Vice-président de la République française

Vice-président de la République est une fonction qui n'exista en France que pendant la Deuxième République (1848-1852) et qui n'a eu qu'un seul titulaire : Henri Georges Boulay de la Meurthe, élu en janvier 1849.

Vice-président de la République française
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Elle ne fut jamais rétablie, malgré des discussions ponctuelles au cours des années fondatrices de la Cinquième République. Le président du Sénat est désigné pour assurer l'intérim du président.

Sélection et fonctions

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La vice-présidence a été instaurée au début de la Deuxième République par la Constitution du 4 novembre 1848, notamment ses articles 45, 70 et 71. La fonction s'inspire largement de celle du vice-président des États-Unis, comme le sont d'autres éléments de la nouvelle constitution, qui crée le seul système présidentiel de la France, avec l'introduction d'un président, fonction dont la Première République s'était passée[1].

Le titulaire n'était cependant pas élu aux côtés du président sur une liste, mais lors d'une élection indirecte par l'Assemblée nationale dans le mois suivant l'élection présidentielle (élection directe), à partir d'une liste de trois noms proposés par le nouveau président. Afin d'éviter les liens dynastiques après le renversement de la monarchie de Juillet, les membres de la famille du président (« parents ou proches du président jusqu'au sixième degré inclus ») furent exclus de cette fonction (70). Comme le président, le vice-président ne pouvait être réélu, ou être élu président lui-même, qu'après un intervalle de quatre ans (45).

En outre, le vice-président devait assurer l'intérim du président si celui-ci était dans l'incapacité d'exercer sa fonction, mais ne pouvait pas accéder à ce poste si celui-ci devenait vacant : un nouveau président devait être élu dans un délai d'un mois (70).

Le vice-président était ex officio le président du Conseil d'État (71), un poste qui a toujours été occupé par un membre de l'exécutif (aujourd'hui le Premier ministre).

Henri Georges Boulay de la Meurthe fut élu à la nouvelle fonction le 20 janvier 1849, comme choix préféré du président Louis-Napoléon Bonaparte, qui avait également proposé le comte Achille Baraguey d'Hilliers et Alexandre-François Vivien. Il fut un partisan dévoué et discret de Bonaparte pendant les trois années suivantes ; un biographe écrit qu'il était « toujours en retrait, ne se mêlant de rien, pas même de ses prérogatives ». Il soutint son coup d'État du 2 décembre 1851 ; bien qu'il soit resté formellement vice-président, la Constitution de 1848 fut en pratique suspendue jusqu'à ce que la Constitution du 14 janvier 1852 entrât en vigueur et abolît cette fonction. Il fut récompensé par un siège à vie au Sénat rétabli[2].

Élection de 1849 à la vice-présidence

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Candidate Votes %
Henri Georges Boulay de la Meurthe 417 60,00%
Achille Baraguey d’Hilliers 1 0,14%
Alexandre-François Vivien 277 39,86%
Total des votants 695 100,00%
Majorité absolue 348
Votes blancs 19

L'ordre est celui dans lequel le président Bonaparte avait présenté ses trois candidats, dans une lettre du 18 janvier. L'élection eut lieu le 20 janvier. Bien que la Constitution ne prévît pas de mode de scrutin, le président de l'Assemblée précisa que l'élection requérait la majorité absolue des suffrages exprimés. Elle se déroula en un seul tour. Henri Boulay de La Meurthe prêta immédiatement serment[3].

Développements ultérieurs

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L'intérim de la présidence en cas d'empêchement ou de vacance fut dévolu au Conseil des ministres sous la Troisième République, au président de l'Assemblée nationale sous la Quatrième République puis au président du Sénat sous la Cinquième République.

