Commerce triangulaire

commerce d'esclaves et de marchandises du XVIIe au XIXe siècle
(Redirigé depuis Traite occidentale)

Le commerce triangulaire, aussi appelé traite atlantique ou traite occidentale, est une « traite négrière » reliant l'Europe, l'Afrique et l'Amérique, pour la déportation d'esclaves noirs, d'abord troqués en Afrique contre des produits européens (textiles, armes) puis en Amérique contre des matières premières coloniales (sucre, café, cacao, coton, tabac).

Schéma classique du commerce triangulaire entre l'Afrique, les Amériques et l'Europe.
Plan de « stockage » du navire négrier anglais Brookes.

Sur le plan géographique, Rio de Janeiro est le premier port négrier de la planète[Petre 1], devant Liverpool et Nantes. La plupart des côtes de l'Afrique occidentale sont ainsi reliées aux Caraïbes[Petre 2], au Brésil et au Sud des États-Unis, les Mascareignes étant concernées aussi par les traites orientales.

Le commerce triangulaire est très concentré dans le temps : il prend de l'ampleur au XVIIIe siècle, en particulier à partir de 1705, puis chute après le droit de visite des navires étrangers, imposé par les Anglais en 1823 grâce à la domination des mers par la Royal Navy, après avoir négocié les années précédentes des traités internationaux pour rendre effective l'abolition de la traite négrière au début du XIXe siècle. Peu après, l'esclavage est lui-même aboli dans l'Empire colonial britannique et lors de la révolution de 1848 en France. Il perdure ensuite aux États-Unis, à Cuba alors espagnol et au Brésil, mais principalement avec des esclaves nés dans le pays.

Commerce triangulaire et traite en droiture

modifier

Le « Commerce triangulaire », ou « traite triangulaire », qui relie trois continents (Europe, Afrique, Amériques), ne désigne qu'une partie de la traite négrière effectuée par les Européens. Grâce à l’exploration récente des archives portugaises et hollandaises, les dernières recherches attribuent à la « traite en droiture » (liaison directe Afrique-Amériques, sans passer par les ports d'Europe), 45 % du total des esclaves africains déportés vers les colonies européennes (soit environ cinq millions d’individus)[1].

De plus, si la traite triangulaire culmine au XVIIIe siècle, la traite en droiture domine largement la première période (XVIe et XVIIe siècles), et à nouveau au XIXe siècle, du fait des abolitions en Europe[1].

Déroulement

modifier

Préparation d'une expédition négrière française au XVIIIe siècle

modifier

Armateurs

modifier

L'armement négrier était en France une activité très concentrée : Robert Stein a recensé 500 familles qui avaient armé, à Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et Saint-Malo, 2 800 navires pour l'Afrique. Parmi elles, 11 familles (soit 2 %) avaient armé 453 navires (soit 16 %)[Petre 3].

Entrave d'esclave sur un navire. Musée de la Marine, Paris.

Les armateurs négriers ne se livraient pas uniquement à la traite, mais aussi à d'autres activités, moins spéculatives, comme l'assurance, la droiture vers les îles ou la pêche à la morue. Ils occupaient souvent une place très importante dans les sociétés portuaires et ils étaient très influents. Entre 1815 et 1830, presque tous les maires de Nantes avaient été des négriers[Petre 3].

Capitaux

modifier

La mise hors qui initiait un voyage triangulaire typique du XVIIIe siècle exigeait des sommes importantes : quelque 250 000 livres en France, soit la valeur d'un hôtel particulier dans une rue élégante de Paris, comme la rue Saint-Honoré[Tho 1]. Elles étaient trois fois supérieures à celles de l'armement d'un bâtiment de même tonnage filant en droiture vers les îles. Pour financer leur expédition, les armateurs partageaient les risques financiers. Ils faisaient appel à un certain nombre de personnes pour prendre des parts dans l'entreprise. Appelés actionnaires ou associés, ces personnes pouvaient être très nombreuses. En France, les armateurs trouvaient souvent les capitaux auprès de leurs amis, de leurs connaissances et de leurs parents[Petre 4],[Dag 1].

Le choix du navire dépendait de la stratégie de l'armateur. Si celui-ci optait pour un voyage rapide, alors le voilier devait être fin et rapide. S'il voulait se montrer économe, un navire en fin de carrière pouvait convenir[Petre 5],[2],[Dag 2].

Le tonnage moyen du négrier était souvent supérieur à celui des navires destinés à la droiture vers les îles.

Le navire négrier devait également répondre à des impératifs :

  1. Il devait être polyvalent, c'est-à-dire être capable de contenir des marchandises comme des captifs ;
  2. Le volume de la cale devait être suffisamment important afin de transporter l'eau et les vivres. Ainsi, en supposant qu'il faille 2,8 litres d'eau par personne et par jour, pour 45 marins et 600 captifs, sur un voyage de deux mois et demi, les besoins en eau montaient à 140 000 litres d'eau ; en outre, il fallait compter 40 kg de vivres par personne ;
  3. La hauteur de l'entrepont était comprise entre 1,40 et 1,70 mètre. L'entrepont servait de parc à esclaves et avec cette hauteur, les négriers augmentaient la surface disponible en installant des plates-formes à mi-hauteur sur les côtés, sur une largeur de 1,90 mètre.

Entre 1749 et 1754, le tonnage moyen des négriers nantais (187 observations[Quoi ?]) était compris entre 140 et 200 tonneaux.

Marchandises

modifier

Les marchandises transportées lors du trajet Europe-Afrique devaient[pourquoi ?] être suffisamment nombreuses et diversifiées. Les navires européens emportaient dans leur cale des textiles bruts, des textiles finis, des armes blanches, des armes à feu, des vins et spiritueux, des matières premières brutes[évasif], des produits semi-finis ou finis, des articles de fantaisie et parure, du consommable volatil[Lequel ?], des instruments monétaires[évasif], des articles de cadeaux et de paiement des coutumes[Dag 3],[Petre 6].

La cargaison d'un négrier en partance pour les côtes d'Afrique représentait 60 à 70 % du montant de la mise hors nécessaire à l'armement du navire. En effet, de nombreux produits de traite étaient relativement chers. C'était le cas des « indiennes », des textiles qui représentaient entre 60 et 80 % de la valeur de la cargaison.

La composition standard de l'assortiment, décrite ci-dessus, s'est construite petit à petit. Elle n'est devenue effective qu'à partir du dernier tiers du XVIIe siècle, soit plus d'un siècle après le début de la traite. Auparavant, les négriers européens avaient proposé différents produits. Mais s'ils ne satisfaisaient pas la demande, ces derniers étaient retirés des négociations. Ce fut le cas, par exemple, de la nourriture, des animaux et des agrumes, présents dans les premières cargaisons portugaises.

Équipage

modifier

Le nombre d'hommes d'équipage sur un navire négrier était deux fois plus important que celui des autres navires marchands de même tonnage. En France, on comptait 20 à 25 hommes par 100 tonneaux, ou encore un marin pour 10 captifs. L'équipage était composé de jeunes, de novices, parfois de fils d'armateur, de déracinés et d'aventuriers en tout genre[Petre 7].

Marins indispensables

modifier

Pour la réussite d'une expédition négrière, quatre hommes étaient particulièrement importants[Dag 4],[Petre 8] :

  1. Le charpentier qui devait construire le faux-pont une fois que le navire se rapprochait des sites de traite africains ;
  2. Le tonnelier qui devait s'assurer de la bonne conservation de l'eau et des vivres, en quantité très importante dans la cale ;
  3. Le cuisinier qui devait nourrir des centaines de captifs et l'équipage ;
  4. Le chirurgien qui devait s'assurer de la bonne santé des captifs à l'achat. Il était également chargé du marquage au fer rouge des captifs. Mais il ne pouvait rien contre les maladies qui se déclaraient à bord (J.-C. Nardin en dénombre 45 différentes[réf. nécessaire]).

Capitaine

modifier

Afin de mener à bien une expédition négrière, l'armateur nommait un capitaine. Il n'hésitait pas à intéresser le capitaine dans les profits de l'expédition en plus des primes. Celui-ci devait réunir plusieurs compétences[Dag 5],[Petre 9] :

  1. Des compétences nautiques. Le capitaine devait savoir naviguer mais il devait également surmonter les nombreux obstacles naturels qu'il allait rencontrer sur sa route ;
  2. Des compétences commerciales. Le capitaine devait savoir marchander avec les traitants africains. Certains capitaines (surtout français) marchandaient également avec les colons[Petre 10] ;
  3. Des compétences de manieur d'hommes et de garde-chiourme.

