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Le transfert de l’or de la Banque de France sert à désigner l’ensemble des opérations ayant consisté à évacuer et mettre en sécurité les réserves d’or entreposées à la Banque de France au printemps et à l'été 1940, face à l’avancée des armées de l’Allemagne nazi, au début de la Seconde Guerre mondiale.

À la Libération de la France, ces ressources permettront d’entamer la reconstruction du pays, en attendant l’aide fournie par la plan Marshall deux ans plus tard, en 1948.

Des réserves menacées par la montée des périls

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Façade de l'hôtel de Toulouse, siège de la Banque de France.

L’Europe observe avec inquiétude l’évolution de la situation en Allemagne, en 1933, Hitler arrive au pouvoir. En 1932, les dirigeants de la Banque de France ont pris la décision de déplacer l’or loin des frontières de l’Est. En 1934, la décision est prise de fondre beaucoup[Combien ?] de pièces en lingots, les lingots étant plus faciles à transporter. La plus grande partie de l’or de la France est entreposé dans « La Souterraine », le reste étant disséminé dans les deux cent succursales dont la Banque dispose sur le territoire national. Celui-ci est découpé en trois zones : une zone à risque (proche des frontières), une zone intermédiaire et une zone proche des ports militaires. Devant la montée des périls, la Banque de France décide de commencer à déplacer l’or. Le transfert se fait en plusieurs étapes : dans les premiers mois de 1932, 148 succursales sont vidées de leur contenu, 275 tonnes d’or sont rapprochées des côtes dans le secret le plus absolu.

Dès 1936, sous le gouvernement du Front populaire, les autorités françaises vont lancer un grand processus de modernisation industrielle et de réarmement, en prévision de la guerre. Le chef d'état-major général de l'Armée de terre, le général Gamelin demande 9 milliards de francs pour moderniser l’Armée de terre, le gouvernement de Léon Blum lui en accorde 14 milliards. Toute l’industrie française est mise à contribution, mais cela se révèle insuffisant, donc les autorités françaises décident de se tourner vers la première puissance industrielle d’alors, les États-Unis. On a mis en place un programme d’envoi d’or aux États-Unis pour disposer de dollars pour pouvoir acheter des armes le cas échéant. Rien que sur l'année 1938, plus de 600 tonnes d’or sont envoyées aux États-Unis depuis les ports de Brest et de Toulon. Après l'annexion de la Tchécoslovaquie, l'armée allemande menace la Pologne. Les bruits de bottes se faisant de plus en plus menaçants, l'or retrouve sa fonction de « temps de guerre » : permettre d’acheter des armes.

Chamberlain, Daladier, Hitler et Mussolini à Munich le .

En 1938, l’Europe est au bord de la guerre, Hitler veut s’emparer des Sudètes, une partie de la Tchécoslovaquie. Les démocraties française et anglaise, alliées de la Tchécoslovaquie s’y opposent. En , Hitler organise à Munich une conférence internationale. Avec son allié italien Mussolini, Il reçoit le Premier ministre britannique Neville Chamberlain et son homologue français Daladier. Les démocraties capitulent devant les dictatures et demandent à la Tchécoslovaquie de céder. Beaucoup pensent que la paix est sauvée, d’autres – comme Winston Churchill – savent qu’Hitler n’en restera pas là et que la guerre est inéluctable.

En 1939, les coffres de la Banque de France comptent 2 500 tonnes d’or. La France compte possède alors le deuxième stock d’or au monde, derrière les États-Unis. La réserve d’or de la France est gardée par la Banque de France. Créée en 1800 par Napoléon Bonaparte, la Banque de France est encore — en 1940 — une institution privée, et ce statut particulier où ni l’État ni les actionnaires ne détiennent la totalité des pouvoirs jouera un rôle important.

Au printemps 1939, l’Europe est au bord de l’embrasement. Se sentant menacées, la Belgique et la Pologne confient leurs réserves d’or à la France. La même année, on rapatrie toutes les réserves d’or situées dans une cinquantaine de succursales (à l’exception de celle présente dans « La Souterraine ») à proximité des ports de Toulon, Brest et Le Verdon.

