Bataille de Lebouirate
La bataille de Lebouirate est livrée dans la nuit du pendant la guerre du Sahara occidental. L'attaque par surprise du Front Polisario met en déroute les soldats d'une unité blindée marocaine, garnison de la base de Lebouirate dans la basse-vallée du Draa.
Date | |
---|---|
Lieu | Lebouirate, Maroc |
Issue | Victoire du Polisario |
RASD | Maroc |
Lahbib Ayoub | Mohamed Azelmat |
150 à 5 000 hommes 100 à 500 véhicules |
600 à 780 hommes[1] |
Inconnues | Au moins 50 morts[1] 18 à 92 prisonniers 51 blindés ~ 20 véhicules |
Batailles
Attaques sur le mur des sables (1980-1991)
Attaques sur le train minéralier Nouadhibou-Zouerate (1975-1978)
Contexte
modifierLe village de Lebouirate, au sud de Zag est en territoire marocain proprement dit. Après l'annexion par le Maroc de Dakhla dans le Río de Oro abandonné par la Mauritanie le , le Polisario décide de porter la guerre en territoire marocain[L 1]. La date de l'attaque précède de peu la conférence des non-alignés à La Havane[2].
Le village est la base du 3e groupe d'escadron blindé des FAR. La base est protégée par 36 postes de combat, dans les collines autour du village, avec un blindé de combat et un autre de transport par position. L'unité, d'un effectif nominal de 1 200 hommes, ne compte qu'environ 500 soldats aptes au combat[L 2]. Les officiers demandent régulièrement un renforcement de l'armement, en vain. Le moral est extrêmement bas parmi les militaires marocains, mal payés[L 1].
Le 6 juillet et le 10 août la garnison subit des attaques du Polisario. Après l'attaque du 10 août, le commandant de la garnison note dans ses rapports que ses véhicules sont immobilisés et que son unité est traumatisée, prévoyant une « catastrophe avec de grandes conséquences à la prochaine attaque »[L 3].
D'après le Polisario, seuls 150 hommes ont assailli la base. D'après des officiers marocains rescapés du combat, les indépendantistes devaient être plus nombreux, avec au moins 500 véhicules, ce qui correspondrait à 3 500 hommes[L 2]. Un sous-officier sur la ligne de défense a vu des dizaines de phares au début de l'attaque[3]. Certaines analyses postérieures annoncent un effectif de 5 000 polisariens durant la bataille entière[2]. Selon un membre du Polisario écrivant en 2013, l'attaque a été menée par une force d'une centaine de véhicules[4]. La force du Polisario est soutenue par des blindés légers AML-90[L 4].
Les indépendantistes sont commandés par leurs officiers les plus connus[1], dont Lahbib Ayoub[5]. D'après un médecin marocain fait prisonnier, le commandant du raid était appelé Lahassan[L 5].
Déroulement
modifierAttaque de la base
modifierLes combattants du Polisario attaquent la base marocaine à partir de trois directions différentes, en trois colonnes[1]. Les indépendantistes allument brusquement leurs phares puis attaquent en tirant à l'arme automatique et aux lance-roquettes[L 6].
Le chef de la garnison marocaine Mohamed Azelmat, « surpris », abandonne même ses positions défensives ainsi qu'une grande partie de son matériel. L'évacuation marocaine se fait dans le désordre et coûte énormément de pertes à l'armée marocaine[1]. La bataille de Lebouirate n'aurait duré qu'une heure selon un soldat marocain fait prisonnier[3].
Tentatives de dégagement depuis Zag
modifierUne unité partie de Zag pour venir prêter main-forte aux troupes marocaines engagées à Lebouirate tombe dans une embuscade à 30 km de Zag au moment de rejoindre la garnison en repli[L 2]. Le Polisario affirme que 230 Marocains ont été tués dans cette embuscade[6]. Une seconde colonne parvient toutefois à venir relever les morts[L 2].
En début de matinée, cinq chasseurs F-5A et trois hélicoptères arrivent sur zone mais ne peuvent intervenir à la cause de la confusion et de l'imbrication des combattants[L 2].
Bilan et conséquences
modifierPertes marocaines
modifierLe communiqué du Polisario annonce que 800 soldats marocains auraient été tués, 92 militaires dont plusieurs officiers auraient été faits prisonniers, et qu'une centaine de blindés, cinquante-sept véhicules militaires et de nombreux canons auraient été saisis[6]. Après l'attaque, des officiels du Polisario confient à des journalistes à Alger que 130 fusils, 14 Land Rover, 6 camions, 13 radios, une douzaine de canons et 7 mitrailleuses ont été capturés, ainsi que 19 prisonniers[7].
D'après un officier marocain, les pertes marocaines s'élèvent à 50 morts et une grande quantité de matériel militaire, principalement des jeeps[1]. Des journalistes venus sur place comptent 26 vieux chars T-54, 13 transports de troupe blindés OT-62 fournis par l'Égypte et 12 automitrailleuses d'origine française. Les véhicules blindés, pour la plupart abandonnés par leurs équipages, sont incendiés sur place par le Polisario[L 2]. En ajoutant peut-être le butin obtenu à Bir Anzarane, le Polisario ramène en Algérie au moins un blindé, trois canons, 21 Land Rover, 4 camions, de nombreux fusils et 4 mortiers[L 3].