Dans les années 1960, après les années de fondation de la Cinquième République, des propositions ont été formulées au sein de la majorité de droite pour créer une vice-présidence, certaines liées à la perspective de transformer son système semi-présidentiel en système présidentiel. L'une d'elles fut proposée en privé par Jacques Chaban-Delmas, président de l'Assemblée nationale, au président Charles de Gaulle après qu'il eut échappé à l'attentat du Petit-Clamart en 1962[4], et il y eut des discussions à la 3e Conférence de l'UNR en novembre 1963, qui, par coïncidence, s'est tenue dans les jours qui ont suivi l'assassinat de John F. Kennedy[5]. D'autres furent réalisées par Pierre Marcilhacy en 1964[6] et par Paul Coste-Floret[7] et Achille Peretti en 1966[8]. De Gaulle et son entourage y virent cependant une manœuvre pour faciliter sa retraite, et les propositions restèrent lettre morte ; il déclara d’un éventuel vice-président : « Il serait ma veuve. »[9].

Les personnalités influentes de l'exécutif ayant un lien personnel étroit avec le président, ou une position suffisamment forte pour contourner le Premier ministre, ont parfois été qualifiées de façon informelle de « vice-président »[10], par exemple Claude Guéant, qui fut secrétaire général de la présidence puis ministre de l'Intérieur sous Nicolas Sarkozy, et auparavant son directeur de cabinet et directeur de campagne présidentielle[réf. nécessaire] ; et Ségolène Royal, en tant que ministre du Développement durable sous François Hollande, les deux étant un ancien couple de trois décennies et les parents de quatre enfants[11].

Références

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  1. Pierre-Xavier Boyer, Angleterre et Amérique dans l'histoire constitutionnelle française (1789–1958), Paris, CNRS Éditions, (ISBN 978-2-271-12988-8, DOI 10.4000/books.editionscnrs.16622), « La voie américaine »
  2. Dictionnaire des parlementaires français depuis le 1er mai 1789 jusqu'au 1er mai 1889, Paris, Edgar Bourloton, 1889–1891 (lire en ligne)
  3. Compte rendu des séances de l'Assemblée nationale, vol. 7, Paris, Typographie Panckoucke, , 335–336 p. (lire en ligne), « Assemblée nationale. Séance du samedi 20 janvier »
  4. Jacques Chaban-Delmas, L'Ardeur, Paris, Stock, (ISBN 2-234-00367-9)
  5. Pierre Viansson-Ponté, « La transformation du Sénat fait toujours l'objet de controverses — Le général de Gaulle hostile à la création d'une vice-présidence de la République », Le Monde, Paris,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Dubasque, « Pierre Marcilhacy, " le candidat qui dit oui aux chrysanthèmes " », Histoire@Politique, Paris, Sciences Po, vol. 44,‎ (ISSN 1954-3670, DOI 10.4000/histoirepolitique.1094, lire en ligne, consulté le )
  7. Latscha, « Une réforme constitutionnelle nécessaire. Note sur les lacunes du régime d'élection à la présidence de la République », Revue française de science politique, Paris, Sciences Po, vol. 16, no 6,‎ , p. 1100–1115 (ISSN 0035-2950, DOI 10.3406/rfsp.1966.392976, lire en ligne, consulté le )
  8. Badache, « Les positions institutionnelles des gaullistes depuis 1959 », Revue française de science politique, Paris, Sciences Po, vol. 34, nos 4–5,‎ august–october 1984, p. 844–860 (ISSN 0035-2950, DOI 10.3406/rfsp.1984.394151, lire en ligne)
  9. As quoted by Jean Foyer in an interview with Rudelle, « Le général de Gaulle et l'élection directe du président de la République », Revue française de science politique, Paris, Sciences Po, vol. 34, nos 4–5,‎ august–october 1984, p. 687–711 (ISSN 0035-2950, DOI 10.3406/rfsp.1984.394142, lire en ligne, consulté le )
  10. Robin Verner, « Vice-président de la République, le poste qui n'existe pas en France mais dont on parle quand même », Slate.fr, Paris,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Serge Raffy, « Ségolène Royal, dernière arme anti-Le Pen ? », L'Obs,‎ (lire en ligne)

Articles connexes

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