Bataille de la baie de Chesapeake

bataille navale opposant en 1781 Français et Anglais durant la guerre d'indépendance des États-Unis
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La bataille de la baie de Chesapeake, aussi connue sous le nom de bataille des caps de Virginie, est une bataille navale décisive de la guerre d'indépendance des États-Unis qui eut lieu près de l'embouchure de la baie de Chesapeake le entre la flotte du rear admiral britannique Thomas Graves et celle du lieutenant-général des armées navales[1] François Joseph Paul de Grasse. La précision du tir français endommage suffisamment six vaisseaux britanniques pour forcer Graves à rompre le combat et à s’esquiver[2].

Bataille de la baie de Chesapeake
Description de cette image, également commentée ci-après
Les navires Ville de Paris et L'Auguste,
Bataille de la baie de Chesapeake, septembre 1781.
Informations générales
Date
Lieu Baie de Chesapeake
Issue Victoire stratégique décisive de la France
Belligérants
Drapeau du royaume de France Royaume de France Drapeau de la Grande-Bretagne. Royaume de Grande-Bretagne
Commandants
Comte de Grasse Admiral Graves
Forces en présence
24 vaisseaux de ligne 19 vaisseaux de ligne
Pertes
230 morts ou blessés 90 morts
246 blessés
5 navires endommagés
1 navire sabordé

Guerre d'indépendance des États-Unis

Batailles


m

Opérations navales de la guerre d'indépendance des États-Unis (en) :

Coordonnées 36° 58′ 03″ nord, 75° 32′ 21″ ouest
Géolocalisation sur la carte : États-Unis
(Voir situation sur carte : États-Unis)
Bataille de la baie de Chesapeake
Géolocalisation sur la carte : Virginie
(Voir situation sur carte : Virginie)
Bataille de la baie de Chesapeake

La victoire de la flotte française empêche la Royal Navy de secourir les forces du général Charles Cornwallis à Yorktown. Elle évite également toute interférence britannique avec les renforts et provisions envoyés depuis Newport et les Antilles françaises aux armées coalisées de George Washington, Rochambeau et La Fayette. Cette bataille amène ainsi la chute de Yorktown, puis l'indépendance des États-Unis. Par cette victoire, la France a pu récupérer certaines de ses colonies perdues en 1763 dont Sainte-Lucie et Tobago.

Un premier combat, moins important, avait eu lieu le . Ce premier engagement, qui se solda par une victoire britannique, est connu sous les noms de première bataille de Chesapeake, combat de Chesapeake ou encore bataille du cap Henry.

Préliminaires

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À l’été 1781, l'amiral de Grasse est à Saint-Domingue. Il s’apprête à escorter vers la France un impressionnant convoi de 160 navires marchands chargés de sucre, épices, cacao et indigo. L’escadre qu’il commande comprend 24 vaisseaux de ligne, dont le navire amiral Ville de Paris. S’ajoutent des frégates et des corvettes. Grâce à la passion de Louis XVI pour la marine, et au programme de construction navale qu’il a lancé entre 1774 et 1778, la Marine royale dispose alors d’une flotte sans précédent[3].

Au moment où ce convoi s’ébranle, les quatre plus grandes puissances navales du monde sont en guerre. D’un côté il y a la France, l’Espagne et les Provinces-Unies, ralliées aux insurgés américains, de l’autre la Grande-Bretagne. L'effort de guerre repose cependant pour l'essentiel sur la France, car l'Espagne, qui craint une contamination révolutionnaire dans ses colonies, refuse tout soutien direct aux Américains. Quant aux Néerlandais, entrés en guerre au début de 1781, ils essaient surtout de défendre — avec l'aide de la France — leurs possessions coloniales menacées par la Royal Navy, car leur marine de guerre est peu importante.

C’est là qu’intervient le comte de Rochambeau, qui dirige le corps expéditionnaire français allié aux insurgés américains. Il demande à l’amiral de Grasse de délaisser cette mission d’escorte et d’acheminer des troupes à 600 km au sud de New York, dans l’estuaire du fleuve Chesapeake. C’est en effet là que se trouve Yorktown, un gros bourg de Virginie où sont concentrés 8 000 soldats britanniques, soit un tiers de leurs troupes. Rochambeau veut remporter contre eux une victoire décisive.

Le choix d'intervenir sur les côtes américaines

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Jean Antoine Théodore de Gudin, La Bataille de la Chesapeake le 5 septembre 1781, XIXe siècle. À gauche, l’Auguste (80 canons) au combat.

Louis XVI laisse le choix à de Grasse. Il souhaite tout de même prendre sa revanche sur les Anglais, qui ont contraint la France à signer le traité de Paris en 1763, et à perdre la plus grande partie du premier empire colonial français (Canada, Alaska , et grande partie des États-Unis actuels).