Exécutions
modifierD'après le témoignage du docteur Azeddine Benmansour, capturé par le Polisario, les 12 blessés marocains présents avec lui dans l'infirmerie ont été exécutés par les rebelles lors de l'attaque[L 7].
Conséquences à Lebouirate
modifierLes 166 habitants du village, « libérés »[6] par le Polisario rejoignent les camps de réfugiés sahraouis en Algérie[L 8]. La localité reste aux mains du Polisario plus d'un an. Le principal résultat est le démantèlement de la place forte marocaine[L 9].
Condamnation de militaires marocains
modifierLe Polisario, maître de la place, peut présenter à des journalistes étrangers les documents écrits par la garnison, qui font état de ses difficultés morales et matérielles[L 10].
D'après le ministre marocain de l'Information Abdelouahed Belkeziz, le chef du 3e groupe d'escadrons n'aurait pas opposé la résistance appropriée[L 9] et n'aurait pas évacué en bon ordre la base marocaine[1]. C'est ainsi que 77 militaires ont été inculpés pour « défaillance supposée dans la défense de la place », et parmi eux 36 militaires ont été condamnés puis graciés par le roi Hassan II, après un recours en grâce. Ils ont immédiatement réintégré les rangs des forces armées royales[8].
Cependant, le capitaine Mohamed Azelmat, commandant de la base, est exécuté quelques mois plus tard, pour cas de trahison sans jugement au préalable[L 10],[L 11].
Annexes
modifierNotes
modifierSources bibliographiques
modifier- Bayon 16 septembre
- Bayon 18 septembre
- Bayon 20 septembre
- Fuente & Mariño, p. 95.
- Hollowell, p. 63.
- Hodges, p. 357.
- Hollowell, p. 36-38.
- Bayon 19 septembre
- Hodges, p. 359.
- Weexsteen, p. 426.
- Weexsteen, p. 438.
Références
modifier- Guy Sibton, « La vérité sur la guerre du désert », Le Nouvel Observateur, no 773, (lire en ligne, consulté le )
- « Le Maroc a engagé pour la première fois des Mirage F-l contre le Polisario à Smara », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- « " L'affaire de Lebouirate a duré à peine une heure... " », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- Haddamin Moulud Said, « Bir Enzarán: 17 de Ramadán de 1979 »,
- François Soudan, « Sahara Le Retour du guerrier : Pour la première fois depuis son ralliement au Maroc, Lahbib Ayoub, l'ancien chef militaire du Polisario, parle », L'intelligent (Jeune Afrique), no 2180, , p. 34
- « Un combat très meurtrier s'est déroulé le 24 août dans le sud du territoire internationalement reconnu du Maroc Rabat admet que la garnison de Lebouirate a été investie », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- (en) AP, « Morocco Admits Fall of Garrison », The New York Times, (lire en ligne)
- « Trente-six militaires sont condamnés puis graciés par le roi Hassan II », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- (es) Félix Bayon (es), « Los saharauis ocupan el extremo suroriental de Marruecos », El País, (lire en ligne)
- (es) Félix Bayon, « Marruecos perdió en Lebuirat el 10% de sus blindados », El País, (lire en ligne)
- (es) Félix Bayon, « Un soldado, antes de la batalla: "Me estoy volviendo loco" », El País, (lire en ligne)
- (es) Félix Bayon, « Los oficiales de Lebuirat preveían la derrota », El País, (lire en ligne)
Bibliographie
modifier- Tony Hodges, Sahara occidental, origines et enjeux d'une guerre du désert, L'Harmattan, (lire en ligne)
- Arnold Hottinger, « La lutte pour le Sahara occidental », Politique étrangère, vol. 45, no 1, , p. 167-180 (lire en ligne)
- Raoul Weexsteen, « La question du Sahara occidental 1978-1979 », Annuaire de l'Afrique du Nord, Éditions du CNRS, vol. 1979, , p. 415-442 (lire en ligne)
- (en) Thomas Hollowell, Allah's Garden : A True Story of a Forgotten War in the Sahara Desert of Morocco, Urbana (Illinois), Tales Press, , 198 p. (ISBN 978-0-9641423-9-8, lire en ligne)
- (es) Ignacio Fuente Cobo et Fernando M. Mariño Menéndez, El conflicto del Sahara occidental, Ministerio de Defensa de España & Universidad Carlos III de Madrid, (ISBN 84-9781-253-0, lire en ligne)
Photos de la bataille par Jean-Claude Francolon sur Getty Images
modifier- « Le photoreporter Jean-Claude Francolon au Sahara Occidental », Photo prise après la bataille, sur Getty Images,
- Jean-Claude Francolon, « Vestige de l'attaque du Front Polisario sur la garnison de Lebouirate », Photo prise après la bataille, sur Getty Images,
- Jean-Claude Francolon, « Combattants du Front Polisario devant le corps d'un soldat marocain », Photo prise après la bataille, sur Getty Images,
- Jean-Claude Francolon, « Combattants du Front Polisario devant le corps d'un soldat marocain (2) », Photo prise après la bataille, sur Getty Images,