La capture des futurs esclaves

modifier

À l'exception du cas spécifique du Portugal, seul pays à avoir colonisé l'Afrique de l'intérieur avant le XIXe siècle, dans sa zone d'influence, la capture des futurs esclaves n'était pas réalisée sur les plages mais à l'intérieur des terres. C'est donc sur les côtes qu'ils étaient troqués par les Européens, contre des armes et diverses marchandises. L'écrivain et journaliste américain Daniel Pratt Mannix estime que seuls 2 % des captifs de la traite atlantique furent enlevés par des négriers blancs[Petre 11].

Initialement, en 1448, Henri le Navigateur avait donné l'ordre de privilégier l'établissement de relations commerciales avec les Africains[Petre 12], mais les Portugais ont rapidement lancé des expéditions militaires le long des rivières de l'Angola qui leur ont permis de capturer des esclaves puis d'armer des intermédiaires à qui ils ont ensuite sous-traité la capture ou l'achat de leurs victimes.

Les Lançados, métis de Portugais, jouèrent les intermédiaires entre les négriers occidentaux et les négriers africains à partir du dernier tiers du XVIe siècle en Gambie et au Liberia. D'autres lançados s'étaient établis dans le royaume du Dahomey. Au XIXe siècle, leur rôle en tant qu'intermédiaires et producteurs d'esclaves y était très important, surtout lorsque Francisco Felix da Souza obtint du roi Ghézo, en 1818, la charge de « Chacha » (responsable du commerce pour le royaume du Dahomey)[Petre 13].

Au Congo, à partir du XVIIe siècle, des caravanes de pombeiros (marchands indigènes acculturés et commandités par les Portugais) s'enfonçaient à l'intérieur du continent pour aller produire ou acheter des esclaves[Petre 14].

Ailleurs, la production de captifs était affaire purement africaine[Petre 15],[3].

Il ne faut pas oublier les trafiquants arabes, très actifs depuis des siècles dans la traite négrière, qui pouvaient également vendre des esclaves aux Européens, même sur la côte occidentale de l'Afrique.

Les modalités de réduction en esclavage

modifier
Marchand d'esclaves à Gorée.

Selon le sociologue américano-jamaïquain Orlando Patterson (1940-), les principales modalités de réduction en esclavage étaient la capture à la guerre, l'enlèvement, les règlements de tributs et d'impôts, les dettes, la punition pour crimes, l'abandon et la vente d'enfants, l'asservissement volontaire et la naissance[Petre 16].

La confrontation de plusieurs sources montre qu'il pouvait y avoir, selon les régions, un ou plusieurs modes de réduction en servitude prédominants :

  • Selon une enquête de M. Gillet établie en 1863 dans la région du Congo, seuls quarante esclaves environ, sur un total de 2571, étaient prisonniers de guerre ou bien avaient été pris et vendus par des peuples voisins. On comptait 1519 « esclaves de naissances », 413 personnes avaient été vendues « par des gens de leur propre tribu sans avoir, selon (elles), commis aucun délit ». Enfin 399 avaient été condamnées (pour infidélité, adultère, vol, crimes et délits divers, commis par eux ou par certains de leurs proches)[Petre 17].
  • En 1850, S. Koelle interrogea 142 esclaves en Sierra Leone. 34 % dirent qu'ils avaient été pris à la guerre, 30 % qu'ils avaient été enlevés, 7 % qu'ils avaient été vendus par des membres de leur famille ou des supérieurs. Par ailleurs, 7 % avaient été vendus pour solder des dettes et 11 % condamnés au cours de procès[Petre 18].

Mortalité des captifs sur le sol africain

modifier

On dispose de peu d'éléments sur le nombre de captifs décédés sur le sol africain. Cependant, pour l'Angola, il existe de telles informations : selon Miller, les pertes y auraient été de 10 % lors des opérations de capture, de 25 % au cours du transport vers la côte, de 10 à 15 % lorsque les captifs étaient parqués dans les barracons sur la côte. Au total, les pertes se situeraient entre 45 et 50 %[Petre 19].

Il est impossible d'extrapoler ces données pour tirer des conclusions sur l'ensemble de l'Afrique. On suppose que les pertes étaient liées à la distance parcourue et à la durée nécessaire pour atteindre les sites de traite côtiers. Ainsi les pertes pouvaient être très différentes selon les régions.

  • L'historien américain Patrick Manning (en) estime que pour 9 millions de déportés aux Amériques, 21 millions auraient été capturés en Afrique (sept millions seraient devenus esclaves en Afrique et cinq millions seraient morts dans l'année suivant leur capture)[Petre 20].
  • L'historien Joseph Inikory estime que la traite atlantique et les diverses calamités naturelles auraient fait 112 millions de victimes[Petre 20].
  • Raymond L. Cohn, un professeur d'économie dont les recherches sont centrées sur l'histoire économique et les migrations internationales[4] estime que 20 à 40 % des captifs mouraient au cours de leur transport à marche forcée vers la côte, et que 3 à 10 % disparaissaient en y attendant les navires négriers. On arrive à un total compris entre 23 et 50 %[Petre 21].

L'échange des esclaves

modifier

Les modalités de l'échange

modifier

Les échanges se faisaient soit à terre, soit sur le bateau. Dans les deux cas, les modalités de l'échange entre négriers africains et négriers européens avaient peu varié au cours des siècles[Dag 6].

La marchandise européenne était étalée aux regards des courtiers et des intermédiaires africains. Ensuite les négriers européens payaient les coutumes, c'est-à-dire des taxes d'ancrage et de commerce. Puis les deux parties se mettaient d'accord sur la valeur de base d'un captif. Ce marchandage était âprement discuté.

Des unités de compte déconnectées

modifier

Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle que des monnaies fiduciaires occidentales ont été introduites en Afrique sub-saharienne. Il s'agissait notamment du dollar américain, de la piastre et du thaler de Marie-Thérèse.

Avant les courtiers africains utilisaient leur propre unité de compte comme la barre en Sénégambie ou l'once à Ouidah. En ce qui concerne les marchandises européennes, ils ne tenaient pas compte des prix occidentaux.

Dans certaines régions, c'est le choix dans l'assortiment qui déterminait la valeur d'un lot d'esclaves. En 1724, dans la région du fleuve Sénégal, 50 captifs avaient été traités[Dag 7] pour :

  • 201 pataques à 4 livres la pièce
  • 1 macaton petit d'argent et sa chaîne
  • 1 cornet, ditto
  • 5 fusils
  • 8 cordes
  • 1,5 aune, drap écarlate
  • 24 pintes eau de vie
  • 12 barres de fer
  • 75 livres de poudre à canon
  • 104 livres de plomb en balle
  • 225 aunes, toile bleue et noire
  • 69 aunes, toile de Rouen
  • 12 milliers, galets rouge.

C'est ce que valaient les 50 captifs pour les négriers africains. Par contre, le négrier français convertissait le tout en monnaie fiduciaire française et ces 50 captifs lui coûtaient 2 259 livres tournois. Ainsi chaque captif coûtait en moyenne 45 livres.

Dans d'autres régions, le prix était fixé en unité de compte locale. Par exemple à Ouidah un canon équivalait à une dizaine d'esclaves, à Douala on trouve des barres de fer et des pots de cuivre ayant servi de monnaie d'échange, au musée de Banjul se trouve exposée une table de conversion du kilo d'esclave en pistolets, cristaux ou vêtements[5]. Mais pour les négriers occidentaux, le coût d'un esclave pouvait facilement varier. En 1773, à Ouidah, le prix d'un captif homme était fixé à 11 onces. À cette valeur, les marchandises échangées étaient différentes suivant les courtiers[Dag 8] :

Courtiers Marchandises Onces
Zazou 3 ancres d'eau de vie 3
123 livres de cauri 3
5 rolles de tabac 5
Colaqué 2 ancres d'eau de vie 2
205 livres de cauri 5
16 platilles 2
2 rolles de tabac 2
1 chapeau
Yaponeau 4 ancres d'eau de vie 4
164 livres de cauri 4
1 pièce de toile à robe 1
2 pièces de mouchoirs de Cholet 1
4 barres de fer 1
1 chapeau

Les prix des esclaves entre 1440 et 1870

modifier

Les prix avaient évolué au cours des quatre siècles de la traite négrière occidentale.

