Utilisateur:Marmunt/Brouillon

Carrière musicale

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Nova Cançó: de Georges Barre à Jordi Barre

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C’est une rencontre, en 1959, qui convertit Georges Barre au catalan. Si avec son orchestre, il se joint parfois à certains groupes qui ont pour vocation faire vivre la langue et la tradition catalanes dans tout le département, c’est l’écrivain Esteve Albert i Corp qui le motive à se dédier uniquement à la langue catalane. Le premier grand projet autour du catalan de Georges, en compagnie d’Esteve Albert, est le montage d’une pièce avec le groupe Pirène d’Elne[1]. Peu après, c’est ce dernier qui est à l’origine de l’intégration de Georges au Fanal Sant-Vicens (groupe artistique perpignanais qui défend la culture catalane à travers le théâtre et le chant). Au début des années 1960, il effectue de nombreux déplacements en Catalogne du Sud, bien souvent à la capitale, Barcelone, et participe à de multiples concours et festivals. C’est l’époque très importante de la revendicative Nova Cançó, et Georges se lie d’amitié avec de jeunes chanteurs comme Raimon du País Valencià. Il connait d’ailleurs lors de cette période, un franc et réel succès auprès du public barcelonais et des catalans du Principat[1]. En 1964, lors des fêtes de la Mercè, on lui remet la médaille de la ville de Barcelone, et « de 1963 à 1965, Barre est l’un des chanteurs les plus écoutés et vendus en Catalogne »[1]. C’est à la fin des années 1960 que Georges Barre devient finalement Jordi Barre, et ce grâce à la femme dont il est amoureux, Danièle Rouzaud. Avec elle, il comprend que le catalan est la langue avec laquelle il doit s’exprimer artistiquement et qu’il est temps de s’intéresser presque exclusivement aux spécificités et à la réalité de la Catalogne du Nord.[1]

Les chorales et ensembles musicaux

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Le Fanal Sant-Vicens de Perpignan

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Georges Barre rejoint donc le Fanal Sant-Vicens de Perpignan en 1962.[1] Le Fanal c’est la rencontre entre compositeurs, poètes, chanteurs, comédiens, musiciens, chorégraphes, etc…, tous amateurs mais désireux de perpétuer la tradition et de faire vivre le folklore roussillonnais. Intimidé au départ par cette bourgeoisie perpignanaise, il n’en demeure pas moins heureux de s’y impliquer. Ses compétences musicales ainsi que sa réputation facilitent son intègrement. « Au Fanal Sant-Vicens Georges Barre s’enracine de plus en plus dans la tradition, héritier inconscient de Joan Amade »[1]. C’est aussi au Fanal qu’il fait la connaissance de ceux qui deviendront ses paroliers, le poète Jordi Pere Cerdà (Antoni Cayrol), ou encore l’Amic Vicenç, le charcutier d’Espira-de-l’Agly, Joan Cayrol. Après plusieurs diffusions de la chanson Toquen les hores sur les ondes de France Culture en 1976, Jordi Barre demande au groupe plus d’exigence, de rigueur, afin d’atteindre un niveau supérieur[1]. Il y croit profondément, et cela paye à la fin de la même année, le Fanal et Jordi Barre participent à l’émission Les Musiciens du Soir. C’est un triomphe, la France entière les voit à la télévision et entend la « langue du terroir ». Solange et Philippe Bauby, créateurs et animateurs du Fanal Sant Vicens, décident alors d’enregistrer un disque comprenant 10 titres dont 8 en catalan. Deux ans plus tard, au Théâtre de l’Atelier à Paris, devant de nombreux nord-catalans mais aussi représentants du Sud, c’est la grande ovation. Jordi Barre devient à ce moment-là plus qu’un simple chanteur nord-catalan.[1]

