Inversion (géométrie)

transformation de l'espace euclidien qui inverse les distances par rapport au centre de l'inversion

En géométrie, une inversion est une transformation qui inverse les distances par rapport à un point donné, appelé centre de l'inversion. Cela signifie en substance que l'image d'un point est d'autant plus éloignée du centre de l'inversion que le point d'origine en est proche. Selon une phrase célèbre, « Plaçons une cage sphérique dans le désert, entrons-y et fermons-la. Puis faisons une inversion par rapport à la cage. Le lion est alors à l'intérieur de la cage, et nous sommes à l'extérieur[1] ».

inversion d'un "lion" et d'un "bonhomme"

Définition générale dans le cadre d’un espace affine euclidien modifier

Soient un espace affine euclidien, un point de et un réel non nul.

Définition — L'inversion de pôle et de rapport est l'application de dans lui-même qui, à un point , associe l’unique point

tel que (produit des mesures algébriques).

Soit la sphère de centre et de rayon .

Définition — L'inversion par rapport à est l'inversion de pôle et de rapport .

Propriétés modifier

  • Une inversion de rapport non nul est bijective.
  • Une inversion est une involution : elle est sa propre bijection réciproque.
  • L'inversion par rapport à une sphère laisse les points de la sphère fixes, et les points intérieurs et extérieurs sont échangés. L'inversion est la version « sphérique » de la réflexion.
  • On appelle sphère d’inversion (ou cercle d’inversion dans le plan) la sphère de centre et de rayon . Elle est toujours globalement invariante, et elle est fixe (invariante point par point) lorsque le rapport est positif. Toute inversion de rapport positif est l'inversion par rapport à sa sphère d’inversion.
  • Les hyperplans passant par sont aussi des invariants globaux.

Le principal intérêt des inversions est la transformation d'hyperplans (droites) en hypersphères (cercles) et réciproquement, tout en préservant les angles :

L'image d'un cercle passant par le pôle est une droite

Théorème — Toute inversion de centre et de rapport non nul envoie :

  • les hypersphères (cercles) passant par (exclu) en des hyperplans (droites) ne passant pas par , et réciproquement ;
  • les hypersphères (cercles) ne passant pas par en des hypersphères (cercles) ne passant pas par  ;
  • les (hyper)plans (droites) passant par en eux-mêmes (ils sont invariants).

L'ensemble constitué par les hypersphères et les hyperplans est donc stable par inversion.

Ainsi si dans le plan , et sont les images respectives de , et par une inversion de centre de rapport non nul, alors , et sont alignés si et seulement si ,, et sont cocycliques, ce qui est la raison profonde de l'égalité et de l'inégalité de Ptolémée.

Théorème — Les inversions de rapport non nul préservent les angles (orientés).

Ainsi par exemple deux droites ne passant pas par sont perpendiculaires si et seulement si leurs cercles images le sont (deux cercles étant dits perpendiculaires si leurs tangentes aux points d'intersection le sont).

Distances modifier

Si et sont les images respectives de et par une inversion de centre de rapport (), alors on a la relation entre les distances

.

Dans le plan modifier

Dans le plan affine euclidien modifier

Inverseur de Peaucellier.

Dans le plan affine euclidien, l’inverse d’un point est constructible au compas lorsqu’on connait le cercle d'inversion, ce qui permet de démontrer le :

Théorème de Mohr et Mascheroni — Toute construction à la règle et au compas peut se faire uniquement au compas (à l’exception des tracés des portions de droites).

Signalons aussi l’existence de « machines à inversion », l’inverseur de Peaucellier, utilisé pour transformer un mouvement rectiligne en mouvement circulaire :

L'inverseur est un objet mécanique avec deux barres OP et OQ de longueur fixe et 4 autres barres MP, MQ, M'P, M'Q de longueurs fixes avec les points de pivots aux sommets du losange OMPQM'.

Pour un point du plan affine euclidien et un rapport , avec , on peut construire l’inverse géométrique, pour l’inversion de centre et de rapport , de tout point dans la couronne centrée en , de rayon intérieur , et de rayon extérieur de la façon suivante :
  • Un point dans la couronne étant donné, il existe deux points d’intersection et du cercle de centre et de rayon , et du cercle de centre et de rayon
  • Puis on construit l’unique point tel que soit un losange.
  • L’application qui à fait correspondre est bien l’inversion cherchée.

Dans le plan complexe modifier

Dans le plan complexe, une inversion particulière est celle par rapport au cercle unité ; en termes d’affixe complexe, elle est codée par l'application

On voit ainsi que cette inversion est composée de la conjugaison complexe et d’une homographie.

C’est en fait un résultat général : un cercle d’inversion étant donné, on choisit trois points sur ce cercle, puis l’unique homographie qui envoie respectivement sur . On vérifie alors que l’application , où dénote la conjugaison complexe, est précisément l’inversion cherchée, et son écriture comme composée d’une homographie et de la conjugaison complexe découle de l’écriture de et comme homographie.

On fait ensuite le lien avec le groupe circulaire, qui est l’ensemble des transformations, définies en fait sur la droite projective complexe, et qui envoient les droites et les cercles sur des droites et des cercles ; en identifiant la droite projective complexe à la sphère de Riemann, cette propriété de conservation s’exprime plus simplement : ce sont les cercles tracés sur cette sphère qui sont conservés. Il est clair que les inversions appartiennent au groupe circulaire ; et relativement simple de montrer qu’il en est de même pour les homographies. On peut montrer ensuite qu’en fait, le groupe circulaire est engendré par inversions et homographies.

Géométrie anallagmatique modifier

La géométrie anallagmatique est l'étude (au sens du programme d'Erlangen) de la géométrie dont le groupe d'invariants est le groupe circulaire[réf. souhaitée] ; elle est aussi connue sous le nom de géométrie de Möbius, ou (dans l'espace) de géométrie conforme.

Notes et références modifier

  1. Extrait et traduit de l'article humoristique (en) Hector Pétard (pseudonyme de Ralph P. Boas et Frank Smithies), « Contribution to the Mathematical Theory of Big Game Hunting », Amer. Math. Monthly, vol. 46,‎ , p. 446-447 (lire en ligne).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier