Montmartre (série de Van Gogh)
Les peintures de Montmartre sont un groupe d'œuvres, réalisées par Vincent van Gogh en 1886 et 1887 et consacrées au quartier de Montmartre à Paris, alors qu'il habite là avec son frère Théo. Plutôt que de capturer des scènes urbaines dans Paris, Van Gogh préfère des ambiances plus pastorales, comme à Montmartre et à Asnières, dans cette banlieue du nord-ouest encore campagnarde.
Le travail de 1886 a souvent les tons foncés et sombres de ses premières œuvres des Pays-Bas et de Bruxelles. Progressivement, van Gogh libère sa palette et crée ses propres techniques de coup de pinceau sur la base de l'impressionnisme et du pointillisme. Les œuvres de la série donnent des exemples de son évolution artistique pendant cette période. Le , il quitte Paris.
Contexte
modifierParis
modifierFin février ou début , Vincent van Gogh quitte les Pays-Bas pour Paris et y rejoint son frère Théo, qui y est marchand d'art. Le style de Vincent est jusqu'alors influencé par les grands maîtres hollandais, mais aussi par son cousin Anton Mauve, un peintre réaliste néerlandais, membre éminent de l'école de La Haye, pour qui il gardera un grand respect, ou par ses amis Anthon van Rappard et George Hendrik Breitner.
Sa venue à Paris lui permet de découvrir les impressionnistes, les symbolistes, les pointillistes, et l'art japonais. Son cercle d'amis inclut Pissarro, Toulouse-Lautrec, Gauguin, Émile Bernard, Signac, Charles Angrand, parmi les pointillistes, et dans le groupe de l'atelier Cormon, Louis Anquetin[1],[2]. Lui-même se forme durant trois mois à l'atelier Cormon, au 10 rue Constance[3].
Montmartre
modifierMontmartre était un ancien village aux portes de Paris, englobant une colline, la butte Montmartre, qui surplombait la vallée de la Seine[4]. Un des premiers peintres à prendre comme sujet ses paysages ruraux et ses moulins est Georges Michel[5]. Entre 1840 et 1846, ce village s'est trouvé englobé avec Paris à l'intérieur de l'enceinte de Thiers, rempart défensif constitué à une distance de 1 à 3 kilomètres de la limite administrative de Paris à l'époque. Cette périphérie immédiate de la capitale, moins taxée, s'urbanise progressivement et attire des entrepreneurs, qui y ouvrent des cabarets, des bals et des hôtels. Des maisons rurales d'un ou deux étages, avec jardin, y jouxtent des terrains vagues, des friches, ou au contraire des immeubles locatifs de trois ou quatre étages sans confort[6]. Au , le village de Montmartre est annexé à Paris et intégré au XVIIIe arrondissement créé pour l'occasion. Pendant quelques décennies, Montmartre devient alors bicéphale, avec le Bas-Montmartre, urbanisé, bruyant et peuplé de lieux de plaisirs, cafés, cabarets, restaurants, lieux de danse, où se côtoient tous les milieux, et le Haut-Montmartre, les hauteurs de la butte, qui conserve, quelque temps, ses allures de campagne et de village paisible, avec des rues tortueuses, des masures, des jardins et des friches[7].
Ces paysages surprenants au sein de la ville de Paris continuent à attirer les peintres[5]. Vincent Van Gogh en fait l'objet de tableaux avant même de s'installer au troisième étage du n°54 de la rue Lepic avec son frère, en , disposant désormais dans cet appartement d'un atelier[8],[9].
Évolution artistique
modifierLorsqu'il arrive à Paris, Vincent Van Gogh s'inscrit encore dans un certain académisme réaliste et dans un style «rembranesque». Il retient vite de ses nouveaux amis le goût du paysage. Puis l'ancien adepte des clairs-obscurs se risque au blanc et gris, et commence à jouer avec la couleur vue en pleine lumière, introduisant des touches de rouge ou de vert[10]. Il cherche non seulement à capter un sujet à travers ces paysages, mais à traduire l'effet produit et à le communiquer, à entrer en résonance avec le public[11].