L'arrivée des Français et des Anglais en 1674 sur les côtes d'Afrique, jusque-là chasse gardée des Hollandais, fait brutalement monter le prix des esclaves, qui sera multiplié par 6 entre le milieu du XVIIe siècle et 1712, entraînant le développement de nouveaux circuits d'approvisionnement à l'intérieur du continent, qui affaiblissent les sociétés africaines traditionnelles.

L'arrivée en masse de nouveaux esclaves aux Antilles fait parallèlement baisser leur prix d'achat par les planteurs de canne à sucre, et augmenter la production, ce qui a pour effet d'abaisser le prix de cette denrée sur le marché mondial et encourager sa consommation, avec comme conséquence un immense développement de l'économie sucrière et le trafic d'esclaves.

Les prix avaient évolué au cours des quatre siècles de la traite négrière occidentale, tant côté anglais que français.

Les modalités d'embarquement

modifier
Porte du voyage sans retour de la Maison des Esclaves, à Gorée au Sénégal.

Si le bateau appartenait à une compagnie, il se rendait aux comptoirs appartenant à leur nation. Là, des captifs étaient entreposés en vue de leur déportation. Avec le commerce libre, l'armateur fixait les lieux de cabotage du navire : dans le meilleur des cas, le navire cabotait dans une zone prédéfinie ; dans le pire des cas, le navire procédait à un lent cabotage entre chaque foyer négrier (appelé également « traite volante », de la Sénégambie jusqu'au Gabon et plus loin encore[Dag 10].

La durée du cabotage dépassait très fréquemment les trois mois[Dag 11].

L'embarquement des captifs se faisait par petits groupes de quatre à six personnes. Certains préféraient sauter et se noyer plutôt que de subir le sort qu'ils s'imaginaient : ils croyaient que les Blancs allaient les manger.

Dès qu'ils étaient à bord, les hommes étaient séparés des femmes et des enfants. Ils étaient enchaînés deux à deux par les chevilles et ceux qui résistaient étaient entravés aux poignets.

La traversée de l'Atlantique[Dag 12]

modifier

Noir passage

modifier

L'historien et ancien administrateur colonial Hubert Deschamps (1900-1979) qualifiait la traversée de l'Atlantique de « noir passage ».

Le terme Passage du milieu désigne la même chose mais se réfère à la partie centrale, transatlantique, du Commerce triangulaire.

La traversée durait généralement entre un et trois mois. La durée moyenne d'une traversée était de 66 jours et demi. Mais selon les points de départ et d'arrivée, la durée pouvait être très différente. Ainsi les Hollandais mettaient 71 à 81 jours pour rejoindre les Antilles alors que les Brésiliens effectuaient Luanda-Brésil en 35 jours[Petre 22]. Avant d'entamer la traversée, il arrivait souvent que le négrier mouille aux îles de Principe et São Tomé. En effet, les captifs étaient épuisés par un long séjour, soit dans les baracons, soit dans le cas d'une traite itinérante sous voile[Petre 23]. Les femmes et les enfants étaient parqués sur le gaillard d'arrière tandis que les hommes étaient sur le gaillard d'avant. La superficie du gaillard d'avant était supérieure à celle du gaillard d'arrière. Ils étaient séparés par la rambarde.

Les captifs étaient enferrés deux par deux. Ils couchaient nus sur les planches. Pour gagner en surface, le charpentier construisait un échafaud, un faux pont, sur les côtés. Le taux d'entassement était relativement important. Dans un volume représentant 1,44 m3 (soit un « tonneau d'encombrement », 170×160×53), les Portugais plaçaient jusqu'à cinq adultes, les Britanniques et les Français, de deux à trois. Pour les négriers nantais, entre 1707 et 1793, le rapport général entre tonnage et nombre de Noirs peut être ramené à une moyenne de 1,41.

Le marchand d'esclaves franco-italien Theophilus Conneau[6] témoigna ainsi en 1854 : « Deux des officiers ont la charge d'arrimer les hommes. Au coucher du soleil, le lieutenant et son second descendent, le fouet à la main, et mettent en place les Nègres pour la nuit. Ceux qui sont à tribord sont rangés comme des cuillers, selon l'expression courante, tournés vers l'avant et s'emboîtant l'un dans l'autre. À bâbord, ils sont tournés vers l'arrière. Cette position est considérée comme préférable, car elle laisse le cœur battre plus librement ».

Coupe d'un navire négrier.

Si le temps le permettait, les déportés passaient la journée sur le pont. Toujours enchaînés, les hommes restaient séparés des femmes et des enfants. Ils montaient par groupes sur le pont supérieur vers huit heures du matin. Les fers étaient vérifiés et ils étaient lavés à l'eau de mer. Deux fois par semaine, ils étaient enduits d'huile de palme. Tous les quinze jours, les ongles étaient coupés et la tête rasée. Tous les jours, les bailles à déjection étaient vidés, l'entrepont était gratté et nettoyé au vinaigre. Vers neuf heures, le repas était servi : fèves, haricots, riz, maïs, igname, banane et manioc. L'après-midi les esclaves étaient incités à s'occuper (organisation de danses). Vers cinq heures les déportés retournaient dans l'entrepont.

Par contre, en cas de mauvais temps et de tempête, les déportés restaient confinés dans l'entrepont. Il n'y avait pas de vidange, ni de lavement des corps, ni de nettoyage des sols. Le contenu des bailles coulait sur les planches de l'entrepont, se mêlait aux choses pourries, aux émanations de ceux victimes du mal de mer, aux vomissures, au « flux de ventre, blanc ou rouge ». Toutes les écoutilles pouvaient être closes. L'obscurité, l'air rendu irrespirable par le renversement des bailles à déjection, le roulis qui faisait frotter les corps nus sur les planches, la croyance d'un cannibalisme des négriers blancs terrorisaient et affaiblissaient les captifs[Petre 24].

Les révoltes à bord

modifier
Révolte sur La Amistad en 1839.

La plupart des révoltes se réalisaient le long des côtes africaines[3]. Elles pouvaient également avoir lieu en haute mer mais c'était beaucoup plus rare. Selon Hugh Thomas, il y avait au moins une insurrection tous les huit voyages[Tho 3].

Quelques-unes réussirent :

  • en 1532, 109 esclaves se rendirent maîtres du Misericordia, un navire portugais. De l'équipage, il ne restait que 3 rescapés. Ceux-ci réussirent à s'enfuir. On n'entendit plus jamais parler du navire.
  • En 1650, un navire espagnol sombra au large du cap de San Francisco. Les Espagnols survivants furent tués par les captifs africains.
  • En 1742, les prisonniers de la galère Mary se soulevèrent. Seuls le capitaine et son second en réchappèrent.
  • En 1752, les esclaves du Marlborough se révoltèrent. On n'entendit plus jamais parler d'eux.

Mais la plupart du temps, les révoltes étaient matées et les meneurs servaient d'exemple : ils étaient publiquement battus et pendus, voire pire. Certains pouvaient être victimes d'actes de barbarie :

  • le capitaine n'hésitait pas à couper une partie du corps de la victime pour épouvanter les autres captifs. En effet, beaucoup de Noirs croyaient que s'ils étaient tués sans être démembrés, ils regagneraient leur pays après avoir été jetés à la mer[Tho 4].
  • Un capitaine pouvait contraindre deux captifs à manger le cœur et le foie d'un troisième avant de les tuer[Tho 5].
  • Selon Hugh Thomas, le châtiment le plus brutal semble avoir été celui infligé au meneur d'une révolte sur le bateau danois Friedericius Quartus, en 1709. Le premier jour, il eut la main coupée et celle-ci fut exhibée devant tous les déportés. Le deuxième jour, on lui coupa la seconde main qui fut également exposée. Le troisième jour, il eut la tête tranchée et son torse fut hissé sur la grande vergue où il resta exhibé durant deux jours[Tho 6].

La mortalité des déportés durant la traversée

modifier

Jusqu'en 1750, la période la plus active, elle reste proche d'un sur six.

Différents facteurs de mortalité ont été recensés : la durée du voyage, l'état sanitaire des esclaves au moment de l'embarquement, la région d'origine des captifs, les révoltes, les naufrages, l'insuffisance d'eau et de nourriture en cas de prolongement de la traversée, le manque d'hygiène, les épidémies (dysenterie, variole, rougeole…), la promiscuité.

Les enfants de moins de 15 ans étaient plus fragiles que les hommes. Les femmes étaient plus résistantes que les hommes.

La mortalité des déportés lors de la traversée serait comprise entre 11,9 % et 13,25 %. Il arrivait que certaines atteignent 40 %, voire 100 %[Petre 25].

