François Michel Claude Benoît Le Camus de Néville

magistrat et intendant français d'Ancien Régime
François Michel Claude Benoît
Le Camus de Néville
Fonctions
Maître des requêtes au Conseil d'État
Intendant
Conseiller d'État
Titre de noblesse
Baron
Biographie
Naissance
Décès
Autres informations
Distinction

François Michel Claude Benoît Le Camus de Néville, né le à Louviers et mort le dans l'ancien 10e arrondissement de Paris est un magistrat et intendant de l'Ancien Régime et du Premier Empire. Directeur de la Librairie de 1776 à 1784, il protège l'éditeur Charles-Joseph Panckoucke et favorise la parution de l'Encyclopédie méthodique.

Biographie modifier

De la manufacture à la magistrature modifier

François Michel Claude Benoît Le Camus de Néville est issu d'une famille de drapiers de Louviers[1]. La famille est anoblie au milieu du XVIIe siècle par ses charges au Parlement de Rouen et maintenue noble en 1668[2].

François Michel Claude Benoît Le Camus est né le à Louviers, fils d'Antoine Brice dit François Le Camus et de Madeleine Catherine Reine Charle[2],[3]. Son père, Brice Antoine Le Camus (1720-1756), fils de Claude Le Camus, succède à son oncle François Le Camus (1670-1743) à la tête de la manufacture de draps familiale. Il obtient par lettres patentes de s’appeler François Le Camus[1].

François Michel Claude Benoît Le Camus vend la fabrique de drap familiale à un cousin[1] et commence sa carrière de magistrat comme substitut du procureur général au Parlement de Rouen en 1768-1769[4],[5]. Il devient conseiller au Grand Conseil le [6],[5],[7]. Lors de la suppression du Grand conseil en 1771, il refuse de passer au Parlement Maupeou, démissionne et est exilé par lettres de cachet à Renty en Artois[6],[8]. Il aurait répondu au chancelier Maupeou qui cherche à l'intimider en le menaçant de détention : « Je le sais, Monseigneur, mais je suis jeune, vigoureux, et j'espère vous survivre »[9].

François Michel Claude Benoît Le Camus est maître des requêtes de 1775 à la Révolution française[6],[5],[7]. Il est chevalier et seigneur de Néville[3].

Directeur de la Librairie modifier

Le Camus de Néville est nommé directeur de la Librairie en 1776[5],[10],[7],[11] par son compatriote normand Armand Thomas Hue de Miromesnil, garde des sceaux[12]. La rumeur en fait un fils naturel de d'Armand Thomas Hue de Miromesnil, qui le protège[7].

Le , Le Camus de Néville fait publier un nouveau code du commerce du livre, qu'Antoine de Sartine, un de ses prédécesseurs, avait commencé à préparer en 1774[11]. Promulgué en six édits, ce code essaye d’ouvrir l'organisation du commerce du livre et de favoriser son expansion commerciale. Il oblige les libraires à soumettre leurs privilèges au directeur de la Librairie et permet notamment la légalisation des éditions pirates[13].

Page de titre du tome I de L'Encyclopédie méthodique - Grammaire et littérature, 1782.

Ces édits sont contestés par les libraires parisiens et des poèmes satiriques et des pamphlets circulent contre les origines, jugées humbles, de Le Camus de Néville et contre Miromesnil. Les libraires parisiens refusent de soumettre leurs privilèges sur les ouvrages qu'il éditent à Le Camus de Mesnil, de peur qu'il en constate l'entrée dans le domaine public. Des parlementaires l'accusent de ne pas respecter le droit de propriété et de s'enrichir indûment, mais il tient bon, soutenu par Miromesnil, jusqu'à son départ pour Pau comme intendant en 1784. Ses successeurs n'abolissent pas les édits de 1777[14].