De Grasse choisit d'intervenir et quitte Saint-Domingue le 3 août 1781 avec 3 000 soldats embarqués. George Washington, mis au courant de la manœuvre, décide également de rejoindre la baie de Chesapeake avec ses troupes. Il pourra ainsi joindre son armée aux Français et vaincre avec eux les Britanniques.

Mais l’amiral anglais Hood apprend aussi la manœuvre française, et il se lance depuis les Antilles à la recherche des vaisseaux français. Il arrive le 28 août à Chesapeake, mais la baie est déserte. Sachant que de Grasse a quitté les Antilles avant lui, il pense qu’il est en retard, et que la flotte française est partie vers le nord, vers New York. En réalité, de Grasse est derrière Hood, et il arrive à Chesapeake quatre jours après les Britanniques. Il peut débarquer ses troupes et bloquer l’estuaire avec ses navires. Le général britannique Charles Cornwallis est piégé dans Yorktown, sa seule chance de secours ne peut venir que de la mer, et les navires français sont là pour barrer le passage.

Mais de Grasse est face à un dilemme. Il sait qu’une autre escadre française, commandée par le comte de Barras, vient du nord, depuis Newport, vers la Chesapeake. Elle risque donc de tomber nez-à-nez avec l’escadre de Hood, qui lui est supérieure. De Grasse craint donc la capture de l’escadre de Barras. Il a donc deux choix : bloquer la baie de Chesapeake et assurer une victoire terrestre décisive aux Franco-Américains, ou bien appareiller vers le nord et aider Barras dans une éventuelle bataille navale contre Hood. De Grasse réfléchit pendant dix jours, jusqu’à ce que l’arrivée des Britanniques vienne couper court à ce débat.

Une bataille en apparence indécise

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Le navire amiral du comte de Grasse, le Ville de Paris.

Les escadres anglaises de Hood et de Graves ont été prévenues par le général Cornwallis, et ont fait demi-tour vers le sud pour lui porter secours. De Grasse laisse quatre vaisseaux garder la baie, et mène le reste de l’escadre vers les Britanniques.

Un témoin de l’époque, le capitaine André Amblard, raconte l’approche française : « De Grasse court à la rencontre de l’escadre anglaise qui s’enfuit. Elle était meilleure voilière que la nôtre et il ne put l’atteindre qu’avec douze de nos vaisseaux doublés en cuivre, qui chargèrent si vigoureusement leur arrière-garde que le Terrible (en), vaisseau de 74 canons, coula bas. »

La canonnade dure plusieurs heures et de nombreux navires sont endommagés. Les Britanniques dénombrent 300 tués et 246 blessés, les Français seulement 230 tués et blessés. Au soir, les Britanniques rompent le combat et fuient, vaincus par une flotte française en léger surnombre. Presque tous les vaisseaux britanniques de l'avant-garde sont endommagés et l'un d'eux, le HMS Terrible doit être sabordé pendant la nuit. De Grasse tente de poursuivre l'escadre anglaise, mais il ne parvient pas à la rattraper et rentre sur la Chesapeake.

De retour dans la baie le 11 septembre, de Grasse y découvre l’escadre du comte de Barras, qui était arrivée la veille sans avoir croisé les Britanniques. À terre, George Washington, le comte de Rochambeau et le marquis de La Fayette font jonction et lancent le siège de Yorktown. Depuis la baie, les navires français pilonnent la ville et les redoutes qui la protègent. Ils sont aidés par l’artillerie débarquée, munie des tout nouveaux canons de Gribeauval, qui feront parler d'eux dans les armées napoléoniennes. Yorktown se rend le 19 octobre.

Dans une clairière près de la ville, les troupes britanniques défilent entre un rang d’Américains et un rang de Français. Cornwallis, humilié, s’est fait représenter par le major-général O’Hara. Ce dernier s’approche de Rochambeau, La Fayette et Washington côte-à-côte. Il tend son épée à Rochambeau, mais celui-ci laisse la primauté à Washington. Ce dernier reconnaîtra en l’amiral de Grasse « l’arbitre de la guerre ».

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Le nombre qui suit le nom du navire est le nombre de canons embarqués, et donc par extension la catégorie du navire. On remarquera que la plupart des vaisseaux français sont des vaisseaux de 74 canons. Ce modèle représente l'aboutissement de la marine de guerre à voile de l'époque.

