Jules Troubat

écrivain, traducteur et critique littéraire français
Jules Troubat
Portrait photographique par Nadar.
Biographie
Naissance
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Rue de Girone (d) (Montpellier)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Pseudonyme
HérandVoir et modifier les données sur Wikidata
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Journal des débats, Paris-Midi, L'Artiste (revue), La Vie montpelliéraine (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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signature de Jules Troubat
Signature dans son dossier de Légion d’honneur.

Jules Troubat, né le à Montpellier et mort le à Paris 15e, est un éditeur scientifique, journaliste, poète et bibliothécaire français.

Troubat est surtout connu par les ouvrages qu’il a publiés sur Sainte-Beuve, dont il a été le dernier secrétaire depuis 1861 jusqu’à sa mort, survenue en 1869.

Biographie modifier

Jules Troubat a passé son enfance et une partie de sa jeunesse dans sa ville natale. Monté à Paris, après de bonnes études au lycée de cette ville[1], il a fait la connaissance de Champfleury, qui l’a recommandé à Sainte-Beuve pour le poste de secrétaire, que Jules Levallois allait prochainement abandonner[2]. Accepté par Sainte-Beuve, Troubat, qu’il appelait son « secrétaire jacobin », débute, le , en prenant en dictée une étude sur Louis Veuillot[3]. Au début de sa mission, il donnait, comme son prédécesseur, cinq heures de présence, le matin, de neuf heures à midi, et, le soir, de sept heures à neuf heures, pour faire deux heures de lecture. Néanmoins, avec le temps, il a fini par ne plus quitter la maison dans la journée, et même y prendre ses repas. Pendant huit années, il a vécu dans l’ombre de l’illustre critique qui l’employait[a], passant des journées entières de travail constant et assidu, à écrire sous sa dictée les articles du Constitutionnel, du Moniteur, et du Temps, qui ont formé par la suite les Nouveaux Lundis, ou, comme ceux sur Jomini, Talleyrand, Marceline Desbordes-Valmore, Proudhon, qui ont été réunis en volumes[2].

Après la mort de Sainte-Beuve, dont il était devenu l’ami au point qu’il l’avait fait son exécuteur testamentaire et son légataire universel[5], et auquel son secrétaire avait voué un véritable culte[6], selon le mot de l’Excelsior, « on peut bien dire qu’il le demeura même après la mort de l’illustre critique[7] », car il a consacré la dernière partie de son existence à cette tâche[b]. Il a d’abord assuré la publication des deux derniers volumes des Nouveaux Lundis, puis donné au public, sous le titre de Chroniques parisiennes, les articles adressés, de 1843 à 1845, par Sainte-Beuve à la Revue suisse, ensuite les Cahiers de Sainte-Beuve, les Premiers Lundis, les trois volumes de la Correspondance, complétés, depuis par des lettres publiées par plusieurs revues, les Lettres à la princesse, le Clou d’or, la monographie inachevée sur Proudhon, les Chroniques Parisiennes, et enfin, quelques années plus tard, le Livre d’amour, qui devait susciter de vives polémiques pour les détails personnels qu’il livre sur lui[c]. Resté fidèle, comme Jules Levallois, à la mémoire de Saint-Beuve, contrairement à plusieurs anciens secrétaires, qui le lui ont ainsi reproché, cet ouvrage relate sa liaison, à peine déguisée, avec Adèle Hugo. Certains même, trop zélés, ont brulé de nombreux exemplaires de ce livre. En défi, Troubat en a publié une nouvelle édition. « Après tout, disait-il, que reproche-t-on à Sainte-Beuve : il agissait comme les autres. Sous Louis-Philippe on vivait couramment dans l’adultère[10]. »

Dans des préfaces, des notices, des conférences, dans le volume intitulé Souvenirs et indiscrétions, Troubat s’est attaché à retracer lai vie de labeur de Sainte-Beuve dont il avait subi l’influence et dont il gardait pieusement la mémoire. Il a publié plusieurs volumes, entre autres Plume et pinceau, le Blason de la Révolution, Une amitié à la d’Arthez, Champfleury et Max Buchon, et a donné au Temps une série d’articles variétés, dont plusieurs, comme ceux sur Gustave Flaubert et Louise Colet, ont été très remarqués[2].

