Droit colonial japonais

Le droit colonial japonais est le droit pratiqué historiquement dans l'empire du Japon. Ce droit colonial a procédé à l'intégration en son sein des pratiques juridiques locales, dès lors caractérisées comme « coutumes ». Dans le Mandchoukouo, le droit japonais a aussi joué un rôle colonial à travers sa pénétration profonde de l'organisation juridique locale.

Appréhension des ordres juridiques locaux modifier

Les agents de la transformation du droit japonais inspirée du droit européen moderne ont aussi reçu le concept de coutume, qui a joué un rôle crucial dans les traditions européennes pour la conceptualisation d'ordres juridiques fondés en théorie sur une culture nationale. Les juristes et bureaucrates japonais ont ainsi intégré l'idée de la coutume comme ancêtre du droit étatique, destinée à nourrir ce dernier à travers le processus de codification. Cette philosophie de la coutume a non seulement joué un rôle dans les transformations de la tradition juridique japonaise en métropole, mais a aussi façonné les manières dont les colonisateurs japonais ont appréhendé l'administration judiciaire des sociétés subjuguées. En effet, les ordres juridiques autochtones sous l'empire japonais ont fait l'objet d'études et de réflexions qui les caractérisaient comme des « coutumes » destinées à s'intégrer et à s'articuler au sein du Japon[1]. Ainsi, à Taïwan et en Corée, des écoles de droit et des tribunaux furent créés afin d'administrer une justice et un droit japonais fondé sur une appréhension particulière des « coutumes locales »[2].

Corée modifier

Photographie d'un tribunal coutumier coréen tirée d'un livre d'histoire japonais.

En Corée pendant la colonisation japonaise, un ordre judiciaire « coutumier » fut mis en place, et des tentatives de mise en système et d'élucidation d'un droit coutumier coréen furent élaborées par les pouvoirs japonais[3].

Taïwan modifier

À Taïwan, les colonisateurs japonais ont tenté de reconstruire le « droit administratif de l'empire Qing »[4]. Cette entreprise de cristallisation et de rationalisation des « anciennes coutumes taïwanaises »[5] s'est appuyée en partie, comme dans d'autres projets d'acculturation juridique coloniale, sur des considérations morales et politiques concernant la condition féminine dans la société colonisée[6].

Les travaux japonais d'anthropologie juridique de l'époque coloniale sont aujourd'hui réutilisés dans certains nationalismes taïwanais, par opposition aux Chinois Han vivant sur l'île[7].

Mandchourie modifier

Ministère de la Justice du Mandchoukuo.

Dans le Mandchoukouo, une classe de juristes chinois s'est constituée, en partie à travers l'école de droit qui y fut fondée. Le discours de la modernisation du droit jouait un rôle central dans la légitimation du projet national, mais sous une modalité particulière : le modèle du droit japonais était érigé en modèle par rapport auquel la culture juridique locale était caractérisée comme en retard[8].

Références modifier

  1. Jérôme Bourgon, « Le droit coutumier comme phénomène d'acculturation bureaucratique au Japon et en Chine », Extrême-Orient, Extrême-Occident, vol. 23, no 23,‎ , p. 125–143 (DOI 10.3406/oroc.2001.1140, lire en ligne, consulté le )
  2. Arnaud Nanta, « Le droit et la justice en contexte colonial à Taiwan et en Corée durant la colonisation japonaise (1895-1945) », Cahiers Jean Moulin, no 7,‎ (ISSN 2553-9221, DOI 10.4000/cjm.1339, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Marie Seong-Hak Kim, Law and Custom in Korea: Comparative Legal History, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-00697-3, DOI 10.1017/cbo9781139047630, lire en ligne)
  4. (en) Cheng-Yi Huang, « Enacting the “Incomprehensible China”: Modern European Jurisprudence and the Japanese Reconstruction of Qing Political Law », Law & Social Inquiry, vol. 33, no 4,‎ , p. 955–1001 (ISSN 0897-6546 et 1747-4469, DOI 10.1111/j.1747-4469.2008.00129.x, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Timothy Y. Tsu, « JAPANESE COLONIALISM AND THE INVESTIGATION OF TAIWANESE OLD CUSTOMS », dans Anthropology and Colonialism in Asia and Ocean, (lire en ligne)
  6. (en) Chen Chao-ju, « Sim-pua under the Colonial Gaze », dans Gender and Law in the Japanese Imperium, University of Hawai'i Press, , 189–218 p. (DOI 10.21313/hawaii/9780824837150.003.0008, lire en ligne)
  7. (en) Paul D. Barclay, « An Historian among the Anthropologists: The In l Kanori Revival and the Legacy of Japanese Colonial Ethnography in Taiwan », Japanese Studies, vol. 21, no 2,‎ , p. 117–136 (ISSN 1037-1397 et 1469-9338, DOI 10.1080/713683805, lire en ligne, consulté le )
  8. Thomas David Dubois, « Inauthentic Sovereignty: Law and Legal Institutions in Manchukuo », The Journal of Asian Studies, vol. 69, no 3,‎ , p. 749–770 (ISSN 0021-9118, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie modifier

  • (en) Laura M. Calkins, « Law, Colonial Systems of, Japanese Empire », dans Encyclopedia of Western Colonialism since 1450, Détroit, Macmillan Reference USA, (ISBN 9780028660851, lire en ligne) (consulté le )