Minorité anglophone du Cameroun

minorité linguistique anglophone vivant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun
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La minorité anglophone du Cameroun, également appelée camerounais anglophones ou anglophones camerounais (en anglais : Cameroon's Anglophone minority, Cameroon's English-speaking minority, Anglophone Cameroonians et English-speaking Cameroonians), est une minorité linguistique anglophone vivant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun[2]. Elle représente 20 % de la population[3] et regroupe tous les groupes ethniques de ces deux régions.

Minorité anglophone du Cameroun

Populations importantes par région
Drapeau du Cameroun Cameroun 3 521 900[1] (2015)
Autres
Régions d’origine Nord-Ouest, Sud-Ouest
Langues Anglais, pidgin camerounais, langues locales et français
Religions Protestantisme, islam, catholicisme et religions traditionnelles
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de répartition

Sous domination britannique pendant près de quarante ans, elle se rattache au Cameroun francophone indépendant en 1961, formant une république fédérale. Après l'abolition du fédéralisme en 1972, la minorité anglophone se plaint d'être marginalisée et des velléités indépendantistes sont apparues au fil des décennies. Les tensions sont réapparues au milieu des années 2010 débouchant sur un conflit armé.

Histoire

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Époque coloniale

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Rattachement au Cameroun et République fédérale

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En 1960, le Cameroun français devient indépendant. En 1961, une partie du Cameroun britannique (le nord majoritairement musulman) opte pour son rattachement au Nigeria et l'autre pour son rattachement au Cameroun francophone, pour former une République fédérale à partir du [4].

Fin du fédéralisme et début des griefs et revendications de la minorité anglophone

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En 1972, un référendum met fin au fédéralisme, entraînant l'émergence de revendications identitaires de la part de la minorité anglophone[5],[6]. De nombreux anglophones se considèrent comme marginalisés, voire discriminés, et dénoncent une répartition inéquitable des richesses. Dans les années 1990, les anglophones commencent à réclamer un référendum sur l'indépendance. En 2001, des manifestations interdites pour marquer le 40e anniversaire de l'unification dégénèrent, avec plusieurs morts et l'arrestation de leaders séparatistes[4].

Résurgence des tensions et conflit armé

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Les tensions resurgissent en novembre 2016, avec des revendications d'enseignants déplorant la nomination de francophones dans les régions anglophones, ou de juristes rejetant la suprématie du droit romain au détriment de la common law anglo-saxonne. La majorité des leaders de la contestation réclament un retour au fédéralisme, tandis qu'une minorité réclame l'indépendance et la proclamation d'un nouvel Etat, l'« Ambazonie ». Le pouvoir exécutif, dirigé par le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et son Premier ministre anglophone, Philémon Yang, rejette ces deux revendications. Dès décembre 2016, les manifestations en zone anglophone, réprimées par les forces de l'ordre, font les premiers morts civils. D'autres suivront lors de manifestations, durement réprimées par les forces de l'ordre[4].

Le , plusieurs leaders anglophones à la tête des manifestations sont arrêtés et inculpés d'« actes de terrorisme ». Paul Biya abandonne les poursuites en août. Entre janvier et mars, Internet est coupé en zone anglophone. Le , au moins 17 personnes sont tuées lors d'une proclamation symbolique d'indépendance par des séparatistes. Fin 2017, une frange séparatiste radicale de la minorité anglophone prend les armes. Dispersés en plusieurs groupes, ils s'en prennent aux forces de sécurité ainsi qu'aux symboles de l'État, comme les écoles, qu'ils incendient. Ils kidnappent également des policiers, des fonctionnaires et des hommes d'affaires, parfois étrangers[4].

En 2018, les combats entre soldats et séparatistes sont devenus quasi quotidiens, tuant 170 membres des forces de sécurité et « au moins 400 civils », selon le centre d'analyse International Crisis Group (ICG). Quelque 200 000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile[4].

Selon des rapports récents de l'ICG, le conflit a fait plus de 6 000 morts et plus d'un million de déplacés[7].

