lui-même un Carolingien. Depuis 888, Carolingiens et Robertiens se succèdent sur le trône de France. Cette succession commence à agacer un homme, l’archevêque Adalbéron de Reims. Il choisit de privilégier, pour la succession de Louis V, le candidat qu’il juge le plus solide. Il va donc faire campagne en faveur d’un autre candidat que Charles de Lorraine : Hugues Capet (petit-fils de Robert le Fort). Pour écarter Charles, l’archevêque de Reims avance deux arguments : la royauté n’est plus héréditaire mais élective et Louis V n’a pas d’héritier en ligne directe. Donner la royauté à son oncle obligerait donc à remonter dans l’arbre généalogique et choisir un collatéral de Louis V. Or, choisir un collatéral du roi défunt n’est pas une habitude conforme aux usages féodaux du 10e siècle. À cette époque, la succession collatérale n’est pas encore fermement admise en droit des fiefs. Adalbéron avance donc des arguments politiques et juridiques. La véritable raison de la préférence d’Adalbéron tient en réalité à la personne même d’Hugues Capet. Il le choisit parce qu’il veut imposer un roi qui puisse durer pour la Francie. Il faut donc choisir un roi qui ne va pas gêner les grands féodaux. Hugues Capet correspond à ce profil : c’est un grand seigneur, il est Duc de Francie, il dirige l’Île-de-France mais n’est pas le plus puissant des princes territoriaux. Il ne présenterait donc pas une grosse menace pour ces derniers.

En 987, les grands féodaux se réunissent à Senlis à l’initiative de l’archevêque de Reims, ils écoutent les arguments d’Adalbéron et élisent Hugues Capet, roi des Francs. Ce rex francorum est donc un roi élu. Le caractère électif de la royauté, entériné en 987, est un signe de faiblesse pour cette royauté naissante. Malgré tout, l’élection présente un avantage par rapport à l’hérédité. Cela permet d’éviter les inconvénients du partage dynastique. Dès 987, apparaît progressivement l’idée de l’indivisibilité du royaume. Dans les siècles qui vont suivre, cette indivisibilité du royaume sera un fait. Les Capétiens vont parvenir à se maintenir dans la dignité royale et vont tirer à leur avantage ce principe d’indivisibilité qui s’affirme. Dans un premier temps, les Capétiens vont composer avec un contexte défavorable puis vont s’attacher à bâtir la souveraineté royale. Le Moyen Âge classique se divise donc en deux périodes : • La période féodale marquée par l’éclatement des pouvoirs (10e – 13e siècles) • La naissance de l’État (13e – 15e siècles)

Titre 1 : les temps féodaux (10e – 13e siècle)

Durant la féodalité, le pouvoir de ban a éclaté et est revendiqué par un grand nombre de dignitaires. Le roi (Hugues Capet) est toujours titulaire du ban mais d’autres princes revendiquent eux aussi ce pouvoir de ban. Le Duc d’Aquitaine, le Duc de Normandie, le Comte de Champagne sont parmi les plus influents princes territoriaux. En dessous des princes territoriaux, des Comtes se considèrent eux aussi comme indépendants. Enfin, en bas de l’échelle, dans la seigneurie banale, certains seigneurs usurpent à leur tour le ban royal et se considèrent à leur tour indépendants des comtes (qui se considèrent indépendants des princes territoriaux, qui se considèrent indépendants du roi). Certaines régions sont davantage marquées par cet éclatement du ban. La seigneurie banale concerne surtout la Bourgogne et les régions limitrophes (presque aucune en Normandie).

La France du 10e siècle est une mosaïque de puissance. Seulement, cette usurpation du ban ne débouche pas sur l’anarchie. La féodalité obéit à ses règles. Même s’ils sont autonomes, tous ces titulaires du ban obéissent à un système. La féodalité est donc aussi un système juridique. Le Capétien doit composer avec la féodalité. Dans un premier temps, il faut envisager le système féodal en lui-même pour comprendre ses rouages et, dans un second temps, il faut placer le roi au sein de ce système et comprendre comment il interagit avec les autres pouvoirs.

Chapitre 1 : le système féodal La féodalité est un type de société. Ces sociétés féodales se sont développées dans toute l’Europe occidentale du 10e au 13e siècle. Ces sociétés féodales sont issues du démembrement de l’Empire carolingien. Elles vont par la suite donner naissance à des États (exemple : France et Allemagne). Des systèmes comparables de féodalité ont existé dans d’autres régions du monde : au Japon jusqu’à l’avènement de l’ère Meiji et son entrée dans le monde industriel. La féodalité est donc un modèle répandu qui se résume en trois traits dominants : • Un développement très poussé des liens de dépendance d’homme à homme. Ce lien de dépendance concerne un groupe de guerriers spécialisés qui occupent les échelons supérieurs de la hiérarchie sociale. • Un morcellement extrême du droit de propriété. Il existe sur la terre, une hiérarchie de droit et donc une propriété qui n’est absolument pas identique à notre propriété exclusive (propriété démembrée). Cette hiérarchie des droits sur la terre dépend très largement de la hiérarchie sociale. • Un morcellement du pouvoir public. Dans chaque pays existe une hiérarchie d’instances autonomes qui exercent, dans leur propre intérêt, les pouvoirs normalement reconnus à l’État.

La féodalité est donc une dimension politique, sociale et juridique.

Section 1, la dimension politique de la féodalité

Il n’existe une féodalité que parce qu’il y a un éclatement des pouvoirs. Malgré cet éclatement, le système féodal met en place une hiérarchie qui est dictée par des relations féodo-vassaliques.

A – L’éclatement des pouvoirs

Le pouvoir est éclaté à cause du morcellement territorial qui caractérise le déclin de l’Empire carolingien. Le morcellement territorial s’est installé à cause de la perte d’autorité du roi carolingien. Pour la Francia occidentalis, cette perte d’autorité commence en 877 avec le capitulaire de Quierzy-sur-Oise. Le roi perd alors le contrôle de ses comtes et de ses ducs. Le morcellement territorial comprend trois grandes étapes : d’abord se forment les principautés territoriales, ensuite émergent les comtés autonomes et enfin apparaît la seigneurie banale. Ce processus (toujours pour la Francia occidentalis) commence avant 877 et se termine aux alentours de l’an 1000. Ce processus aboutit à la concentration, dans le cadre de la seigneurie, d’un certain nombre de prérogatives autrefois considérées comme appartenant à la puissance publique.

1) Naissance de la seigneurie

À la fin de l’époque carolingienne, le roi carolingien doit faire face à l’insécurité. Pour lutter contre cette insécurité (notamment les invasions normandes), les Carolingiens font ériger des places fortes dans les campagnes. Au début, ces châteaux s’établissent à l’initiative du roi ou sous son contrôle. Peu à peu, à cause du morcellement territorial, ces châteaux passent sous la maîtrise des princes puis sous la maîtrise des comtes et, à la fin du 10e siècle, les châteaux échappent même à l’autorité des comtes. Dans le Nord, ces châteaux passent aux mains d’anciens fonctionnaires carolingiens (autrefois les auxiliaires du comte). Ils sont désormais contrôlés par les vicomtes, les viguiers ou avoués. Dans le midi de la France, les châteaux passent plutôt sous le contrôle des grands propriétaires fonciers. En l’an 1000 apparaît une catégorie d’individus : les châtelains. Ils s’entourent d’une troupe (milites, soldats). Ces milites sont, le plus souvent, les vassaux des châtelains : les milites sont liés au châtelain par le serment de vassalité. Les hommes en arme, dans le Nord de la France, sont d’anciens dépendants des grands domaines carolingiens. Au Sud, les milites sont souvent des paysans libres. Dans les deux cas, les milites se joignent au châtelain parce qu’ils préfèrent se placer du côté de la force (exercer la violence plutôt que de la subir). Certains de ces soldats vont à leur tour ériger des châteaux. Ces territoires qui se trouvent dépendants des places fortes (châteaux d’un châtelain ou d’un soldat) vont devenir des seigneuries. Le maître de la seigneurie exerce pour son compte le ban autrefois dévolu à la puissance publique (roi carolingien). Avec le ban, le seigneur dispose du pouvoir de commandement et de justice. Le ban donne le nom de seigneurie banale (qui détient le ban).

Cette captation des pouvoirs publics a été favorisée par deux techniques : La pratique des immunités au Nord. C’est un droit consenti aux grandes abbayes (sous les Carolingiens). Cette immunité consentie par le Carolingien accordait des prérogatives de justice et de commandement militaire. Le titulaire échappait au droit commun. L’immunité a accompagné et encouragé l’accaparement du ban. Dans le Sud, la pratique de la commendise, qui est une sorte de contrat de gestion et de protection par lequel un domaine ecclésiastique ou une communauté rurale se place sous la sauvegarde d’un puissant personnage.

Au Nord, princes et comtes s’appuient sur l’immunité pour forger leur indépendance. Au Sud, ils s’appuient sur la commendise pour domestiquer les populations. Pour acquérir leur indépendance, ils utilisent cependant la violence mais tirent aussi prétextes de la violence des autres. La seigneurie banale apparaît également et toujours à cause de la peur des invasions. Au 9e siècle, c’est la peur du Normand, du Hongrois. Au 10e siècle, la peur du voisin.

2) Le cadre juridique de la seigneurie

Le seigneur est maître du ban. Grâce au ban, il peut édicter des règlements, il peut charger des agents de le représenter pour faire respecter ses décisions. Les agents du seigneur sont ses ministériaux. Grâce au ban, le seigneur perçoit aussi des droits que la coutume bientôt essaie d’encadrer.

3) La justice seigneuriale

Le seigneur rend la justice, surtout la justice du sang. Il rend la justice des causes majeures : l’homicide, le rapt, l’incendie et le vol. En plus de rendre la justice, il perçoit les amendes. Tous les hommes placés sous la juridiction du seigneur sont appelés les hommes de poesté, parce qu’ils sont in potestate (sous sa puissance). Territorialement, les hommes de poesté dépendent judiciairement du seigneur. Le territoire sur lequel il exerce sa justice est un détroit. Les hommes de poesté sont dans le détroit de justice du seigneur. Dans ce détroit, le seigneur applique une procédure archaïque qui comporte peu de garantie, une procédure détestée par les manants. Alors, à partir du 12e siècle, la justice du seigneur est concurrencée, contestée par les communautés : les villes. Au 12e siècle, les villes se développent et contestent la justice du seigneur. On trouve des villes franches, elles restent sous la tutelle du seigneur, elles ne possèdent pas de juridiction propre mais le seigneur leur accorde des chartes de franchise dans lesquelles il accorde aux villes franches des privilèges judiciaires. Les bourgeois des villes franches obtiennent une tarification propre des amendes et que le seigneur renonce à la détention provisoire.

On trouve aussi des villes autonomes, appelées « communes » dans le Nord de la France et « consulats » dans le Sud. Elles reçoivent aussi des chartes dans lesquelles il est prévu qu’elles peuvent organiser leur propre justice municipale. Le seigneur se réserve cependant la connaissance de la haute justice au pénal. La justice civile est laissée aux magistrats municipaux. Sur le plan commercial, ces justices municipales sont compétentes. Se développent ainsi les tribunaux consulaires (Sud) ou d’échevinage (Nord). Dans les villes, les marchands sont jugés par leurs pairs. Marchands et bourgeois se détachent du seigneur mais du point du vue de la procédure, les justices municipales restent assez frustres (par à la hauteur de l’attente des populations). Ce sont des procédures assez sommaires qui coûtent cher. Les populations, déçues par la justice seigneuriale et municipale, vont se tourner vers la justice ecclésiastique qui présente des garanties de procédure incomparables. Les manants (les hommes de poesté), soumis au seigneur, sont contraints d’acquitter un certain nombre de droits.

4) Les droits seigneuriaux

Les hommes soumis au ban du seigneur paient une taxe, la taille (que l’on paie par foyer). Le seigneur exige aussi des manants des services, des corvées. Grâce aux corvées, le seigneur fait réparer son château, fait tracer des routes ou des chemins. Lorsqu’il se déplace, le seigneur détient un droit de gîte ou d’albergue sur ses hommes de poesté. Si le seigneur est suffisamment puissant, il bat monnaie (à son effigie) et les seigneurs exigent également les droits les plus courants : les banalités. Les banalités sont des droits que le seigneur perçoit sur les mouvements de marchandise à l’intérieur de la seigneurie (exemple : péage à l’entrée d’un pont). Le seigneur taxe aussi les étrangers (dits aubains) : droit d’aubaine. Par ce droit, si un étranger meurt dans la seigneurie sans héritier direct, le seigneur se saisit des biens de cet aubain. Le droit d’aubaine est très lucratif. Le seigneur dispose aussi de monopoles économiques, lui seul peut posséder un moulin, un four, un pressoir. Les hommes de poesté doivent moudre leur grain dans le moulin du seigneur (qui en prend une partie), ils portent leur raisin à son pressoir et leurs vaches à son taureau.

À partir du 11e siècle, on perd complètement dans les seigneuries le souvenir de l’origine publique de ces prérogatives. Les populations considèrent que les droits du seigneur procèdent de coutumes. Le terme de coutume est donc apparu d’abord au pluriel. Les coutumes (consuetudines) étaient synonymes de redevances. Ces consuetudines deviennent odieuses, elles sont mal perçues mais forment un ordre juridique à l’intérieur de la seigneurie. Elles établissent un lien entre le seigneur et ses manants. C’est donc à partir de ces coutumes que le dialogue juridique va s’instaurer dans la seigneurie entre le seigneur et ses habitants.