Après la mort de Sainte-Beuve, il a rempli, pendant quatre ans, les fonctions de secrétaire chez les éditeurs Michel Lévy frères, puis deux années chez l’éditeur Édouard Dentu. Nommé en 1878, par Agénor Bardoux, alors ministre de l’Instruction publique, bibliothécaire du palais de Compiègne, il y est resté treize ans[9]. L’isolement, où il vivait à Compiègne, l’a amené à rimer en français[d]. Seul dans cette ville calme de province, en proie à l’insomnie, n’ayant jamais su jouer aux cartes, il allait par les rues solitaires, ruminant un sonnet. Ces sonnets, qu’il a toujours eus, depuis cette époque, en poche, ont été réunis, en 1884, sous le titre de Petits étés de la cinquantaine[9].

Après Compiègne, il a été attaché quel que temps comme bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale, puis bibliothécaire des Sociétés savantes[11]. Il a collaboré à Paris-Midi[12], à La Vie montpelliéraine (d) Voir avec Reasonator[6], et tenu, sous le nom de plume de « Hérand[e] » la Chronique de l’Hôtel des Commissaires-priseurs dans l'Artiste[13]. Érudit, qui avait le gout des recherches et de l’anecdote[14], il a publié plusieurs volumes de souvenirs[15], dans lesquels il faisait revivre tous les grands disparus de la période romantique dont il avait été l’ami et les principales figures du Second Empire[16], des essais et des critiques. Selon l’expression consacrée, « on ne s’adressait pas à lui sans avoir à se louer de son érudition[17]. » Pendant son passage au ministère de l’Instruction publique, Maurice-Louis Faure l’avait nommé chevalier de la Légion d’honneur. Il appartenait également au Félibrige et était membre de la Société des gens de lettres[2].

Républicain sincère de la première heure et démocrate[f], l’ardeur de ses convictions politiques l’avait fait condamner, sous le Second Empire, à trois mois de prison pour un article publié dans un journal de province[12]. Fermement libre-penseur[4], il a été, selon son désir, inhumé civilement au cimetière du Montparnasse[g], au milieu d’une nombreuse assistance[6].

Jugements modifier

« homme charmant. de la conversation la plus agréable et la plus variée, la plus riche d’anecdotes de toutes sortes, mariant l’esprit gaulois et l’esprit français. Il aimait la vie, il aimait la littérature et tout aimable[4]. »

— Jean Ernest-Charles, Les Annales politiques et littéraires

Publications modifier

  • Le Mont-Ganelon, Compiègne, H. Lefebvre, , 57 p., 26 cm (lire en ligne sur Gallica).
  • Souvenirs et indiscrétions, 1875.
  • Notes et pensées, Paris, L. Sauvaitre, , iii-156 p., in-16 (lire en ligne sur Gallica).
  • Souvenirs du dernier secrétaire de Sainte-Beuve, Paris, Calmann-Lévy, , 396 p., 18 cm (lire en ligne sur Gallica).
  • Essais critiques : Sainte-Beuve, J.-J. Rousseau, la marquise de Condorcet, Madame Helvétius, le conventionnel Vadier, Senancour, Champfleury, Paris, Calmann-Lévy, , viii-370 p., in-18 (lire en ligne sur Gallica).
  • Le Buste de Sainte Beuve, Paris, Lucien Duc, , 8 p., in-8º (lire en ligne sur Gallica).
  • Plume et pinceau : études de littérature et d’art : Rabelais, Voltaire, Mérimée, Talma, L’Assommoir, Napoléon et Robespierre, M. Victor Hugo, le Comte de Cavour…, Paris, Isidore Liseux, , xii-348 p., in-18 (lire en ligne sur Gallica).
  • La Salle à manger de Sainte-Beuve, Paris, Mercure de France, 2e éd., 343 p., in-16 (lire en ligne sur Gallica)
  • Un Félibre avant la lettre : Antony Réal (étude extraite de la revue la Province (livraison d’avril 1896), Paris, Librairie de la Province, , 8 p., in-8º (lire en ligne sur Gallica).
  • Gaietés de terroir, Paris, Lucien Duc, , 2e éd., iv-252, fig., couv. ill. ; in-18 (lire en ligne sur Gallica).
  • Nouvelles Gaietés de terroir : Essai sur les cours coculaires, Paris, librairie de la Province, , 36 p., in-8º (lire en ligne sur Gallica).
  • Sainte-Beuve intime et familier, 1903.
  • Souvenirs sur Champfleury et le réalisme, 1905.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Il disait modestement : « Je suis le figuier qui ne donne que des feuilles[4]. »
  2. Jules Lermina écrit, dans ’'l’Aurore’' que Troubat s’est fait le « chevalier de sa mémoire », le défendant non seulement contre de très authentiques calomnies, mais de plus contre des légendes exagérant des défauts inintéressants[8].
  3. Troubat a ainsi révélé que son employeur, qui « aimait la femme encore plus que les femmes », avait une fois demandé la main de la fille du général Pelletier, après que celle-ci avait joué devant lui une sonatine de Mozart[9].
  4. Il n’avait jusqu’alors jamais écrit qu’en vers latins[4].
  5. À la demande de son rédacteur en chef Arsène Houssaye[13].
  6. Il avait entendu de la bouche des anciens de sa famille l’histoire de la Révolution dans son département, notamment la vie du conventionnel Pierre-Joseph Cambon, qu’il devait publier plus tard, et les événements de la Terreur blanche, réutilisés par Sainte-Beuve dans son article consacré à l’Histoire de la Restauration, de Horace de Viel-Castel, recueilli dans le tome quatrième des Nouveaux Lundis[2].
  7. Il est mort à l’hôpital de l’Institut Pasteur[18].