Le , les armées d'Hitler envahissent la Pologne. Le , le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l’Allemagne et l’armée est mobilisée. Commence alors une période qui va durer jusqu’en , pendant laquelle rien ne se passe. Les ennemis se font face sans bouger, c’est la « drôle de guerre ».

La Banque de France en profite pour accélérer l’évacuation de ses stocks d'or. Au moment de la déclaration de guerre, il reste encore 620 tonnes d’or dans « La Souterraine ». Le plan d'évacuation de la salle est mis en place dès septembre 1939 et, en l’espace d’un mois, tout l’or est évacué du siège de la Banque. L’opération est complexe, elle nécessite 35 convois, avec un total de plus de 300 camions. Cette logistique est néanmoins exécutée sans trop de difficultés, la Banque de France ayant l’habitude de procéder à des transferts d’or à l’intérieur du pays.

Le , les États-Unis se déclarent neutres. Ils décrètent l'embargo sur toutes les livraisons d’armes aux belligérants. Cette situation touche surtout la France et le Royaume-Uni qui se fournissent en armes et en matériel auprès des États-Unis. Pour contourner l'embargo, le président américain Franklin Delano Roosevelt fait voter par le Congrès la loi du Cash and Carry, obligeant les pays souhaitant acheter des armes à le payer comptant, en dollars, et à le rapatrier par leurs propres moyens et à leurs risques et périls.

Premières évacuations

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Quand la Banque de France envisage de transférer l’or, elle se tourne vers la Marine et on demande à l'amiral Gensoul, à la tête de la Force X, quels étaient les navires les mieux adaptés. L’état-major pensait que s’étaient les cuirassés, l’amiral Gensoul n'est pas de cet avis et pense que les croiseurs rapides étaient à privilégier, dans la mesure où ils représentaient une cible difficile pour les sous-marins.

Entre et , la Marine nationale convoie 403 tonnes d’or en dehors du territoire français. La plus grande partie via Halifax, au Canada, à destination de la Réserve fédérale de New-York, aux États-Unis. Ces convois à travers l’océan Atlantique se font sous la menace permanente des U-boots, les sous-marins allemands. Par sécurité, on ne transporte que 100 tonnes à la fois. Onze navires, croiseurs et cuirassés, protégés par des contre-torpilleurs, sont mobilisés.

Lucien Lamoureux, Ministre des Finances (ici en 1929).

Les opérations se poursuivent jusqu’à la débâcle de mai-juin 1940.

Le Ministre des Finances Lucien Lamoureux avait expliqué au Président du Conseil Paul Reynaud, lors d’un Conseil des ministres, qu’il fallait évacuer l’or. Ce dernier refuse en avançant que cela donnerait une mauvaise image à l’opinion publique et risquait d’engendrer de la panique parmi la population. Lamoureux passe outre ce refus et poursuit néanmoins les opérations d’évacuation. Il dira dans son Journal, « ma résolution était prise, j’évacuerai l’or tout de suite et sous ma seule responsabilité. Conformément à ce que je pensais, l’opération se poursuivit sans provoquer aucune réaction de la part de mes collègues du gouvernement. Il en fut ainsi jusqu’au dramatique Conseil des ministres du 27 mai. L’armée belge venait de capituler. Pendant le Conseil, Paul Reynaud me fit passer une note sur laquelle il avait crayonné “où en êtes-vous avec l’évacuation de l’or ?”. C’était la preuve que le Président du Conseil était au courant et qu’il m’avait laissé faire ».

Le , le porte-avions Béarn part de Toulon avec 195 tonnes d'or, il rejoint au large des Açores les croiseurs Jeanne d'Arc et Émile Bertin, partis de Brest le avec 210 tonnes d'or. Les trois navires atteignent Halifax le . L'or est remis aux autorités canadiennes, seul l’Émile Bertin repart pour Brest. Ce croiseur est alors le navire militaire le plus rapide au monde avec une vitesse de pointe de 40 nœuds (74 km/h). Il est surnommé le « lévrier des mers ». Cela ne sera pas négligeable car le temps presse : les nouvelles du front sont très mauvaises.