5) Les coutumes de la seigneurie banale

À partir de la fin du 9e siècle, dans la Francie, le système de la personnalité des lois disparaît. On oublie qu’il y a eu des lois pour les Gallo-romains, des lois pour les Francs, pour les Burgondes… On oublie qu’il y a eu personnalité des lois puisque les populations ont fusionné. Les origines de chaque population deviennent indiscernables. Le morcellement territorial de l’Empire carolingien a accentué le phénomène. Les juges, les instances qui permettaient l’application du système de personnalité des lois n’existent plus. Un système empirique se met alors en place au 10e et 11e siècle. Pour régler leurs affaires, les particuliers recourent à des conventions privées (convenientiae). La convenientiae est un contrat formé par la seule volonté des parties, qui accordent leur volonté et qui se jurent fidélité. Par ces conventions privées, chaque pays, chaque seigneurie fixe ses principes, crée sa propre loi.

Au-delà de ces contrats bilatéraux étayés par un serment de fidélité, d’autres usages se mettent en place : les consuetudines. Les coutumes ne concernent pas la sphère privée mais publique : ces sont les règles en matière administrative et fiscale qui s’imposent dans les rapports entre le seigneur et ses manants. Les coutumes s’exercent uniquement dans le cadre du détroit, apparaît donc ainsi l’idée d’un ressort judiciaire. L’apparition de ce ressort judiciaire encourage l’apparition d’autres coutumes qui vont considérer des affaires de droit privé (exemple : successions). À partir de là naît à la fin du 11e siècle un droit coutumier qui concerne le détroit de chaque coutume. Droit coutumier dans lequel on trouve les règles issues des convenientiae, des consuetudines et des coutumes de droit privé. Il va ensuite connaître une évolution. On redécouvre les textes romains, notamment le corpus iuris civilis qui est une compilation du droit romain classique (Empire et République) réalisé au 6e siècle par Justinien (Empire romain d’Orient) à Byzance. Justinien voulait perpétuer le souvenir et transmettre le droit romain aux générations futures. C’est une œuvre gigantesque. Durant le Haut Moyen Âge, ce corpus iuris civilis avait été perdu de vue. Il est redécouvert au 10e siècle et les juristes « français » découvrent de nombreux textes relatifs à ce qu’était la coutume à Rome. Ils vont donc se servir de ce corpus pour bâtir une théorie de la coutume. Ils mettent à l’honneur l’expression nouvelle « droit coutumier ». En cela, ils font preuve d’innovation, ils dépassent le droit romain parce qu’à Rome, on opposait droit et coutume. Ils vont concilier les deux notions, ajoutant une valeur nouvelle à la coutume du 12e siècle. Dans certaines hypothèses, ils verront même la coutume comme supérieure (au moins égale) à la loi.

La coutume devient source de droit et les juristes médiévaux définissent la coutume comme « un droit non écrit qui naît de la répétition d’usages et qui trouve une force obligatoire dans son ancienneté et dans le consensus qui la fait adopter ». Ces idées techniques et théoriques se diffusent dans toute la France et on voit émerger des coutumes locales ou territoriales. Dès les années 1130-40, on commence à invoquer (dans le Sud) les usages locaux dans les procès. À Narbonne en 1132, à Saint Gilles en 1143, on parle de l’usage et la coutume du lieu. Dans le Nord, on trouve des mentions à peu près identiques, il est fait référence aux usages locaux dans les chartes de franchise que les seigneurs accordent aux villes. C’est le cas en 1128 dans la charte de la ville de Laon. Les coutumes se multiplient et dans certains endroits, des juristes vont essayer de mettre par écrit les coutumes locales. Ce sont généralement des œuvres privées que l’on connaît sous le nom de coutumiers. Ces ouvrages sont à l’initiative des personnes privées. Le plus ancien est Le très ancien coutumier de Normandie qui est rédigé à la fin du 12e siècle. Dans le Sud, on en rédige aussi mais les coutumiers prennent plutôt la forme de chartes urbaines comme les coutumes de Montpellier (1203-05). Dans le Nord, on trouve aussi des chartes rédigées et diffusées comme les coutumes de Bovaisie (1283). Ainsi, dans la France des 12e et 13e siècles, s’établit un ordre interne propre à chaque seigneurie. Il est fondé sur un compromis entre les forces en présence, entre le seigneur et la masse des individus placés sous son autorité. Il faut respecter les coutumes (seigneur comme population). La coutume organise donc l’éclatement politique, elle vient limiter l’arbitraire du seigneur et empêcher les exactions. Le seigneur est donc limité dans son rapport au plus faible par la coutume. Mais c’est un autre système qui va discipliner le seigneur dans son rapport avec les puissants. B – Les relations féodo-vassaliques

Les relations féodo-vassaliques sont un ensemble complexe de liens juridiques. Ces liens juridiques sont destinés à canaliser la violence. Elles doivent discipliner les rapports qu’entretiennent les nombreux titulaires du pouvoir de ban au 11e siècle. Les relations féodo-vassaliques comprennent essentiellement deux éléments : un lien personnel (la vassalité) ; un élément réel, le lien patrimonial (le fief). La multiplication des liens personnels doublés de liens réels pose par ailleurs la question des rapports hiérarchiques dans la société féodale.

1) Un lien personnel : la vassalité

La vassalité est un contrat par lequel un homme, le vassal, s’engage dans la dépendance d’un autre homme, le seigneur. La vassalité est nouée suite à une cérémonie d’engagements dont les formes sont fixées au début du 12e siècle. Cette cérémonie comprend deux étapes : l’hommage puis le serment.

a) L’hommage

C’est une cérémonie récupérée du passé. Elle existait déjà sous les Mérovingiens sous le nom de « commendatio ». C’est donc une adaptation de cette commendatio. Pour procéder à cet hommage, le vassal se trouve à genou devant le seigneur. Il place ses mains jointes dans celles de son futur seigneur, c’est la dation des mains (datio manuum). Puis le seigneur relève son vassal et les deux parties échangent des paroles : le vassal dit « je deviens ton homme », le seigneur répond « je te reçois et te prends à homme ». Le seigneur donne alors un baiser de paix sur la bouche de son vassal, en le relevant (osculum pacis). Tous ces rites ont lieu en présence de témoins. Une fois les rites accomplis, des obligations naissent.

Le seigneur doit protection à son vassal, il doit donc lui procurer de quoi subsister. Soit il l’héberge, soit il l’installe sur une terre (il le « chase »). Le chasement du vassal consiste la plupart du temps en la concession d’un fief. Le fief est l’appellation médiévale du bénéfice carolingien. En retour, le vassal, qu’il soit chasé ou non, doit assister et servir le seigneur. Il lui doit fidélité et loyauté. Après l’hommage intervient un nouveau rite pour cristalliser l’obligation de fidélité.

b) Le serment

Puisqu’il est relevé, le vassal ayant effectué l’hommage jure sur la Bible d’être fidèle à son seigneur. Parfois il jure même sur des reliques de Saints. Donc, s’il manque à son serment, le vassal est félon (il manque à la foi) et parjure (il viole son serment). En tant que parjure, il peut être sanctionné. La sanction spirituelle est la damnation éternelle, la sanction temporelle est que le seigneur peut lui retirer sa protection. Les engagements qui découlent du serment sont des engagements négatifs. On les connaît d’après une consultation juridique que Fulbert, évêque de Chartres, adresse à Guillaume V d’Aquitaine (1020). Dans cette consultation, Fulbert dit que « celui qui a juré fidélité doit s’abstenir de nuire à son seigneur. Ne pas nuire c’est ne pas porter atteinte aux biens, aux possessions du seigneur. C’est également ne pas porter atteinte à sa personne physique, à son honneur, à ses prérogatives s’il exerce des droits de puissance publique ». Fulbert de Chartres, dans sa consultation, insiste beaucoup sur le serment car Guillaume d’Aquitaine est un duc du Sud et au 11e siècle, dans le Sud de la France, le serment est généralement la seule cérémonie qui noue la vassalité. L’hommage est répandu dans le Nord, pas dans le Sud. Ce qui est essentiel dans cette lettre de Fulbert c’est qu’en 1020, Fulbert de Chartres relie les obligations négatives du vassal au fief. Concrètement cela signifie qu’en 1020, le vassal accepte de ne pas nuire non pas pour honorer son serment de manière désintéressée mais parce qu’il doit mériter son fief. Donc, en 1020, dans les relations féodo-vassaliques, le lien réel l’emporte sur le lien personnel. La terre domine les rapports. Le roi de France saura en tirer profit. Lui qui contrôle les terres, parviendra donc à contrôler les hommes.

2) Un lien réel : le fief La plupart du temps, c’est une terre. Il établit donc un rapport matériel entre le seigneur et son vassal. Ce rapport fait l’objet d’une concession. Une fois concédé, le fief génère des obligations. Normalement il ne concerne qu’un seigneur et son vassal, il est concédé en raison de la personne même du vassal et le fief, en théorie, ne peut échoir en succession aux héritiers du vassal. Sous la féodalité, en réalité, le fief se transmet.

a) La concession du fief

Le terme même vient du latin, fevum ou feodum. Le fief a une origine germanique, il désignait à l’origine, pour les peuples germains, un ou des cadeaux entre les clans pour renforcer la paix. Le mot « fevum » remplace l’ancien mot de beneficium qui était utilisé chez les Carolingiens. En général, le fief est constitué d’une terre pour qu’il puisse subvenir à ses besoins. Éventuellement, le seigneur concède en plus de la terre les droits de puissance publique qui s’y attache. Parfois le fief n’est pas une terre mais une simple rente, un revenu. Ce fief-rente se développe surtout à partir du 12e siècle. Fief ou fief-rente, il est une concession à charge de service. Le fief devient rapidement un élément de patrimoine du vassal, surtout lorsqu’il s’agit d’une terre. Le vassal ne reçoit le fief que si un acte formaliste est accompli. Cet acte est l’investiture. On ne peut posséder de fief sans la cérémonie de l’investiture. Avec cette investiture, le vassal (entre en saisine : la mise en possession) devient bénéficiaire de la saisine du fief (pas la propriété). Le plus souvent, la cérémonie d’investiture est effectuée par le seigneur qui effectue la montrée du fief en se déplaçant à cheval sur la terre concédée. Mais parfois la présentation de la terre au vassal n’est pas possible (trop éloignée de la terre du seigneur), le seigneur remet alors, dans une cérémonie publique, un objet symbolique : une baguette ou un morceau de terre. À partir du 12e siècle, la cérémonie publique de l’investiture s’accompagne d’un acte écrit. Cet acte doit décrire ce que comporte le fief en biens et/ou en hommes sur cette terre : cet acte est l’aveu et le dénombrement. Au 12e siècle, le fief est un élément fondamental du rapport féodo-vassalique, c’est la principale raison de la prestation de l’hommage, c’est la véritable contrepartie de l’engagement du vassale. Concrètement, au 12e siècle, c’est le fief qui oblige le vassal vis-à-vis du seigneur. C’est donc un moyen pour le vassal de s’enrichir mais ce n’est pas seulement une offrande. Le fief et le contrat qui l’accompagne génère aussi des obligations.

b) Les obligations naissant de la concession : aides et conseils

L’aide et le conseil sont les deux éléments qui forment les obligations du vassal. L’aide est appelée auxilium et le conseil est appelé consilium.

L’aide que le vassal doit, en raison du fief, comporte deux services. Un élément militaire, qui tient en deux services : estage (service militaire statique, le vassal doit monter la garde dans le château ou sur la terre du seigneur) et ost (service militaire offensif, ou chevauchée, lorsque le seigneur part en guerre). L’aide comporte aussi un élément pécuniaire : le vassal doit aider financièrement son seigneur dans quatre cas : pour payer la rançon du seigneur prisonnier, pour payer les frais d’adoubement du fils aîné du seigneur, pour le paiement de la dot pour la fille du seigneur, et pour que le seigneur puisse partir en croisade.

Le concilium est un service de cour. Chaque année, le vassal doit se rendre à la cour du seigneur. Il participe ainsi au gouvernement des domaines du seigneur, à la gestion des propriétés foncières du seigneur. À la cour du seigneur, le vassal participe aussi à la justice féodale. Chaque fois qu’il faut juger un vassal, le seigneur rassemble l’ensemble de ses vassaux. Le vassal, lui-même, peut se prévaloir d’une action contre son seigneur. Pour cela, il doit se plaindre au seigneur de son seigneur : le suzerain. Si le seigneur est vraiment fautif, le suzerain prononce alors le désaveu, cela rompt le lien féodal entre le seigneur et son vassal. Le vassal conserve son fief et devient directement vassal du suzerain. Si c’est le vassal qui a manqué à ses obligations, le seigneur rassemble à sa cour l’ensemble de ses vassaux. Le vassal est jugé par ses pairs et si le vassal est effectivement fautif, il encourt deux sanctions : une confiscation temporaire du fief (saisie) ou une confiscation définitive (commise). Ces procédures sont assez rares, le vassal tient à son fief et il évite de mécontenter son seigneur. Le fief est une concession, strictement personnelle, et à la mort du vassal, elle doit normalement revenir au seigneur. En réalité, rapidement, le fief devient héréditaire. Cette hérédité prend modèle sur l’hérédité qui caractérise plus généralement la transmission des seigneuries.

c) La transmission du fief

L’hérédité du fief se décline en ligne directe. On voit des fiefs se transmettre de père en fils dès le 11e siècle. Au 12e siècle, l’hérédité du fief intervient aussi en ligne collatérale : si un vassal décède sans enfant, son frère ou son cousin peut éventuellement récupérer le fief. Le mécanisme de transmission est formaliste. À la mort du vassal, il faut respecter les formes. Le fief revient d’abord provisoirement au seigneur. Une fois qu’il est revenu entre les mains du seigneur, celui-ci investi le fils du vassal après que ce dernier lui ait prêté hommage et foi. Le fils du vassal défunt offre alors un cadeau au seigneur et la procédure devient alors automatique. Le cadeau fait au seigneur devient un droit de mutation. Si l’héritier du vassal est mineur, on institue une garde provisoire jusqu’à sa majorité. En droit féodal, l’héritier peut être une femme. On dit à cette époque que le fief tombe en quenouille. Cela rend compte d’une réalité, la femme est en principe considérée inapte à rendre les services militaires. Mais si elle est mariée, la situation s’améliore pour le fief, son époux va alors prêter l’hommage et accomplir les obligations. Si l’héritière n’est pas mariée, le seigneur lui présente trois candidats au mariage sous peine de commise. Les règles concernant la femme héritière ont été façonnées à partir de la fin du 11e siècle, à partir du moment où les chevaliers français prennent l’habitude de partir en croisade. En plus de cela, au 12e siècle, le lien féodo-vassalique devient très complexe à gérer. Le fief est synonyme de richesse et attire les convoitises. On réfléchit donc à des procédés susceptibles de discipliner les vassaux et de garantir leur fidélité.