Le groupe Pa Amb Oli

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En 1978, il crée en parallèle du Fanal avec certains de ses membres, le groupe Pa Amb Oli, composé de douze artistes, dont Albert Bueno et Germinal Monge. Cet effectif plus réduit permet de travailler plus souvent et d’acquérir rapidement des bases solides. « Pa Amb Oli dès sa première « projection » parisienne, en 1979, au Théâtre d’Issy-les-Moulineaux, est classé l’égal de nombreux groupes parisiens alors à la mode ».[1] Pa Amb Oli jusqu’à sa dissolution en 1983, est vraiment partout, les dates des spectacles s'enchaînent dans toutes les comarques nord-catalanes. En 1982, Jordi Barre reçoit même de la SACEM un Disque d’Or. Son troisième disque s’écoule à 50 000 exemplaires, uniquement en Catalogne du Nord. Un an plus tard, pour le Pa Amb Oli comme pour Jordi Barre c’est la consécration, il est annoncé un récital à l’Olympia.[1] De nombreux nord-catalans font expressément le déplacement pour entendre le chanteur et le groupe durant deux bonnes heures. C’est la conquête de la capitale française par les roussillonnais. « 1 800 Catalans, hier, à l’Olympia pour l’amour du pays et du Midi » peut-on lire le 17 avril 1983 dans le journal le Midi Libre[1]. « Pupitre tendu aux couleurs de la Catalogne […], une revendication culturelle et un témoignage public d’existence » écrit Henry-Jean Servat.[1] Ce concert de Pa Amb Oli à l’Olympia avec Jordi Barre pour vedette vient rappeler à Paris et à la France, l’existence de la Catalogne du Nord et du peuple catalan.[1]

L'Estudiantina d'Ille-sur-Têt

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Jordi Barre dirige également à partir du milieu des années 80 et jusqu’à la fin de sa vie, la chorale l’Estudiantina d’Ille-sur-Têt. « En novembre 1999, il participe à un autre hommage, celui que la ville d’Ille-sur-Têt rend à Lucien Castillo, l’âme de la chorale l’Estudiantina ».[1]

Les fresques historiques musicales et théâtrales

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Les Angelets de la Terra

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Jordi Barre, nostalgique de l’époque de Pyrène avec Esteve Albert, a en tête de faire un spectacle musical sur des évènements historiques qui ont profondément marqué l’histoire nord-catalane. Il pense très rapidement aux Angelets de la terra, et Joan Tocabens accepte de relever le défi en écrivant non seulement les paroles des chansons mais aussi les dialogues de la pièce. Ce projet voit le jour l’été 1989, avec la complicité de Jean-Pierre Lacombe Massot, le metteur en scène, qui n’hésite pas une seconde à bousculer les habitudes des comédiens pour passer de l’amateurisme à un certain professionnalisme. Certains d’entre eux, impliqués dans d’autres troupes culturelles catalanes, viennent aussi prêter main forte. Tout le monde travaille, répète intensément, s’investit à 200%. Jordi Barre chante donc « avec force la révolte des Angelets, la Guerre du Sel, la résistance du Vallespir et du Conflent à l’intégration à la France, juste au lendemain du traité des Pyrénées de 1659 ».[1] Il met en musique et interprète 11 textes écrits par Joan Tocabens. C’est une fois de plus un magnifique succès, et ce à chaque des six représentations aux quatre coins du département. Un spectacle itinérant qui débute forcément à Prats de Mollo, là-même où se déroule une partie de l’aventure des Angelets, passe ensuite par Thuir, Villefranche-de-Conflent, Collioure, Argelès ou encore le Palais des Rois de Majorque à Perpignan.[1] Une seule représentation a lieu de l’autre côté des Pyrénées, à Olot. Ce sont quand-même près de 10 000 spectateurs qui viennent découvrir ou redécouvrir cette épisode de l’histoire nord-catalane. Toutefois, certaines personnes férues d’Histoire critiquent négativement ce spectacle car elles ne comprennent pas qu’elles assistent à une simple fiction avec une trame historique.[1]