L'évacuation des dernières tonnes

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L'évacuation des dernières tonnes est confiée à des salariés de la Banque de France : René Gontier, Édouard de Katow, Gaston Lacroix, Félix Stiot et Charles Moréton, entre autres, joueront un rôle central dans ces opérations.

Vers le Maroc

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Charles Moréton, alors âgé de 49 ans, s'occupera de l'évacuation vers les États-Unis et le Maroc d'une partie de l'or de la Banque de France. Le , Moréton se rend au port du Verdon, en Aquitaine, avec pour mission d'acheminer de l'or jusqu'à Casablanca. Il raconte dans son Journal : « Nous arrivons au port le à 11 heures, deux douaniers très intrigués par notre remue-ménage à proximité d'un navire de guerre, nous pressent de questions afin de savoir ce que nous embarquons. À bout de patience, je leur déclare que j'embarque de l'or, ce qui n'était un mystère pour personne. “Votre autorisation n'est pas en règle, vous ne chargerez pas!” et il se met en travers, révolver sorti pour nous empêcher de passer. Je fais signe au lieutenant de vaisseau qui s'amusait de la scène, il envoie deux solides lascars qui ceinturent les douaniers et les enferment ». Enfin chargé, le , le paquebot Ville d'Oran transformé en navire auxiliaire de la Marine française transport 212 tonnes d'or vers Casablanca.

Lucien Lamoureux écrira dans Mes souvenirs « Le Président Roosevelt avait marqué ses inquiétudes au sujet de l'or français qu'il souhaitait voir entreposé aux États-Unis ». Arrivé au Maroc, Moréton supervise le transbordement de l'or du Ville d'Oran au croiseur de l'US Navy, l'USS Vincennes chargé de transporter l'or à New-York. Au même moment, d'âpres négociations opposent Français et Américains. Lamoureux continue « Morgenthau, le secrétaire américain aux Finances, entendait garder notre or aux États-Unis et nous remettre des dollars en contrepartie. C'était inacceptable! Après nous avoir appauvri, les Américains pourraient financer leur propre guerre avec notre or. Ils ignoraient la philanthropie. Le , Paul Reynaud téléphone à l'ambassadeur pour lui dire que nous ne remettrions pas d'autre or aux bateaux américains. »