3) Le problème de la hiérarchie féodale

Depuis l’époque carolingienne jusqu’à la fin du 9e siècle, la règle est simple : un vassal n’a qu’un seul seigneur. Au 10e et au 11e siècle, on assiste malgré tout à une prolifération des liens vassaliques. Un vassal s’engage alors pour plusieurs seigneurs. Ce sont les luttes d’influence et les démembrements de certains fiefs qui favorisent le phénomène. La vassalité multiple se répand et elle en vient à poser problème. Par exemple, au milieu du 12è siècle, le comte de Champagne a prêté hommage à une bonne dizaine de seigneurs : il est vassal du roi du France, du duc de Bourgogne ou encore de l’archevêque de Reims. Il est à lui seul un problème féodal : qui doit-il suivre en cas de conflit ?

Les juristes essaient donc de mettre en place des techniques pour concilier et ordonner ces engagements multiples et au début du 11e siècle, les juristes font insérer dans les liens féodo-vassaliques la clause de réserve de fidélité. Cette clause a un effet simple : si le vassal d’un premier seigneur veut devenir vassal d’un second, il peut le faire mais en subordonnant son nouvel engagement au premier. D’autres systèmes vont apparaître à partir du milieu du 11e siècle, des systèmes basés sur l’hommage. On distingue l’hommage lige de l’hommage plane. L’hommage lige est un hommage prioritaire. L’hommage plane à des effets moindres et passe après la liges. Mais dès la fin du 11e siècle, les hommages liges se multiplient.

En cas de concurrence d’hommages liges, les solutions sont diverses. Certains juristes déclarent que l’engagement le plus ancien doit primer. D’autres déclarent qu’il faut privilégier l’importance de la concession en fief effectuée par chacun des seigneurs pour savoir lequel suivre. Toutes ces tentatives se soldent globalement par des échecs. Les engagements féodo-vassaliques deviennent indépendants les uns des autres. Contre le droit, les luttes d’influence imposent une règle nouvelle qui veut que « le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal ». La hiérarchie féodale est un principe mais dans les faits la pyramide des suzerainetés est inopérante. Une seule hiérarchie est respectée cependant : la hiérarchie judiciaire. En cas de non-respect des obligations, les cours féodales continuent d’être fréquemment saisies. Un vassal mécontent saisira la cour de son suzerain et un seigneur mécontent jugera son vassal devant la cour féodale. Les vassaux n’obéissent pas mais le droit reste présent. Les conflits continuent de se résoudre en justice et cette effectivité de la hiérarchie judiciaire va profiter à un prince parmi tous les féodaux, à celui qui est censé être au sommet de la hiérarchie, qui tient en sa main en théorie tous les fiefs, qui est pris à témoin à chaque fois que la règle est violée. Elle va profiter au roi de France. À partir du 12e siècle, en s’aidant des faiblesses de la féodalité, le roi de France va recomposer son autorité. Grâce aux fiefs, il va parvenir à renouer des liens directs avec ses vassaux et arrière-vassaux parce que depuis cette date, c’est le fief qui est devenu la mesure de l’engagement du vassal. Le lien personnel existe toujours mais le lien matériel domine. Section 2, une dimension sociale et juridique

Le monde féodal est caractérisé par un éclatement de l’autorité publique et de l’ensemble des régimes juridiques. Il est donc impossible de concevoir à court terme un royaume unifié et centralisé. Dans les régimes juridiques, le statut des personnes comme le statut des biens sont marqués par la diversité.

A – Le statut des personnes

La société féodale se caractérise par une forte hiérarchie sociale. À la base de cette hiérarchie, on trouve une distinction entre le clerc et le laïc. L’Église, sous la féodalité, continue de développer la doctrine à propos de cette distinction. L’Église, distinguant le clerc du laïc, prend pour habitude de distinguer les individus selon leur statut. On voit alors apparaître au 11e siècle dans les écrits ecclésiastiques l’ordo clericorum (l’ordre des clercs). Cet ordo renvoie à la notion de statut. L’ordo clericorum va être exprimé très clairement par un évêque, Adalbéron de Laon. Cet évêque, dans le premier quart du 11e siècle, va distinguer, d’après l’ordo, dans la société féodale, trois statuts distincts : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent. Cette distinction repose sur la fonction que chacun occupe dans la société (distinction statutaire). Cette société d’ordre va rester en place jusqu’au 4 août 1789. Une société d’ordre (fonction, occupation professionnelle) n’est pas une société de caste (pureté religieuse de chacun de ses membres). Mais certaines fonctions sont plus importantes que d’autres. Se dessine alors l’idée selon laquelle le droit applicable à chaque individu sera fonction de son statut et de son utilité sociale.

1) Les oratores (ceux qui prient)

Les oratores sont les clercs. Ceux qui forment l’ordre clérical ont reçu soit une ordination sacerdotale, soit ils ont prononcé des vœux. S’ils ont reçu une ordination, ce sont des prêtres. S’ils ont prononcé des vœux, ce sont des moines.

a) Les séculiers

Ils sont appelés ainsi parce que ce sont des clercs qui vivent dans le siècle. Ils connaissent une forte hiérarchie : • Le pape qui est à la tête de toute la chrétienté latine • Le collège des cardinaux qui ont pour rôle principal d’élire le pape • Les archevêques (ou métropolitains) qui sont à la tête des provinces ecclésiastiques • Puis les évêques qui gouvernent dans les provinces ecclésiastiques le diocèse • Puis les archidiacres qui sont les collaborateurs et auxiliaires directs de l’évêque • Les doyens • Les curés qui s’occupent de la plus petite circonscription : la paroisse.

Tous ces séculiers sont des prêtres et peuvent donc administrer les sacrements, célébrer la messe et conférer le baptême. Parmi ces séculiers, un seul n’est pas prêtre : l’archidiacre. Tous ces prêtres s’occupent du soin des âmes et sont assistés par des diacres et des sous-diacres qui ne sont à la tête d’aucune circonscription ecclésiastique. L’ensemble de ces clercs séculiers forme les ordres majeurs. En dessous de ces ordres majeurs, on trouve les ordres mineurs : les lecteurs, les acolytes. Ces ordres mineurs permettent d’accéder aux ordres majeurs. Tous ces séculiers sont des hommes, qui vivent au milieu de la population pour le service des âmes. Les réguliers vivent, eux, retirés du monde.

b) Les réguliers

Ils peuvent être des hommes ou des femmes. Ils sont tous ceux qui vivent selon une règle. La plus répandue de ces règles est celle de St Benoît. Les religieux et religieuses qui vivent selon ces règles ont une profession religieuse. Il ne leur suffit pas de prendre l’habit religieux, ils doivent aussi prononcer des vœux solennels. Ce n’est pas l’habit qui fait le moine, mais la profession (dixit le pape Clément III). Religieux et religieuses font vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Le prononcé de ces vœux fait leur condition. Les religieux sont alors prononcés « morts au monde », leur succession est ouverte, ils ne possèdent plus rien en propre et sont obligés de vivre en communauté. Ces communautés connaissent aussi une hiérarchie, moins stricte que pour les séculiers. On trouve généralement une communauté mère, une abbaye, dirigée par un abbé ou une abbesse. Pour diriger la communauté, l’abbé s’entoure d’auxiliaires : le prieur, le chambrier, le trésorier, le chantre. En dehors du prieur, qui est supérieur aux autres, tous ces auxiliaires sont à égalité avec les autres moines :

• Abbé • Prieur • Chambrier, trésorier, chantre et moines.

Les abbayes ouvrent des filiales, à la tête desquelles l’abbé place un simple prieur. On ne parle plus alors d’abbaye mais de prieuré. Les abbayes, comme leurs filiales, sont des centres économiques majeurs. Autour, on trouve des bourgs et des marchés. Les populations pensent y trouver la paix (nécessaire au commerce). Elles attirent en fait la convoitise de ceux qui combattent.

2) Les pugnatores ou bellatores

Les pugnatores sont d’abord les chevaliers. Pour être chevalier, il faut entrer dans la chevalerie par une cérémonie d’initiation : l’adoubement. À la fin du 10e siècle et au début du 11e, l’Église a codifié l’adoubement en christianisant des anciens rites germaniques. L’Église a en effet besoin de la chevalerie afin d’adoucir le comportement de ceux qui sont les guerriers de l’époque féodale. L’Église veut combattre le guerrier brutal et favoriser l’image du guerrier bienfaisant qui met son épée au service de Dieu. La cérémonie de l’adoubement contient des rituels précis. L’épée du futur chevalier doit être bénie, elle doit lui être remise un jour saint et le chevalier, lui-même, doit, effectuer une veillée de prière et prêter un serment. Le chevalier jure de protéger et de défendre l’Église mais aussi les veuves, les orphelins. Il jure de bien se comporter à la guerre, il doit promettre d’être juste, d’aimer la paix et de combattre uniquement pour atteindre les puissances du mal. Toujours au 10e siècle, le groupe des guerriers qui combattent à cheval ne se confond pas avec celui des nobles. Un noble est forcément un combattant à cheval, mais l’inverse n’est pas forcément vrai. Les nobles sont ceux qui détiennent encore un honor, c’est-à-dire des fonctions publiques de l’ancien Empire carolingien (exemple : le titre de comte). Au 11e siècle, une fusion va s’opérer entre cette ancienne noblesse et la chevalerie. On trouve à cela deux raisons principales Pour combattre il faut être riche, détenir certains moyens financiers pour s’équiper. Pour être seigneur, il faut pouvoir défendre un territoire, il est donc indispensable de s’équiper et d’accéder à la catégorie particulière du chevalier. Chevalerie et vassalité vont ainsi progressivement se confondre. Pour être vassal, il faudra avoir été adoubé chevalier. Cette fusion de la chevalerie et de la vassalité permet l’apparition de la noblesse médiévale, qui ne deviendra héréditaire qu’à partir du 13e siècle. Cette noblesse interfère dans les affaires de l’Église, elle entretient un dialogue avec les clercs, mais elle éprouve des difficultés pour se faire comprendre de ceux qui travaillent.

3) Les laboratores

Dans l’ordo clericorum, ceux qui travaillent sont ceux qui ne sont ni chevaliers, ni clercs. C’est un groupe très hétérogène. On trouve aussi bien le bourgeois des villes que le simple paysan. Au 11e et 12e siècle, la société est presque exclusivement rurale. Les laboratores sont donc surtout des paysans. Ils vivent dans la seigneurie banale et leur statut est variable. On distingue deux catégories : les paysans libres (vilains ou roturiers) et les paysans non libres (les serfs). Mais il existe aussi des situations intermédiaires. Les serfs sont les descendants des esclaves de l’Antiquité (mais serf n'est pas esclave). La condition du serf est meilleure que celle de l’esclave antique grâce à l’Église. Elle a utilisé son influence pour faire reculer l’esclavage. Le serf est parfois aussi le descendant d’un ancien homme libre qui avait besoin de protection et qui a choisi de se placer sous la dépendance d’un grand domaine, d’une seigneurie ecclésiastique la plupart du temps. Le serf a une particularité : il est attaché à la terre. Celui qui possède un serf ne peut pas le vendre. En revanche, un seigneur peut vendre la terre sur laquelle travaille le serf. Dans ce cas, le serf suit la terre. Le serf est frappé d’une incapacité, de mainmorte. Lorsqu’un serf meurt, ses biens reviennent au seigneur. L’idée de la mainmorte est qu’il faut éviter que les héritages des serfs puissent échoir à des personnes extérieures à la seigneurie. Bien entendu, la mainmorte ne s’applique pas si le serf a des enfants qui vivent avec lui. Le serf est frappé aussi de formariage, il n’a pas la permission de se marier hors de la seigneurie. S’il veut se marier avec quelqu’un d’extérieur à la seigneurie, il doit demander l’autorisation à son seigneur. Les serfs sont soumis plus durement aux impôts seigneuriaux (corvée, taille banalité). En plus, ils paient une taxe par tête : le chevage. Cette taxe symbolise leur condition. Dès la fin du 12e siècle, le nombre de serfs recule car dans de nombreuses régions, les incapacités du serf deviennent rachetables contre redevance. On procède à des affranchissements massifs. La fin du 12e siècle est aussi une période d’extension des villes. Les seigneurs encouragent les populations rurales à s’installer en ville. Or, au Moyen Âge, l’air de la ville rend libre. À côté des serfs, on trouve des libres.