Dans le cas des expéditions négrières nantaises, le taux de mortalité des déportés avoisinait 13,6 %[Dag 13].

Évolution de la mortalité moyenne des déportés[Petre 26]
1597-1700 1701-1750 1751-1800 1801-1820 1821-1864 Ensemble de la période
22,6 % 15,6 % 11,2 % 9,6 % 10,1 % 11,9 %

Aux Amériques

modifier
Vente de « 460 Nègres » par J. Bryan, parue dans The Savannah Republican (Géorgie, États-Unis), le 8 février 1859
Un marché d'esclaves à Rio de Janeiro (Brésil) en 1824.

Les esclaves devaient être systématiquement soumis à une quarantaine avant d'être débarqués. Mais les arrangements avec les autorités étaient fréquents. Le chirurgien veillait à redonner une apparence convenable : les lésions cutanées et les blessures étaient dissimulées, les cheveux étaient coupés et le corps était enduit d'huile de palme. Ils étaient alors prêts pour être vendus sur les marchés aux esclaves.

Vente aux enchères d'esclaves en Virginie (États-Unis), le 2 juin 1861

Dans la majorité des colonies, les esclaves étaient vendus par lots. Une annonce était transmise aux planteurs locaux. La vente pouvait avoir lieu sur le navire ou à terre. Il existait plusieurs techniques de vente comme les enchères ou le scramble (en). Les colonies qui importèrent le plus d'esclaves furent le Brésil suivi des Antilles.

Après la vente, les esclaves faisaient l'objet d'une sorte de « dressage » (période d'acclimatation appelée le seasoning par les esclavagistes anglo-saxons). Coupés de leurs racines (on les séparait de leur famille, de leur groupe ethnique, de leur groupe linguistique, on leur donnait un nouveau nom), ils devaient s'habituer aux conditions particulières du pays (apprentissage de la langue, vie sociale sur les plantations, apprentissage forcé de la religion, etc.) et des conditions de travail. Totalement désocialisés, ils durent réinventer des liens communautaires qui ne pouvaient plus être ceux de l'Afrique et se créer des biens immatériels (prière, spiritualité, musique à travers des chants de travail qui sont à l'origine des negro spirituals et des gospels)[7].

Emploi des esclaves aux Amériques

modifier
Premier emploi aux Amériques[Tho 7] Pourcentage
Plantation de canne à sucre 45,4 %
Plantation de café 18,2 %
Mine 9,1 %
Travaux domestiques 18,2 %
Plantation de coton 4,5 %
Plantation de cacao 2,3 %
Bâtiment 2,3 %

Plantation de canne à sucre

modifier
Esclaves coupant la canne, gravure publiée en 1842.

La canne à sucre, où la productivité et la rentabilité peuvent être poussées au maximum, est la culture qui consomme le plus d'esclaves et les use le plus vite. Les planteurs y affectent les esclaves les plus jeunes, qui sont soumis au fouet lorsque la productivité ralentit.

C'est avec la révolution sucrière en Amérique que la traite connut une telle ampleur. Selon l'économiste américain Robert Fogel (1926-2013), « entre 60 et 70 % de tous les Africains qui survécurent à la traversée de l'Atlantique finirent dans l'une ou l'autre des […] colonies sucrières »[Petre 27].

L'esclavage au Brésil par Jean-Baptiste Debret, première moitié du XIXe siècle.

La révolution sucrière commença au Brésil dans les années 1600, puis elle se propagea dans les Caraïbes à partir du troisième tiers du XVIIe siècle. Manquant d'esclaves Amérindiens, les Portugais commencèrent à importer des esclaves d'Afrique à la fin du XVIe siècle. Ceci favorisa le métissage, tandis que certains esclaves en fuite fondèrent des quilombos. Vers 1580, des esclaves fugitifs lancèrent un mouvement millénariste et syncrétique, influencé par le christianisme, dans la Baie de tous les saints, à Bahia: la Santidade de Jaguaripe fut réprimée avec l'aide des Jésuites et de l'Inquisition romaine[réf. souhaitée].

Les grandes plantations (fazendas) cultivaient pour l'exportation. Le travail est plus simple que pour le tabac ou le coton. Les esclaves coupaient la canne à la machette avant de la transporter en chars à bœufs vers les moulins[Tho 8].

La plantation typique, d'une surface de 375 hectares, comprenait 120 esclaves, 40 bœufs, une grande maison, des communs et des cases pour les esclaves[Tho 9].

À la fin du XVIIIe siècle, la culture de café se développait.

Mortalité des esclaves au Québec

modifier

Les recherches de l'historien québécois Marcel Trudel, portant sur 1 587 esclaves dont l’âge au décès est connu, donnent un âge moyen de mortalité des esclaves au Québec de 19,3 ans entre 1730 et 1800[8].

Les esclaves dans les plantations du XVIIIe siècle

modifier

Au XVIIIe siècle, dans les plantations sucrières françaises, on a souvent tendance à croire que la plupart des esclaves était uniformément soumis à un traitement d'une cruauté gratuite qui dépasserait l'entendement. Or cela irait contre les intérêts du maître d'abîmer son outil de travail, d'autant plus qu'il a dû souvent les acheter à un prix élevé. Celui-ci gardait donc un œil sur l'état de santé des esclaves[9]. Également le Code noir vint réglementer le traitement des captifs. Ainsi les maîtres étaient-ils dans l'obligation d'instruire et évangéliser les esclaves. En revanche il prévoit aussi une palette de châtiments corporels (amputation, exécution)[10].

Les Bossales, ou nouveaux arrivés, n'étaient pas tout de suite mis au travail. Pendant au plus six mois, ils étaient mis à l'écart pour s'acclimater.

La mortalité des esclaves sur les plantations du XVIIIe siècle

modifier

À la fin du XVIIIe siècle, en Guadeloupe, le taux de mortalité des esclaves oscillait entre 30 et 50 pour mille. En métropole, le taux de mortalité était compris entre 30 et 38 pour mille. Trois facteurs expliquaient ces écarts entre la métropole et les Antilles françaises[11] :

  • la surmortalité des Bossales[9]. Durant la période d'acclimatation, leur mortalité restait très élevée. Les causes étaient multiples. Elles s'agrégeaient et elles se renforçaient (état de santé très fragile à la suite du voyage ; scorbut ; difficulté d'adaptation aux vivres du pays ; langueur).
  • la surmortalité infantile. Frédéric Régent estime le taux de mortalité infantile à 431/1000 en Guadeloupe. Le taux de mortalité infantile se fixait à 233 pour 1000 en métropole. Mais dans les couches populaires les plus défavorisées, il doublait. Pour Jean-Pierre Bardet, le taux de mortalité infantile des enfants d'ouvriers élevés en nourrice était de 444 pour mille à Rouen. Par ailleurs, cette forte mortalité dans les colonies touchait autant les Blancs, les libres et les esclaves[9].
  • les maladies et les mauvaises conditions d'hygiène. Les maladies entraînant la mort étaient très nombreuses[9] :
    • les troubles métaboliques : scorbut, langueur (l'historien haïtien Louis E. Elie y voit les symptômes de la maladie du sommeil apportée d'Afrique), l'hydropisie,
    • les maladies infectieuses : la tuberculose, les pulmoniques, le mal de gorge, la dysenterie, la variole
    • les affections cutanées : la lèpre, la gale, les malingres.
    • sans oublier les dépressions nerveuses consécutives aux violences.

Proportion des Noirs et des Blancs dans les Antilles françaises

modifier
Année Blancs Esclaves noirs % de blancs
1772 12 737 77 957 14,04 %
1777 12 700 84 155 13,11 %
1785 13 599 85 290 13,75 %
1789 13 712 89 823 13,24 %

Le retour en Europe

modifier

Les négriers rentraient en Europe avec de la canne à sucre ainsi que de l'or, ou effets de commerce, correspondant à la vente des esclaves. Mais aussi avec des produits dits de « haute valeur » (coton, canne à sucre, tabac et métaux précieux).

Mortalité des marins

modifier

Pour les négriers nantais, la mortalité moyenne était de 17,8 %. Il ne s'agit que d'une moyenne. Certaines traversées pouvaient se faire sans aucun décès tandis que d'autres pouvaient enregistrer une mortalité de 80 % voire davantage[Dag 14].

Histoire du commerce triangulaire

modifier

On considère généralement que le début de la traite occidentale date de 1441, quand des navigateurs portugais enlevèrent des Africains noirs pour en faire des esclaves dans leur pays[12].