Vers le Canada et les États-Unis

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L'avance des divisions allemande est suivie avec angoisse, très vite les hommes de la Wehrmacht ne sont plus qu'à quelques jours de marche des ports de l'Atlantique. Le , l’Émile Bertin repart de Brest avec à son bord 255 tonnes d'or, c'est le plus gros transfert réalisé par un seul bateau. À terre, l'ordre est donné d'évacuer en urgence les 750 dernières tonnes d'or entreposées au fort de Portzic afin de les acheminer au port de Brest. Cela représente 16200 caisses et sacoches. Le laps de temps est très court. À la mi-juin 1940, l'Allemagne a remporté la campagne de France, ses troupes entrent dans Paris et traversent la Seine. Félix Stiot, alors âgé de 50 ans, est un agent de la Banque de France. Il va diriger plusieurs convois et revenir en France le . Il sera arrêté pour avoir quitté le pays après l'Armistice, avant d'être libéré suite à l'intervention d'un dirigeant de la Banque de France. À Brest, 150 marins de la DCA (Défense contre les aéronefs), ainsi que 150 hommes de corvée sont mis à sa disposition pour procéder au chargement. Dans son journal, il écrit « Les différents trains au fur et à mesure des arrivées étaient dirigés sur l'arsenal et les colis débarqués rechargés sur des camion et transportés au fort de Portzic, à 7 kilomètres. » Le lieutenant de vaisseau Bigenwald et les hommes de la DCA reçoivent la mission de charger l'or sur les navires, pour cela ils doivent trouver des camions, de l'essence et autres moyens logistiques nécessaires. L'évacuation se fait en urgence. René Gontier, du secrétariat général de la Banque de France, alors âgé de 41 ans, est envoyé pour superviser le chargement à Brest (Stiot est chargé du transport vers le port et Gontier de l'embarquement sur les navires). Les divisions de la Wehrmacht du général Hoth sont à 400 kilomètres de Brest et la Luftwaffe bombarde déjà la rade de Brest. Le 16 juin, à 16 h, Gontier reçoit un télégramme de l'Amirauté, le chargement est commencé immédiatement. Je reviens à l'arsenal, on travaille jusqu'à 23 h. Le lendemain matin, Félix Stiot écrit à h 30 le  : « le danger se précisant, les sorties se poursuivirent sans arrêt de plus en plus vite, souvent sous le feu des bombardements et des mitrailleuses des avions allemands. » À h 30, le même jour, Gontier poursuit : « le chargement est effectué avec 6 camions, 1 500 kilos en tout. Je demande des camions à l'amiral, il n'en a pas. J'insiste, à ce rythme là il faudra huit jours pour charger. » Félix Stiot : « chaque voiture était convoyée par un garde mobile. Les camions réquisitionnés étaient insuffisants en nombre et en tonnage pour permettre un embarquement rapide. Heureusement, onze grands camions de cinq à six tonnes, abandonnés par l'armée anglaise ont été récupérés et remis rapidement en ordre de marche. Sans ces camions anglais, il eut été impossible de terminer l'embarquement à temps. » A quai est amarré le Ville d'Alger, prêt à partir. Cependant, les camions n'arrivent toujours pas. René Gontier retourne au Portzic. Le , la France est sous le choc, le maréchal Pétain annonce à la radio la capitulation et la France et qu'il a demandé aux Allemands l'Armistice. Cependant, il s'en suit une courte période de flottement. Suite aux injonctions de l'amiral Darlan à poursuivre le combat, les ordres du maréchal Pétain ne sont donc exécutés ni par les militaires, ni par les salariés de la Banque de France (institution privée). Les efforts de chargement sont portés sur le El Djezaïr, des alertes empêche l'embarquement qui n'est terminé qu'à h le mardi matin. 203 tonnes ont été chargées. Gontier est bloqué deux heures sur le navire en raison des alertes : aux largages de mines répondent les tirs de la DCA. Le à 23 h, Felix Stiot écrit « étant donné le retrait imprévu des gardes mobiles, gendarmes où maîtres qui convoyaient les camions, des marins volontaires se mirent au volant des camions anglais. Les hommes auraient pu flancher sous l'effet de l'énervement et de la fatigue, d'autant plus que nous avons dû opérer dans des conditions dangereuses, souvent sous le feu des avions ennemis et même de notre propre DCA. »

Le à h, le chargement commence sur le Ville d'Alger. Le El Jezaïr quitte le quai, le El Mansour prend sa place. A h, le quai Laninon à quelques centaines de mètres et la route reliant le port au fort de Portzic sont bombardés. Au Portzic, le chargement est accéléré, les camions sont en nombre suffisants mais l'on manque de porteurs. René Gontier demande à l'amiral de lui fournir plus d'hommes, le chargement devant être fini à 18 h.

Vers le Sénégal

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Notes et références

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Voir aussi

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Sources et bibliographie

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  • Lucien Lamoureux, « Le sauvetage de l'or en 1940. », Revue des deux mondes,‎
  • Didier Bruneel, « La bataille de l'or : 1932-1940 », Cahiers Anecdotiques de la Banque de France, Banque de France, no 27,‎ (ISSN 1288-7064, lire en ligne)
  • Adolphe Lepotier, La bataille de l'or, Fayard,

Articles connexes

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Liens externes

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  • Adolphe Lepotier, Évacuation d'une partie du stock d'or de la Banque à la Martinique, Historama, juillet 1973 [lire en ligne]
  • Pierre Negrier, La Banque de France pendant la guerre 1939-1945, [lire en ligne]