Antiquités de sang
Les antiquités de sang, ou antiquités du sang, sont les biens du patrimoine culturel pillés pour financer le terrorisme sur les sites archéologiques de pays en conflit armé.
Terminologie
modifierL’expression « antiquités de sang » (ou « antiquités du sang ») est calquée sur celle des « diamants de sang » extraits « par une population asservie, au moyen de la force et de la peur pour le compte d’organisations rebelles en conflit avec des gouvernements légitimes » pour financer les guerres civiles de pays africains. Elle désigne ici les objets du patrimoine culturel, artéfacts, œuvres d'art et autres biens culturels du mobilier archéologique datant de la période du Proche-Orient ancien, pillés pour financer le terrorisme sur les sites antiques de pays du Moyen-Orient en conflit armé[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
Contexte
modifierEn 2001, la communauté internationale s'émeut de la destruction, « au nom d’un puritanisme islamique intransigeant », des Bouddhas de Bâmiyân par les talibans. Dix ans plus tard, l'explosion du Printemps arabe est suivie, à la faveur des guerres qui se déroulent dans la région du Proche-Orient ancien, berceau de la civilisation mésopotamienne (Irak, Libye, Syrie, Yémen), de l'Hiver islamiste qui favorise l'émergence d'autres groupes djihadistes au premier rang desquels les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'État islamique dans ces différents pays[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
Si la motivation de la destruction des Bouddhas de Bâmiân ou des mausolées de Tombouctou au Mali en 2012 peut paraître religieuse (combat contre l'idolâtrie), elle est cependant propagandiste et une démonstration de force à l'adresse des pays non islamistes. De même, la dimension religieuse de la destruction et du pillage des sites antiques du Croissant fertile est d'autant plus mise à mal qu'il ne s'agit plus ici d'éradiquer l'idolâtrie proscrite mais d'en tirer profit[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
Localisation des pillages
modifierLes antiquités de sang sont pillées sur des sites antiques comme la Cyrénaïque en Libye, Resafa, Palmyre, Apamée ou Doura Europos en Syrie, mais aussi en Irak ou au Yémen[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
Introduction sur le marché de l'art
modifierPillées au détriment du patrimoine culturel des États ou des personnes, le plus souvent de manière violente, les antiquités de sang sont introduites de manière illégale sur le marché de l'art occidental, transitant par la Turquie et l'Italie, proposées directement sur Internet ou laissées parfois plusieurs années en dépôt dans les ports francs de Genève, Bangkok ou des Émirats arabes unis avant d'apparaître dans le catalogue de maisons de vente ou la vitrine de galeries d'art et d'être acquises par des collectionneurs privés ou des collections publiques qui participent ainsi, à leur insu ou non, au blanchiment de ce trafic[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
Finalités du trafic
modifierLe trafic des biens culturels est considéré comme le troisième le plus important après ceux de la drogue et des armes. Celui des antiquités de sang constitue en outre près du quart du financement des groupes terroristes et serait, après le pétrole, la deuxième source de revenus de l'État islamique qui délivre contre le versement d'une « dîme » de véritables « permis de fouille » dans les zones qu'il contrôle[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
En 2020, l'ONG Global Initiative Against Transnational Organized Crime estime dans un rapport que, en 2015, « sur les revenus annuels de l'EI, estimés à entre 2,35 et 2,68 milliards de dollars, 20 millions de dollars provenaient du trafic d'antiquités et de la taxation »[10].
Conséquences pour le patrimoine culturel
modifierOutre la destruction ou le saccage des sites archéologiques eux-mêmes, le détachement des artéfacts de leur lieu d'origine sans documentation, leur dissimulation durant parfois des décennies dans des ports francs, leur circulation dans une multitude de collections privées, servant à la fabrication de faux certificats de provenance, constituent une perte irrémédiable pour la connaissance de l'histoire de l'humanité et pour le patrimoine culturel des pays d'origine[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14].
