Utilisateur:Claes MC/Brouillon

Modèle:Infobox Art et culture

La photothèque de l’Institut royal du patrimoine artistique (IRPA) à Bruxelles possède une collection de plus de 10 000 négatifs sur plaques de verre datant de 1917-1918. Ces clichés ont été effectué dans le cadre d’un inventaire photographique du patrimoine culturel belge organisé par le Gouvernement général allemand et placé sous la direction de l’historien d’art et conservateur du patrimoine rhénan, Paul Clemen. Dans le cadre des commémorations de la Première Guerre mondiale, l’IRPA a mené un projet de recherche interdisciplinaire afin d’étudier en profondeur la collection très riche en information.

Historique

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Contexte historique

Dès le début de la Première guerre mondiale, en août 1914, les opérations militaires causent de nombreuses destructions patrimoniales. La disparition de la bibliothèque de l’Université catholique de Louvain dans un incendie perpétré par les troupes allemandes, et les dégâts provoqués par les bombardements qui touchent la ville et la Cathédrale de Reims en sont les plus connues. (références). Une guerre médiatique dont l’un des enjeux est le patrimoine artistique oppose les Empires centraux (Allemagne, l’Autriche-Hongrie, etc.) aux pays de la Triple-Entente (France, Angleterre, etc.). Intellectuels et scientifiques allemands réfutent toute accusation de “vandalisme” et de “barbarie” tandis que des historiens de l’art et conservateurs de musée plaident pour l’instauration d’un service chargé de la protection du patrimoine en pays ennemi, dont l’un des buts inavoués est de redorer le blason de la “Kulturnation” ($1 références mon livre, etc.). En Belgique occupée, le Kaiserliches Deutsches Generalgouvernement Belgien (Gouvernement général allemand[1] $ ref à compléter) s’empare de cette idée qui s’intègre parfaitement dans sa politique culturelle et dans les projets d’annexion.  

La genèse du projet (d’inventaire photographique)

En Belgique en 1914, des inventaires du patrimoine culturel existent, mais ils sont très hétérogènes et lacunaires. La Commission royale des monuments et sites[2] (CRMS) n’a cessé depuis sa création en 1835, de promouvoir auprès des différents gouvernements la création de répertoires du patrimoine, indispensable à sa bonne gestion et sa conservation pour les générations futures. Parmi les modèles à suivre, la CRMS préconise dans l’avant-guerre celui entamé par Paul Clemen en Rhénanie ($2 réf ), en raison de son caractère à la fois scientifique et pédagogique pour un large public.

L’inventorisation du patrimoine d’un territoire nouvellement conquis/ annexé est une pratique qui date des années 1870, lorsqu’elle a été employée notamment en Alsace-Lorraine annexée à l’Empire allemand.

L’historiographie de l’art en Allemagne s’intéresse depuis longtemps à l’art des anciens Pays-Bas ($3 réf ), notamment aux Primitifs flamands ($4 ref Friedländer, etc.). Comme dans d’autres domaines du savoir (histoire, littérature, etc.), les relations sont étroites entre les érudits des deux pays, malgré un déséquilibre structurel lié au poids des institutions allemandes et de leur rayonnement. La brutalité de l’invasion allemande provoque l’interruption abrupte de ces relations (et déclenche chez les Belges une crise identitaire).

Les historiens de l’art, archéologues, architectes et conservateurs de musée allemands, quant à eux, entendent bien profiter de l’occupation afin de mener des recherches (par exemple à l'Abbaye d’Orval). Ils sont en effet nombreux à séjourner en Belgique entre 1914 et 1918 ($5 réf.). Afin de pouvoir poursuivre leurs travaux chez eux, certains évoquent l’idée de compléter les archives photographiques des instituts d’histoire de l’art par des clichés du patrimoine belge. Julius Baum, professeur d’histoire de l’art sans chaire (Privatdozent) à l’Université technique de Stuttgart ($6 réf.), jusqu’en juin 1915 membre du Gouvernement général et chargé de propagande culturelle dans le cadre de la Flamenpolitik, adresse en décembre 1916 un mémorandum «aux hautes autorités» dans lequel il exprime la nécessité d’effectuer sans tarder «l’inventorisation scientifique et photographique de la Belgique» tant qu’elle est sous domination allemande. En cas de défaite des Empires centraux, les sources belges resteraient pendant longtemps inaccessibles aux chercheurs allemands. Or, ces sources seraient indispensables aux futurs travaux sur les relations artistiques “entre les Pays-Bas et la Rhénanie ainsi que (de) celles entre les Pays-Bas et le Sud de l’Allemagne” ($7 ref Julius Baum, 1917). La supposée parenté artistique entre régions situées de part et d’autre de la frontière germano-belge, basée sur des critères tant ethniques que linguistiques et politiques, est alors monnaie courante et sert de justification aux chercheurs allemands.