Le Camus de Néville fait partie des protecteurs de l'éditeur Charles-Joseph Panckoucke et favorise la nouvelle édition de l'Encyclopédie que ce dernier entreprend[15]. À son instigation, Le Camus de Néville fait confisquer les éditions de l'Encyclopédie considérées comme pirates afin de de favoriser Panckoucke[16]. C'est à Le Camus de Néville, en tant que directeur de la Librairie, que sont dédiés les trois tomes de Grammaire et littérature de l'Encyclopédie méthodique édités de 1782 à 1786 par Panckoucke[17],[18]. Celui-ci affiche ainsi la protection officielle dont il bénéficie, comme il le fait pour les autres volumes dédiés au lieutenant général de police Le Noir et aux ministres successifs Vergennes, Montmorin, Miromesnil, Castries, Breteuil, et Necker[17],[19]. Cette protection montre que, contrairement à la situation des années précédentes, Le Camus de Néville et les autres responsables des décennies 1770 et 1780 ne sont pas opposés à l'Encyclopédie dans sa version méthodique, qui est pour eux une marchandise comme une autre, sans impact idéologique particulier[19],[20].

Mariage modifier

François Michel Claude Benoît Le Camus de Néville épouse le à Paris, dans l'église Sainte-Marie-Madeleine de la Ville l'Évêque, Thérèse Radegonde Rambaud, née à Angoulême le et morte le dans l'ancien 11e arrondissement de Paris[5],[3].

Thérèse Rambaud est la fille de Henri Rambaud de Bourg-Charente (1712-1743) et de Radegonde Martin de Bourgon (1717-1802/1803). Au moment de son mariage avec François Michel Claude Benoît Le Camus de Néville, Thérèse Rambaud est veuve de Pierre Joseph Bareau de Girac (1730-1776), marquis de Bourg-Charente, officier de cavalerie, avec qui elle a eu des enfants[5].

Par ce mariage, Le Camus de Néville entre en possession du château de Bourg-Charente[7]. Ce mariage est sans postérité[8].

Intendant modifier

Carte de la généralité d'Aquitaine dédiée à M(onsieur) de Néville, intendant de la province.

Le Camus de Néville est intendant de Pau et Bayonne du à 1785[5], puis intendant de Bordeaux de 1785 à la Révolution[5],[21],[7].

Dans le Labourd, il tente à trois reprises en 1784, 1787 et 1789, de réformer l'assemblée traditionnelle basque, le Biltzar. Il y renonce face aux protestations indignées du Biltzar et à l'agitation provoquée par ses projets[22].

Malgré la présence en poste à Bordeaux du très actif ingénieur des Ponts et Chaussées Nicolas Brémontier, Le Camus de Néville semble avoir négligé les travaux publics en Guyenne[23].

Il cesse d'exercer ses pouvoirs à Bordeaux au moment de l'installation de l'administration du département de la Gironde dans la première quinzaine de [24].

Sous le Consulat et l'Empire modifier

Après être parti en émigration[7], Le Camus de Néville est nommé membre du conseil général de la Seine-Inférieure. En 1802, il fait partie de la commission de liquidation des créances espagnoles et du conseil des prises[5].

Le , il est nommé maître des requêtes au Conseil d'État[5],[7]. À ce titre, il est en 1808 membre, avec Pasquier et Coquebert de Montbret de la commission du Conseil d'État chargée d'examiner la gestion de la caisse Lafarge, une société d'assurance. Leur rapport est accablant pour les dirigeants de la caisse, qui est nationalisée l'année suivante[25].

Le Camus de Néville est fait baron de l'Empire le [5],[7]. Il devient conseiller d'État le [5]. Il prend sa retraite en 1812[5] et meurt le le dans l'ancien 10e arrondissement de Paris[2].

