Colonie artistique d'Étaples

école des peintres d'Étaples

La colonie artistique d'Étaples (anglais : Etaples art colony), appelée aussi école des peintres d'Étaples, est un regroupement de peintres et de sculpteurs, venus du monde entier, qui se sont installés, entre la fin du XIXe siècle, vers 1882, et le début du XXe siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale, dans la commune d'Étaples située dans le département du Pas-de-Calais, dans le Nord de la France.

Blason de la ville d'Étaples.

Histoire

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Précédents

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Le peintre Charles-François Daubigny, précurseur de l'impressionnisme, choisissait déjà ce lieu pour son inspiration et comme refuge après la chute du Second Empire[1]. Sont également venus sur le littoral de la Côte d'Opale de nombreux peintres prestigieux : Joseph Mallord William Turner, Richard Parkes Bonington, Francia (François Louis Thomas Francia et/ou son fils Alexandre Thomas Francia), Jean-Baptiste Camille Corot, Eugène Delacroix, Jean-Charles Cazin.

Quelques années plus tard, Édouard Manet compose en 1873 à Berck Sur la plage, et à partir de 1874, Eugène Boudin séjourne également à Berck[2].


Colonie artistique d'Étaples

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Le peintre Henri Le Sidaner lance le mouvement en 1882, année où il vient s'installer à Étaples. Il déclare avoir voulu respirer, faire une cure d'air et de nature, en s'éloignant de Paris où s'affrontent les peintres « académistes » et les impressionnistes[2].

Il est suivi par de nombreux artistes désireux de quitter les ateliers pour « lutter pied à pied avec la nature »[2]. Eugène Boudin précurseur de l'art pratiqué à l'extérieur, n'a fait que passer à Étaples mais il résume bien la motivation de tous ces créateurs : « Je voudrais déjà être au champ de bataille, courir après les bateaux, suivre les nuages le pinceau à la main, humer le bon air salin des plages et voir la mer monter»[2]. Il a notamment peint Étaples-La Canche à marée haute, 1890, huile sur toile, 51x74[4].

L'arrivée de peintres sur la côte, désireux de peindre en extérieur, qui a lieu à partir des années 1880, correspond à une aspiration profonde chez de nombreux artistes. À la même époque, se produit un même mouvement en Bretagne (École de Pont-Aven, Paul Gauguin, Émile Bernard… ) et en Normandie[4]. Globalement, « la colonie des peintres d'Étaples » rassemble des peintres peut-être moins prestigieux que ceux de Bretagne, en revanche elle regroupe des artistes de style très différents[4].

Une colonie d'artistes s'y forme et s'y maintient jusqu'en 1914, après quoi elle s'est disloquée du fait de la Première Guerre mondiale. Largement internationale, elle a été constituée principalement d'anglophones d'Amérique du Nord, d'Australie et des îles britanniques, mais aussi d'Allemagne et de Scandinavie, ou encore de Russie, Italie, et même Pérou. Alors que certains artistes se sont installés dans la région, d'autres n'y sont restés qu'une saison, ou un temps encore plus court. Certains venaient de colonies artistiques installées le long des côtes de la Normandie et de la Bretagne, d'autres, tout proches, du Touquet-Paris-Plage, de Wissant, de Montreuil-sur-Mer et de Berck, ou le long de la Canche, ainsi que de l'arrière-pays, depuis Douai et Arras.

L'attrait des artistes étrangers pour la région peut aussi s'expliquer par le fait qu'elle se situe en France : à l'époque, Paris est considérée comme étant « la Mecque des Arts ». Dans les milieux artistiques, on estime nécessaire voire indispensable de suivre une formation dans une des académies françaises, dont l'une des plus prisées fut l'Académie Julian[4].

