Utilisateur:Jadr/Brouillon

Introduction

La revue de musique « Symphonia » a été créée en 1995 à l’initiative du groupe italien Ermitage, éditeur de livres, de disques et de magazines. Son rédacteur en chef était Jacques Drillon.



« Symphonia » reposait sur un faisceau d’idées :

– Au lieu de confier les articles à des personnes du sérail parisien, qui ne sont jamais ni tout à fait journalistes, ni tout à fait écrivains, ni tout à fait musicologues, la revue entendait ne demander de la copie qu’à des spécialistes, chacun dans sa catégorie. Ainsi, le sociologue Pierre-Michel Menger publia un long texte sur le statut des intermittents de la musique, le musicologue Denis Herlin une étude des repentirs de Debussy, la journaliste Anne Crignon une enquête sur les pianistes en début de carrière, le philosophe Michel Cazenave un exposé détaillé des théories platoniciennes de la musique, l’historien Pascal Huynh des séries sur la musique à l’époque de la république de Weimar ou sur la revue de Schumann… Des écrivains furent appelés : Jean Roudaut, Michel Butor, Daniel Percheron, Farid Chenoune…

– Peu soucieuse de faire la promotion de quoi que ce fût, sinon de la musique, « Symphonia » s’est déconnectée de toute actualité : aucun avant-première, aucune critique, ni de disque, ni de livre. Mais uniquement des « textes ».

– Partant du principe que certains morts sont plus vivants que bien des vivants, « Symphonia » établit une identité parfaite entre l’ancien et le nouveau ; faisant le détour par cet autre principe selon lequel on ne va pas dans une librairie pour acheter des livres non encore imprimés, « Symphonia » confondait aussi le publié et l’inédit. Dès lors qu’un texte n’était pas aisément accessible, il devenait aussitôt publiable. On a pu lire un portrait de Charles Cros par Laurent Tailhade, de Sviatoslav Richter par Louis Aragon, de Stradivarius par Alberto Savinio, de Debussy par Colette, de Stravinsky par Cingria, une histoire de Gesualdo par Anatole France, une théorie des salles parisiennes par Bruno Barilli, et même la longue étude de Clément Rosset sur l’objet musical, pourtant disponible en librairie.

Cela n’empêcha pas « Symphonia » de publier des documents inédits, principalement des lettres : Dinu Lipatti, Igor Stravinsky… Et même des fragments de la Correspondance de Beethoven, alors indisponible en français — au contraire de celle d’Albéric Magnard. Ou bien des documents rares : un dialogue entre Nikolaus Harnoncourt et Quincy Jones, un article de Gustav Leonhardt sur le point d’augmentation dans les partitions de Froberger, un entretien avec Glenn Gould, une biographie américaine d’Evgueny Kissin…

– « Symphonia » tenait à privilégier les séries, afin de ne pas refuser un texte au seul motif qu’il eût été « trop long ». Les souvenirs de François Michel furent publiés en quatre livraisons, comme ceux de Madeleine Milhaud ; un compositeur d’aujourd’hui faisait son autoportrait dans chaque numéro, Christian Labrande a raconté en trois mois l’histoire de la musique filmée… Michaël Levinas analysait une sonate de Beethoven chaque mois. On avait entrepris d’explorer systématiquement les rapports entretenus entre les écrivains et la musique (Cioran, Joyce, Proust), de réunir des dossiers de presse sur les grandes créations du passé… La revue a cessé de paraître alors qu’un entretien de quatre-vingts feuillets avec Frans Brüggen n’en était qu’à sa troisième livraison. Elle a connu dix-neuf numéros.

La seule concession faite à l’actualité était une de revue de presse internationale, confiée à Ruth Valentini, qui, épaulée par une secrétaire de rédaction et quelques contributeurs extérieurs, trouvait des informations dans les journaux les plus inattendus.

– « Symphonia » était vendue avec un CD. Il s’agissait de bandes de concerts diffusés par la radio suisse, et dont l’éditeur italien, Ermitage, avait acquis les droits : Sviatoslav Richter, Igor Stravinsky, Emile Guilels, Carl Schuricht, Nikita Magaloff, Elisabeth Schwarzkopf, Pierre Fournier, David Oïstrakh, Astor Piazzolla, le Consort of Musike, Sergiu Celibidache, Rosalyn Tureck, Hermann Scherchen, Clara Haskil, Katia Ricciarelli, Claudio Arrau — pour ne parler que des interprètes.

Un dossier accompagnait chaque disque. Celui de David Oïstrakh, par exemple, comprenait :

   a) un portrait du violoniste par son producteur, Walter Legge
   b) un entretien avec Oïstrakh
   c) les carnets de voyage tenus par lui lors de sa première tournée aux USA
   d) deux hommages de collègues (Leonid Kogan et Yehudi Menuhin)
   e) un texte d’Oïstrakh sur Jacques Thibaud.

Le tout imprimé sur trente-six pages de papier bouffant ivoire de chez Labanti e Nanni, avec force cul-de-lampes et photos dûment payés à des photographes professionnels.

Une fois la société créée, le compte en banque ouvert, un contrat fut passé avec un routeur (MLP), et un petit groupe de presse (Magazin Group), qui assurait la distribution et la comptabilité. Un bureau fut mis à disposition de « Symphonia » dans ses locaux de la rue du Bac, à Paris, où s’installa l’équipe : le rédacteur en chef et la secrétaire de rédaction, Véronique Brindeau.

La revue fut lancée par un concert, un récital de piano donné par Jean-Marc Luisada salle Gaveau.

La revue paraissait le quinze du mois, et se vendait à cinq ou six mille exemplaires.

Entre le numéro 15 et le numéro 16, la revue déménagea rue de Louvois. Véronique Brindeau avait quitté la revue et avait été remplacée par Vanessa Perrier.

Des difficultés financières mirent fin à la vie de la revue, en 1997.