Décoration modifier

Références modifier

  1. a b et c Bernard Bodinier, « Lovériens, Elbeuviens, horsains ? Les fabricants de Louviers aux XVIIIe et XIXe siècle », dans Alain Becchia (dir.), La draperie en Normandie du XIIIe siècle au XXe siècle, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, , 544 p. (ISBN 979-10-240-1082-3, lire en ligne), p. 299–324.
  2. a b et c Nicolas 1998, p. 228.
  3. a b et c Klesmann 2019, p. 435.
  4. Bluche 1966, p. 97.
  5. a b c d e f g h i j k l m et n Nicolas 1998, p. 229.
  6. a b et c Bluche 1966, p. 98.
  7. a b c d e f g h i et j Klesmann 2019, p. 436.
  8. a et b Nicolas 1998, p. 230.
  9. Paul Ardascheff, « Les intendants de province à la fin de l'ancien régime. Résumé de l'ouvrage en russe de Paul Ardascheff », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. 5, no 1,‎ , p. 5–38 (DOI 10.3406/rhmc.1903.4256, lire en ligne, consulté le ).
  10. Alain Becchia, Modernités de l’Ancien Régime (1750-1789), Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-2037-0 et 978-2-7535-6889-1, DOI 10.4000/books.pur.116433, lire en ligne), p. 250.
  11. a et b Darnton 2021, p. 41.
  12. Darnton 2021, p. 47.
  13. Darnton 2021, p. 44-46.
  14. Darnton 2021, p. 48-60.
  15. Darnton 2013, p. 102.
  16. Darnton 2013, p. 186-187.
  17. a et b Darnton 2013, p. 535.
  18. Stéphane Schmitt, « Inventaire des livraisons, des auteurs et du contenu de l’Encyclopédie méthodique (1782-1832) », Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, no 53,‎ , p. 207–270 (ISSN 0769-0886, DOI 10.4000/rde.5712, lire en ligne, consulté le ).
  19. a et b Roger Chartier, « L'ancien régime typographique : réflexions sur quelques travaux récents (Note critique) », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 36, no 2,‎ , p. 191–209 (ISSN 0395-2649 et 1953-8146, DOI 10.3406/ahess.1981.282728, lire en ligne, consulté le ).
  20. Darnton 2013, p. 578-579.
  21. Laurent Coste, « Un libelle calaisien défenseur des privilèges bordelais ? », Revue du Nord, vol. 400-401, nos 2-3,‎ , p. 725–736 (ISSN 0035-2624, DOI 10.3917/rdn.400.0725, lire en ligne, consulté le ).
  22. Maïté Lafourcade, « Les assemblées provinciales du Pays Basque français sous l'Ancien Régime », Lapurdum, no 4,‎ , p. 303–329 (ISSN 1273-3830, DOI 10.4000/lapurdum.1580, lire en ligne, consulté le ).
  23. Pierre-Henri Darreau, « La situation des ingénieurs des Ponts et Chaussées en Gironde sous la Révolution et la République », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, vol. 3, no 1,‎ , p. 43–56 (DOI 10.3406/rhbg.2003.1433, lire en ligne, consulté le ).
  24. Michel Lhéritier, « La Révolution à Bordeaux de 1789 à 1791. — La transition de l’ancien au nouveau régime (Suite) », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, vol. 8, no 6,‎ , p. 331–346 (DOI 10.3406/rhbg.1915.3027, lire en ligne, consulté le ).
  25. Guy Thuillier, « Conseil d'Etat et droit des sociétés : Comment on a nationalisé la caisse Lafarge en 1809 », La Revue administrative, vol. 46, no 276,‎ , p. 543–552 (ISSN 0035-0672, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • François Bluche, Les magistrats du Grand Conseil au XVIIIe siècle, 1690-1791, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Annales littéraires de l'Université de Besançon », , 198 p. (lire en ligne).
  • Robert Darnton (trad. de l'anglais par Marie-Alyx Revellat), L'aventure de l'Encyclopédie 1775-1800 : Un best-seller au siècle des Lumières, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire » (no 159), , 2e éd. (1re éd. 1982), 631 p. (ISBN 978-2-7578-3073-4).
  • Robert Darnton (trad. de l'anglais par Jean-François Sené), Éditer et pirater : Le commerce des livres en France et en Europe au seuil de la Révolution, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », , 478 p. (ISBN 9782072842191, lire en ligne).
  • (de) Bernd Klesmann, Die Notabelnversammlung 1787 in Versailles : Rahmenbedingungen und Gestaltungsoptionen eines nationalen Reformprojekts, Ostfildern, Thorbecke-Verlag, coll. « Beihefte der Francia » (no 83), , 569 p. (ISBN 978-3-7995-7474-7, lire en ligne).
  • Sylvie Nicolas, Les derniers maîtres des requêtes de l'Ancien Régime (1771-1789) : Dictionnaire prosopographique, Paris, École des Chartes, coll. « Mémoires et documents de l'École des Chartes » (no 51), , 399 p. (ISBN 2-900791-21-9).

Liens externes modifier