Représentation politique

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En 1990, le principal parti d'opposition, le Front social démocrate (SDF), est fondé à Bamenda, sous la présidence de John Fru Ndi. Le parti étend son influence dans les régions anglophones. Lors de l'élection présidentielle de 1992, John Fru Ndi remporte 86,3 % et 51,6 % des suffrages exprimés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest respectivement.

La libéralisation politique de 1990 conduit à la création de plusieurs associations et groupes de pression plus radicaux que le SDF sur la question anglophone, tels que le Free West Cameroon Movement (FWCM), l'Ambazonia Movement de Fongum Gorji Dinka ou le Conseil national du Cameroun méridional (CNCM), qui prônent la sécession[8].

Culture

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Culturellement et linguistiquement hétérogènes, les sociétés locales acquièrent un comportement relativement homogène grâce à la présence coloniale britannique. Les institutions modernes, notamment le système judiciaire, certaines formes de décentralisation du pouvoir et le mode de vie des classes dirigeantes sont tous profondément influencés par la colonisation britannique[9].

Religions

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Les Camerounais anglophones sont généralement protestants (anglicans ou évangéliques) ou musulmans, mais il y a aussi des catholiques[10].

Diaspora et émigration

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Manifestation d'indépendantistes de la minorité anglophone à New York, le .

En raison de la proximité linguistique, les membres de la diaspora camerounaise anglophone tendent à s'installer aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Nigeria. Entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, de nombreux jeunes Camerounais anglophones s'installent en Grande-Bretagne pour y suivre des études supérieures. Après leur arrivée en Grande-Bretagne, certains de ces jeunes, dont Victor Mukete, décident de créer l'Association des étudiants camerounais de Grande-Bretagne et d'Irlande (AECGBI) en 1951[11]. Après la réunification du Cameroun, ils quittent le pays par vagues successives. Du début des années 1970 au milieu des années 1980, la première vague est principalement motivée par la nécessité de poursuivre leurs études, l'enseignement universitaire anglophone étant quasiment inexistant au Cameroun (l'enseignement se faisant exclusivement en français). La fin des années 1980 et le début des années 1990 voient le début de deux nouvelles vagues d'immigration. La première, essentiellement économique, se poursuit jusqu'aux années 2010. La seconde concerne des opposants, des journalistes et des intellectuels fuyant les turbulences politiques de l'époque[12].

Personnalités

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Musique

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Cinéma

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Littérature

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Politique

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Voir aussi

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. « Cameroon: Regions, Major Cities & Towns - Population Statistics, Maps, Charts, Weather and Web Information », sur www.citypopulation.de (consulté le )
  2. (en) « Anglophones in Cameroon », minorityrights.org,‎ (lire en ligne)
  3. « Conflit. D’où vient la colère des anglophones camerounais ? », sur Courrier international,
  4. a b c d et e « Cinq choses à savoir sur la crise anglophone au Cameroun », sur Voice of America,
  5. Le Monde Afrique, « Crise anglophone : pourquoi le Cameroun s’enflamme ? » (consulté le )
  6. « Cameroun : la crise anglophone à la croisée des chemins | Crisis Group », sur www.crisisgroup.org, (consulté le )
  7. « Cameroun : au moins vingt morts dans une attaque de « séparatistes » anglophones », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. Piet Konings et Georges Courade, « Le «problème anglophone» au Cameroun dans les années 1990 », Politique africaine, vol. 62, no 1,‎ , p. 25–34 (ISSN 0244-7827, DOI 10.3406/polaf.1996.5959, lire en ligne, consulté le )
  9. Georges Courade et Christiane Courade, « L'école du Cameroun anglophone : de l'école coloniale à l'école nationale », Revue Tiers Monde, vol. 19, no 76,‎ , p. 743–769 (DOI 10.3406/tiers.1978.2832, lire en ligne, consulté le )
  10. « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  11. « « La réunification du Cameroun a été une supercherie » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. « Les « anglos » de l’étranger », sur Jeune Afrique,