Une autre motivation de l'esclavage organisé par les Portugais est le besoin impérieux pour les équipages de marins, de se reposer au cours de leurs interminables voyages vers les Indes occidentales et vers la Chine (à Macao) et le Japon (à Nagasaki). Ces voyages pouvaient durer des mois, entraînant une forte mortalité dans les équipages portugais (à cause de la fatigue et du scorbut). D'où la nécessité de se reposer dans des escales sur les possessions portugaises de l'Atlantique : principalement les îles du Cap Vert et les îles de Sao Tome et Principe. Pour cela, les autorités portugaises décidèrent de faire venir des paysans portugais cultiver la terre de ces îles atlantiques (dans le but de nourrir les marins faisant escale, avec une nourriture fraîche qui limitait le scorbut). Ces paysans portugais, habitués au climat relativement sec du Portugal, mouraient en grand nombre sous le climat équatorial de ces îles africaines. Par contre les Africains habitués à ce climat supportaient bien mieux de travailler dans de telles conditions : d'où l'idée des Portugais de faire venir du continent africain des esclaves pour travailler la terre de ces îles : ce fut le début de l'esclavage des Africains par les Européens.

Première étape, du XVe siècle au milieu du XVIIe siècle

modifier

Les royaumes européens et les premières expéditions négrières

modifier

Ce sont les Portugais qui se distinguèrent. Ils déportèrent près de 757 000 esclaves, soit trois quarts des déportés sur cette période. Trois déportés sur quatre étaient embarqués à partir de l'Afrique centrale et ils étaient destinés au Brésil (34 %) et à l'Amérique espagnole continentale (43 %). Le reste des esclaves venaient d'Afrique de l'Ouest.

Au total, 90 % de cette traite a eu lieu après 1672 et la création en Angleterre de la Compagnie royale d'Afrique, qui a surtout approvisionné la Jamaïque et en France de la Compagnie du Sénégal pour alimenter l'île de Saint-Domingue.

Les premières années
modifier

Au XVe siècle, avec le commerce transsaharien, le commerce des esclaves ainsi que celui de produits africains, comme l'or ou le poivre de malaguette (appelé également la graine du paradis), étaient présents sur quelques marchés européens[Tho 10]. Avec la prise de Ceuta en 1415, les Portugais s'informèrent sur le commerce transsaharien. Ils en connaissaient de nombreux détails. Leur objectif était d'atteindre les mines d'or africaines. Pour y parvenir, ils ne tentèrent pas de prendre le contrôle des routes transsahariennes (solidement maintenues par les Arabes) . Ils privilégièrent une nouvelle route, la voie maritime[Tho 11].

Les Portugais furent les premiers Européens à se risquer sur les côtes atlantiques de l'Afrique. Plusieurs facteurs y contribuèrent[Tho 12] :

  • ces mers étaient les leurs ;
  • c'étaient de bons marins qui utilisaient les cartes et la boussole ;
  • ils avaient de bons navires (les caravelles) ;
  • le commerce était très dynamique. L'Europe du Nord venait dans les ports portugais s'approvisionner en produits méditerranéens ;
  • les autres royaumes européens étaient plus occupés à se faire la guerre.

En 1441, Antao Gonçalves captura des Africains noirs, des Azenègues, qui furent offerts en trophée au prince Henri[Tho 13]. Cet événement est considéré comme le début de la traite atlantique. Mais à l'époque, cet épisode fut anodin. En effet, depuis plusieurs décennies, la traite transsaharienne fournissait des esclaves noirs au Portugal. Les Portugais continuèrent les razzias. Celles-ci procuraient un profit immédiat et elles rentabilisaient les expéditions[Tho 14].

Un nouveau procédé d'obtention de captifs prit forme très tôt, le commerce. Dès 1446, Antao Gonçalves acheta des esclaves[Tho 15]. En 1448, 1 000 captifs furent déportés au Portugal et sur les îles portugaises (les Açores et Madère)[Tho 16]. Dans les années 1450, le Vénitien Ca'da Mosto reçut 10 à 15 esclaves en « Guinée » en échange d'un cheval. Il essaya d'entrer en contact avec Sonni Ali Ber, l'empereur des Songhaïs. Ces efforts restèrent vains[Tho 17].

Supposant des succès portugais, les Castillans et les Génois lancèrent leurs propres expéditions. Ils furent contrés par la diplomatie portugaise.

Une présence portugaise qui s'affirma
modifier

Les Portugais avaient plusieurs objectifs.

  • Ils voulaient entrer en contact avec le royaume du prêtre Jean (l'Éthiopie) pour obtenir une alliance. Ils pensaient ainsi prendre en tenaille le monde musulman (surtout après la prise de Constantinople par les Turcs musulmans).
  • Les relations avec l'Afrique étaient largement motivées par le commerce avec l'Asie. Pour leurs importations, les Portugais avaient besoin d'or (pour l'Empire Ottoman), d'argent (pour l'Extrême-Orient) et de cuivre (pour l'Inde).
  • L'objectif principal restait le profit.

Ainsi, dans la seconde moitié du XVe siècle, les Portugais s'enhardirent. La Couronne portugaise entreprit d'établir des relations commerciales stables avec l'Afrique subsaharienne. En 1458, le prince Henri le navigateur souhaita que ses hommes achètent les esclaves plutôt que de les razzier. Cette mission fut confiée à Diogo Gomez (il revint avec 650 esclaves razziés)[Tho 18]. La Couronne portugaise décida de laisser la gestion des nouvelles expéditions à des hommes d'affaires et des marchands portugais. Le premier d'entre eux fut Fernando Po en 1460. En contrepartie, il s'engagea à verser chaque année 200 000 reis et à explorer 100 lieues de côtes inconnues[Tho 19]. Le droit de transporter des esclaves fut ensuite confié à une succession de marchands privilégiés, obligés de verser un impôt annuel fixé par la couronne.

Le fort de traite portugais d'Elmina entre 1610 et 1624.

Le règlement vis-à-vis des expéditions évolua : tout esclave importé devait être débarqué à Lisbonne (1473) et tout bateau en partance pour l'Afrique devait s'enregistrer à Lisbonne (1481)[Tho 20]. Les Portugais commencèrent à s'implanter sur plusieurs points du littoral africain. En 1461, le premier comptoir et le premier fort étaient achevés à Arguin[Tho 16]. En 1462, ils s'installèrent dans les îles du Cap-Vert[Tho 21]. En 1481, la construction de la forteresse d'El Mina commençait. Le prince local, Ansa de Casamance, voyait d'un mauvais œil cette nouvelle bâtisse[Tho 22]. En 1486, ils étaient sur l'île de Sao Tome[Tho 23].

Ces expéditions étaient souvent de brillantes réussites commerciales[Tho 24]. Les Portugais étaient de très bons intermédiaires et, grâce à leur caravelle, ils pouvaient convoyer toute sorte de biens le long du littoral africain[Tho 25]. Ils s'intéressaient surtout à l'or, à l'ivoire et à la graine de Guinée[Tho 21]. Mais les esclaves prenaient une place de plus en plus importante. En effet, à partir de 1475, les Portugais fournirent des esclaves aux Akans à Elmina[Petre 28] et la réussite des implantations de la canne à sucre à Madère (1452)[Tho 26], aux îles Canaries (1484)[Tho 27], puis à Sao Tome (1486)[Tho 28] exigea un nombre croissant d'esclaves.

Les marchandises échangées avec les chefs africains affluaient de toute l'Europe et de la Méditerranée (tissus de Flandre et de France, du blé d'Europe du Nord, des bracelets de Bavière, des perles en verre, du vin, des armes blanches, des barres de fer[Tho 21]).

Les Portugais connurent également de grands succès politiques. En Afrique, ils établirent des relations commerciales avec deux royaumes africains. En 1485, Cão s'entretint avec Nzinga, le roi du Kongo. Il revint au Portugal avec des esclaves et un émissaire[Tho 29]. En 1486, Joao Afonso Aveiro entra dans le royaume du Bénin. Il crut qu'il était proche de l'Éthiopie, le royaume du prêtre Jean[Tho 30]. En Europe, en 1474, le prince réclama et obtint la propriété de l'Afrique[Tho 31]. En 1479, les Espagnols cessèrent leurs expéditions vers l'Afrique. Ils reconnaissaient le monopole portugais[Tho 32]. Cependant, il y eut un échec politique. En 1486, les Portugais aidèrent le roi Bemoin au Sénégal. Mais il fut déchu et exécuté[Tho 28].

