Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain
L'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP) est une association française (loi de ) créée en , quelques semaines après la mort de Philippe Pétain.
Fondation |
---|
Sigle |
ADMP |
---|---|
Forme juridique |
Association déclarée |
Domaine d'activité |
Autres organisations fonctionnant par adhésion volontaire (France) |
Siège | |
Pays |
Publications | |
---|---|
Site web |
RNA | |
---|---|
SIREN | |
OpenCorporates |
Historique
modifierComité de
modifierL'ADMP succède à un « comité d'honneur » pour la libération de Philippe Pétain, fondé au printemps , le [1] ou le [2], à l'initiative de ses avocats[3]. Il est présidé par Louis Madelin, membre de l'Académie française. Le général Héring, futur président-fondateur de l'ADMP, est son secrétaire général[4]. Donnant lieu à des protestations d'anciens résistants, notamment un meeting le à la salle Wagram[5] sous la présidence de Rémy Roure[6], il est rapidement interdit.
Au reste Pétain n'en avait pas accepté la constitution car il ne pouvait « accepter que sa mise en liberté soit envisagée ou demandée tant que demeuraient en prison ceux qui n'étaient coupables que d'avoir obéi à ses ordres »[7],[8].
Création de l'ADMP en
modifierAprès la mort de Pétain en , l'ADMP est déclarée le [9] à la préfecture de police de Paris[10],[11]. Néanmoins c'est le , date de publication de l'annonce au Journal officiel[10], qui est généralement retenu comme date de création de l'association[12],[13],[14],[15].
Quelques jours après, le , le député socialiste Daniel Mayer dépose une proposition de résolution « tendant à inviter le Gouvernement à faire rechercher si “l'association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain” ne poursuit pas un objet illicite contraire aux lois et à la justice, ce qui justifierait sa dissolution »[11],[16], résolution qui ne sera finalement pas retenue.
Son comité directeur comprend le général Pierre Héring, son président, Edmond Lefebvre du Prey, ancien ministre, ancien sénateur, et les amiraux Jean Decoux et Jean Fernet, vice-présidents, Louis-Dominique Girard, secrétaire général, l'industriel Gaston Moyse, trésorier, Pierre Henry, ancien préfet, trésorier adjoint, et les avocats de Pétain, Jacques Isorni et Jean Lemaire, membres statutaires[1],[17]. Ces hommes forment le bureau originel de l'ADMP. Le comité directeur comprend encore d'autres personnalités comme le colonel Rémy, ancien résistant gaulliste, Jean Jardel, Paul Estèbe et Roger de Saivre, anciens du cabinet civil de Pétain et députés depuis , Noël Pinelli, ancien député, ancien ministre et futur vice-président de l'ADMP, les généraux Henri Lacaille (d) et Émile Barazer de Lannurien, le philosophe Louis Rougier, l'avocate Odette Moreau, l'explorateur François de Chasseloup-Laubat, le commandant Jean Tracou (d), ultime directeur du cabinet civil de Pétain en , etc.[1]
Son comité d'honneur comprend les académiciens Louis Madelin, Henry Bordeaux, Claude Farrère, Jérôme Tharaud, les généraux Charles Brécard, Julien Dufieux, d'Harcourt, des hommes politiques comme Pierre-Étienne Flandin, Pierre Taittinger ou Gaston Bergery, des personnalités comme Jean Borotra, Jérôme Carcopino ou le colonel Rémy[18].
Condamnation en
modifierL'ADMP est condamnée en par la Cour de cassation pour « apologie de crime de guerre » pour une publicité qu'elle a fait paraître dans Le Monde du [19]. Après une longue bataille judiciaire, l'association obtiendra gain de cause (sans obtenir cependant un franc symbolique à titre de dommages-intérêts) devant la Cour européenne des droits de l'homme le , celle-ci estimant (par l'arrêt Lehideux et Isorni contre France[20]) qu'il y avait eu violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à la liberté d'expression. L'opinion majoritaire chez les juges fut qu'il devait être possible de présenter un personnage, quel qu'il soit, sous un jour favorable et de promouvoir sa réhabilitation — au besoin en passant sous silence les faits qui peuvent lui être reprochés — et que la condamnation pénale subie en France par les requérants était disproportionnée[21].
L'ADMP sort en d'une longue crise au sein de ses instances dirigeantes[22].