B – Le statut des biens

Le régime juridique des biens au Moyen Âge se caractérise par un éclatement manifeste. Sur le sol du royaume de France, à l’époque féodale, la propriété a tendance à reculer et dans certaines régions, cette propriété romaine a même tendance à disparaître. Cette propriété romaine se compose de trois éléments : usus, fructus et abusus. L’usus est le droit de jouir d’un bien. Le fructus est le droit de percevoir les fruits (revenus) d’un bien. L’abusus est le droit de disposer du bien, la possibilité de l’aliéner à titre gratuit (donation) ou sous forme de vente. Dans le monde féodal, ce système de propriété romaine se trouve démembré. Lorsqu’une terre est inféodée, les trois éléments n’appartiennent plus à la même personne. Malgré tout, il existe certains biens qui échappent à ce démembrement et qui concerne l’aspect de la propriété romaine pleine et entière. Les terres sur lesquelles les trois éléments éclatent sont les tenures féodales. Les terres où ces trois éléments restent reliés sont les alleux.

1) Les tenures féodales, des propriétés démembrées

Au 11e siècle, le processus de féodalisation est achevé et les démembrements de la propriété s’inscrivent dans le cadre de la seigneurie banale. Dans la seigneurie banale, on trouve deux masses de biens distinctes. On trouve d’une part la réserve qui est l’ensemble des terres dont le seigneur se réserve l’exploitation directe. À côté de la réserve, on trouve les tenures qui sont des terres exploitées par des tenanciers libres ou serviles selon les cas. Ces tenanciers cultivent la tenure en échange d’une redevance qu’ils paient au seigneur. Démembrement juridique. Sur les tenures, le seigneur possède le domaine éminent : il détient l’abusus. Les tenanciers possèdent le domaine utile : ils profitent de l’usus et du fructus. La réserve et les tenures composent le fief du seigneur.

La réserve seigneuriale va progressivement disparaître car le seigneur (avant tout un guerrier) n’a plus vraiment le temps de surveiller l’exploitation de la réserve. Le fief ne sera plus constitué alors que de tenures. Les tenanciers peuvent être serfs ou libres. Si le tenancier est un serf, on parle de « tenure servile ». S’il est un roturier (ou vilain), on parle de « tenure roturière » ou de « censive ». On trouve enfin une troisième catégorie de tenure, une tenure noble qui est un fief. La tenure roturière, dirigé par un homme libre, comme le fief, est concédée à charge de service. Le plus souvent, la tenure roturière résulte d’un contrat : le bail à cens.

Le cens est une redevance fixe, souvent en argent ou en denrées alimentaires (dans ce cas, la redevance est appelée un champart). Cens ou champart sont les contreparties. Le vilain qui cultive une censive doit aussi acquitter des corvées domaniales dans la réserve du seigneur. Si le vilain ne respecte pas ces obligations, il s’expose à la saisie de sa censive. Au 13e siècle cependant, la saisie sera remplacée par une amende. Comme pour le fief, la censive devient héréditaire dès le 11e siècle. Les enfants du tenancier lui succèdent par voie d’héritage.

À la fin du 11e siècle, le tenancier peut aussi aliéner sa censive, la vendre, il doit acquitter, pour que la vente soit licite, un droit de mutation au seigneur : « les lods et ventes ». La tenure roturière suit une évolution similaire au fief mais ce sont deux choses distinctes. La censive résulte du bail à cens alors que la tenure noble résulte d’un contrat féodo-vassalique (hommage, foi, serment et investiture).

2) Les alleux, une propriété pleine

L’alleu est une terre libre. On ne la tient de personne si ce n’est de Dieu. Ce sont d’anciennes propriétés romaines qui appartenaient, sous les Carolingiens, à une seule personne qui détient encore, sous la féodalité, les trois éléments fondamentaux du droit de propriété. Entre le 9e et le 12e siècle, le nombre de ces terres libres ne cesse de diminuer. La plupart de ces anciens alleux deviennent des fiefs ou des censives (les moins vastes). La féodalisation du sol est plus importante au nord de la Loire qu’au sud. En Bretagne ou dans le Bovaisie, un adage du 13e siècle dit : « nulle terre sans seigneur ». Dans d’autres régions comme la Normandie ou l’Île-de-France, quelques îlots de terres libres se maintiennent. Ceux qui possèdent ces terres doivent cependant prouver leur nature. Un adage du 13e siècle dit à ce propos : « nul alleu sans titre ». Dans le Sud en revanche, le principe est renversé car la féodalisation a été plus lente et moins systématique. On y trouve encore beaucoup d’alleux : « nul seigneur sans titre ». Cette différence nord-sud s’explique aussi par des raisons agricoles. Dans le Nord, on cultive plutôt selon la technique de « l’open field ». Le champ, ouvert, peut plus facilement être usurpé. Dans le Sud, on cultive à champ fermé (close field), ce qui évite les usurpations. Cette technique favorise surtout les petites propriétés.

Selon leur taille et leur situation, le statut des alleux peut varier. Certains sont indépendants sur le plan fiscal mais reste soumis au ban d’un seigneur. C’est surtout le cas pour les alleux de petite taille. D’autres alleux, plus vastes, emportent pour leur détenteur le droit de ban. L’alleutier n’est pas soumis au ban seigneurial. Les alleux banaux ou justiciers vont progressivement disparaître, surtout à partir du 13e siècle, quand le roi va réaffirmer son autorité, ses droits de puissance publique sur l’ensemble de son royaume. Certains de ces alleux vont former de petites principautés indépendantes qui vont résister longtemps (exemple : Monaco).

http://www.cours-univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-histoire-institutions-9.html

https://books.google.fr/books?id=hjEiHMW3ONAC&pg=PA114&lpg=PA114&dq=censive+%22tenure+roturi%C3%A8re%22&source=bl&ots=WXb5-mz1yb&sig=Wk01mOuSkd-0R6fL1mp4IxYIwIY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwipvIXvi4_SAhUMNxQKHXOrC4MQ6AEINTAE#v=onepage&q=censive%20%22tenure%20roturi%C3%A8re%22&f=false


Le roi va rétribuer ses agents avec de la terre, en faisant des concessions sur son propre domaine. Elles affaiblissent le monarque, mais augmentent dangereusement la richesse et la puissance des comtes qui en sont les bénéficiaires. Charlemagne avait compris le danger. Il ne fit que très peu de concessions. Mais après lui, au fur et à mesure que l'État se désagrège, le rythme de ces concessions s'accélère. Sous Louis le Pieux, elles remontent du sud vers le nord, jusqu'à la Loire, mais le roi conserve alors intact le domaine d'entre Loire et Rhin qui est le berceau de la dynastie. Puis, avec Charles le Chauve (843-877), c'est la grande époque des concessions et le roi en opère partout. Après 977, il y en a beaucoup moins car le roi est devenu pauvre et n'a presque plus rien à donner. Il devra attendre plus de trois siècles pour commencer à reprendre le dessus sur les féodaux.

Pour en revenir à un schéma plus général, on dira que la relation féodo-vassalique est nouée à partir de deux liens : un lien personnel, le lien vassalique, qui crée la vassalité ; puis un lien réel, né de la concession du fief. Nous étudierons plus loin le lien réel, mais retenons dès maintenant que la concession du fief va devenir peu à peu prioritaire. À partir des années 1050, lien réel et lien personnel sont toujours à peu près jumelés, et l'on ne rencontre plus guère de vassaux qui n'aient pas reçu de fief. Mais à l'origine, la concession du fief n'est nullement obligatoire : on devient vassal seulement pour être protégé par un seigneur, qui souvent prend le vassal chez lui et le nourrit, ce qui le dispense de lui donner un fief.

Il y a donc une évolution très nette dans les relations féodo-vassaliques entre le Xe et le XIIIe siècle.

– Les obligations du seigneur. À la différence du vassal, le seigneur ne prête pas serment, mais l'acceptation de l'hommage du vassal lui crée quand même des obligations. Là encore, elles restent assez vagues et se résument à un devoir de protection très générale des biens et de la personne du vassal. Mais cette protection est sans prix pour le vassal, car à cette époque, le besoin de protection des petits nobles est plus fort que le besoin de fidélité des puissants. La preuve en est que le vassal ne demande pas de fief : la protection lui suffit. Et même dans beaucoup de cas est-il obligé de permettre au seigneur de disposer de son alleu (ce qui lui appartient en propre) en certaines occasions.

La fin du Xe siècle voit l'accroissement de l'importance sociopolitique des liens vassaliques : ce qui restait des institutions publiques carolingiennes s'écroule et l'individu n'a donc plus de devoirs que dans le cadre vassalique. D'autre part le lien personnel, de purement vassalique, va devenir féodo-vassalique. Le fief apparaît comme la conséquence de l'hommage : les XIe et XIIe siècles verront la prééminence du lien réel sur le lien personnel.

Les Xe et XIe siècles :

la juridicisation de la relation féodo-vassalique

Aux XIe et XIIe siècles, la relation se modifie. Les hauts seigneurs ont besoin de vassaux, car eux seuls peuvent les défendre contre leurs rivaux : l'État n'existe pratiquement plus, et le roi est impuissant. Dans ces conditions, les obligations et les sanctions des cocontractants vont considérablement se préciser.

D'autre part, l'état de guerre endémique exigeait qu'on puisse y mettre fin de temps à autre. On sollicita en ce sens les structures [p. 93] proprement féodales. D'où de nouvelles formes d'hommages : hommage de paix, hommage en marche.

Le seigneur a besoin du vassal, aussi ses obligations et leurs sanctions se précisent-elles. Même processus pour le vassal, car celui-ci reçoit presque toujours un fief en contrepartie : il doit donc mériter de le conserver.

Les obligations du vassal et leurs sanctions On distingue le service d'aide et le service de cour.

L'aide est militaire ou pécuniaire. Aide militaire : dans ce monde guerrier, elle est essentielle. Elle consiste en des services divers : garde du château, mais surtout service d'ost et de chevauchée, qui est limité coutumièrement à quarante jours. Cette aide militaire est plus ou moins contraignante suivant l'importance du fief et la qualité sociale de celui qui le tient. On distingue ainsi les fiefs de haubert (le chevalier vient seul avec son haubert), les fiefs de châtelains, barons, vicomtes, comtes, qui doivent venir avec un nombre croissant de vassaux. L'aide peut être aussi pécuniaire. Elle est dite dans certaines régions aide aux quatre cas : paiement de la rançon en cas de capture du seigneur ; paiement de l'armure du fils aîné adoubé (armé chevalier) ; paiement des frais de mariage de la fille aînée ; financement du départ du seigneur pour la croisade.

Service de cour : le vassal doit siéger à la cour du seigneur quand celui-ci l'y convoque. Cette cour a un double rôle : conseil du seigneur sur les questions que celui-ci lui soumet ; rôle judiciaire : la cour juge en matière féodale tout ce qui touche au fief et aux questions vassaliques. Mais en principe, la cour des vassaux est incompétente pour la justice seigneuriale, d'origine publique, banale, qui concerne les non-nobles.

Les obligations du vassal sont sanctionnées par la saisie temporaire et la confiscation du fief par le seigneur : la commise, qui ne peut être prononcée qu'après un jugement de la cour féodale. Retenons l'existence d'une procédure judiciaire destinée en principe à éviter l'arbitraire du seigneur, qui d'ailleurs hésite beaucoup avant de la faire prononcer. Car du même coup il s'attire l'hostilité du lignage des vassaux et du ou des seigneurs de son ancien vassal. Observons aussi que la commise a un caractère pénal : elle est la sanction d'une faute, ce qui prouve qu'on en est de part et d'autre arrivé à l'idée que le fief est la contrepartie de l'hommage.

Les obligations du seigneur et leurs sanctions Le seigneur doit s'abstenir de tout acte nuisible à son vassal, il doit aussi des obligations positives : protection, justice, entretien. Protection : quand le vassal est attaqué, son seigneur doit le défendre. Justice : chaque fois que le vassal a une demande à faire soit contre [p. 94] son seigneur, soit contre l'un de ses pairs, le seigneur doit réunir sa cour féodale. Entretien : le seigneur ne doit pas laisser son vassal dans le dénuement : il doit lui accorder fief et cadeaux. Les obligations du seigneur sont sanctionnées par une autre procédure judiciaire, le désaveu. Le vassal saisit son suzerain, c'est-à-dire le seigneur de son seigneur. Le seigneur est jugé par une cour de seigneurs. S'il est condamné, le vassal devient à sa place le vassal direct de celui qui n'était que son suzerain, et garde cependant le fief qu'il tenait de son ancien seigneur. Le désaveu suppose évidemment un bon fonctionnement de la pyramide féodale : quand le suzerain n'a pas assez d'autorité, le vassal se trouve démuni d'action judiciaire.

Un texte du début du XIIe siècle illustre de façon très complète le schéma que je viens de tracer.