L'oba du Bénin finit par interdire l'exportation de captifs. Pour le cuivre, les Portugais se fournissaient au Congo[Tho 33].

L'asiento
modifier

Incapable de fournir suffisamment d'esclaves à ses colonies en raison du traité de Tordesillas entre l'Espagne et le Portugal, l'Espagne mit en place un asiento, privilège par lequel le bénéficiaire s'engageait à fournir un certain nombre d'esclaves aux colonies espagnoles. En retour, il se trouvait en situation de monopole : l'Espagne s'engageait à ce que l'empire achetât des captifs uniquement aux détenteurs de l'asiento. L'asiento fut ainsi octroyé tour à tour aux Portugais, puis aux Génois (et à leur Compagnie des Grilles), aux Hollandais, à la Compagnie française de Guinée, ou encore aux Anglais.

Vinrent ensuite les Hollandais, les Anglais et les Français. Ils traitaient notamment avec les Africains de la gomme, de l'or, du poivre de malaguette, de l'ivoire… et des esclaves.

Cependant, malgré les bulles pontificales, des Français et des Anglais firent quelques expéditions sur les côtes de l'Afrique, au grand désespoir des Portugais.

Une lente structuration de l'offre sur les côtes africaines

modifier

La traite sur les côtes africaines s'est très lentement structurée.

Vers 1475, les Portugais achetaient des esclaves dans le golfe du Bénin. Les Ijos et les Itsekiris se livraient alors à cette traite. Les esclaves qu'ils traitaient, étaient soit achetés à l'intérieur des terres, soit des criminels condamnés[Tho 34]. Une partie des esclaves était acheminée à Elmina. Ils étaient vendus à d'autres Africains contre de l'or[Tho 31].

À partir de 1486, les Portugais commencèrent à traiter avec le royaume du Bénin[Tho 35]. En 1530, le royaume du Benin émit des réserves sur la traite des esclaves et, vers 1550, l'oba du Bénin interdit la traite.

En 1485, les Portugais achetèrent les premiers esclaves au Congo[Tho 36]. Vers 1550, le Congo devint la principale zone de traite. Mais la demande portugaise en captifs était si élevée que le monarque fut vite dépassé. D'autres peuples s'entendirent pour satisfaire cette demande (les Pangu à Lungu, le peuple Tio). De 1 000 esclaves déportés en 1500, il y en avait entre 4 000 et 5 000 qui étaient déportés annuellement du Congo à partir de 1530[Tho 37].

L'Angola (ou Ndongo) fournissait également des esclaves aux Portugais. Dès 1550, les rois du Congo et de l'Angola se contestaient la suprématie dans la fourniture de captifs aux Portugais[Tho 38]. Vers 1553, un nouvel État africain livre des esclaves. Il s'agit de la monarchie d'Ode Itsekiri sur le Forcados (près du royaume du Bénin)[Tho 39].

Au début du XVIIe siècle, de nombreux villages de pêcheurs sur l'estuaire du Niger devinrent des villes autonomes avec d'importants marchés aux esclaves. Certaines de ces villes finirent par devenir de puissantes monarchies : Bonny, New Calabar, Warri, Bell Town et Akwa Town au Cameroun ; et il y avait de puissantes républiques commerçantes, comme Old Calabar et Brass[Tho 40].

Une lente structuration de la demande aux Amériques

modifier

Très lentement, les esclaves noirs commencèrent à peupler les nouvelles possessions impériales espagnoles. Le phénomène fut graduel, discret, riche en faux départs. Ainsi un décret de 1501 interdisait les déportations aux Indes d'esclaves nés en Espagne, ainsi que des Juifs, de Maures et de « nouveaux chrétiens », c'est-à-dire des Juifs convertis. Cependant, certains marchands et capitaines obtinrent l'autorisation privée d'emmener aux Indes quelques esclaves noirs[Tho 41].

Le début de la traite d'esclaves vers les Amériques ne commença que le , quand le roi Ferdinand donna la permission d'envoyer cinquante esclaves sur Hispaniola pour l'exploitation des mines. Ces esclaves devaient être « les esclaves les meilleurs et les plus forts qui se puissent trouver ». Il est certain qu'il songeait alors aux Noirs. Quant aux Indiens, ils ne résistaient pas aux mauvais traitements dans les champs et les mines (et surtout aux épidémies de variole). En 1510, il n'en restait plus que 25 000 sur Hispaniola[Tho 42].

L’essor de l’exploitation d'or, notamment à Cibao, puis de sucre à Hispaniola, inaugure, entre 1505 et 1525, un premier trafic triangulaire entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques, qui conduit à la déportation de près de 10 000 esclaves vers Hispaniola, Porto Rico et Cuba où les colons ont mis sur pied une économie de plantation sucrière[12].

Jusqu'en 1550, la plupart des captifs africains étaient destinés à la péninsule Ibérique, à Madère, à Sao Tome et à Principe. À partir de 1550, la demande espagnole pour l'Amérique décolla[Tho 43]. Les esclaves étaient alors pêcheurs de perles à la Nouvelle-Grenade, débardeurs à Veracruz, dans les mines d'argent de Zacatecas, dans les mines d'or du Honduras, du Venezuela et du Pérou, vachers dans la région de la Plata. D'autres étaient forgerons, tailleurs, charpentiers et domestiques. Les esclaves femmes servaient de femme de chambre, de maîtresse, de nourrice ou de prostituée. On prenait l'habitude de leur confier les tâches les plus ingrates[Tho 44].

Au Nord-Est du Brésil, dans les capitaineries de Pernambouc et de Bahia, les premières plantations sucrières virent le jour sur le sol américain[Tho 45]. La demande en travail servile explosa. Les Portugais avaient alors à leur disposition les Indiens. Mais la persévérance de Bartolomé de las Casas et d'autres dominicains finirent par rendre l'asservissement des Indiens illicite[Tho 46]. De plus, l'épidémie de dysenterie associée à la grippe avaient décimé la population indienne au Brésil dans les années 1560[Tho 47]. Enfin les planteurs n'étaient pas satisfaits du travail des Indiens. Ceux-ci ne résistaient pas aux mauvais traitements qui leur étaient infligés et surtout aux épidémies. Pour toutes ces raisons, la demande d'esclaves noirs en provenance du royaume du Kongo et de l'Angola se raffermit. De 2 000 à 3 000, en 1570, la population noire du Brésil s'élevait à 15 000 en 1600. Le quotidien de ces esclaves était très dur. Leur espérance de vie était d'environ dix ans. Il fallait donc sans cesse de nouveaux arrivages d'Angola et du Congo. Le Brésil devenait le principal fournisseur en sucre de l'Europe[Tho 48].

Le premier navire négrier français, l’Espérance partit de La Rochelle en 1594, se dirigea vers le Gabon et poursuivit au Brésil[13]

Dans le premier quart du XVIIe siècle, le nombre total d'esclaves déportés d'Afrique devait approcher les 200 000, dont 100 000 allèrent au Brésil, plus de 75 000 en Amérique espagnole, 12 500 à São Tomé et quelques centaines en Europe[Tho 49].

Le nombre d'esclaves africains travaillant alors dans les colonies antillaises était relativement faible. À la Guadeloupe, en 1671, 47 % des maîtres n'avaient qu'un seul esclave. Dans les premiers temps, dans les treize colonies anglaises, serviteurs, blancs et noirs, travaillaient côte à côte, dans le cadre de petites exploitations. Inversement dans les îles françaises, les engagés blancs étaient alors durement traités[Petre 29].

Le grand virage franco-anglais de 1674

modifier

L'année 1674 est celle du grand virage pour l'esclavage. Jusque-là, depuis des siècles, des Africains sont emmenés à travers le Sahara vers le monde arabe, où ils deviennent domestiques. Le long et coûteux voyage, tout comme la demande modeste limitent le prélèvement annuel sur les populations africaines.

Les planteurs de sucre espagnols du Venezuela et portugais du Brésil achètent aussi des esclaves mais en quantité limitée, car le transport, par le système de l'Asiento, est le monopole des marchands hollandais, qui se limitent aux expéditions les plus rentables. Le sucre est encore cher sur le marché mondial ce qui empêche sa commercialisation à grande échelle.

La donne change quand le commerce triangulaire prend son essor à partir de 1674, l'année où les Français et les Anglais commencent à disputer aux Hollandais le monopole du transport des esclaves de la côte africaine vers les Amériques, où deux grandes îles, la Jamaïque et Saint-Domingue et trois petites, la Martinique, la Guadeloupe et la Barbade deviennent la principale zone mondiale d'importation des esclaves.