Objectifs et vie de l'association
modifierL'article trois de ses statuts précise les buts de l'ADMP, en résumé :
« poursuivre, par la recherche et la publication de tous documents, l’étude objective de la vie et de l'œuvre du maréchal Pétain, exercer toutes activités en vue de défendre sa mémoire et remettre en honneur les valeurs intellectuelles, morales et spirituelles qu’il a rappelées. L'association participe ainsi à la recherche et à l'établissement de la vérité sur l'Histoire contemporaine, dans le souci de contribuer à l'intérêt général de la nation. »
D'où les principaux objectifs suivants :
- la révision du procès de Pétain, à l'origine sous la direction de l'avocat Jacques Isorni[23], jusqu'à sa mort en ;
- le transfert des cendres de Pétain à l'ossuaire de Douaumont[23] ;
- la réhabilitation de Pétain, ainsi que des valeurs de la Révolution nationale, sous le couvert de la « réconciliation nationale »[23].
À l'origine les dirigeants et les membres de l'association peuvent être divisés en deux groupes de taille inégales : les anti-gaullistes, menés par Jacques Isorni, un des avocats de Pétain, qui ne pardonnent pas l'épuration et la politique algérienne du général de Gaulle, et quelques « pétaino-gaullistes », comme le colonel Rémy[23].
L'ADMP s'est aussi exprimée sur les questions d'actualité, sur l'Indochine et l'Algérie française, et sur le pouvoir gaullien après [24].
L'association fait paraitre un petit bulletin trimestriel de à [25]. L'organe principal de l'association devient en la revue mensuelle Le Maréchal[26], publiée à Marseille à partir de . À cette publication s'ajoute brièvement, en , La Voix du Maréchal[27].
L'association a son siège social au 5 rue Larribe à Paris.
L'ADMP affirme n'avoir « jamais eu et ne saurait avoir des relations avec les associations développant des thèses à caractère xénophobe ou faisant l'apologie de la milice. » Elle prend régulièrement ses distances avec le mouvement ultranationaliste Jeune Nation, ou l'hebdomadaire maurassien Rivarol. L'association dénonce aussi « l'usurpateur [Hubert] Massol » quand il s'affiche avec ces mouvements et revendique son appartenance à l'association. Ce dernier a présidé l'ADMP de 2009 à 2020[28].
Présidents
modifierLes présidents ont été successivement[29] :
- – : général Pierre Héring ;
- – : Jean Lemaire, qui fut l'un des avocats de Pétain ;
- – : général Henri Lacaille (d), qui fut le chef d'état-major du général Huntziger ;
- – : le contre-amiral Gabriel Auphan, ancien ministre de Vichy ;
- – : Jean Borotra, ancien ministre de Vichy ;
- – : Georges Lamirand, ancien ministre de Vichy ;
- – : François Lehideux, ancien ministre de Vichy ;
- (intérim) : Claude Adam (d), premier vice-président, ancien président de l'Union des intellectuels indépendants ;
- – : Aline Ménétrel (d), veuve du docteur Bernard Ménétrel, médecin de Pétain[13] ;
- – : général Jacques Le Groignec, qui a combattu les Alliés dans l'armée de Vichy avant son ralliement après le débarquement américain en Afrique du Nord ;
- – : Hubert Massol, chef du commando qui vola le cercueil de Pétain en , président en de l'Association nationale Pétain-Verdun[30],[31],[32],[33],[34],[35] ;
- – : Roger Barut (d) ;
- Depuis : Jacques Boncompain[36].
Le général Weygand est président d'honneur de l'association jusqu'à sa mort, en [13].
Œuvres de mémoire
modifierL'ADMP est copropriétaire depuis environ de l'appartement de l'hôtel du Parc de Vichy occupé par Pétain de à [37], ce qui donna lieu à une manifestation de protestation d'anciens résistants, menés par des députés gaullistes et communistes[38].
L'ADMP possède aussi sa maison de naissance à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais), ayant pour objectif d'entretenir les lieux historiques où vécut Pétain et possiblement d'en faire des musées privés[39].