Escadre blanche et bleue (comte de Bougainville)[4]

Escadre blanche (comte de Grasse)

Escadre bleue (comte de Monteil)

Royaume de Grande-Bretagne (Graves et Hood)

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Escadre bleue

Escadre blanche

Escadre rouge

Commémoration

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La Marine nationale a décidé de célébrer, chaque année, une bataille décisive et emblématique de sa longue histoire, en l’occurrence celle de la baie de Chesapeake, qui, conduite le , par le comte de Grasse, alors lieutenant général des armées navales, se solda par une victoire éclatante contre la Royal Navy.
« Bataille de référence, succès tactique ayant conduit à une victoire stratégique, Chesapeake rappelle le rôle décisif du combat naval dans un conflit d’ampleur. Elle incarne une Marine victorieuse, grâce à la préparation de ses équipages, à leur combativité et aux qualités tactiques et de commandement de ses officiers », explique la Marine nationale, via un communiqué ()[5]. Depuis 2021 une promotion de l'école de Maistrance est baptisé « Bataille de la baie de Chesapeake »[6]. Contre toute attente, un gala censé célébrer les 240 ans de la bataille en 2021 est annulé par l'ambassade de France à Washington, dans le contexte de défiance qui s'est subitement installé à la suite du dévoilement de l'accord AUKUS[7].

Notes et références

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  1. Soit l'équivalent d'un vice-amiral dans la marine française moderne. À noter qu'on employait à l'époque le terme d'amiral — mais aussi celui de général — pour qualifier le commandant d'une flotte (également appelée armée navale) ou d'une escadre.
  2. L'un va d'ailleurs être sabordé pendant la nuit.
  3. Elle n'a toutefois pas entièrement rattrapé son retard technique sur la Royal Navy dans certains domaines : seuls quelques-uns des navires français ont leur coque doublée en cuivre (contre la quasi-totalité des navires britanniques, ce qui leur assure une meilleure marche). De plus la marine britannique met en œuvre une arme redoutable : la caronade, que la France n'adoptera pas avant la Révolution.
  4. Source : Archives nationales, fonds Marine, B4-184.
  5. La Marine nationale veut faire de la bataille de la baie de Chesapeake un amer de son identité.
  6. « Brest. Le Centre d’instruction naval en fête pour la cérémonie de présentation aux drapeaux », sur Ouest-france.fr,
  7. La France rappelle ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie, Le Point, 17 septembre 2021.

Voir aussi

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Bibliographie

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En français
  • René de Kerallain, Bougainville à l'armée du Cte de Grasse, Guerres d'Amérique 1781-1782, Maisonneuve Frères éditeurs, , 70 p.
  • Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Rennes, Marines Éditions, , 620 p. (ISBN 9782357430778).
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8).
  • Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4).
  • André Zysberg, Nouvelle histoire de la France moderne, vol. 5 : La Monarchie des lumières, 1715-1786, éditions du Seuil, .
  • Patrick Villiers et Jean-Pierre Duteil, L'Europe, la mer et les colonies XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Hachette supérieur, coll. « Carré Histoire » (no 37), , 255 p. (ISBN 2-01-145196-5).
  • Lucien Bély, Les Relations internationales en Europe (XVIIe – XVIIIe siècles), PUF, (1re éd. 1992), 773 p. (ISBN 978-2-13-056294-8 et 2-13-056294-9).
  • Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle, Sedes, .
  • Jean Meyer et Jean Béranger, La France dans le monde au XVIIIe siècle, Paris, éditions Sedes, coll. « Regards sur l'histoire », , 380 p. (ISBN 2-7181-3814-9).
  • Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, éditions Tallandier, .
  • Étienne Taillemite, Histoire ignorée de la marine française, Paris, Perrin, , 460 p. (ISBN 2-262-02050-7).
  • Étienne Taillemite, Louis XVI ou le navigateur immobile, Paris, éditions Payot, coll. « Portraits intimes Payot », , 272 p. (ISBN 2-228-89562-8).
  • Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Paris, éditions Perrin, , 1116 p. (ISBN 2-262-01484-1).
  • Georges Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XVI, Paris, éditions Honoré Champion, (lire en ligne).
  • Louis Édouard Chevalier, Histoire de la marine française pendant la guerre de l'indépendance américaine, précédée d'une étude sur la marine militaire de la France et sur ses institutions depuis le commencement du XVIIe siècle jusqu'à l'année 1877, Paris, éditions Hachette, (lire en ligne).
  • « Chesapeake, la dette américaine », dans Histoire et patrimoine, no 2, p. 52 à 59.
  • Alexandre Sheldon-Duplaix, « La bataille de la Chesapeake », Cols bleus, no 3069,‎ , p. 44-45.
  • Jacques d'Orléans et Jacques de Trentinian, « La victoire de la Chesapeake et de Yorktown, 5 septembre-19 octobre 1781 », sur Société des Cincinnati de France - Commission d'histoire, n. c. (consulté le ).
  • Patrick Villiers, La marine de Louis XVI, Ancre, Nice, 2020.

Jacques de Trentinian, La France au secours de l'Amérique, Paris, SPM, 2016,340 pages.

En anglais
  • (en) Alfred Thayer Mahan, The major operations of the navies in the war of American independence, Boston, Little, Brown, and company, (lire en ligne).
  • (en) William Laird Clowes, The Royal Navy : a history from the earliest times to the present, vol. IV, Londres, Sampson Low, Marston & Co., (lire en ligne).

Articles connexes

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Liens externes

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