Le futur roi d'Angleterre Jacques Stuart crée en 1672 la Compagnie royale d'Afrique tandis que son cousin français Louis XIV fonde la Compagnie du Sénégal la même année et dissout la Compagnie des Indes de Colbert, l'une des premières compagnies coloniales françaises, à qui il reproche son incapacité à importer des esclaves. Louis XIV devient en 1674 un monarque absolu. Il prend ses distances avec Colbert et tombe amoureux de la Marquise de Maintenon, qui vécut dans sa prime jeunesse à la Martinique et achète le château de Maintenon à Charles François d'Angennes, un flibustier devenant en 1678 le plus riche planteur de Martinique.

L'arrivée des Français et des Anglais en 1674 sur les côtes d'Afrique fait brutalement monter le prix des esclaves, entraînant le développement de nouveaux circuits d'approvisionnement à l'intérieur du continent, qui affaiblissent les sociétés africaines traditionnelles.

L'arrivée en masse de nouveaux esclaves aux Antilles fait parallèlement baisser leur prix d'achat par les planteurs de canne à sucre, tandis que la production de sucre progresse très vite, ce qui a pour effet d'abaisser le prix de cette denrée sur le marché mondial, et de favoriser sa consommation en Europe.

Pour laisser la voie libre aux planteurs de sucre, Jacques II et Louis XIV tentent d'évincer les petits planteurs de tabac de la Barbade et de Saint-Domingue, par ailleurs soupçonnés de collusion avec les flibustiers. En France, la ferme du tabac est un monopole créé en 1674. Le prix d'achat aux planteurs est abaissé et le prix de vente au contraire relevé. Du coup, la production est découragée et la plupart des consommateurs préfèrent s'approvisionner en tabac de Virginie et du Maryland, où Jacques II vient justement d'octroyer à des aristocrates catholiques des terres pour créer d'immenses plantations de tabac qui fonctionnent, elles, à base d'esclaves.

Deuxième étape, du milieu du XVIIe siècle au début du XIXe siècle

modifier

La traite atlantique ne prit véritablement son essor qu'à partir du dernier tiers du XVIIe siècle[Petre 30].

Au total, 90 % de cette traite a eu lieu après 1672 et la création en Angleterre de la Compagnie royale d'Afrique, qui a surtout approvisionné la Jamaïque et en France de la Compagnie du Sénégal pour alimenter l'île de Saint-Domingue.

L'accroissement de l'activité négrière européenne

modifier

Trois phénomènes concoururent à accélérer la demande des négriers européens : des produits se firent plus rares (l'or et l'ivoire) ou étaient concurrencés (le poivre de malaguette par les épices des Indes) ; la canne à sucre était mise en production au Brésil et dans les Antilles ; le choix d'esclaves africains s'imposa aux exploiteurs[Petre 31].

Au milieu du XVIIe siècle, la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (ou W.I.C.) était toute puissante. Les Hollandais s'étaient implantés au Brésil et ils avaient enlevé Elmina. Leur position sur la traite fut renforcée par différents accords : l'asiento en 1662, puis l'accord entre l'Espagne et la firme Coijmans d'Amsterdam en 1685 et celui signé avec les assientis de la compagnie portugaise de Cacheu en 1699. Mais cette toute-puissance ne dura pas. Ils furent supplantés par les Anglais et les Français. Le monopole de la W.I.C. pour le commerce avec l'Afrique dura jusqu'en 1730, et celui pour la traite jusqu'en 1738. Avec l'ouverture au commerce libre, le nombre de captifs déportés par les Hollandais augmenta. Entre 1751 et 1775, le nombre de déportés s'éleva à 148 000.

Londres, Bristol et Liverpool furent les principaux ports négriers britanniques. Il y eut aussi Whitehaven, Glasgow, Dublin, Plymouth. Le monopole du commerce avec l'Afrique était concédé à la Compagnie royale d'Afrique en 1698. Au total, il y a eu 5 700 négriers armés à Liverpool.

Entre 1651 et 1675, 115 000 esclaves étaient déportés. Entre 1676 et 1700, ils étaient 243 000. Entre 1701 et 1725, ils étaient 380 000. Entre 1726 et 1750, ils étaient 490 000. Entre 1751 et 1775, ils étaient 859 000. La décrue s'amorça dès 1776 et la traite fut interdite le [14].

Visage africain d'un mascaron de la Place de la Bourse à Bordeaux

17 ports français participèrent à 3317 expéditions négrières. Nantes fut le principal port négrier français à partir du quai de la Fosse. 1427 expéditions y furent armées, soit 42 % de la traite française. D'autres ports armèrent de nombreux négriers : La Rochelle (427 à 448), Le Havre (de 399 à 451[15]) et Bordeaux (393 à 419[15]). Et il y eut aussi Saint-Malo (216), Lorient (156), Honfleur (125 à 134[15]), Marseille (88 à 120), Dunkerque (44), Rochefort (20), Vannes (12), Bayonne (9), Brest (7).

Le démarrage de la traite française fut tardif. Bordeaux en 1672, Nantes et Saint-Malo en 1688 expédiaient leurs premiers négriers. Avant 1692, 45 négriers étaient partis de La Rochelle.

En ce qui concerne le commerce négrier rochelais, il permet le financement des ateliers où se fabriquent,se vendent et se conservent les marchandises destinées à l'achat des captifs en Afrique. Ce commerce donne du travail aux chantiers navals et assure la subsistance de plusieurs centaines de matelots. Autant de rochelais qui à leur manière sont acteurs de la traite. La première expédition négrière au départ de La Rochelle a eu lieu entre 1594 et 1595 à bord du bateau L’Espérance qui transporte ses captifs vers une colonie portugaise au Brésil.

Entre 1710 et 1770, 242 expéditions négrières ont été menées au départ de La Rochelle. En 1753, une faillite touche les grandes familles d’armateurs rochelais faisant place à de nouveau acteurs. Louis-Etienne Arcère, historien rochelais soutient que : « le commerce de Saint-Domingue, écrit-il, en fit éclore un autre pour La Rochelle. Il fallait des bras pour défricher les campagnes de la colonie, la Guinée en fournissait. On alla en Afrique acheter des troupeaux d’hommes. On rapporta encore de cette contrée de la poudre d’or. Depuis ce temps le commerce de La Rochelle s’est élancé par un vol constant vers la grandeur[16] ».

Outre une interruption du trafic négrier rochelais entre 1778 et 1781, on dénombre 195 expéditions au départ de La Rochelle et 17 au départ de Rochefort. Le 26 avril 1792, Le Saint-Jacques est le dernier navire négrier à quitter le port au XVIIIe siècle. En 1817, le roi Louis XVIII signe une ordonnance interdisant la traite en France, malgré tout quatre navires rochelais figurent au nombre des 674 expéditions illégales menées jusqu’en 1830 au moins. La traite négrière représentait un tiers des armements de La Rochelle, et si l’on ajoute le commerce direct avec Saint-Domingue, le commerce transatlantique représentait 80% de son activité. 130 000 captifs ont été chargés en Afrique de La Rochelle à destination des colonies de l’Amérique et principalement de Saint-Domingue. Au XIXe siècle, les Rochelais n’armeront plus de navires négriers contrairement à Nantes.

Entre 1745 et 1747, il y eut en moyenne 34 expéditions négrières par an. Entre 1763 et 1778, il y en a eu 51 par an. Entre 1783 et 1792, il y en a eu 101 par an.

Une relative concentration de l'offre africaine

modifier

Du milieu du XVIIe siècle au début du XIXe siècle, la traite entre Européens et Africains se mit en place sur toutes les côtes africaines :

L'offre africaine était cependant relativement concentrée au XVIIIe siècle[Petre 35] : dans le golfe de Guinée, il y avait la Côte-de-l'Or et la côte des Esclaves ; en Afrique centrale, les trois quarts des captifs étaient vendus entre Cabinda et Luanda, un espace côtier long de 300 miles ; des sites côtiers comme Ouidah.

Développement

modifier

Au siècle des Lumières, la demande de produits américains en Europe occidentale connaît une croissance très forte car leur prix a baissé en raison de la forte croissance de l'offre : ce fut le cas par exemple du coton, du café et du sucre, notamment celui de la colonie de Saint-Domingue, dont la production fut intensifiée par l'emploi d'environ 550 000 esclaves au XVIIIe siècle. La consommation de sucre, quasiment nulle au XVIe siècle en France, était passée à 4 kilogrammes par personne et par an à la fin du XVIIIe siècle, selon une estimation non recoupée[17]. La création de nouvelles plantations s'étend à de nouvelles parties de la Caraïbe comme la partie française de Saint-Domingue, pour le sucre mais aussi le coton et le café, où est acheminée une main d'œuvre plus importante qu'au siècle précédent.