En 1110, Bernard Ato, vicomte de Carcassonne, vient rendre hommage à l'abbé Léon, qui dirige le monastère de Notre-Dame-de-la-Grasse. Devant ses fils et une nombreuse assistance, il prend la parole en ces termes :

« C'est pourquoi sachent tous présents et à venir que moi, Bernard Ato, susnommé, seigneur et vicomte de Carcassonne, je reconnais en vérité à l'égard de toi, mon seigneur, Léon, abbé par la grâce de Dieu de Sainte-Marie-de-la-Grasse et de tes successeurs, que je tiens et dois tenir en fief les biens suivants : dans le Carcassonnois : les châteaux de Coffolens, de Leuc, de Capendu, autrement appelé Saint-Martinde-Surzac et les domaines de Mairac, de Le Bas et de Mussus ; et dans la vallée aquitaine : Rieux, Faviés, Vilarium, Archae, Servias, Villetritouls, Taurize, Pradelles, Comelles. – De même je reconnais tenir en fief de toi et dudit couvent le château de Termes en Narbonnais ; et dans le Minervois, le château de Ventaillon, et les domaines de Cassignoles, de Férals, et d'Aicharae ; et dans la contrée de Rodez, le petit domaine de Villelongue ; pour tous et chacun desquels biens je fais hommage et fidélité par les mains et la bouche à toi mon susdit seigneur Léon, abbé, et à tes successeurs, et je jure sur les quatre évangiles de Dieu que je serai toujours pour toi et tes successeurs et Sainte-Marie-de-la-Grasse un vassal fidèle dans toute la mesure de la fidélité qu'un vassal doit à son maître ; et je vous défendrai toi mon maître, et tous tes successeurs, et le couvent susdit, et les moines présents et futurs, et vos châteaux, vos domaines et tous vos hommes, et leurs biens, contre tous malfaiteurs et envahisseurs, à ta requête ou à celle de tes successeurs, et tout cela à mes frais ; et je te donnerai en tout état de cause, que je sois irrité ou apaisé, puissance sur tous les châteaux et domaines sus-énoncés, lorsque j'en serai requis par toi ou tes successeurs. – De plus je reconnais que pour la reconnaissance desdits fiefs, je dois venir, et de même mes successeurs audit couvent, à mes frais, toutes les fois qu'un nouvel abbé sera institué, et lui faire là hommage et lui rendre puissance sur tous les fiefs sus-[p. 95] énoncés. Et lorsque l'abbé montera à cheval, je dois (et de même mes héritiers, vicomtes de Carcassonne et leurs successeurs), lui tenir l'étrier en l'honneur de la seigneurie de Sainte-Marie-de-la-Grasse ; je dois encore assurer un gîte abbatial dans le bourg de Saint-Michel-de-Carcassonne, à lui et à tous ceux de sa suite, jusqu'à concurrence de deux cents bêtes, lui fournissant lors de sa première entrée à Carcassonne les meilleurs poissons et viandes, œufs et fromages, en tout honneur à sa volonté, et fournissant gages pour la ferrure des chevaux, la paille et le fourrage, selon l'exigence des temps. – Et si moi ou mes fils ou leurs successeurs, nous n'observons pas en faveur de toi ou de tes successeurs tout et chacune des clauses susdites, et y contrevenons, nous voulons que tous les susdits fiefs reviennent en commise par le fait même à toi et au susdit couvent de Sainte-Marie-de-la-Grasse et à tes successeurs. » Et l'abbé lui répond : « En conséquence moi susnommé, seigneur Léon, abbé par la grâce de Dieu de Sainte-Marie-de-la-Grasse, je reçois hommage et fidélité pour tous les fiefs des châteaux, domaines et lieux susdits de la manière et aux clauses et conditions sus-énoncées ; et de même je te concède en fief à toi et à tes héritiers et à leurs successeurs vicomtes de Carcassonne, tous les châteaux, domaines et lieux susdits au moyen de la présente charte divisée par l'alphabet ; et je te promets à toi et à tes héritiers et à tes successeurs à Carcassonne, sous la religion de mon ordre, que je me montrerai bon et fidèle seigneur relativement à toutes les choses susdites [1]. »

Tel est l'hommage classique. Mais d'autres catégories d'hommages apparaissent, signe de la puissance de ce modèle, qui va être utilisé pour régir des situations pour lesquelles il n'avait pas été originellement prévu.

L'hommage de paix est un moyen de règlement pacifique d'un conflit : un des deux adversaires fait l'hommage à l'autre et crée ainsi un lien d'amitié. L'hommage de paix, comme l'hommage général, est essentiellement une obligation de ne pas nuire. Il obéit aux mêmes rites, mais ses conséquences sont différentes, eu égard aux circonstances particulières qui ont amené sa conclusion : il ne comporte pas pour les contractants d'obligations plus précises que celle de ne pas se nuire, il n'y a pas concession de fief.

L'hommage en marche est un hommage « horizontal », unissant des seigneurs d'égale puissance, sorte d'accords de neutralité réciproque.

Mais à la fin de la féodalité, des signes plus inquiétants apparaissent, qui témoignent cette fois non d'un réemploi du cadre vassalique, mais des distorsions

« Moi, frère Guillaume, par la grâce de Dieu humble ministre de l'abbaye de Saint-Père-de-Chartres, je fais savoir à tous ceux qui liront cet écrit que Geoffroy surnommé Bosquet qui était par la naissance de la domesticité de notre église, pour obtenir la liberté ainsi qu'il est montré plus loin, est venu devant notre chapitre et a abandonné à notre monastère tous les biens que lui avait laissés son père Gautier et qu'il tenait en fief ou à cens dans notre église. Il a abandonné le fief de la Cuisine qu'il tenait comme son père pour les victuailles, pour les deniers et pour tout le reste, une maison située dans notre vallée, tout ce qu'il tient à cens où que ce soit, toute la terre qu'il tenait soit dans Reclainville soit à Champol, s'il tenait de notre église d'autres biens soit en fief soit de quelque autre manière ou s'il arrivait que par droit héréditaire quelque autre bien lui parvienne qui touche au même fief et censive, tout cela, [p. 102] selon ses affirmations, il l'abandonne à l'église pour obtenir la liberté indiquée plus haut. Il le fait avec le consentement et la concession de sa femme Hersende et de son fils Raoul, de sa fille Julienne, de ses sœurs Hersende et Agathe et de tous ses autres parents... Aussi moi Guillaume et tout le chapitre de la communauté remise à mon gouvernement nous concédons et faisons concession, au dit Geoffroy de la liberté qu'il demande ainsi qu'à sa femme, à son fils et à sa fille. Aussi lui et tous ses descendants ne sont plus désormais chargés du nom obscur et des marques de la servitude mais jouissent de la pleine et entière liberté comme d'un titre éclatant. Pour cette raison, Geoffroy m'a fait l'hommage lige et a promis de le faire aux abbés mes successeurs. Il a promis également que ses héritiers déjà nés le feraient également lorsque l'âge sera venu [2]. »

Les roturiers jouissaient-ils d'un statut plus avantageux ?

Cette fusion entre chevalerie et noblesse marque la création d'une nouvelle noblesse, et non pas seulement le rajeunissement de l'ancienne. En effet, étant donné le faible rendement de la seigneurie foncière, il fallait que le chevalier, pour tenir son rang, possédât des terres relativement étendues, soit à titre d'alleu familial, soit en tenure fieffée. Or tous les nobles du Xe siècle ne possèdent pas le niveau économique suffisant pour s'agréger à la chevalerie, car la concentration foncière des domaines nobles est affaiblie par les donations pieuses et les partages entre héritiers, que les droits lignagers ne peuvent pas toujours éviter. En gros, il y a moins d'une famille chevaleresque par paroisse rurale. La noblesse chevaleresque n'est donc pas toute l'ancienne noblesse. D'autant plus que l'importance des facteurs économiques va permettre au début des temps féodaux [p. 105] l'intrusion de « parvenus » dans la chevalerie. À cette époque, elle reste en effet ouverte à tous ceux qui ont les moyens de s'acheter des armes et des chevaux, et qui disposent d'assez de loisirs pour l'entraînement physique. Anciens nobles restés riches, mais aussi des aventuriers heureux et des paysans qui ont réussi à s'enrichir. Dans toutes les régions du nord de la France, on voit d'ailleurs se multiplier les mercenaires, les chevaliers sans terre et sans fief, qui louent leurs services aux seigneurs. Ainsi, pendant tout le premier âge féodal, la chevalerie reste un groupe ouvert d'une part à ceux qui s'enrichissent, d'autre part à ceux qui ont prouvé leur valeur militaire. Ils peuvent ainsi accéder aux privilèges nobiliaires de la chevalerie : le chevalier a seul le droit de combattre noblement, à cheval ; seul il reçoit la tenure noble qu'est le fief puisque le fief comporte essentiellement le service de chevalier. C'est aussi l'homme qui jouit de la plus grande liberté juridique : il ne relève que du seigneur auquel il a volontairement prêté hommage, et dispose d'immunités vis-à-vis de son seigneur justicier ; il n'est jugé que par ses pairs et ne paie pas d'impôts.

B. L'armée royale

Dans la plupart des cas, le roi, qui n'a pas plus de pouvoirs effectifs qu'un seigneur, n'a qu'une armée de type féodal. Il lève des vassaux, qui engagent à leur tour leurs propres vassaux. Il ne peut exiger d'eux plus que les services militaires déjà décrits. Cependant, dans le cas d'invasion étrangère, le roi dispose d'un pouvoir militaire extraordinaire, l'arrière-ban, levée en masse de tous les hommes valides en état de porter les armes. Le caractère exceptionnel et non féodal de l'arrière-ban se reconnaît à deux traits. Il touche tous les hommes valides : chevaliers, vilains, possesseurs de fiefs ou d'alleux ; l'arrière-ban n'est affecté par aucune limitation de temps ou de distance.

Mais cette procédure est exceptionnelle. Ce n'est qu'au cours du [p. 111] XIIIe siècle, quand le roi deviendra plus puissant, qu'elle formera le mode de recrutement normal de l'armée.

En anticipant quelque peu sur la renaissance des villes, on peut aussi citer les armées urbaines. Certaines villes ont une milice. Le plus souvent, ce droit résulte d'une concession spéciale, parfois des circonstances. C'est le maire ou les consuls qui commandent la milice. Cette milice sert à fournir au seigneur ou au roi le service d'ost et de chevauchée, mais en outre elle sert à la défense de la ville, et aux campagnes soit contre les seigneurs, soit contre des villes concurrentes. Enfin, il arrive que certaines villes paient des mercenaires. Mais à l'époque féodale, les villes comptent peu. La campagne est tout.

  B. LA TERRE, SUPPORT DES LIENS PERSONNELS :

LES MODES DE SA JURIDICISATION

La notion de propriété nous est familière. Elle évoque surtout pour nous l'idée d'une maîtrise exclusive de la chose par celui auquel elle appartient. Elle est pourtant étrangère à la plupart des sociétés traditionnelles, comme le savent bien les anthropologues. Ainsi qu'à l'époque féodale, où l'on préfère parler de saisine : avoir une chose, la détenir matériellement, n'est pas nécessairement en être propriétaire. Et surtout la saisine n'est pas exclusive. Au contraire, la pluralité des saisines sur un même bien est la règle [3], les alleux (biens objets de propriété en principe exclusive) l'exception. Sur une même terre peuvent coexister ou se superposer les saisines du propriétaire, de la douairière, du baillistre, du mari, du gagiste, du fermier, du seigneur et du vassal. Des comparaisons avec notre droit positif peuvent éclairer ce mécanisme. En droit rural, la série des droits successifs de préemption en cas d'aliénation peut s'analyser comme autant de saisines reconnues au propriétaire, au fermier, et à la SAFER.

À l'époque féodale, la même terre peut donc supporter à la fois des rapports de fief (tenure noble) et de censive (tenure roturière) suivant qu'on se place à tel niveau des liens unissant les hommes qui participent à sa maîtrise.

La hiérarchie de ces rapports reflète celle de la société : les seigneurs d'abord, les rustres ensuite. Elle s'inscrit dans un régime juridique pluraliste.

La tenure noble : le fief Le fief est la tenure la plus importante, celle des chevaliers. Son régime juridique deviendra donc très précis. Mais il nous faudra [p. 115] mesurer aussi l'efficacité pratique des relations juridiques nées de la concession du fief.

Le schéma contractuel

Qu'est-ce qu'un fief, que ces guerriers convoitaient tant ?

Dans une société où la terre domine toutes les relations humaines, le bien tenu en fief ne pouvait être, dans la majorité des cas, que bien foncier. Car le salaire du service vassalique ne pouvait guère être tiré que des revenus de la terre. Cependant, il n'y a pas de règle juridique qui interdise au fief d'avoir une autre consistance.

UNE PREMIÈRE CATÉGORIE DE FIEFS, la plus éloignée du fief classique, regroupe des droits à percevoir sur un territoire défini. Il y a donc toujours une base spatiale. Ces droits sont assez divers : · Droit de commandement et pouvoir de contrainte : par exemple l'exercice des droits de justice, qui étaient source d'assez importants profits financiers.

· Fiefs fournissant des revenus substantiels et bien localisés, sans impliquer pour autant ni seigneurie ni possession d'une terre. Par exemple l'avouerie, droit d'administration judiciaire et de protection militaire sur les seigneuries ecclésiastiques ; péages, tonlieux.

· Revenus ecclésiastiques usurpés par les laïcs que les seigneurs usurpateurs distribuaient à leurs vassaux. Ce sont les spiritualia, ensemble des redevances et des offrandes que les fidèles étaient tenus de verser au desservant de leur église paroissiale. Par la suite, lors de la réforme grégorienne du XIe siècle, l'Église dut dédommager les vassaux et leurs lignages quand elle voulut reprendre ces spiritualia qui, par nature, lui revenaient. Mais le clergé n'arriva pas à récupérer les dîmes que les usurpateurs laïcs s'étaient arrogés de la même façon.

· Enfin, une dernière catégorie, assez exceptionnelle, n'a plus aucune base foncière ni territoriale. Ce sont les fiefs-rentes : il s'agit d'une rente en numéraire ou en métal précieux versée à date fixe par le trésorier de l'abbaye au vassal. En fait, l'apparition de ce fief-rente est la traduction dans la structure féodale des modifications économiques annoncées plus haut. La rétribution des services vassaliques n'est plus basée sur la terre, mais sur une économie monétaire liée aux transactions commerciales. Cependant, signe de la mentalité aristocratique, le fief-rente est mal accepté par les vassaux, qui ne le considèrent souvent que comme un pis-aller.

