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BERNARD BRANCARD

Batteur percussionniste réunionnais né le 29 septembre 1952 dans une case en paille à Sainte Clotilde. Ses racines proviennent du Sud Malgache, "dans la brousse" du côté maternel, et du Mozambique côté paternel: Assi Tianga, c'est le nom de ses ancêtres. Une généalogie qui lui sera confirmée à ? ans au cours d'une tournée aux Seychelles où il accompagnait Ti Fock.

Bébé musicien

Très tôt il "bat' su la moque en tôle": des boîtes de conserve et autre ferraille. Il entraîne son "bann dalons" de l'époque. Très vite, il veut accompagner l'orchestre familial qu'il voit partir à chaque fois sans lui- c'est un souvenir cuisant. Des nuits entières il écoute les tambours malbars qui répètent leur prochaine marche sur le feu. Issu d'une famille de musiciens dans une île très marquée par les traditions musicales, il joue sur des bongos vers 7 ans aux côtés de ses frères aînés. Monsieur Félix leur père, joue de la guitare hawaïenne et cherche les contrats. Le petit Bernard se fait raccompagner malgré lui le soir pour se rendre à l'école le lendemain. Il n'est pas autorisé à jouer sur la batterie traditionnelle, la batterie zaz fabriquée par son père, qu'il emprunte en cachette quand celui-ci part au travail.

Avec des dalons*, ils traversent les champs de canne, dans la grande montée, et font des kilomètres à l'écoute de la grosse caisse pour se diriger vers le mariage du jour où joue l'orchestre. Une nuit, il fugua par le nacot pour rejoindre l'orchestre qui jouait à proximité, celui de Narmine Ducap, et enfin grimpa sur la batterie. Le lendemain matin commença la renommée du "batteur fou". Le gamin défrayait la chronique devant la boutik, mais son père surprenant par hasard la conversation, lui colla au retour une mémorable raclée. Qu'importe, Bernard repartit marron. Et à dix ans il faisait enfin partie du convoi familial.
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Son premier mentor c'est Michel Brancard, son frère aîné, accordéoniste virtuose, qui d'un regard le met sur les rails. A l'âge de 12 ans Bernard est déjà un musicien professionnel, rémunéré comme ses collègues, mais les contraintes éducatives lui pèsent car le jeune garçon fougueux ne veut pas s'arrêter de jouer.

A 13 ans, remarqué par Narmine Ducap qui a la particularité de jouer des nouveautés comme les shadows, ou la bossa nova, il apprend au contact de musiciens chevronnés et remplace parfois le batteur. A 14 ans il devient le batteur officiel de l'orchestre émérite de la ville de Saint-Denis, les Play-Boys, dirigé par Jules Arlanda qui enseigne à ses musiciens le solfège. Mais Bernard, qui reproduit immédiatement à l'oreille les nouveaux rythmes, refusera toujours d'apprendre le solfège et se définit comme un musicien autodidacte.

Il rencontre Alain Peters dans l'orchestre Les Rangers dirigé lui aussi par Jules Arlanda. Ils ont le même âge mais ils attendront 5 ans pour jouer ensemble dans Pop Décadence. Entre temps, il continue d'accompagner son frère accordéoniste, écluse les autres orchestres, les "surboums", les "bals crasés, bals poussièr", mariages "salle verte", bœufs en tout genre, très à l'aise dans tous les rythmes et toujours à la recherche de la modernité musicale.

A 17 ans il est repéré par Ange Japhet ("Il était tout timide, un gamin sur une batterie quelconque dans un baptême aux Camélias, et alors j'ai eu le coup de foudre. Il a aussitôt intégré le Club Rythmique avec nous") Car les frères Sylvin et Justin Marc, avec Dell Rabenja et Ange Japhet suivis de Willy sont arrivés de Madagascar en 1969, et ils vont révolutionner avec lui le Club Rythmique dirigé par Jean-Jacques Cladère. C'est la vague du Rythm and Blues qui entre en force. Peu après surgit le groupe Les Melons, un trio de choc formé par Willy à la guitare et au chant, André Massena à la basse, et Bernard Brancard à la batterie. C'est l'époque de James Brown et de Jimi Hendrix. Une révolution musicale sans précédent va se jouer avec Bernard et quelques autres musiciens précurseurs du maloya électrique. Il n'est pas encore majeur qu'il s'embarque à Madagascar avec les frères Sylvin et Justin Marc, Dell et Ange Japhet, ses parents ont signé une autorisation de sortie de territoire pour sa première tournée.

A La Réunion, le chanteur Marcel Amont entend Les Melons lors d'un concert au Jardin de l’État. Bouleversé de sa trouvaille il souhaita, en vain, les mettre avec lui dans l'avion. Devant le Score du Chaudron, ils jouent un jeu progressif, influence Billy Cobham ++

Il effectue son service militaire à Madagascar en 1972. Là encore il trouve le moyen de s'échapper, pendant son tour de garde, pour aller jouer dans un orchestre à proximité de la caserne. Un mois de "trou" et tous ses permis lui sont retirés. A son retour, son grand amour avec une jeune réunionnaise, métisse chinoise et mère de son premier enfant, est anéanti pour des raisons de couleur de peau et d'appartenance ethnique.