On a ainsi pu recenser plus de 200 artistes, présents à Étaples, et/ou dans les villages proches : hameau de Trépied, Cucq, Camiers et dans la naissante station balnéaire du Touquet-Paris-Plage. Le faible coût de la vie sur place joue un rôle dans cet afflux mais n'est qu'un élément dans le choix effectué[2]. Les aspects déterminants semblent être la lumière particulière de cette région de bord de mer, la variété des paysages, les populations de pêcheurs avec leurs costumes, leurs coutumes, leurs traditions, susceptibles de poser pour un coût modique, payés « 40 centimes par jour », autant de sujets potentiels marqués par la variété, l'originalité, un cachet et un style particulier[4].

En 1878, la nouvelle ligne de chemin de fer Paris-Boulogne amène à Étaples Eugène Chigot, peintre officiel du ministère de la Marine et cofondateur du Salon d'automne, qui amène dans son sillage nombre de peintres sensibles aux thèses « naturalistes ». Ludovic-Napoléon Lepic, Alexandre Nozal, Francis Tattegrain, Eugène Trigoulet peuvent être vus à Berck, où ils sont parfois arrivés pour raison de problème de santé pour eux-mêmes ou pour un proche, mais ils y restent pour essentiellement la lumière, ainsi que les immenses paysages côtiers et la vie quotidienne des marins[2].

Le mouvement fut particulièrement représenté par ces peintres lors du Salon de 1888 à Paris, plusieurs de leurs œuvres y furent exposées. L'Exposition universelle de 1893 à Chicago inaugure un pavillon des artistes de dimension internationale, de nombreux peintres français y furent invités, notamment par le biais de créateurs américains installés dans cette région : cette manifestation, très médiatisée, assure le rayonnement de la colonie. En , la galerie Georges Petit inaugure à Paris la première exposition de la « Société nouvelle des peintres et sculpteurs » comprenant un certain nombre d'artistes installés dans cette ville[5].

On ne peut les regrouper en tant que postimpressionnistes, car ces artistes ne présentent pas, en fin de compte, d'uniformité de style, mais ils avaient plusieurs intérêts communs : culturels, recherche de la lumière, du calme, et il y eut aussi un effet de mode.

En , Édouard Lévêque, peintre et personnalité de Paris-Plage, invente l'appellation « Côte d'Opale » pour désigner ce littoral si particulier avec ses couleurs variées et changeantes. La présence de ces artistes, qui en donnent une image magnifiée, représente un formidable outil de promotion pour la région. Ils sont également source du développement de la vie culturelle et artistique locale.

À l'initiative de Chigot et de Le Sidaner, des salons et des expositions sont organisées : à Étaples à partir de 1887 puis Paris-Plage à partir de 1896 et les années suivantes[2]. Dans cette dernière ville, une riche clientèle bourgeoise a les moyens d'acquérir des toiles, ce qui constitue une motivation supplémentaire[4]. Les communes proches bénéficient ainsi également du mouvement créé.

En 1914, au salon de la société artistique de Picardie, 89 artistes exposent 223 tableaux, soit un facteur de notoriété représentatif du mouvement[4].

Probablement en liaison avec cette colonie artistique, Montreuil-sur-Mer accueille en 1907 différents artistes dont des noms aussi prestigieux que Georges Braque et André Derain[2].

La ville d'Étaples profite en premier lieu de cet engouement pour le littoral : l'animation y est assurée avec les artistes à l'affût des scènes de la vie quotidienne locale, comme les jours de marché, et l'hôtel Ioos, propriété de Francois Antoine Ioos et de son épouse, Marie Anna Guiot, situé au 15 Grand-Place (aujourd'hui, place du Général-de-Gaulle), point de ralliement de tous ces créateurs, confirmés ou cherchant gloire[4], devient une sorte de musée et de lieu d'exposition permanente, aux murs couverts de toiles. En outre, les peintres y nouent des liens très forts, qu'ils garderont souvent toute leur vie[2].

La Première Guerre mondiale va brusquement interrompre ce joyeux mouvement, presque tous les peintres regagnant leurs pays respectifs à la suite de son déclenchement[2].