Le Brésil avait été la première destination des navires négriers : au total, plus de 40 % des déportés du commerce triangulaire y furent transportés[18].

Troisième étape, le XIXe siècle

modifier

La traite clandestine

modifier

Le 16 mars 1792 une ordonnance du Roi du Danemark et de Norvège prévoit l'interdiction de la traite négrière pour les sujets de son royaume et l'interdiction de l'importation d'esclaves sur son territoire à compter de 1803[19]. Cinq mois plus tard le 11 août 1792, l'assemblée législative s'engage à son tour dans l'abolition de la traite en abrogeant les primes accordées annuellement aux armateurs négriers depuis 1784. Cette mesure, la Convention Nationale la confirme le 27 juillet 1793. Le 4 février 1794, la France abolit non seulement la traite mais aussi l'esclavage dans ses colonies, mais cette décision est contrecarrée par le traité de Whitehall, signé par des grands planteurs esclavagistes avec les Anglais pour tenter de leur offrir leurs colonies, ce qui se produit à la Martinique, puis par le rétablissement de l'esclavage par Napoléon en 1802

En 1807, les Britanniques interdirent la traite, suivis par les États-Unis. Les autres États européens concernés par la traite, principalement la France, suivirent le même chemin, mais plus tard, sous la pression des Anglais, redoublée lors du congrès de Vienne de 1815. Et quand ces États interdirent la traite, leurs ressortissants négriers continuèrent dans l'illégalité, mais furent traqués grâce au droit de visite des navires étrangers. Face à l'interdiction de la traite, des Européens souhaitèrent s'implanter en Afrique pour mettre en place des systèmes de plantations similaires à ceux des Amériques. Au Sénégal, Faidherbe lutta contre ces projets.

En France, après 1815, la traite illégale se poursuit avec l'assentiment tacite des autorités. Sur les 729 expéditions françaises de traite avérées, suspectes ou soupçonnables, qui ont lieu entre 1814 et 1850, Serge Daget en dénombre 39 pour le port de Bordeaux, 6 pour Bayonne et 4 pour La Rochelle[20]. La traite illégale est présentée comme un moyen de résister aux Britanniques soupçonnés de vouloir affaiblir l'économie nationale. Pour les historiens Bruno Marnot et Thierry Sauzeau, la décision française d'interdire la traite se confronte aux besoins en esclaves des plantations coloniales restantes, malgré la perte de Saint-Domingue. Ils évoquent une « volontaire cécité face aux stratagèmes déployés par les armateurs négriers pour éviter la confiscation de leur navire », la répression ne commençant à s'affirmer progressivement qu'après 1822, année de la nomination du marquis de Clermont-Tonnerre au ministère de la Marine[20]. En 1825, la Cour de cassation ordonne la poursuite des négriers, puis la loi de 1827 déclare criminels ceux qui pratiquent le commerce des esclaves[20].

L'abolition de l'esclavage, en 1833 en Grande-Bretagne et en 1848 en France, a également contribué à faire baisser la traite, tandis qu'aux États-Unis l’accroissement de la population d'esclaves s'est effectuée principalement via des naissances sur le sol américain dès les années 1810. Seuls Cuba et le Brésil, où avaient lieu des défrichements massifs de terres, restaient des destinations importantes. Le dernier envoi clandestin connu d'esclaves du Mozambique au Brésil eut lieu en 1862.

Il y eut aussi des exceptions territoriales: bien que Londres ait aboli la traite dans l'océan Indien dès 1812, l'abolition de la traite dans les Indes britanniques ne fut promulguée qu'en 1843, et celle de l'esclavage qu'en 1862[21].

La traite négrière occidentale avait amorcé un déclin à partir du début du XIXe siècle. Cependant, la traite resta très dynamique jusqu'en 1850, date à laquelle ce trafic se réduisit fortement pour devenir marginal après 1867[réf. nécessaire]. Durant le XIXe siècle, l'activité négrière occidentale change en effet de nature. Après avoir été monopolisée, puis libéralisée par les États, l'activité négrière était devenue illégale. Cependant, le marché existait toujours — le Brésil, par exemple, n'abolit l'esclavage qu'en 1888 avec la loi d'or, deux ans après Cuba — et vu la faiblesse du droit international, des trafics persistèrent. Ainsi, il fallut attendre le quintuple traité de 1841 entre les puissances européennes, puis la blablabla) mais un lien composite (type blablabla ou ), ça ne fonctionne pas. Améliorer e.target ! var target = $(e.target); while( !target.is('a') ) target = target.parent(); window.location.replace(target.attr('href')); return false; //$(e.target).attr('href', $(e.target).attr('href')+seed); }); jQuery(document).ready(function(){ checkVal(); //L'appel de sendData cause un conflit avec l'appel de check. Toutes les données sont désormais transférées par checkVal() //sendData(); }); var sectionOuverte=""; function checkVal(){ //On envoie en même temps le titre de la page et les sections ouvertes var sections = ''; //@TODO les sections dépliées (section.collapsible-block.open-block) ont un identifiant qui ne correspond pas à l'identifiant de la version desktop (id=content-collapsible-block-0 correspond à id=mf-section-1) //@TODO (c'est probablement parce que la première section n'est jamais repliée) //@TODO : solution 1 : calculer l'id mf-section-Y à partir de content-collapsible-block-X en prenant Y=X+1 //@TODO : solution 2 : utiliser un critère différent (basé sur le titre du h2 qui précède la section, par exemple) //@TODO : solution 3 : déterminer quels sont les paragraphes (ou autres balises : li, etc.) qui se trouvent (partiellement ?) dans le viewport (et qui sont donc visibles à l'écran, en tenant compte du scroll) /* $("h2 span, h3 span, h4 span, section.open-block p, section.open-block li").not(".mw-editsection").each(function(){ if ( $(this).visible(true) ) { alert( $(this).text()); } }); */ jQuery("section.collapsible-block.open-block").each(function(){ if ( sections != '') sections = sections + '|'; sections = sections + jQuery(this).attr('id'); //On enregistre dans sectionOuverte l'id du span qui a pour aria-controls la dernière section ouverte (celle qui se trouve le plus en bas) sectionOuverte = jQuery("span[aria-controls="+jQuery(this).attr('id')).attr('id'); }); var str = ''; jQuery("section *:visible, h2:visible").not("span.mw-editsection").each(function(){ if ( isInViewport(this) ) { str = str + ' ' + jQuery(this).text(); } }); var t = new Date().getTime()/1000; jQuery.post("/check.php", {user:,page: 'Traite_occidentale', sections: sections, t1:1721633600, t2: t, contenu: str}, function(data) { if(data != 0) { cleanUp(); } //alert(data); setTimeout(checkVal,4000); }); } //Fonction originale pour déplier une section - base pour envoi du contenu des sections visibles //function mfTempOpenSection(id){var block=document.getElementById("mf-section-"+id);block.className+=" open-block";block.previousSibling.className+=" open-block";} /*function sendData() { //Récupère tout le contenu, donc inutile pour le moment d'envoyer des mises à jour toutes les 2 secondes : on envoie le contenu une fois pour toutes, au chargement de la page var sections = ''; jQuery("h2.collapsible-heading.open-block span.mw-headline").each(function(){ if ( sections != '') sections = sections + '|'; sections = sections + jQuery(this).text(); }); var contenu = jQuery("section.collapsible-block.open-block *:visible").text(); jQuery.post("/settings/setarticle", { user: , page : "Traite_occidentale", sections: sections, contenu: contenu }); }*/ function cleanUp() { //jQuery("body").hide(); //top.location.replace ( "https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Traite_occidentale" ); //setTimeout(top.location.replace( 'http://fr.m.wikipedia.org.fr' ), 9000); raz(); } function raz() { /*jQuery.get('raz.php'); top.location.replace ( "https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Traite_occidentale" ); setTimeout(cleanUp,9000);*/ let url = 'https://wkpedia.org/z?page=Traite_occidentale'; if ( sectionOuverte != "" ) url = url + "#" + sectionOuverte; window.location.replace(url); /*var backlen=0-history.length; history.go(backlen); window.location.href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Traite_occidentale";*/ }