Paul Clemen, responsable pour le patrimoine artistique dans les territoires occupés par l’Allemagne impériale, prend le projet en main à partir de début 1917. Le 2 avril 1917, Louis Laiblin, riche mécène du Wurtemberg, annonce à Clemen la donation de 20.000 marks. Le 19 mai 1917, le nouveau Gouverneur général allemand Ludwig von Falkenhausen approuve le projet, qui est devenu “une entreprise d’Etat, en quelque sorte”[3]. Il est en effet chapeauté par le Gouvernement général, qui y voit un moyen de propagande, et rattaché à sa section II b (note: La section II b du Gouvernement général s’occupait essentiellement de la presse et de la propagande. Elle était censée jouer un rôle d’intermédiaire entre le Gouverneur général et les organes de l’administration civile et notamment la Politische Abteilung). L’empereur Guillaume II, grand amateur d’archéologie et de patrimoine ($8 réf), le soutient par un crédit de sa cassette personnelle à hauteur de 35 000 marks.

La mise en oeuvre de l’inventaire photographique ($9 ref CK dans CFC)

Dans chaque province sous contrôle allemand, un Abteilungsleiter est nommé. Celui-ci choisit les objets à photographier, coordonne les travaux, récupère les résultats et les prépare pour des utilisations ultérieures (diffusion, archivage, publication, etc.). Dans le Brabant, il s’agit de l’historien d’art et conservateur de musée Erwin Hensler de Dresde, dans la Province d’Anvers, du professeur d’histoire de l’art munichois Hugo Kehrer, assisté par l’historien d’art Martin Konrad, en Flandre orientale (Gand), du professeur d’histoire de l’art et architecte Christian Rauch, assisté à partir de février 1918 de Detlev von Hadeln, dans le Hainaut (Mons), du professeur d’histoire de l’art Max Schmid-Burgk, assisté par l’historienne de l’art Grete Ring, dans la Province de Luxembourg (Arlon), de l’architecte Ludwig Paffendorf, dans la Province de Namur,  de l’architecte Baron Heinrich von Schmidt,  dans les provinces de Liège et du Limbourg (Hasselt), du conservateur du patrimoine Wilhelm Laur, puis du professeur d’histoire de l’art Julius Baum, en Flandre occidentale (Etappen- und Operationsgebiet West, sous le commandement du Marinekorps) (Bruges), de l’architecte Herman Flesche et de l’historien d’art Eberhard von Schenk zu Schweinsberg dans la partie placée sous le commandement de la IVe armée.

En octobre 1917, une Commission pour l’inventorisation photographique des monuments belges (Kommission für die photographische Inventarisation der belgischen Kunstdenkmäler) est créée par décret. Elle est composée du baron Thilo von Wilmowski, chef de la chancellerie civile du Gouvernement général, de Georg Bodenstein, délégué du ministère prussien de la Culture et de l’Instruction publique ainsi que de Clemen, en tant que président de la Commission. Erwin Hensler est nommé responsable du projet auprès du Gouvernement général.

Dès août 1917, les travaux photographiques commencent sur le terrain. Certains Abteilungsleiter sont eux-mêmes photographes (Schmid-Burgk, Paffendorf, Laur, von Schmidt). Mais un grand nombre de clichés a été pris par les meilleurs spécialistes dans le domaine de la photographie documentaire d’histoire de l’art de cette époque : Richard Hamann, fondateur en 1913 des Archives photographiques d’histoire de l’art (Bildarchiv Foto Marburg[4], Franz Stoedtner, créateur en 1895 d’un Institut pour la projection scientifique (Institut für wissenschaftliche Projektions-Photographie), Theodor von Lüpke, directeur de l’Institut royal de photogrammétrie (Königlich Preussische Messbildanstalt) ainsi que Paula Deetjen, déléguée des archives photographiques fondées par Karl Ernst Osthaus à Hagen (note : le fondateur et directeur du Museum Folkwang Hagen crée en 1910, en coopération avec le Deutscher Werkbund et l’Institut de Franz Stoedtner, la Photographien- und Diapositivzentrale du Deutsches Museum für Kunst in Handel und Gewerbe)

Parmi les autres photographes, on trouve Hanns Holdt de Munich, Erwin Quedenfeldt, une autre femme, Jaro von Tucholka, et des opérateurs enrôlés dans des sections photographiques rattachées aux forces d’occupation. Des photographes belges ont également été associés au projet, sans que l’on connaisse très précisément les conditions de leur coopération : Jozef Apers et Gustave Hermans, un certain de Wilde, et Paul Becker. Selon les consignes données par Clemen, soucieux de recourir autant que possible à l’existant, les Abteilungsleiter se procurent en outre des clichés d’institutions belges comme les comités provinciaux de la Commission royale des monuments et sites.  