Postérité

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Alors que la plupart des peintres ont quitté la ville en 1914, pour s'engager dans l'armée, l'activité artistique, de qualité variable, a été poursuivie pendant la guerre par des bénévoles et les artistes mobilisés sur le front tout proche — la ville fut d'ailleurs bombardée en . Avec le retour de la paix, certains anciens résidents sont rentrés chez eux, et la persistance d'une petite colonie a attiré quelques visiteurs, mais peu de travaux innovants y sont apparus.

L'absence de musée consacré à ce mouvement a conduit à une très grande dispersion des œuvres à travers le monde, des États-Unis à l'Australie[4].

Un musée était en cours de construction à Étaples, consacré à cette école[6]. Mais en 2016, le département du Pas-de-Calais, sous la présidence de Michel Dagbert, décide d'enterrer le projet. Les travaux sont alors annulés au dernier moment, et l'importante collection constituée de 120 œuvres est dispersée ou prêtée à d'autres musées[7].

Néanmoins, les musées locaux (Étaples, Le Touquet, Berck) sont à même de présenter quelques-unes des réalisations[4].

Le musée de la marine d'Étaples et l'Association des amis du musée de la Marine d'Étaples » (AMME) ainsi que la Maison du Port (musée provisoire du département du Pas-de-Calais) s'attachent à faire revivre ce passé.

Artistes

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Américain

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Australien et néo-zélandais

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Dans son ouvrage Peintres Australiens à Étaples, Jean-Claude Lesage (d) en recense un grand nombre ayant fait partie de la colonie artistique d'Étaples[11],[Note 1].

Britannique

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Français

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Scandinave

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Notes et références

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  1. Tudor St George Tucker (en), peintre britannique, dans le livre de Jean-Claude Lesage Peintres Australiens à Étaples est listé, par erreur, dans les peintres australiens

Références

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  1. Bateaux sur la côte à Étaples (1871), huile sur panneau, 34.3 x 58.1 cm, New York, Metropolitan Museum of Art.
  2. a b c d e f g h i et j Patrice Deparpe, cité dans les sources voir section Bibliographie
  3. Boudin, Christie's 2010
  4. a b c d e f g h i et j 100 figures du Pas-de-Calais 1790-2000, cité dans les sources.
  5. « Lieux qui ont inspiré les peintres. La côte d’Opale Wissant, Etaples et Berck », in [1].
  6. « Étaples : les peintres de la Côte d’Opale auront bientôt leur musée au port », in La Voix du Nord, .
  7. « Étaples : les peintres de la Côte d’Opale auront bientôt leur musée au port », in La Voix du Nord, .
  8. Il s'installe à Étaples et y travaille jusqu'à sa mort.
  9. « Pas plus étaplois que Myron Barlow,cet Américain, exposé à la maison du port - La Voix du Nord », sur www.lavoixdunord.fr (consulté le )
  10. (en) « Harry van der Weyden - The Collection », sur Rye Art Gallery (consulté le ).
  11. a et b Jean-Claude Lesage (d), Peintres Australiens à Étaples, Coutances, A.M.M.E. éditions, , 133 p. (ISBN 2-904959-16-5), p. 12.
  12. Camiers, 1892, huile sur toile, musée du Touquet-Paris-Plage - Édouard Champion (cf. site Musenor.
  13. (sv) « Biographie d'Anshelm Schultzberg », sur sok.riksarkivet.se (consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Patrice Deparpe, « La guerre sonne le glas de l'école d'Étaples », dans Cent ans de vie dans la région, Tome II : 1914-1939, La Voix du Nord éditions, hors série du , pp. 14-15.
  • « Eugène Chigot et les peintres de l'école d'Étaples », dans 100 figures du Pas-de-Calais 1790-2000, Les Échos du Pas-de-Calais, Lillers, .
  • Jean-Claude Lesage, Peintres australiens à Étaples, Étaples, AMME éd, 2000.
  • Jean-Claude Lesage, Peintres américains en Pas-de-Calais, Étaples, AMME éd, 2007.
  • Cécile Rivière, Jean-Claude Lesage, Myron Barlow, 1873-1937, un peintre et son modèle, 2012. — Catalogue de l'exposition à Étaples en 2012.

Articles connexes

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Liens externes

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