Références modifier

  1. « Jules Troubat », La Petite Presse, Paris,‎ , p. 3 (ISSN 2557-1931, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  2. a b c d et e « Jules Troubat », Le Temps, Paris, no 19328,‎ , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  3. Paul Ginisty, « Les Secrétaires », Le Petit Parisien, Paris, no 13736,‎ , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  4. a b c et d « À propos de Jules Troubat », L’Homme libre, Paris, vol. 2, no 399,‎ , p. 1-2 (ISSN 1256-0170, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  5. « Nécrologie », L’Écho de France, Paris, no 10890,‎ , p. 4 (ISSN 2496-9710, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  6. a b et c « Ceux qui s’en vont : Jules Troubat », La Vie montpelliéraine (d) Voir avec Reasonator, Montpellier, vol. 21, no 1029,‎ , p. 3 (ISSN 2139-9700, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  7. « La Mort de Jules Troubat », Excelsior, Paris, vol. 7, no 1299,‎ , p. 3 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  8. Jules Lermina, « Bavardage », L’Aurore, Paris, no 6030,‎ , p. 1 (ISSN 1255-9792, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  9. a b et c J. Ernest-Charles, « Les Échos de Paris », Les Annales politiques et littéraires, Paris, vol. 32, no 1616,‎ , p. 502 (ISSN 1149-4034, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  10. « Amours d’antan », Le Cri de Paris, Paris, vol. 18, no 907,‎ , p. 10 (ISSN 2418-9332, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  11. « Mort de M. Jules Troubat », Le Réveil de l’Oise, Paris, no 361,‎ , p. 2 (ISSN 3001-8226, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  12. a et b « Mort de Jules Troubat », Paris-Midi, Paris, vol. 4, no 1217,‎ , p. 2 (ISSN 1256-0413, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  13. a et b Charles Joliet, Les Pseudonymes du jour, Paris, Édouard Dentu, , xi-148 p., 19 cm (lire en ligne sur Gallica), p. 63.
  14. « Le Bon Jules Troubat », Le Bonnet rouge, Paris, vol. 2, no 92,‎ , p. 3 (ISSN 1150-0859, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  15. « Nécrologie », La Liberté, Paris, vol. 49, no 17620,‎ , p. 4 (ISSN 1256-0286, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  16. Lucien Rocha, « Jules Troubat est mort », Comœdia, Paris, vol. 8, no 439,‎ , p. 3 (ISSN 1247-6757, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  17. A. B., « Jules Troubat », Figaro, Paris, no 156,‎ , p. 3 (ISSN 0182-5852, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  18. « Obsèques de M. Jules Troubat », La Presse, Paris, no 7974,‎ , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).

Liens externes modifier