Le choix des objets photographiés ($10 ref CK dans CFC)

Un grand nombre de clichés est consacré aux quatre grandes villes – Bruxelles, Anvers, Gand et Liège –, ainsi qu’aux églises monumentales, suivies d’autres édifices religieux présentant un intérêt pour l’histoire de l’art. Les bâtisses religieuses constituent en effet les deux tiers des clichés dédiés à l’architecture (2.879 sur 4.413). On constate également une préférence nette pour l’architecture et la sculpture gothique, Renaissance et baroque, ce qui correspond au canon esthétique et scientifique de l’époque. Le choix des objets photographiés reflète les orientations méthodologiques et les principales interrogations de la discipline autour de 1914. Les partisans d’une approche «culturaliste» de l’histoire de l’art, qui évolue vers ce qu’on appelle la «géographie artistique» (Kunstgeographie) à partir des années 1920, orientent leur choix volontairement sur des objets souvent moins «prestigieux» mais ayant un présupposé lien géographique, historique ou politique avec l’Allemagne ou l’Autriche. La sélection des motifs est en outre guidée par l’idée de compétition internationale. Il s’agit aussi et surtout de réviser, voire de contredire, les travaux des collègues belges et français, grâce ou à l’aide de nouvelles prises de vue des objets. Les clichés reproduisant des tableaux et des objets issus de collections muséales existent en nombre réduit, comparé au grand nombre de clichés d’ensembles urbanistiques, d’architecture, de sculptures et d’éléments de décors. A côté d’un best-of du patrimoine culturel belge, 1.534 clichés - des vues d’ensemble ainsi que des détails et des éléments de décor - d’architecture bourgeoise et d’architecture vernaculaire ont été effectués afin de servir aux projets allemands de reconstruction des zones de guerre dans un style régionaliste. ($11 réf.) A l’inverse de la mission Dhuicque, menée dans la région du front et en Belgique non occupée, la Flandre occidentale, fortement touchée par les destructions patrimoniales, l’objectif des photographes-historiens de l’art allemands n’est pas de documenter les dégâts causés par les opérations de guerre. Ainsi, on ne trouve qu’une trentaine de vues de Louvain avec des bâtiments en ruines ou sans toit, et quelques vues d’églises dépourvues de toiture comme à Eppegem, Andenelle, Walcourt, Dinant et Lierre. Plus de mille clichés (les chiffres varient) sont des reproductions de manuscrits médiévaux appartenant à différentes bibliothèques (la Bibliothèque royale à Bruxelles, notamment).

Matériel et techniques photographiques

Tous les négatifs ont été réalisés sur plaques de verre, aux formats 13x18 et 18x24 pour la plupart, mais aussi aux formats 24x30, 30x40 et 40x40. Les clichés de ce dernier format, tout-à-fait exceptionnels, ont été réalisés par l'Institut prussien de Photogrammétrie de Berlin.

$12 à compléter

L’inventaire photographique après 1918

Les prises de vue continuent jusqu’aux derniers moments avant l’Armistice. Lors du retrait des troupes allemandes de Belgique, la majorité des plaques photographiques a déjà été ou sera transférée en Allemagne. Seules quelques caisses se perdent dans la tourmente/ en cours de route. Dès janvier 1919, des voix s’élèvent en Belgique revendiquant la récupération de la collection considérée comme propriété nationale. L’historien de l’art Léo van Puyvelde et la CRMS ne cessent d’alerter les autorités belges sur la nécessité de la saisir par la force la collection en Allemagne. Cependant, le statut juridique des plaques photographiques est flou, car il ne s’agit pas d’objets enlevés pendant l’occupation ce qui aurait pu justifier une restitution selon l’article 238 du Traité de Versailles. En outre, face à la situation incertaine en Rhénanie, dont certaines zones sont occupés par les troupes de l’Entente, la collection est dispersée : la moitié des plaques reste entreposée dans différents endroits du territoire allemand non-occupé (Marburg, Giessen, Darmstadt et Berlin), alors que l’autre moitié, plus de 5.000, est réunie à l’Office pour la conservation du patrimoine (Amt für Denkmalpflege) à Bonn, où un petit groupe d’historiens de l’art sous la direction de l’assistante de Clemen, Erika Huyssen, se consacre dès 1918-1919 au dépouillement, au classement et à l’élaboration d’un catalogue. Mais à terme, les négatifs produits en Belgique doivent constituer l’un des fonds les plus importants des Archives centrales d’histoire de l’art, alors en projet à Berlin.