– Abordons maintenant LA SECONDE GRANDE CATÉGORIE DE FIEFS, plus proche de la terre que la précédente, mais qui ne coïncide pas encore exactement avec la tenure d'une terre. Les exemples en sont variés. Dans le midi et le centre de la France, beaucoup de fiefs concédés au XIe siècle pouvaient constituer uniquement en des tenures paysannes

le vassal a une terre, mais cette terre est en réalité tenue par un paysan tenancier, le vassal n'ayant comme profit qu'un loyer ainsi que des redevances et prestations. Ou bien encore le fief peut consister en des redevances et prestations dues par les serfs d'un territoire donné : le seigneur détache de son patrimoine un groupe de serfs et de serves et accorde le droit au vassal d'en percevoir les prestations et exactions. Ou encore le fief peut consister en une tenure foncière sans comporter aucun profit directement tiré de la terre. C'est le cas des châteaux : au début du XIIe siècle, les princes territoriaux récupèrent leur autorité sur les détenteurs de forteresses en concluant un compromis avec eux. Ces détenteurs conservent en plein alleu l'ensemble de leur seigneurie, mais reconnaissent tenir en fief du prince le château et la surface de terrain sur laquelle il est bâti. Ils lui promettent de ne pas l'utiliser contre lui, ou de le lui remettre en cas de danger. Un bon exemple en est le fief de reprise, où le fief concédé est à l'origine une propriété du vassal.

Enfin, LA TROISIÈME CATÉGORIE REGROUPE LES FIEFS « CLASSIQUES », de loin les plus nombreux, qui consistent dans une terre. Le vassal reçoit une concession de terre démembrée du patrimoine seigneurial dont la valeur est proportionnée au service qu'on attend de lui. Pour les vassaux les plus importants, ce peut être un vaste ensemble de seigneuries, assorties des droits de ban et de commandement sur tous leurs habitants, des baronnies. Quant aux plus modestes vassaux, ils peuvent ne recevoir en fief qu'un lopin de terre. Entre les deux, la tenure type du chevalier comprend à la fois des terres en réserve et des tenures paysannes qui s'ajoutent au patrimoine allodial du chevalier.

L'importance accordée par le vassal à l'octroi du fief est aisément lisible dans les rites qui l'entourent.

La cérémonie par laquelle le seigneur accorde son fief au vassal est l'investiture. Elle consiste dans la remise d'un symbole. Le vassal répond alors qu'il tient le fief : c'est l'aveu. Puis il le montre à son seigneur : c'est la montrée du fief. Après quoi il y a un dénombrement du fief, qui se fait par écrit à partir du XIIIe siècle. Le fait que ce soit le vassal et non pas le seigneur qui procède à toutes ces opérations montre bien que le fief, en pratique, est déjà plus la terre du vassal que du seigneur, bien que formellement l'investiture continue à ne se dérouler qu'après l'hommage, maintenant la fiction de la prééminence de l'engagement personnel.

La concession du fief a des effets juridiques : le vassal reçoit un certain nombre de droits : mise en exploitation de la terre, perception de ses revenus. Le seigneur ne garde qu'un droit « éminent ». À partir du XIe siècle, et contrairement à ce qui se passait auparavant, le principe est que la fidélité n'est due qu'en raison du fief : le fief en est la contrepartie et la raison d'être. Au cours de ce siècle, les formules d'engagement vassalique lient presque toujours le service du vassal à la possession du fief, promettent une fidélité conditionnée [p. 117] par la nature du fief, ou même selon sa valeur en revenus. Cette évolution s'explique par le changement des conditions politiques et économiques en France après l'an 1000. Au Xe siècle, les petits seigneurs alleutiers avaient besoin de la protection des grands seigneurs qu'ils achetaient en leur offrant leur aide militaire, et même parfois une partie de leurs biens. Au début du XIe siècle, la roue tourne. Les obligations militaires des propriétaires libres envers leurs seigneurs tombent en désuétude. Pour obtenir un service, il faut le payer, d'autant plus que ces petits propriétaires ne sont plus assez riches pour supporter la hausse du coût de l'équipement du cavalier, et pour disposer d'assez de temps pour l'entraînement physique. Conséquence logique, le fief se généralise. Mais la position du seigneur devient en pratique plus inconfortable encore.

La réalité : la dépossession progressive du seigneur

L'image du fief que nous donne son régime juridique risque d'être trompeuse. Elle laisse à penser que s'opère un partage équitable des droits de propriété du fief entre vassal et seigneur, le seigneur gardant la nue-propriété et le vassal la jouissance, le seigneur pouvant par ailleurs reprendre son fief. En réalité la théorie du double domaine va recevoir une interprétation de plus en plus défavorable au seigneur, et le fief entrer progressivement dans le patrimoine du vassal qui pourra le transmettre et l'aliéner, les possibilités d'intervention du seigneur allant décroissant.

THÉORIE DU DOUBLE DOMAINE

Le droit romain avait connu jusqu'au IVe siècle un système de droits réels fondés sur le droit absolu, exclusif, du propriétaire sur la chose. Mais à partir du IVe siècle, le grand domaine du potens, coupé de l'autorité publique, anticipe sur le régime foncier féodal. Le propriétaire a un domaine supérieur sur la terre cultivée par le paysan, mais la possession du paysan est tellement longue et constante qu'il finit par avoir un droit réel sur la terre exploitée (évolution qui annonce celle de notre droit au bail). Ce régime du double domaine, conditionné par les besoins économiques et militaires, connaît une grande extension durant la féodalité, et évolue dans un sens défavorable au seigneur. En effet, si la propriété « éminente » du seigneur est qualitativement et juridiquement d'une nature supérieure à la jouissance du vassal, dans la pratique elle est très inconsistante. Le vassal entend bien ne pas être troublé dans sa jouissance, et ne pas être contrôlé par le seigneur. Le seigneur ne peut donc plus disposer librement des droits patrimoniaux qu'il possède sur le fief de son vassal. En principe, il peut en cas de besoin vendre le fief, ou en faire donation pieuse. Mais il doit aussi au vassal loyal une jouissance paisible et une protection générale. Il ne peut donc lui reprendre le [p. 118] fief en pratique, sauf en cas de faute. Le seul moyen pour le seigneur est donc d'obtenir le consentement du vassal, ou de le dédommager si le vassal ne veut pas, en suivant son fief, changer de seigneur : le seigneur aliénant perd donc un bien si le vassal refuse de suivre le fief, ou un homme si le vassal le suit. Dans tous les cas, le consentement du vassal devient une pratique obligatoire.

De plus, en pratique, l'aliénation des droits du seigneur est beaucoup plus difficile à réaliser que celle de la possession du vassal. Si le seigneur transfère le fief, le vassal en est immédiatement averti et peut agir en conséquence, puisque son nouveau seigneur va lui demander hommage, et que l'ancien va lui retirer sa protection. Mais lorsque le vassal aliène son fief sans autorisation, le seigneur peut n'en être averti qu'après un certain temps : il a beaucoup de vassaux, les contrôles ne sont qu'occasionnels, et il ne dispose pas de documents cadastraux.

Enfin le vassal peut rompre le lien féodo-vassalique beaucoup plus facilement que le seigneur. Si un autre seigneur lui offre un autre fief plus important, ou si son fief est beaucoup plus petit que son alleu, le fait que ce soit le fief qui fasse le vassal joue en sa faveur. Il suffit qu'il abandonne son premier fief pour être délié de ses obligations envers son seigneur. Tandis que le seigneur ne peut reprendre son fief qu'en cas de faute du vassal, au terme d'une longue procédure judiciaire, et presque toujours en devant employer la force. En fin de compte, la possession utile est beaucoup plus assurée, beaucoup plus stable, que la propriété éminente.

La patrimonialisation du fief va encore accentuer cette évolution.

PATRIMONIALISATION DU FIEF

Tout bien figurant dans le patrimoine d'un individu peut être soumis par ce dernier à la transmission à cause de mort, et à l'aliénation entre vifs. Ces pouvoirs assurent naturellement à celui qui en est titulaire la maîtrise entière de la chose. En principe, ils sont ceux du propriétaire : ils devraient donc être le propre du seigneur. Mais en pratique, c'est le vassal qui peu à peu s'en emparera.

Hérédité du fief. Elle s'inscrit d'abord dans un enchaînement de faits et d'intérêts. L'hérédité de son fief est le but vers lequel tend tout le comportement du vassal, qui veut non seulement en avoir la jouissance paisible mais aussi transformer sa possession précaire en un bien qu'il puisse transmettre à ses héritiers. Cette tendance à l'hérédité prend sa source sous les Carolingiens : nous avons vu que le capitulaire de Quiercy-sur-Oise reconnaissait une certaine hérédité aux fonctions comtales, et donc aux bénéfices qui y étaient attachés. Cette hérédité dépendait aussi de facteurs purement factuels : le seigneur ou le roi concédant était-il ou non assez fort pour reprendre ce qu'il avait donné ? Pendant le Xe siècle, en revanche, l'hérédité [p. 119] recule, car les seigneurs sont en position de force vis-à-vis de leurs vassaux et la concession du fief n'est nullement obligatoire. En revanche, au XIe siècle, la tendance à l'hérédité reprend : le vassal, maintenant fieffé, a plus d'emprise sur son seigneur, qui craint en outre la solidarité lignagère de son client en cas de commise, mais le fait va plus vite que le droit. En principe la concession du fief n'est qu'au plus viagère, et le fils du vassal doit venir prêter hommage au seigneur de son père qui, théoriquement, peut refuser cet hommage et reprendre le fief Mais bien rares sont les cas où il le fait... En pratique, le seul moyen pour le seigneur de reprendre son fief était d'obtenir du feudataire la promesse solennelle qu'à sa mort, ses héritiers ne réclameraient rien du fief, qui reviendrait au seigneur.

Mais même dans ce cas, en pratique, le seigneur devait acheter le désistement des héritiers.

Signification économique de l'hérédité. L'hérédité du fief n'est pas qu'un phénomène juridique ou factuel : elle a aussi une signification économique.

Tout d'abord, l'hérédité se cumule avec le danger d'excès auquel peut conduire le mode de relation féodal. En effet, dans une société où la terre est la principale source de richesse et surtout de l'honneur, le seigneur risque d'être entraîné dans une sorte de cercle vicieux. Pour accroître sa puissance, il doit avoir toujours plus de vassaux, distribuer toujours davantage de terres. Ce qu'il donne en fief, il doit le récupérer d'une façon ou d'une autre : conquête, spoliation des biens d'Église, etc. L'hérédité du fief vient encore accentuer ce phénomène en contraignant le seigneur à ne pouvoir reprendre ce qu'il a donné, alors que la concession viagère lui aurait au contraire permis de tenir ses vassaux en haleine. D'autre part, certains impératifs économiques, envisagés cette fois du côté du vassal, poussent à l'hérédité du fief. La terre a besoin d'un entretien constant et de modes de cultures prévisionnels. Or, celui qui n'a une terre que pour un temps limité a tendance soit à s'en désintéresser, soit à la forcer : le vassal épuisera la réserve en la soumettant à des cultures trop fréquentes, éclaircira trop les forêts et laissera une lande. Quand le fief consiste en droits, il pressurera les hommes qui les doivent sans se soucier de l'avenir ; enfin il n'hésitera pas à grever les terres d'hypothèques pour couvrir les besoins imprévus qu'entraîne toujours la vie agitée d'un chevalier.

Solidement motivée par l'attachement des vassaux à leurs tenures, l'hérédité des fiefs peut cependant poser des problèmes d'une autre nature, qui sollicitent toute l'attention des juristes. Au point qu'on [p. 120] appelait d'un terme spécial, feudistes, ceux qui se spécialisaient dans l'étude des rapports féodo-vassaliques. Car si les fiefs devenaient des biens de famille, ils étaient alors sensibles aux aléas de la composition de ces groupes.

Que faire lorsque plusieurs héritiers se présentaient, ou que le défunt ne laissait qu'une femme, ou encore un enfant mineur ? Les réponses données sont une illustration du pluralisme coutumier de ce temps.

Même en cas de pluralité d'héritiers, le fief doit demeurer indivisible. Mais comme il ne faut pas léser les autres héritiers que le vassal a désignés, on a mis en œuvre plusieurs mécanismes.

Dans le Sud, c'est le système de la co-seigneurie. Tous les frères, héritiers d'un fief, y succèdent avec des droits égaux ; ils sont des coseigneurs du fief, sans qu'il y ait de partage. Suivant un ordre de roulement, chaque frère fait alternativement le service du fief, et tous s'en répartissent équitablement les bénéfices. Dans le Nord, c'est le système du droit d'aînesse. Le seigneur ne reconnaît comme répondant que l’aîné des fils de son vassal. On suppose qu'étant le plus âgé, il est le mieux en état de porter les armes. Lui seul prête l'hommage et est investi du fief, il répond de tous ses services. Suivant le genre de fiefs, ses puînés étaient désintéressés par deux systèmes de compensation :

· Le droit d'aînesse reste absolu pour les fiefs titrés : duchés, comtés et baronnies. Ils avaient trop d'importance politique pour supporter des démembrements. Cependant l'aîné doit pourvoir à l'entretien de ses frères et sœurs. À ses frères il laissait un apanage : pension alimentaire, ou encore terre concédée sur son fief en arrière-fief, l'arrière fief étant généralement pris parmi les plus petites terres léguées par le père. Les sœurs reçoivent des dots. Mais la compensation était imparfaite, car sa taille était laissée à la libre appréciation de l'aîné.

· C'est pourquoi dans les petits fiefs le droit d'aînesse n'est plus que relatif : c'est le système du parage. L'aîné continue à prêter seul l'hommage et à être seul investi de la totalité du fief, mais il doit concéder à ses frères une partie dont la taille varie suivant les coutumes : tiercement ou quintement. En compensation, bien que l'aîné soit le seul responsable du service du fief vis-à-vis du seigneur, ses frères devaient contribuer à ses frais en lui payant des aides. Enfin, la dépendance des frères vis-à-vis de l’aîné pouvait être plus ou moins concrétisée :

– dans le parage avec hommage (Beauvaisis, Berry), les puînés prêtent hommage à l'aîné et deviennent de ce fait arrière-vassaux de leur seigneur ;

– dans le parage sans hommage (ouest de la France), les puînés sont considérés comme les associés de l'aîné : ils ne lui doivent pas [p. 121] l'hommage. Mais à la différence de la co-seigneurie du Sud, il y a association, mais pas égalité : l'aîné est le chef-parageur. Après quelques générations l'hommage à l'aîné réapparaissait, car les descendants des puînés étaient tenus de prêter hommage à ceux de l'aîné, et donc les parts des puînés devenaient des arrière-fiefs, comme dans le système du parage avec hommage.