Lutte contre le pillage et le trafic
modifierNotes et références
modifier- (en) Janine di Giovanni, Leah McGrath Goodman, Damien Harkov, « How Does ISIS Fund Its Reign of Terror? », Newsweek, (lire en ligne)
- Entretien avec Michel Al-Maqdissi et Jean Claude Gandur, « Syrie, Irak: antiquités du sang », sur radiofrance.fr/franceinter,
- Cécile Michel, « Une bibliothèque numérique des textes cunéiformes », Pour la science, (lire en ligne)
- Marie Viennot, « La lutte infinie contre les antiquités du sang », sur radiofrance.fr/franceculture,
- « Le trafic des antiquités du sang ou le pillage par Daech », sur radiofrance.fr/franceinter,
- Olivier Tosseri, « Quand la mafia apporte son soutien à Daech », Les Échos,
- Françoise Benhamou, « Le patrimoine, bien public global », dans Économie du patrimoine culturel, Paris, La Découverte, coll. « Repères », , 126 p. (ISBN 978-2-348-04362-8, BNF 45822927, lire en ligne), p. 97-110
- Agnès Bardon et al., « Trafic illicite des biens culturels, 50 ans de lutte », Le Courrier de l'UNESCO, octobore-novembre 2020, p. 4-29 (lire en ligne)
- Pierre Ropert, « Facebook, marché noir pour la vente d'"antiquités de sang" », sur radiofrance.fr/franceculture,
- Le Figaro avec l'AFP, « L'Irak, tragique croissant fertile du trafic des antiquités », Le Figaro, (lire en ligne)
- Vincent Charpentier, « "Antiquités du sang", quand pillage et pandémie font bon ménage ! », sur radiofrance.fr/franceculture,
- Marine Bonnard, « Le trafic illicite de biens culturels dans le cadre de la guerre civile syrienne : Une mosaïque byzantine à Palmdale, étude de cas » [PDF] (Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de Maîtrise ès arts (M.A.) en histoire de l'art), Université de Montréal,
- Pierre de Cossette, « La traque des "antiquités de sang", des zones de guerre tenues par Daech jusqu'à l'arrière-boutique d'antiquaires indélicats », sur francetvinfo.fr,
- Morgan Belzic, « Tous coupables ? L'exemple du trafic des sculptures gréco-romaines de Libye : un marché des antiquités fragilisé », sur youtube.com,
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Patrimoine culturel
- Protection du patrimoine culturel
- Droit international de la protection des biens culturels en cas de conflit armé
- Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit
- Convention de La Haye (1954)
- Comité international du Bouclier bleu
- Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels
- Convention d'UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés
- Conseil international des monuments et des sites
- Conseil international des musées
- Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels
- Diamants de sang
Bibliographie
modifier- Ian De Toffoli, « Tiamat », dans Trilogie du Luxembourg, Paris, L'Espace d'un instant, , 174 p. (ISBN 978-2-37572-043-1, BNF 47081420)« le business des antiquités de sang venues du Proche-Orient, rendu possible par l'opacité de structures financières et logistiques du Luxembourg ».
- Francesca de Micheli, Antigone Mouchtouris, Le patrimoine de l'autre : dynamique sociale d'une ingérence culturelle, Paris, Éditions Le Manuscrit, coll. « Topos », , 160 p. (ISBN 978-2-304-04776-9, BNF 45782847, lire en ligne)
- Morgan Belzic, « Les sculptures funéraires de Cyrénaïque sur le marché de l'art », Libyan Studies, Cambridge University Press, no 48, , p. 105-116 (DOI 10.1017/lis.2017.12, lire en ligne)
- Denis Boulard, Fabien Piliu, L'argent de la terreur : enquête sur les trafics qui financent le terrorisme, Paris, First éditions, coll. « First document », , 301 p. (ISBN 978-2-7540-8351-5, BNF 45158802, lire en ligne)
Liens externes
modifier- UNESCO, « Avez-vous déjà entendu parler des "antiquités de sang"? », sur youtube.com
- « Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l'humanité : Rapport sur la protection du patrimoine en situation de conflit armé, remis au Président de la République par Jean-Luc Martinez, Président-directeur du musée du Louvre » [PDF], sur culture.gouv.fr,
- « Patrimoines en danger : Textes de référence », sur culture.gouv.fr
- « Base de données des Listes Rouges », sur icom.museum
- « Sur la piste des œuvres antiques », sur ventesdantiques.inha.fr
- « Répertoire des ventes d'antiques en France au XIXe siècle », sur agorha.inha.fr
- « Répertoire des ventes d'antiques en France au XIXe siècle », sur venteantique.hypotheses.org