En 1923 : Belgische Kunstdenkmäler $13 réf et compléter

L’acquisition des clichés par l’Etat belge

En 1925 et en 1927, grâce à une médiation entre l’archéologue  et représentant allemand de la Commission allemande de récupération Gerhard Bersu et le conservateur des Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles, Eugène Van Overloop, puis, après la mort de ce dernier, son successeur Jean Capart, les négatifs originaux ont pu être achetés par l'État belge dans le cadre des réparations .

  • 1925 : 540 clichés photogrammétriques
  • 1927 : les autres clichés

Ils ont été confiés à la photothèque des Musées royaux d'art et d'histoire de Bruxelles.

En 1948, ils sont passés dans les collections d'une nouvelle institution, émanant des Musées, Les Archives Centrales iconographiques d’Art national et Laboratoire central des Musées de Belgique, qui deviendront en 1957 l'Institut royal du Patrimoine artistique. Depuis lors, les «Clichés allemands» sont gérés, conservés et valorisés par cet établissement scientifique fédéral à Bruxelles.

Valorisation de la collection

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2002 ma thèse $14 réf et compléter

2004 conférence à Bruxelles $15 réf et compléter

Christina Kott a publié sa thèse de doctorat en histoire, Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en France et en Belgique occupées $16 réf, où les Clichés allemands faisaient l'objet d'une première étude.

La même année, un Symposium "Clichés allemands" s'est tenu à l'Institut royal du Patrimoine artistique. $17 réf

En 2017-2019, dans le cadre des commémorations de la Première Guerre mondiale, des expositions se sont tenues à Bruxelles et dans toutes les provinces de Belgique. $16 réf et compléter

Bibliographie

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(nl) Hilke Arijs, « Fotohistorisch onderzoek van een collectie Duitse glasnegatieven (1914-1918) van het KIK », dans Bénédicte Rochet et Axel Tixhon (éd.), Poor Little Belgium. La petite Belgique dans la Grande Guerre : une icône, des images, Namur, 2011, p. 431-454.

Marie-Christine Claes, « Un héritage bénéfique des guerres mondiales en Belgique. Le concept et les collections de l’IRPA », dans Bruxelles patrimoines, n° 011-012 (Numéro spécial Journées du Patrimoine sept. 2014), p. 61-73.

Christina Kott, « Restitution, compensation, réparation : la question du patrimoine artistique dans l’après-guerre (1918-1924) », dans ibid., Protéger, confisquer, déplacer. Le service allemand de préservation des œuvres d’art (Kunstschutz) en Belgique et en France occupées pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1924, mémoire de thèse non-publié, Paris, EHESS, 2002, p. 81-84.

Christina Kott,« «Inventorier pour mieux contrôler ?» L’inventaire photographique allemand du patrimoine culturel belge entre recherche historique et politique d’occupation », dans Serge Jaumain, Michaël Amara, Benoît Majerus, Antoon Vrints (dir.), Une guerre totale ? La Belgique dans la Première Guerre mondiale. Nouvelles tendances de la recherche historique, coll. « Études sur la Première Guerre mondiale/Studie over de Eerste Wereldoorlog », n° 11, Bruxelles, 2004, p. 283-300.

Christina Kott, Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en France et en Belgique occupées, 1914-1918, Bruxelles, 2006.

Christina Kott, « Les inventaires photographiques allemands en Belgique, 1917-18 et 1940-44 », dans Dirk Lauwaert et al., Citygraphy, Bruxelles, 2007, p. 52-65.

Christina Kott, « Photographie de monuments et guerres : l’exemple des missions photographiques allemandes en France et en Belgique, 1914-1918 », dans La France et la Belgique occupées (1914-1918) : regards croisés, coll. « Cahier de l’IRHIS », n° 7, 2009 (Université Charles de Gaulle Lille 3), p. 14-23.

Christina Kott et Marie-Christine Claes (éd.), Le patrimoine de la Belgique vu par l'occupant : un héritage photographique de la Grande Guerre, Bruxelles, CFC éditions, 2018.

Liens externes

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{{DEFAULTSORT:Clichés allemands de l'Institut royal du Patrimoine artistique}} [[Catégorie:Photographie]]

  1. Roolf, Christoph, « xx », xx,‎ xx, xx
  2. « Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles - Accueil »
  3. Lettre de Paul Clemen à Richard Hamann, 26/7/1917. UBM-NLH, Ms. 1026 B
  4. (de) « Bildarchiv Foto Marburg »