La fréquentation des néo-impressionnistes le convainc de diviser touches et tons. Il édulcore le procédé pointilliste de Georges Seurat, puis l'exagère au contraire. Comme Toulouse-Lautrec et Anquetin, « japonisants enragés comme lui», il ne remplit plus un dessin préconçu de touches mais dessine directement avec la couleur. Les traits et les gestes deviennent plus visibles. « À la fin de 1887, Van Gogh a trouvé une manière, par synthèse plus que par révélation. Les ultimes autoportraits, le Portrait du Père Tanguy, marchand de couleurs et d'estampes, et la belle Corbeille de pommes dédiée à Pissarro illustrent l'ampleur du progrès accompli. C'est, systématisée, élevée au rang de principe technique, l'alliance de la touche appuyée et « individualisée » à la Monet et à la Renoir et d'un chromatisme enivré par le Japon »[10].
Production
modifierScènes de Montmartre
modifierLe boulevard de Clichy, dans le Bas-Montmartre, a joué un rôle important dans la vie de van Gogh à Paris. Le Café du Tambourin s'y trouvait. Il a eu une relation avec la propriétaire de cet établissement, Agostina Segatori, qui a été le sujet de plusieurs de ses tableaux. Il a rencontré aussi régulièrement d'autres artistes en ce lieu, et après une première tentative dans un autre restaurant, il y a organisé une exposition avec le Groupe du petit boulevard : Gauguin, Émile Bernard, Toulouse-Lautrec, et Anquetin. Cette appellation de Groupe du petit boulevard faisait référence à un autre groupe, d'aînés, composé de Sisley, Degas, Pissarro, et du plus jeune Seurat, des peintres exposés par Théo van Gogh au boulevard Montmartre, le grand boulevard[12]. En mars 2021, le tableau Scène de rue à Montmartre : le Moulin à Poivre est mis en vente par son propriétaire privé par la maison Sotheby's pour une estimation de 5 à 8 millions d'euros[13].
-
Crépuscule, avant la tempête : Montmartre
1886
Collection privée (F1672)
Le Moulin de la Galette
modifierVan Gogh a composé un certain nombre de peintures intitulées Le Moulin de la Galette, appelé également Moulin Blute-Fin. Durant sa première année à Paris, il peint les zones rurales autour de Montmartre, comme la butte et ses moulins à vent, en utilisant souvent des couleurs assez sombres. Ses rencontres avec d'autres artistes, dont Henri de Toulouse-Lautrec, Paul Signac et Paul Gauguin l'amène à des œuvres plus colorées[14],[10].
-
Le Moulin de la Galette
1886
Collection privée (F349) -
Terrasse et Point d'Observation au Moulin de Blute-Fin, Montmartre
1886
Art Institute of Chicago (F272) -
Le Moulin de Blute-Fin
1886
Bridgestone Museum of Art, Tokyo (F273)
D'autres peintures de moulins
modifierLa colline de Montmartre avec une carrière de pierre est l'un des thèmes récurrents de Van Gogh sur la campagne de Montmartre. L'immeuble où il vivait avec son frère bordait cette campagne tout en offrant une vue sur la ville de Paris. Au moment de la réalisation de ces tableaux, le paysage commence à disparaître sous l'effet de l'expansion de la ville..
-
La Colline de Montmartre avec une carrière de pierres
1886
Musée Van Gogh, Amsterdam (F229) -
La Colline de Montmartre avec une carrière
1886
Musée Van Gogh, Amsterdam (F230) -
La Colline de Montmartre ou encore Vue de Montmartre et de ses moulins
1886
Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas (F266) -
Moulin de Montmartre (b/w copy)
1886
Détruit par le feu en 1967 (F271) -
Scène de rue à Montmartre
1887
Collection privée (No F number, JH1240)
Vues de Paris
modifierDans les tableaux datant des premiers mois à Paris, Vincent van Gogh n'a pas encore commencé à intégrer la couleur et de la lumière dans son travail.
Vues de la chambre de Vincent, rue Lepic
modifierDans ces tableaux, mettant à profit cette même vue sur les toits de la ville, Vincent van Gogh intègre dans sa manière plusieurs techniques néo-impressionnistes.