Mais il reste à l'issue de ces procédures au vassal désigné l'obligation de venir prêter hommage à son seigneur.

Le caractère viager de la concession féodale ne s'est jamais perdu en droit. Une fiction juridique opère, selon laquelle le fief fait retour au patrimoine du seigneur à la mort de l'une des deux parties contractantes. Seule une nouvelle investiture, précédée d'un nouvel hommage, peut conserver la possession légitime au vassal ou à son descendant.

Mais en pratique, le fils majeur du vassal décédé prend immédiatement possession du fief sans attendre sa nouvelle investiture : c'est la saisine de fait. Or le seigneur doit surveiller la situation pour que l'investiture et l'hommage aient bien lieu, sans quoi la saisine de fait dégénérerait en possession invétérée, qui risquerait d'être consacrée par l'usage. Mais d'autre part le seigneur n'a pas le droit de refuser l'investiture, ou d'adopter un comportement tel que le nouveau vassal ne puisse tout de suite jouir du fief. Cette restriction est très grave, car elle a pour conséquence l'abandon du caractère personnel du lien vassalique. Le seigneur peut devoir investir un homme qu'il n'aime pas, et réciproquement le vassal, pour garder son fief, peut être contraint de promettre fidélité à un seigneur qui ne lui convient pas.

Soulignons deux points particulièrement importants.

L'éventualité des pertes d'hommages dépend avant tout du comportement du seigneur : dans le cadre de petites compagnies vassaliques, elles devaient être très rares, car le seigneur était au courant de tout. Mais dans les grands fiefs, il n'y a pas de documents cadastraux. Dans l'ensemble, les pertes d'hommage affectèrent plutôt les fiefs ne comportant pas de services réels, car on les oubliait plus facilement (hommages de paix).

D'autre part, le droit de relief. En général, la succession aux fiefs s'accompagne pour le seigneur de la perception de droits réels et lucratifs, les droits de relief. Ce droit de relief vient de la prééminence du lien réel : de même que le service du fief est considéré comme le loyer de la tenure, de même la transmission du fief à cause de mort comporte la nécessité de la perception d'un droit de succession, ainsi qu'il en existe pour les tenures roturières et serviles. Le fief « tombe » à la mort du vassal, il faut le « relever ». Ce droit de relief n'apparaît guère dans le Midi. C'est surtout le Nord qui le pratique. Il avait aussi une valeur recognitive. Il rappelait au vassal le droit de [p. 122] propriété éminente du seigneur. Pour éviter que ce droit ne fût un moyen pour le seigneur de pressurer son vassal, les coutumes locales en fixèrent le taux, assez lourd, autour d'une année de revenus.

Mais que se passe-t-il quand l'héritier est un mineur, ou, autre cas difficile, une femme ?

La garde féodale est le droit pour le seigneur d'assumer la tutelle d'un vassal mineur et de jouir des revenus de son fief jusqu'à la majorité de ce dernier. D'autre part, quand le vassal ne laisse que des filles, le seigneur a le droit de désigner leurs époux ou de choisir le nouveau conjoint de la veuve : le service du fief doit être assumé.

En pratique, ce n'est pas si simple. Le seigneur qui intervient ainsi dans les affaires de famille de son vassal se heurte à la solidarité lignagère, car tout acte concernant le patrimoine d'un individu ou les conséquences patrimoniales du mariage doit obtenir l'assentiment de tout le lignage, qui dispose sur le patrimoine d'un droit de copropriété indivis. Dans le centre et le midi de la France, le lignage l'emporte sur le seigneur qui n'a que le droit de réclamer l'hommage et le service du tuteur ou de l'époux désigné par la famille. Dans le nord et dans l'ouest, le seigneur choisit, mais doit être approuvé par le lignage. En Normandie, il l'emporte sur le lignage et décide de tout, comme nous allons le constater.

Prenons d'abord le cas de l'héritier mineur. Son sort diffère suivant les coutumes.

En Normandie s'applique la garde seigneuriale. Elle est exercée par le seigneur direct du vassal chaque fois que celui-ci n'a pas atteint l'âge à partir duquel il est censé pouvoir tenir personnellement son fief : vingt et un ans pour les fiefs entraînant un service militaire, quinze pour les fiefs de sergenterie et autres (services domestiques). Pendant la garde, le seigneur pouvait exploiter le fief comme il l'entendait, d'où quelques limites juridiques : interdiction d'aliéner et d'hypothéquer, obligation de conserver en bon état, obligation d'entretien et d'éducation du mineur suivant son rang social. Mais en pratique, le seigneur a tendance à vouloir tirer de gros profits de la possession temporaire de ce fief qui, pour une fois, revenait entre ses mains : il ne doit pas de compte de tutelle, se substitue à l'héritier dans tous ses droits, y place des officiers domaniaux, et épuise facilement les terres.

En France du Nord et de l'Ouest, fonctionne le système de la garde noble. Les principes sont les mêmes, mais les modalités d'application beaucoup plus souples et respectueuses des droits du vassal et de son lignage. Le seigneur garde son fief, mais se contente d'un droit de contrôle sur la tutelle du mineur. Il exige qu'on le consulte pour la désignation par le lignage de l'administrateur temporaire du fief et réclame de sa part hommage et service, en se faisant quelquefois payer son consentement.

[p. 123]

Quant à la femme, le seigneur dispose à son égard de droits de mariage. Elle ne peut garder le fief que si elle trouve un mari capable d'en assurer le service, puisque celui-ci est surtout militaire. Étant donné son importance pour le seigneur, il était normal qu'il eût un droit de regard sur le choix de ce mari. Cela d'autant plus que l'éventualité de la femme héritière d'un fief est fréquente, puisque dans la plupart des coutumes successorales, la femme a, outre les biens propres qu'elle avait apportés en mariage, un droit de douaire ou d'usufruit sur les biens de son mari défunt.

L'héritière d'un fief devait donc au seigneur le service de mariage. Si elle hésitait trop longtemps à prendre un mari, le seigneur pouvait la mettre en demeure en lui présentant trois candidats entre lesquels elle devait choisir. Toutefois, passé soixante ans, elle est dispensée du service du mariage. D'autre part, si elle peut choisir librement un mari, l'héritière doit obtenir le consentement du seigneur avant le mariage.

En fin de compte, ces divers aménagements juridiques de l'hérédité ont pu éviter qu'elle ne devienne trop dangereuse pour le seigneur qui peut contrôler la succession au fief. Il doit laisser le vassal le transmettre, mais pas à n'importe qui. C'est un compromis entre la solidarité vassalique et la solidarité lignagère.

L'aliénabilité du fief était en soi plus dangereuse encore pour le seigneur que son hérédité, car elle pouvait faire sortir le fief de la famille du vassal, d'autant plus facilement que le marché de la terre était actif et l'instabilité humaine importante.

En droit strict, le fief reste inaliénable, de même qu'il était toujours viager... Le vassal ne peut en théorie céder le fief qu'à son seigneur et se dégager ainsi de ses obligations, car l'aliénation à une tierce personne léserait le droit de propriété éminente, et ferait perdre totalement ou partiellement au seigneur les services de son vassal. Mais cette inaliénabilité juridique devenait économiquement impossible : les alleux se réduisaient au fur et à mesure que se développait le régime de la tenure.

L'aliénation du fief peut prendre trois formes : temporaire, sous forme d'hypothèque foncière ; définitive, à un seigneur laïc ; partielle ou totale sous forme de donation pieuse.

Hypothèque foncière : c'est la forme de crédit la plus courante. Le débiteur, contre versement d'une somme en numéraire ou de denrées dont il a un besoin immédiat, remet une terre au créancier, qui touchera les revenus de la terre tant qu'il n'aura pas été repayé de son capital. Ces revenus entrent tantôt dans l'amortissement de la dette (mort-gage) ou sont considérés comme des intérêts (vif-gage). De toute façon, il y a danger pour le seigneur : le vassal ne jouit plus de tous ses revenus, et l'aliénation temporaire peut déboucher sur [p. 124] une vente définitive en cas de défaillance du débiteur. Cependant, l'évolution économique fait que ce risque n'est pas très fréquent. À partir du XIe siècle, grâce aux innovations techniques et à l'essor démographique, la terre produit beaucoup plus, et met donc ses possesseurs à l'abri du besoin. Cependant, les gros frais occasionnés par les croisades amènent la multiplication des hypothèques. Mais à part dans les contrats d'inféodation en viager, on ne trouve pas dans les actes d'engagement foncier de clauses interdisant ces hypothèques, ce qui prouve qu'elles ne devaient que rarement léser les droits des seigneurs.

Aliénation définitive : dans ce cas, la possession du nouveau vassal ne peut être considérée comme légitime s'il n'a pas prêté hommage et été investi par le seigneur. Les rites du report de fief témoignent de l'importance de l'acte. Le vendeur se présente devant la cour seigneuriale en disant sa volonté d'abandonner le fief, et le reporte en la main du seigneur. L'acquéreur propose alors au seigneur de lui faire hommage, après quoi celui-ci l'investit. En général, le seigneur accepte, mais il peut quelquefois y avoir retrait féodal. Le seigneur n'a en principe pas le droit d'empêcher le vassal démuni de vendre une terre qui ne suffit plus à assurer sa subsistance. Il se substitue alors à l'acheteur auquel il refuse l'investiture et verse au vendeur le prix de vente en le déliant de ses obligations. Il perd un homme, et récupère une terre. C'est une sorte de droit de préemption du seigneur sur le patrimoine de ses vassaux. Mais ce retrait féodal peut entrer en conflit avec les droits du lignage, qui lui aussi a un droit de préemption...

Si le seigneur accepte, il est normal qu'il se fasse payer son consentement : c'est le droit de quint et requint (1/5 + 1/25 du prix de vente).

Donation pieuse : la période féodale connaît le plus de mouvements de générosité des laïcs envers l'Église. Mais ces donations ont un caractère spécial car l'Église exige que les tenures qu'on lui concède soient déliées de toute obligation militaire, de tout loyer envers les puissances temporelles : les églises n'admettent que les donations allodiales. Ce qui peut léser gravement le seigneur.

Quand la donation est totale, il y a deux solutions : ou le seigneur se joint à la générosité de son vassal et accepte de perdre son fief ; ou le vassal lui offre en fief de reprise une partie de ses alleux, or il y a de moins en moins d'alleux...

Quand la donation est partielle, il y a abrégement de fief : le vassal demande au seigneur d'approuver l'acte (l’abrègement de fief s'applique aussi bien aux aliénations qu'aux donations). Mais le seigneur ne le fait que si la donation n'est pas excessive (cette théorie de l'abrègement de fief fut appliquée aux sous-inféodations, car le [p. 125] vassal limitait ses revenus en créant un arrière-vassal). Les sous-inféodations sont en général limitées au 1/3 ou au 1/5 de la valeur du fief. La patrimonialité des censives rappelle sur certains points celle des fiefs. Mais sur beaucoup d'autres, le régime des tenures domaniales s'en écarte : elles s'appliquent à des rapports sociaux d'un autre type. À la diversité sociologique s'accorde ainsi un pluralisme juridique.

Les tenures domaniales

Les tenures domaniales sont caractérisées par la fonction que doivent remplir ceux qui les tiennent, qu'ils soient serfs ou vilains. Alors que le fief a une vocation militaire, les tenures domaniales sont tenues par les laboratores : ce sont des tenures économiques. Elles étaient en effet démembrées d'un fief ou d'un alleu à des vilains ou des serfs moyennant des redevances ou des services de valeur pécuniaire. Grâce à ces redevances et services les chevaliers étaient mis en mesure de servir le fief de leur seigneur. Ainsi la même terre supporte-t-elle une superposition de rapports juridiques : elle peut être tenue à des titres divers, qui engendrent des faisceaux de droits.

En principe, on doit distinguer entre tenures serviles et roturières ; la tenure roturière provient d'un contrat, le bail à cens. Les redevances ne peuvent être modifiées arbitrairement, ce qui n'est pas le cas de la tenure servile. D'autre part, la tenure roturière va devenir aliénable, comme le fief, à l'inverse de la terre servile. Il ne faut toutefois pas trop accentuer cette distinction. Depuis une trentaine d'années, une série de travaux a montré que les seigneuries où se maintient une stricte division sont plus l'exception que la règle. Dans la plupart des fiefs, il s'est produit une osmose entre conditions servile et libre, soit que les libres soient astreints à plus de charges, soit que les serfs voient leur statut adouci, cela d'autant plus que les campagnes de défrichement vont favoriser la libéralisation du statut servile. D'autre part, les tenures roturières et serviles reposent sur la même base : le paiement d'un cens, en principe plus lourd pour le serf, ce qui n'est pas toujours vrai.

La censive est sans doute la plus fréquente des tenures domaniales, et à ce titre souvent décrite. Mais il y en a d'autres : notamment les tenures non perpétuelles.

La censive

Comme son nom l'indique, la censive est caractérisée par le fait que le censitaire est astreint à une redevance immuable, fixée en une quantité déterminée de deniers ou de produits naturels.

· En principe, le cens est assez élevé pour qu'il représente un véritable loyer de la terre, mais la dévaluation de la monnaie le fait [p. 126] tomber à très peu en valeur réelle, si bien qu'à la fin de l'Ancien Régime, il n'a plus qu'une valeur recognitive.