Chaque année, des anniversaires rythment l'activité de l'association et sont l'occasion de rassemblements :
- le , anniversaire de la naissance de Pétain, réunion dans la maison natale à Cauchy-à-la-Tour[40] ;
- le , ancien jour de la saint Philippe, prénom de Pétain, et jour de la Fête du Travail qu'il a instaurée en , symbole de l'« œuvre sociale » de Vichy avec la Charte du travail[41] ;
- le , date de la mort de Pétain, pèlerinage sur sa sépulture à l'île d'Yeu[41],[42] ;
- le , veille de l'Armistice de , en raison du rôle de Pétain dans la bataille de Verdun (fêtée la veille pour permettre aux participants d'assister aux cérémonies officielles)[41].
Notes et références
modifier- Cotillon 2003.
- Rousso 1990, annexe 2 « Chronologie indicative ».
- Rousso 1990, p. 58.
- « « Français, vous avez la mémoire courte ! » : Un comité s'est constitué pour la libération de Pétain », Combat, no 1173, , p. 5 (lire en ligne) (membres du comité).
- Michèle Cointet, « Le banquet des Mille », dans Gilles Richard (dir.) et Jacqueline Sainclivier (dir.), La recomposition des droites : En France à la Libération, – (actes du colloque organisé par l'Institut d'études politiques de Rennes et l'université Rennes 2, – ), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 389 p. (ISBN 2-7535-0016-9, DOI 10.4000/books.pur.16324, lire en ligne).
- Michel Fratissier, Jean Moulin, ou, La fabrique d'un héros (texte remanié de Jean Moulin : enjeux et lieux de mémoire, –, thèse de doctorat à l'université Paul-Valéry-Montpellier, sous la dir. de Gérard Cholvy, ), Paris, L'Harmattan, coll. « Mémoires du XXe siècle », , 755 p. (ISBN 978-2-296-55463-4), p. 31 [lire en ligne].
- Rousso 1990, p. 58–59.
- « Pétain ne veut pas de sa libération ! … et le ministre de l'Intérieur ne veut pas qu'on la demande », Combat, vol. 7, no 1184, , p. 1 (lire en ligne), cité par Geneviève Latour et Jean-Jacques Bricaire, Théâtre, reflet de la IVe République : Événements, politique, société, idées, Paris, Bibliothèque historique de la ville de Paris et Association de la Régie théâtrale, , 660 p. (ISBN 2-906869-67-8), p. 66.
- « Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (W751024993) », sur data.gouv.fr.
- « Déclarations d'associations » (annonce no 78 du ), Journal officiel de la République française, no 262, , p. 11023 [lire en ligne sur le site du Journal officiel Associations] [lire en ligne sur Légifrance].
- « Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à faire rechercher si l'association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain ne poursuit pas un objet illicite contraire aux lois et à la justice, ce qui justifierait sa dissolution, présentée par MM. Daniel Meyer, Depreux et les membres du groupe socialiste, députés », Annales de l'assemblée nationale, documents parlementaires, 2e législature (vol. 3), session de , V (nos 1538 à 2327), Paris, Imprimerie des journaux officiels, , annexe no 1539, p. 2817–2818.
- Rousso 1984, p. 112, Rousso 1990, p. 59 et Henry Rousso, « Le souvenir de la seconde guerre mondiale et des persécutions antisémites : Contexte historique et repères chronologiques », Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 48, no 3 « Présence du passé, lenteur de l'Histoire : Vichy, l'occupation, les juifs », , p. 801 (DOI 10.3406/ahess.1993.279173, lire en ligne).
- Fiammetta Venner, Extrême France : Les mouvements frontistes, nationaux-radicaux, royalistes, catholiques traditionalistes et provie (thèse de doctorat en science politique, IEP de Paris, ), Paris, Grasset, , 518 p. (ISBN 978-2-246-66601-1), p. 86.
- Jean-Pierre Azéma, Vichy-Paris, les collaborations : Histoire et mémoires, Paris, Archipoche, coll. « Archidoc » (no 14), , 2e éd. (1re éd. 2012), 381 p. (ISBN 978-2-37735-466-5).
- Serge Barcellini, « Mémoire et mémoires de Verdun – », Guerres mondiales et conflits contemporains, Presses universitaires de France, no 182, , p. 91 (JSTOR 25732329).
- « Daniel Meyer », sur Sycomore, base de données des députés de l'Assemblée nationale.
- « Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain », Rivarol, no 62, , p. 3 (lire en ligne).
