Utilisateur:Pétronille93/Brouillon

Le syndrome de privation langagière (SPL), traduit de l'anglais "Language deprivation syndrome"[1] [2]est un trouble qui touche exclusivement les personnes nées sourdes ou devenues sourdes avant l'acquisition du langage. Il est décrit en 2014 par le Dr Sanjay Gulati lors d'une conférence à l'université de Brown.[3]

Quelques articles et un livre détaillent ensuite le SPL. Le trouble s'explique par un manque d'exposition à une première langue lors du développement sociocognitif du bébé sourd. Les personnes sourdes pré-linguales ont dans 95%[4] des cas des parents entendants que ne connaissent pas la langue des signes[5]. L'approche dite "oraliste" et "réparative" à travers l'implantation cochléaire qui tend à redonner la parole articulée aux sourds et à mettre de côté la langue des signes est ici mise en avant[6]. La description du SPL s'inscrit dans le mouvement qui tend à dénoncer l'automatisation de l'implantation cochléaire dans la prise en charge des jeunes sourds tandis que la langue des signes est rarement proposée ni même accessible.

Toutefois, le SPL n'est pas un trouble récent. Il a longtemps été décrit par les psychiatres qui défendaient l'idée d'une prise en charge à part dans la santé mentale des sourds. Terje Basilier, dans son article "Surdophrenia"[7] parle d'un trouble qui ne touche que les sourds, la "sourdophrénie" une sorte de maladie psychique ressemblant à de la schizophrénie sans en être. Il aborde quelques cas clinique de patients et met en lumière leur difficulté évidente à s'exprimer ainsi qu'à être compris par le clinicien et à comprendre les questions du clinicien. Il en vient à en conclure que la méthode gestuelle semble plus appropriée pour l'entretien clinique. *

Il faut attendre 2017, avec un article qui propose un nouveau paradigme dans le champ de la surdité et de la santé mentale des sourds. A travers une métanalyse des données clinique et développementales, Hall, Levin et Anderson exposent l'idée que les sourds, privés d'une langue première et naturelle qu'est la langue des signes, tendent à développer des troubles psychiatriques invalidants[8]. Ils développement des critères diagnostic spécifiques au SPL.

A. La personne est née avec une surdité suffisamment sévère pour empêcher la capacité à comprendre la langue orale ou encore l’enfant devient sourd, avant l’acquisition de la langue orale.

B. La perte auditive ne peut pas être suffisamment améliorée pour que la personne soit capable d’acquérir et de comprendre la langue orale de manière efficace.

C. L’enfant n’est pas suffisamment exposé à la langue des signes (l’auteur avait indiqué seulement « ASL » mais toutes langues des signes entrent ici en compte), afin de l’acquérir comme 1ère langue.

D. La personne présente des troubles sévères du langage dans la modalité de sa langue de préférence, que ce soit dans la réception, l’expression ou les deux. Ces troubles sont évalués par des tests objectifs ou déterminés lors d’évaluations d’experts de cette langue. La personne est pratiquement analphabète dans la langue dominante écrite. Si la personne a une préférence pour la modalité de la langue signée, les déficits suivants peuvent être observés :

i. Vocabulaire très pauvre, ainsi que des signes utilisés avec un sens erroné.

ii. Absence ou utilisation minimale des règles de grammaire, de vocabulaire pour les temps, d’où une incapacité à rendre la restitution d’un récit logique avec une succession d’événements.

iii. La personne communique principalement avec des signes ou des séquences de phrases, plutôt qu’avec des phrases complètes. Lorsqu’elles existent, les structures de phrases sont simples.

iv. La personne oublie souvent le sujet et/ou l’objet ou les restitue au hasard, exprimant difficilement qui a fait quoi et à qui.

v. En langue des signes, les placements et les mouvements sont utilisés au hasard, générant un message visuel désorganisé et incohérent.

E. Depuis l’enfance, l’enfant montre des patterns problématiques généraux sur les plans comportementaux, sociaux et émotionnels comme de l’agressivité, de l’automutilation, un manque important de compétence sociale et de mauvais résultats scolaires.

F. La personne montre un déficit important de culture générale (ex : normes sociales, connaissances de l’Histoire, de la politique, des événements actuels, des droits et des devoirs des citoyens).

G. A l’âge adulte, la personne présente de grandes difficultés à développer des compétences professionnelles, en particulier dans le domaine relationnel et comportemental, ainsi que dans l’apprentissage de l’autonomie."

H. La personne a au moins 14 ans.

I. La personne ne souffre pas d’un retard mental, de schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique. Si la personne est adulte, elle n’a pas de trouble des conduites ni de trouble de la personnalité antisociale."

  1. (en) Wyatte C. Hall, Leonard L. Levin et Melissa L. Anderson, « Language deprivation syndrome: a possible neurodevelopmental disorder with sociocultural origins », Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, vol. 52, no 6,‎ , p. 761–776 (ISSN 0933-7954 et 1433-9285, PMID 28204923, PMCID PMC5469702, DOI 10.1007/s00127-017-1351-7, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) « Language Deprivation and Deaf Mental Health », sur Routledge & CRC Press (consulté le )
  3. « Language Deprivation Syndrome Lecture » (consulté le )
  4. (en) « (PDF) Chasing the Mythical Ten Percent: Parental Hearing Status of Deaf and Hard of Hearing Students in the United States », sur ResearchGate (consulté le )
  5. (en) « Today is #ASLDay, but how is it used In today's society? », sur Newsweek, (consulté le )
  6. (en) Julia L. Hecht, « Responsibility in the Current Epidemic of Language Deprivation (1990–Present) », Maternal and Child Health Journal, vol. 24, no 11,‎ , p. 1319–1322 (ISSN 1573-6628, DOI 10.1007/s10995-020-02989-1, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Terje Basilier, « Surdophrenia », Acta Psychiatrica Scandinavica, vol. 39, no S180,‎ , p. 363–372 (ISSN 1600-0447, DOI 10.1111/j.1600-0447.1964.tb04948.x, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Wyatte C. Hall, Leonard L. Levin et Melissa L. Anderson, « Language deprivation syndrome: a possible neurodevelopmental disorder with sociocultural origins », Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, vol. 52, no 6,‎ , p. 761–776 (ISSN 1433-9285, PMID 28204923, PMCID PMC5469702, DOI 10.1007/s00127-017-1351-7, lire en ligne, consulté le )