Utilisateur:Neelam Pirbhai-Jetha/Brouillon

LA LITTÉRATURE MAURICIENNE ANGLOPHONE

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Introduction

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Doit-on parler d’une littérature mauricienne ou de plusieurs littératures mauriciennes ? En effet, vieille de deux siècles, la littérature mauricienne existe en plusieurs langues. Nous pouvons ainsi parler d’une littérature mauricienne d’expression française, d’une littérature mauricienne d’expression créole, d’une littérature mauricienne d’expression hindi, entre autres. Cette étude sera basée sur la littérature mauricienne d’expression anglaise. Quel nom vous vient à l'esprit lorsque l'on demande un(e) auteur(e) mauricien(ne) anglophone ? Lindsey Collen ? Et qui d'autres ? Cette littérature anglophone, peu nombreuse et peu étudiée, existe pourtant :

Contemporary Mauritian literature written in English is less visible and numerically inferior compared to its francophone counterparts. Whereas writers such as Ananda Devi, Carl de Souza, Natacha Appanah, to name but a few, have achieved international visibility, only rare Mauritian novels are published in English, even less are well known beyond a limited readership.[1]

Dans cette étude, nous proposons d'aller à la quête de cette littérature peu connue. Notre objectif principal est de savoir depuis quand elle existe et qui écrivait en anglais ? Afin d'essayer de cerner cette littérature mauricienne anglophone, nous proposons de faire une brève historique de l'île Maurice et de sa littérature, d'analyser la démographie à Maurice et de faire une liste de quelques auteur(e)s et œuvres en anglais.

1. Rappel historique

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Avant d'aborder le sujet sur la littérature mauricienne anglophone, un petit rappel historique s’impose. L’île Maurice a connu une double colonisation importante : la colonisation française de 1715 à 1810 et la colonisation britannique de 1810 à 1968. Ces bouleversements politiques, en particulier, la reprise de l’île par les Anglais, ont amené des changements dans la vie sur l'île mais aussi dans la littérature mauricienne. Comme le souligne Vicram Ramharai :

Pour la minorité des ex-colons français, cette seconde colonisation ressemble à celle qui a eu lieu au Canada où justement les colons français ont été colonisés à leur tour.[2]

Jean-Georges Prosper dans son Histoire de la littérature mauricienne de langue française[3] nous offre une analyse approfondie de l’histoire de l’imprimerie et une analyse de certains auteurs mauriciens et de quelques œuvres d'expression française dès son tout début. On constate alors une richesse de la littérature mauricienne, méconnue et oubliée de tous. C’est grâce à l’initiative de Pierre Poivre que la première imprimerie voit le jour en 1768 à l’île Maurice, ancienne Ile de France. A l’époque, les ouvrages littéraires publiés, sauf exception, étaient à compte d’auteur et par des imprimeries. Il n’existait pas de maison d’édition à Maurice. Il existe aussi pendant la colonisation plusieurs sociétés littéraires dans l’île et la diffusion des œuvres se faisait entre amis. Il faut noter que c’est plutôt sous la colonisation britannique que la littérature mauricienne d’expression française a pris de l’essor, en particulier dans les revues et les journaux. Ainsi, la prise de l'île par les Anglais a créé un désir ardent, chez les colons français, de lutter contre les envahisseurs britanniques. Cela a été possible par la plume ! Il est aussi intéressant de noter que « de toutes les aires géographiques où l’on évoque une littérature de langue française, Maurice et le Québec sont les seuls pays où cette littérature s’est développée sous la colonisation britannique ».[4] En effet, ce sont les revues qui « ont contribué à maintenir une vie culturelle à un moment où la conception même des maisons d’éditions était inopérante. Il semble que l’unique objectif de ces revues, aussi éphémères soient-elles dans leur existence, ait été de constituer une plateforme pour encourager les talents locaux. Seuls ceux qui maîtrisaient la langue française pouvaient s’y faire publier ».[5] A l’époque, les publications se faisaient aussi, le plus souvent, à compte d’auteur. Il fallait préserver la langue française, et montrer son attachement à la France. Toutefois, le premier texte à être publié en anglais est Fugitive and Miscellaneous Verses in English and French[6], œuvre d'un auteur anonyme, qui paraît en 1814.

Une autre raison pour laquelle la langue anglaise a pris du temps pour se faire une place importante dans la société mauricienne peut être donnée est plutôt politique. Quel était le principal souci des Britanniques ? En effet, il leur fallait contrôler l’administration, la justice et l’économie. Ce n'est qu'en 1844 que la langue anglaise devient langue officielle. De plus, la majorité des parents d’origine indienne commence à envoyer leurs enfants à l’école qu'au début du XXe siècle, après le passage de Mahatma Gandhi et de Manilall Doctor à Maurice en 1901 et 1907 respectivement[7]. C’est la langue anglaise qui a le plus séduit les écrivains de la communauté indienne à l’époque de la colonisation. La langue anglaise était un moyen pour eux de lutter et de couper le lien avec ceux qui les exploitaient. Autrement dit, les anciens colons français possédaient les terres où leurs semblables étaient exploités et il fallait donc se différencier d’eux et le seul moyen était par la langue :