Il intègre le groupe Pop Decadence qui prend son essor avec Alain Peters, déjà charismatique. Le poète bassiste l'affuble d'un "petit nom gâté" connu d'eux seuls, dans une amitié authentique. Leur musique de prédilection c'est le Hard Rock. Ils reconstituent à l'oreille des sons envoyés d'Angleterre par le cousin d'Alain Peters, sur des disques vinyls contemporains et révolutionnaires comme les Beattles, Led Zeppelin, Pink Floyd ... Les bals se transforment alors en concerts improvisés. Des policiers surveillent les débordements lors des concerts, les fans sont nombreux, de tous les âges. Le vent de Woodstock souffle sur l'île embarrassée de son passé esclavagiste, au maloya longtemps proscrit.

Puis René Lacaille forme avec Alain Peters et Bernard Brancard le groupe mythique Les Caméléons, du jazz-rock, qui comprend les musiciens Hervé Imard, Joël Gonthier et ensuite Alain Loyd Elrich.

Pantalons pat'd'eph, chemises à fleurs, touffes afro, brassage des cultures avec une bande de métropolitains férus de jazz, et zamal à gogo... C'est une période de créativité exceptionnelle, de vie en communauté, avec le studio Royal de Saint-Joseph à leur disposition. Ils y enregistrent "la rosée su feuille songe", composition d'Alain Peters, chantée par Hervé Imard. Ils accompagnent aussi des artistes locaux comme Michou, et ils n'ont de cesse d'expérimenter de nouveaux sons psychédéliques qui font de cette période la plus féconde de toute l'histoire musicale de l'île.

Son amie psychiatre Joëlle Delorenzi l'encourage à venir le rejoindre dans le Sud de la France et c'est un nouveau virage dans sa vie de musicien. Basé à Oloron Ste Marie, il recherche à Pau des musiciens, rencontre le guitariste Pierre Aparicio qui partage avec lui des bals et du bon temps, et lui présente le bassiste Akim Bournane avec qui Bernard se lie d'amitié. Ces deux-là jouent avec André Minvielle, accompagnent aussi Edmond Zabal, avec Thierry Eliès, Jean-Marie Ecay, Philippe Leogé... En même temps les amis mélomanes de Bernard lui offrent des quantités de livres et de disques sur le jazz. Il découvre d'abord Oscar Peterson, une influence majeure, mais son épiphanie sera définitivement la musique de John Coltrane.

Il joue dans la rue quand le manager de la compagnie Lubat vient le recruter là où il va faire ses premières armes dans le jazz. Sans jamais faire de plan de carrière il y croise les grands noms du jazz, et ses nuits sont blanches à cause de la musique. "Je n'en dormais pas, la musique était sur moi. C'était très difficile". C'est pour lui l'occasion de faire le bœuf avec Don Cherry, Michel Portal, Louiss Clavis, Henry Texier, Robert Charlebois… Il intervient dans Uzeste Musical avec le djembe-fola Adama Dramé, et joue aussi dans l’orchestre gascon d'Alban Lubat.

Le jazzman multi-instrumentiste Bernard Lubat est dur avec lui, avec tous ses musiciens, mais il l'incite à développer son style unique et à "passer la rampe". Malgré sa grande timidité, Bernard exprime enfin son blues à l'avant-scène, claquettes, danse et chant: sa Négritude. Les tournées s'enchaînent en Europe cependant qu'il part vivre à Paris pour quelques années. Là il rencontre le saxophoniste Bruce Grant qui l'invite chez lui à faire le bœuf. En 1982 quand il passe à la télé avec Lubat dans l'émission l'écho des bananes, retransmise à La Réunion, son père Félix est sidéré. Jamais il n'aurait imaginé que la batterie soit un instrument de musique à part entière, lui qui l'encourageait à apprendre l'accordéon comme son frère.

Les tournées s'enchaînent en France et en Europe, c'est une période agitée, Bernard joue aussi parfois avec Akim Bournane pour le groupe d'André Minvielle qui chante alors des reprises d'Al Jarreau. Passé près de trois ans d’intermittence délirante, il quitte la compagnie et intègre pour un an le groupe de jazz-rock Black Label de La Rochelle, emmené par Patricia Ouvrard. Ils sont en tournée en Italie et croisent Daniel Humair sur le même festival. C'est lui qui donne à Bernard son premier vrai conseil technique en matière de jazz, à propos des cymbales.

A Bordeaux au début des années 90, il se met à composer sur une guitare, dans des conditions de vie difficiles: "dans une cave avec des rats". Il ne lâche pas l'affaire, prend un an pour fonder son groupe Zambrocal, avec le bassiste Eric Duboscq et le guitariste Philippe Bayle, deux musiciens qu'il a formé au séga et au maloya "parce-qu'ils veulent apprendre". Il vend sa "mazurka créole" pour survivre.

A Toulouse il est le batteur de Bernado Sandoval;