-
Vue de la fenêtre de Vincent
1887
Collection privée (F341a)
Jardins de Montmartre
modifierVincent van Gogh utilise certaines techniques des peintres impressionnistes et pointillistes, avec des coups de pinceau ou des points de couleur, et une palette lumineuse.
-
Jardins potagers à Montmartre : La Butte Montmartre
1887
Musée Van Gogh, Amsterdam (F346) -
Jardins potagers à Montmartre : La Butte Montmartre
1887
Stedelijk Museum, Amsterdam (F350)
Autres thèmes
modifierC'est à Montmartre que Vincent van Gogh commença à boire de l'absinthe, au café de la mère Bataille rue des Abbesses[16].
Le père Tanguy, ancien communard, est un marchand de couleur, qui exposait aussi de façon modeste des peintres dans la devanture de son magasin, au n°14 de la rue Clauzel. Vincent van Gogh s'était lié d'amitié avec lui. Il a choisi comme arrière-plan de ce tableau des estampes japonaises[17].
-
Autoportrait
1887
Musée Van Gogh, Amsterdam (F320)
Notes et références
modifierNotes
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Montmartre (Van Gogh series) » (voir la liste des auteurs).
Références
modifier- Wallace 1969, p. 40,69.
- Chastel 1960.
- Barrielle 1984, p. 80.
- Chadych et Leborgne 2007, p. 10.
- René-Jean 1945.
- Chadych et Leborgne 2007, p. 146-149.
- Mellot 2008, p. 6-13.
- Barrielle 1984, p. 78-86.
- Hamilton 2002, p. 104-105.
- Dagen 1988.
- Balakian 1984, p. 446-447.
- Barrielle 1984, p. 90.
- Agence France-Presse, « L'un des rares Van Gogh encore en mains privées sera vendu à Paris au mois de mars », sur lefigaro.fr, (consulté le )
- Mroue 1999, p. 123.
- Art Daily Van Gogh Experts Authenticate Unusual Painting Now on View at Museum de Fundatie
- Michel 1999.
- Barrielle 1984, p. 86.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- (en) Ann Galbally, A remarkable friendship : Vincent van Gogh and John Peter Russell, Melbourne University Publishing, , 327 p. (ISBN 978-0-522-85376-6, lire en ligne).
- Philippe Mellot, La vie secrète de Montmartre, Éditions Omnibus, , 239 p. (ISBN 978-2-258-07650-1).
- Danielle Chadych et Dominique Leborgne, Atlas de Paris : évolution d'un paysage urbain, Parigramme, , 199 p. (ISBN 978-2-84096-249-6 et 2-84096-249-7).
- (en) V. Hamilton, Millet to Matisse : Nineteenth- and Twentieth-century French painting from., Yale University Press, (ISBN 0-902752-65-0).
- Philippe Dagen, « Theo van Gogh ou le marché de l'art », Le Monde, (lire en ligne).
- François-Bernard Michel, La face humaine de Vincent Van Gogh., Éditions Grasset, (lire en ligne).
- (en) H. Mroue, Frommer's Memorable Walks in Paris., John Wiley & Sons, (ISBN 0-471-77648-3).
- Philippe Dagen, « Une exposition au musée d'Orsay Van Gogh le Parisien », Le Monde, (lire en ligne).
- (en) Anna Balakian, The Symbolist movement in the literature of European languages, John Benjamins Publishing, , 446–447 p. (ISBN 978-963-05-3895-4, lire en ligne).
- Jean-François Barrielle, La vie et l'œuvre de Vincent van Gogh., ACR-Edition, (lire en ligne).
- (en) R. Wallace, The World of Van Gogh (1853–1890)., Time-Life Books, .
- André Chastel, « Les amitiés de Van Gogh », Le Monde, (lire en ligne).
- René-Jean, « Gloire de Montmartre », Le Monde, (lire en ligne).
Webographie
modifier- (en) « Paris 1886-1888 », sur le site du permanente du musée Van Gogh, collection permanente.
- (en) « Van Gogh, paintings and drawings: a special loan exhibition / the Metropolitan Museum of Art, the Art Institute of Chicago, 1949-1950 », sur le site du Metropolitan Museum of Art.