Azize Asgarally a publié de nombreuses pièces de théâtre dans les années 1950 et 1960 et les romanciers Deepchand Beeharry et Anand Mulloo, dans les années 1960, ont produit des œuvres engagées dans la mesure où ils prônaient la lutte politique pour combattre les injustices contre les Indiens. Un des rares écrivains à écrire en français dans les années 1960 a été Ibrahim Dossa. Les autres refusaient de propager la culture et la langue françaises pour ne pas être identifiés avec ceux-là mêmes qui exploitaient les membres de leur communauté dans les champs de canne et qui dénigraient leur culture en refusant d’accorder une place à leur langue et de reconnaître leur religion dans la société coloniale. Au début des années 1940, une campagne virulente contre les langues indiennes est menée dans la presse écrite contrôlée par les Blancs et les gens de couleur (P. de Sornay, 1943). Ces langues ne pouvaient s’enseigner à l’école pour des raisons pratiques (G.Lefébure, 1949).[8]

En effet, jusqu’à 1968, le refus d’adopter la langue française comme langue littéraire faisait partie d’un choix politique et idéologique. Le choix portait sur la langue anglaise. Ce n’est qu’après l’indépendance que le français est utilisé par la diaspora indienne « qui l’a accepté comme un héritage de l’histoire au même titre que les autres héritages culturels »[9]:

Les membres de la diaspora indienne sont presque invisibles dans le domaine littéraire avant 1968, surtout en ce qu’il s’agit d’écriture de langue française. Un relevé montre qu’ils ne sont que cinq auteurs à publier en français : Aunauth Beejadhur, A. R. Buxoo, Ashrufaly Bhunnoo, Ibrahim Dossa et Hassam Wachill. Deepchand Beeharry, écrivain de langue anglaise, a écrit deux nouvelles et un roman en français. Et si l’on s’appuie sur le chiffre de 225 concernant le nombre d’auteurs de langue française fourni par J.G. Prosper (1978), il s’avère que les écrivains de la diaspora indienne représentent moins de 3% du nombre total.[10]

En effet, la langue française continue à s’imposer dans presque tous les secteurs de la colonie britannique et vers la fin du XIXe siècle, île Maurice, colonie britannique, n’avait pas encore de vrai projet pour angliciser, par exemple, le système éducatif :

la volonté des Britanniques d’angliciser le système éducatif est timide. […] Dans les années 1840, les Britanniques prennent des décisions qui ont surtout une valeur emblématique : octroi de bourses d’études aux deux candidats ayant le mieux travaillé en anglais et nomination d’un directeur anglais à la tête du Collège Royal. La première décision imposant d’user de l’anglais comme langue d’enseignement est limitée au seul Collège Royal[11]

L’école était pourtant le lieu idéal pour « acculturer » et imposer une langue et une politique. Mais, les Anglais n’obligeaient pas l’utilisation de leur langue aux Franco-mauriciens. La seule raison était d’« éviter d’entrer en conflits avec les francophones »[12]. Lorsque l’anglicisation de l’éducation est soutenue au niveau national, « un compromis linguistique » entre les francophones et les anglophones est obligatoire ; et « à partir de 1890, le français devient une matière obligatoire dès la première année du primaire », tout comme l'anglais. Cependant, avant cette décision d’imposer la langue anglaise, les gouverneurs pouvaient décider comme bon leur semblait sur cette question de l’importance des langues. D’ailleurs, « s’agissant de la question du rapport de force au sein de la société, les historiens affirment qu’il se résume à un conflit entre deux groupes linguistiques dominants que sont les anglophones et les francophones[13] ».

  1. Markus Arnold, « Undergoing wonderful sea changes? Indian migration in contemporary Mauritian fiction in English between ethnicisation and intercultural ideals », Migration and settlement in the South-West Indian Ocean. shifting paradigms - International conference, Mahatma Gandhi Institute, School of Mauritian & Area Studies, Centre for Mauritian Studies, 10 – 12 novembre 2010.
  2. Ramharai, Vicram, « Entre littérature mauricienne et littérature francophone: quels enjeux pour les écrivains mauriciens ? » dans ‘L’ici et l’ailleurs’: Postcolonial Literatures of the Francophone Indian Ocean e-France : an on-line Journal of French Studies, [en ligne] vol. 2, 2008, p. 19-20. Disponible sur : http://www.reading.ac.uk/e-France/Indian%20Ocean/Ramharai.pdf, [consulté le 2 janvier 2012]
  3. Prosper, Jean-Georges, Histoire de la littérature mauricienne de langue française, Maurice, Editions de l'océan Indien, 1994.
  4. Ramharai, Vicram, « Entre littérature mauricienne et littérature francophone: quels enjeux pour les écrivains mauriciens ? », op. cit.
  5. Ibid.
  6. Ramharai Vicram, « Le champ littéraire mauricien », Revue de littérature comparée, 2/2006 (no 318), p. 173-194. |en ligne]. Disponible sur: http://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2006-2-page-173.htm, Consulté le 5 décembre 2015
  7. Ramharai, Vicram, « Littérature mauricienne de langue française et diaspora indienne » [en ligne], 2006. Disponible sur : http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Inde1/Ramharais.pdf, [consulté le 2 mars 2012], p. 193
  8. Ibid., p. 154-155
  9. Ibid.
  10. Ibid.
  11. Tirvassen, Rada (dir.) Ecole et plurilinguisme dans le Sud-ouest de l’océan indien, Paris, L’Harmattan, coll. Langues et développement, 2002, p.139
  12. Ibid.,p.139
  13. Ibid.,p.136