- Jean Garrigues, Les hommes providentiels : Histoire d'une fascination française, Paris, Seuil, , 459 p. (ISBN 978-2-02-097457-8).
- Jean-Pierre Le Crom, « Juger l'histoire », Droit et Société, (DOI 10.3406/dreso.1998.1424, HAL halshs-00190970), p. 33–46.
- « Affaire Lehideux et Isorni contre France (55/1997/839/1045) », Cour européenne des droits de l'homme, .
- Patrice Rolland (professeur à l'université de Paris-XII), « Liberté d'expression et apologie de la collaboration : Affaire Lehideux et Isorni () », Cahiers du CREDHO, Centre de recherches et d'études sur les droits de l'homme et le droit humanitaire (CREDHO), Faculté Jean-Monnet, Université Paris-Sud, no 5 « La France et la Cour européenne des droits de l'homme : La jurisprudence de (présentation, commentaires et débats) », , p. 101–118 (HAL halshs-00097790, lire en ligne).
- « Le nouveau Maréchal », Le maréchal, organe de l'ADMP, no 266, , p. 3.
- Rousso 1990.
- Sur l’ADMP et ses prises de position, cf. Rousso 1984.
- « Bulletin - Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain », notice de périodique, Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France.
- « Le Maréchal (Marseille) », notice de périodique, Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France.
- « La Voix du Maréchal », notice de périodique, Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France.
- Maxime Macé et Pierre Plottu, « A Chambéry, des affiches à la gloire de Pétain remettent en lumière un collectif «pour la défense du maréchal» », sur Libération,
- Rousso 1990, p. 59 donne la liste jusqu'à Lehideux. Cotillon 2003 donne la liste jusqu'à Le Groignec.
- Jean-Paul Gautier, Les extrêmes droites en France : De la traversée du désert à l'ascension du Front national, de à nos jours, Paris, Syllepse, coll. « Mauvais temps », , 2e éd., 495 p. (ISBN 978-2-84950-547-2).
- « Les nostalgiques de Vichy rongent toujours le même os », L'Humanité, (consulté le ).
- « L'Association nationale Pétain-Verdun en Pétain à l'île d'Yeu », Le Monde, (consulté le ).
- Jacques Leclercq, Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale, de à nos jours, Paris, L'Harmattan, , 695 p. (ISBN 978-2-296-06476-8).
- Frédéric Plancard, « Messe à Pétain : « Proscrire les fanatismes idéologiques » », L'Est républicain, .
- « M. Hubert Massol », Le Monde, (consulté le ).
- « Jacques Boncompain : nouveau Président pour l'ADMP », sur marechalpetain.com, (consulté le ).
- Philippe Cros, « Vichy : les nostalgiques de Pétain ont rénové sa chambre de l'hôtel du Parc », La Montagne, .
- Paris-presse, L'Intransigeant, 26 avril 1960.
- « Le bureau de Pétain vendu aux enchères à une "association de défense du maréchal" », Le Monde, .
- Jean-Baptiste Malet, Derrière les lignes du Front : Immersions et reportages en terre d'extrême droite, Villeurbanne, Golias, , 267 p. (ISBN 978-2-35472-137-4).
- Rousso 1990, p. 64.
- « L'anniversaire de la mort du Maréchal à l'île d'Yeu », Rivarol, no 81, , p. 2 (lire en ligne).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Jérôme Cotillon, Ce qu'il reste de Vichy, Paris, Armand Colin, coll. « L'histoire au présent », , 251 p. (ISBN 2-200-26382-1).
- Henry Rousso, « Les gardiens du temple », dans Le Syndrome de Vichy, de à nos jours, Paris, Seuil, coll. « Points / Histoire » (no 135), , 2e éd. (1re éd. 1987), 414 p. (ISBN 2-02-012157-3), p. 59–65 [lire en ligne].
- Henry Rousso, « À contre-courant, l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain », dans Alfred Wahl (dir.), Mémoire de la Seconde Guerre mondiale (actes du colloque de Metz, – , organisé par le Centre de recherche histoire et civilisation de l'Europe occidentale de l'Université de Metz), Metz, Centre de recherche histoire et civilisation de l'Europe occidentale (no 16), , 301 p. (ISBN 2-85730-016-6), p. 111–123.
Liens externes
modifier
- Site officiel
- Ressources relatives aux organisations :