La trilogie Els Reis de Mallorca

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Après cette grande réussite avec les Angelets, d’autres idées de fresques historiques musicales et théâtrales sont évoquées, celle sur le royaume de Majorque est retenue.[1] Jean-Pierre Lacombe Massot souhaite que cela se fasse au Palais des Rois de Majorque. Il en est ainsi puisque « Lacombe, Tocabens et Barre s’installent au palais pour trois étés 1991, 1992, 1993 »[1]. De nombreux comédiens des Angelets refusent d’y participer, ils sont remplacés par d’autres artistes très en vogue de la scène locale. Il est décidé que ce spectacle se jouera en catalan mais aussi en français, la carte du bilinguisme est adoptée. Cette fresque, c’est aussi le premier projet musical qui rassemble le directeur du Conservatoire de Perpignan, Daniel Tosi, et le leader du Fanal Sant Vicens de Perpignan, Jordi Barre. Els Reis de Mallorca est une trilogie, une fresque en trois épisodes. Deux heures de show avec Jordi Barre et plus de 150 participants (comédiens, musiciens, danseurs, figurants).[1] Une aube de sang et d’or est le premier épisode et nous raconte la vie trépidante de Jaume 1er le Conquérant. « Quatre représentations ont lieu en français et deux en catalan (août 1991) ». L’épée de discorde offre durant six représentations en français et trois en catalan (août 1992), un maximum d’aventures et d’action exposant le combat entre Jaume II de Majorque et Pere III d’Aragon, tous deux fils de Jaume 1er le Conquérant. Après quelques incertitudes, le troisième et dernier volet des Rois de Majorque, Le sceptre brisé est interprété quatre fois en français et une fois en catalan. Il décrit la fin inévitable du royaume de Majorque, et par la même occasion la fin du titre de capitale pour la ville de Perpignan. La scénographie est à la hauteur de l’évènement tragique et grave. Jordi Barre interprète au total 18 chansons écrites par Joan Tocabens et compose la musique lui-même. Dès lors « le temps des fresques historiques est bien terminé », ce que Jordi Barre regrettera beaucoup par la suite.[1]

Le pessebre vivent du Noël catalan & les chansons traditionnelles roussillonnaises

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Jordi Barre est sensible à la musique populaire et traditionnelle de la Catalogne. Dès 1972, il créé à Elne son premier pessebre vivent, sa première crèche vivante en catalan.[1] Rapidement il l’importe dans la capitale du Roussillon avec le Fanal Sant Vicens de Perpignan. Toujours épaulé par son ami Jean-Pierre Lacombe Massot, il va faire du pessebre un rendez-vous unique et immanquable des fêtes de fin d’année en Catalogne du Nord.[1] Tout est sans cesse retravaillé, retouché, amélioré, la magie de Noël ne peut qu’opérer. Si d’abord le pessebre est joué dans les églises et cathédrales du département, à partir de 1991 il s’établit en l’église Saint-Dominique de Perpignan. Par la suite, il prend ses quartiers au Palais des Rois de Majorque. Ce spectacle inspire même d’autres groupes culturels catalans du pays.[1] Jordi Barre est aussi présent pour l’Estudiantina d’Ille-sur-Têt, avec qui en 1985 il participe à la renaissance d’un autre pessebre, la Pastorale du Chanoine Bonafont.[2] Il dirige la chorale qui se produit également dans de nombreuses églises du département. Cette tradition est d’ailleurs toujours bien vivante à Ille-sur-Têt et Jordi Barre y est pour quelque chose.[2]

Ces chants de Noël plaisent et Jean-Pierre Lacombe Massot a alors l’idée de les immortaliser avec un CD intitulé Nadal qui sort en 1992. « Le premier tirage de l’album est épuisé avant le 25 décembre ».[1] L’album comprend 16 chansons traditionnelles du Noël catalan comme Salten i ballen, Sant Josep fa bugada, El desembre congelat, La nit de Nadal, Fum, fum fum, ainsi que deux chants plus récents mis en musique par Jordi Barre : Balada de Nadal écrite par le prince des poètes catalans, Josep Carner et L’Escloper de Roger Campredon, un de ceux qui a instauré la tradition du pessebre vivent à Elne.[1]

Jordi Barre manifeste malgré tout une certaine réticence lorsqu’il s’agit de s’approprier des airs populaires.[1] Néanmoins, pour préserver ce patrimoine populaire exceptionnel, il enregistre en 1996 Tradicionals, un album avec 11 chansons traditionnelles catalanes et certaines uniquement roussillonnaises. Joan del Riu, Lo Pardal, Les Minyones de Tuïr, Muntanyes del Canigó, La Titona et bien d’autres musiques du terroir nord-catalan figurent sur ce CD. En revanche, l’accompagnement musical réalisé au synthétiseur n’est pas apprécié par tous. À contrario, d’autres y voient, une modernisation nécessaire afin de les réactualiser.[1]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa et ab Jacques Queralt et Christine Lavaill, Jordi Barre L'enchanteur, Balzac Editeur, , 215 p. (ISBN 2-913907-08-3)
  2. a et b « Les Pastorales », sur Mairie d'Ille sur Tet, (consulté le )