· La censive a d'autre part un caractère contractuel. Certaines censives peuvent avoir une origine de droit public et être le souvenir d'impôts grevant d'anciens alleux, mais elles vont se fondre dans le second type, le plus courant, qui est de droit privé : les censives dérivent d'une concession faite à une époque plus ou moins ancienne par un grand propriétaire à un tenancier (manses de colons et serfs affranchis), défrichements (contrats d'hostise et albergements). De toute façon les deux types se confondent, et on présume que toutes les censives proviennent d'une concession faite par un seigneur censier. Là encore, le droit privé absorbe le droit public.

Formant la base d'un contrat passé entre deux individus, la censive comporte des obligations réciproques dérivées d'un contrat nommé « bail à cens ». Mais à la différence du fief, la censive n'a qu'un caractère économique, elle n'entraîne aucun lien personnel : il n'y a d'ailleurs aucune cérémonie d'hommage. Retenons bien que les obligations et leurs sanctions sont avant tout d'ordre réel.

Le seigneur censier doit seulement concéder la terre, et ne pas exiger des prestations et des redevances supérieures à celles prévues dans le bail à cens ou la coutume. Le censitaire doit payer le cens et exécuter les corvées. Le cens peut être en argent ou en nature, ou les deux à la fois. Il doit être payé chaque année à des époques déterminées. Il a aussi un caractère recognitif. Les corvées seront toujours une charge très lourde, alors que le cens va aller diminuant en valeur réelle.

La sanction de ces obligations est réelle : en cas de défaut de paiement du cens, le seigneur peut sans jugement préalable procéder à la saisie de la censive, puis à la commise censuelle. Quant au censitaire qui s'estime exploité, il n'a qu'à avertir le seigneur et à déguerpir, sans que le seigneur ne puisse s'y opposer.

D'autre part la censive a un caractère patrimonial. À la fin du XIIe siècle, toutes les censives sont devenues héréditaires. Ces censives d'origine de droit privé furent renouvelées par le censier à terme de plus en plus long, et finirent par devenir perpétuelles. Mais comme pour le fief, l'héritier devait être à chaque fois réinvesti, et le seigneur percevait un droit de mutation (relief, rachat, acapte) en général égal au cens. Seules ne payaient pas de relief les censives d'origine publique, car elles avaient toujours été héréditaires. Finalement ce droit ne fut plus payé dans aucun cas, comme l'indique l'adage « le mort saisit le vif ». On retrouve la même ressemblance avec le fief en ce qui concerne l'aliénation : elle est possible, mais le seigneur doit y consentir et investir lui-même le nouveau censitaire. S'il refuse l'aliénation, il se substitue au vendeur, paye le prix à l'acheteur : c'est le retrait censuel. [p. 127] S'il l'accepte, il perçoit un droit de mutation, dit de « lods et de vente » (laudare signifie approuver) égal à 1/ 12 ou 1/24 du prix de vente. Ce régime ressemble à celui du fief, mais l'hommage n'existe pas.

On retrouve même pour la censive l'équivalent de la théorie de l'abrègement de fief. À l'origine, le sous-accensement est interdit : « cens sur cens ne vaut », car on craint que la terre ne puisse supporter deux cens superposés. On se demande aussi à qui iraient les droits de mutation si le sous-censitaire vend la censive : au seigneur, ou au censitaire intermédiaire ? Mais petit à petit l'évolution économique va permettre le sous-accensement.

En effet, le régime juridique de la censive évolue avec les conditions économiques. Tout d'abord apparaît le bail à rente. Au XIe siècle se produisent les progrès technologiques et démographiques signalés plus haut, et au XIIe se multiplient les campagnes de défrichements. La terre devient plus productive et peut maintenant supporter plusieurs cens superposés. On va donc inventer le bail à rente, qui concilie les intérêts de tous. Le censitaire aliène sa tenure moyennant une rente perpétuelle. La terre supporte donc le cens dû au seigneur, la rente payée au premier censitaire. Ainsi le seigneur continue à percevoir des droits de mutation en cas d'aliénation et le cens ; l'aliénateur dispose d'un revenu périodique au lieu de recevoir comme prix un capital dont le placement aurait souvent été difficile.

Autre signe d'adaptation juridique des censives aux mutations économiques : la conversion des corvées. Aux XIIe et XIIIe, l'économie monétaire renaît. Le seigneur va essayer de se procurer de l'argent. Il convertit alors les redevances en nature et les corvées en argent, qui vont se joindre au cens. Il y aura dès lors deux cens : l'ancien (droit cens, chef cens), le nouveau (surcens ou croît de cens ou gros cens) qui avait plus de valeur que l'ancien, atteint par la dévaluation. Le chef cens tendit alors à ne devenir que recognitif, alors que le surcens représentait le revenu réel du sol. Les corvées n'avaient d'ailleurs plus d'utilité pour le seigneur, car la réserve avait beaucoup décru, et le bail à cens s'était substitué au faire-valoir direct.

Enfin, à long terme, il faut noter que la patrimonialité des censives et le morcellement qui en découle ont conditionné le paysage rural de la France de la première moitié du XXe siècle. La petite propriété paysanne est issue de ce mouvement, la Révolution n'ayant fait que la dégrever des charges d'origine féodale et censitaire qui pesaient sur elle.

Cette petite propriété paysanne est aussi fille d'autres types de tenures. Certaines sont perpétuelles :

– La borderie : certains seigneurs très atteints par la dévaluation du cens imposèrent son paiement en nature.

Tenure en champart : quote-part de la récolte. Une variété en [p. 128] est le complant : 1/4 ou 1/5 de la récolte du vigneron. Ce champart est issu des défrichements du XIe siècle : le preneur d'une tenure à champart est assuré d'être taxé seulement en proportion du rapport exact de la terre. C'est un système favorable au tenancier qui s'installe, notamment dans les contrats d'hostise.

Il faut enfin citer les tenures temporaires. Minoritaires par rapport aux tenures perpétuelles, elles correspondent à un désir du propriétaire d'accroître la productivité de son sol. En réajustant ses fermages à des intervalles relativement rapprochés, il peut choisir un tenancier pour un temps déterminé, en prendre un autre à l'expiration du délai, désigner librement le tenancier suivant en raison de ses qualités propres.

– La ferme muable : le bail à ferme muable donne au preneur un droit de jouissance temporaire sur une terre, avec en contrepartie l'obligation de payer une redevance annuelle fixe en nature ou en deniers. En général ces baux durent trois ans, afin que soit respecté le principe de l'assolement triennal (alternance annuelle des mises en culture et en jachère). – Le métayage : c'est un champart temporaire.

Les alleux : l'attraction par le régime des terres à double domaine

Les alleux sont des terres libres, qu'on tient de ses ancêtres ou qu'on a acquises soi-même. Ils sont minoritaires. L'alleu est à la fois au-dehors et au-dedans de la hiérarchie féodale. Au-dehors, car l'alleutier n'est soumis à aucun hommage ni aucun cens, et il peut l'aliéner ou le transmettre sans demander le consentement de personne ni payer des droits de mutation. Mais il est aussi au-dedans :

D'une part, l'alleutier peut démembrer son alleu en fiefs, tenures serviles ou censives : dans le premier cas ce sont des alleux nobles, sinon des alleux roturiers. D'autre part, l'alleutier n'est pas entièrement indépendant. L'alleu simple est soumis à la justice du seigneur justicier dans le détroit duquel il est placé. L'alleu justicier, qui comporte un droit de justice, sera soumis à partir du XIIIe à l'intervention du roi qui fit prévaloir le principe que dans le royaume toute justice était tenue de lui en fief ou en arrière-fief. Seuls les alleux souverains, petites principautés, sont complètement indépendants.

Enfin, la tendance générale est à l'intégration de l'alleu dans le système des fiefs et des censives : fief de reprise imposé par le grand propriétaire, précaire, cens imposé par le baron en contrepartie de la protection dont il fait bénéficier le petit alleutier. Cette tendance à l'intégration se développa différemment dans le Nord et dans le Sud.

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Dans le Nord s'applique la présomption : « Nulle terre sans seigneur. » Parfois elle est irréfragable, et l'alleu disparaît. Parfois, et c'est le cas général, le propriétaire peut prouver que sa terre, de temps immémorial, a été libre de toutes charges. Cette règle défavorable aux alleux peut s'expliquer par le fait que dans le Nord l'aristocratie franque qui poussait au développement du bénéfice et de la vassalité était mieux implantée. De plus c'est un pays d'openfield, de larges plaines favorisant la concentration des terres.

Dans le Sud prévaut la règle « Nul seigneur sans titre » : le seigneur doit prouver par l'exhibition d'un titre que le prétendu alleu est en réalité une tenure. Le droit romain est beaucoup plus vivant dans le Sud et favorise la propriété libre. D'autre part le Sud est un pays de closefield : champ clos, haies, pas de gros villages, habitat dispersé. La petite propriété peut mieux résister.

Ceux qui se battent, ceux qui travaillent. L'écheveau des liens de dépendance personnelle, le croisement sur la terre de leurs droits nous ont appris à mieux mesurer les hiérarchies qui les séparent et les complémentarités que l'époque leur impose.

La réglementation minutieuse de ces rapports, étayée par les efforts des feudistes, démontre la capacité de la société féodale à s'auto-organiser à partir de nouveaux repères et de solutions pluralistes. Société sans État ou presque, et à ce titre attractive pour les ethnologues qui n'ont pas manqué de traquer les points communs avec celles qui leur sont plus familières. L'institution royale, en tout cas, se maintient, même si elle est dépourvue de pouvoirs réels sur des périphéries seigneuriales qui commencent très près. Et le roi conserve son charisme, construit par les Carolingiens. Mais c'est tout. Le pouvoir est ailleurs, entre les mains des sires.

L'Église quant à elle ne semble guère en mesure de remplir son rôle transcendant d'intermédiaire entre le monde terrestre et les puissances célestes. Un corps épuisé, une institution désarticulée sous la coupe des puissants : ainsi nous apparaît-elle au début de la mutation féodale. [p. 131]

Les droits féodaux : disparition du régime seigneurial

On s'inspire de la distinction faite par les cahiers paysans à propos des droits rachetables et à abolir. L'article 1 du décret du 11 août 1789 stipule : « L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal... » La suite du texte dément cette affirmation péremptoire. En effet le décret distingue deux catégories parmi les droits féodaux :

Certains sont abolis sans indemnité : ceux qui assurent à leurs titulaires d'inadmissibles supériorités personnelles, les droits de « féodalité dominante » : tailles, corvées, mainmortes, servage, péages, [p. 311] banalités, saisie féodale, commise censuelle, droit d'aînesse, garde royale ou seigneuriale, droit de chasse, les justices seigneuriales. Il n'y avait donc plus de seigneurs, mais que des propriétaires, alignés sur le droit commun. Le régime seigneurial est détruit, mais pas le droit de propriété.

Cette protection du droit de propriété est très perceptible dans la seconde catégorie, celle des droits déclarés rachetables par les redevables : ce sont non plus les droits de « commandement », mais les droits de la « féodalité contractante », soit :

· Les droits inhérents au système foncier des fiefs et des censives, ceux qui « sont le prix et la condition d'une concession primitive du fonds ». Sont présumés tels : toutes les redevances seigneuriales annuelles en argent ou nature : cens, censives, surcens, rentes féodales, tous les droits de mutation : quints, lods, rachats, reliefs, etc.

· Les droits perpétuels simplement fonciers ne comportant pas l'attribution d'une directe ou d'une seigneurie étaient également rachetables : métairie et locatairie perpétuelles. Tous ces droits, en attendant leur éventuel rachat, devaient continuer à être perçus. Cette prudence des décrets d'application témoigne bien de la volonté des possédants de ne pas lâcher l'essentiel, c'est-à-dire la propriété, dont toute expropriation doit être indemnisée comme l'avait précisé la Déclaration des droits de l'Homme. La bourgeoisie du Tiers s'est là jointe aux privilégiés, alors qu'elle avait été d'accord avec l'élément populaire pour la suppression des droits de féodalité dominante.

D'autres dispositions des décrets témoignent aussi de cette prudence. Pour préserver la propriété, l'Assemblée nationale va dans bien des cas ménager la preuve contraire. Sont ainsi maintenues les corvées et les tailles dont on prouve le caractère foncier : elles sont dues pour le prix de la concession d'un fonds, et non pas à titre personnel. De même pour les péages et banalités, qui résultent d'une convention, entre une communauté et un particulier, son seigneur, ou justifiés par une concession faite par le seigneur d'un droit d'usage dans ses bois ou ses prés. Le seigneur est toujours admis à prouver que les droits contestés n'ont aucun caractère de féodalité dominante.

D'autre part le rachat doit être facultatif et individuel, et non obligatoire et général. En pratique, cette faculté ne peut profiter qu'à une minorité de paysans aisés, puisqu'aucun crédit n'est prévu en faveur des redevables. De plus la procédure de rachat est complexe et coûteuse.

Les grands principes du 4 août ne reçurent donc qu'une application limitée : le rachat fut effectué plus par les bourgeois tenanciers que par les paysans, et demeura rare là où le prix en était élevé (nord de la France).

[p. 312] [1] Charte d'hommage prêté par le vicomte de Carcassonne à l'abbé de la Grasse, 1110 ; éd. A. Teulet, Layettes du Trésor des Chartes, t. I, Paris, 1863, p. 36, n° 39.

[2] Cartulaire de Saint-Père de Chartres (1127), Paris, Éd. M. Guerard, 1840.

[3] Cf. P. Ourliac et J.-L. Gazzaniga, Histoire du droit privé, Paris, Albin Michel, 1985, p. 208.

Références modifier

  1. Etablissement de Saint Louis, 1270 ; Recueil général des anciennes lois françaises, vol. 1, N°. 494§34, p. 630.