Bonne année 2022 modifier

Meilleurs vœux pour 2022 !
sur Wikipédia et dans la vraie vie, en espérant être plus présent sur WP, bien amicalement, Gailletboréal

en vous remerciant pour toutes vos contributions inestimables et votre précieuse collaboration dès qu'il s'agit de faire avancer les articles, bien amicalement--Gaillet boréal 31 décembre 2021 à 23:30 (CET)Répondre

Bonne année 2022 ! modifier

Bonjour Patachonf Émoticône
Tous mes vœux pour aborder — prudemment — l'année 2022 : « Bonne année ! Bonne santé ! » (« Moi, je veux bien », comme disait sagement Erik Satie…)

Je n'avais pas tellement envie de faire un dessin… et puis, une idée stupide m'a traversé l'esprit. Certes, il est généralement réceptif à ce genre d'idées… et on est plutôt noyés que traversés par de telles idées, depuis bientôt deux ans… Enfin, qu'y puis-je ? voilà.

Tant pis si le jeu de mots a déjà été usé jusqu'à la corde (corde à piano, bien entendu) : ce sera mon équivalent pianistique et « trois-en-un » des petits singes de la sagesse* :

« Ne pas voir [le Mal], ne pas entendre, et ne pas dire »**

Respirer, tout de même, ce serait bien. Il paraît que c'est négociable…

Donc, résolument, « Bonne année ! Bon courage ! » Émoticône

Amicalement, FLours toujours 1 janvier 2022 à 00:20 (CET)Répondre

(* Toute ressemblance avec des doses de vaccin, etc. etc. etc. Tant de choses vont par trois… Émoticône)
(** …et puis, surtout : ne pas taperÉmoticône)

Meilleure année 2022 ! modifier

Tous mes vœux pour 2022 !
Sur Wikipédia, certes, mais « encore plus surtout » (comme dirait Claude Ponti)
en dehors — car pour 2021, c'était raté…

Donc beaucoup de joies et de réussites, sans oublier, donc, la santé !
Bien amicalement, Marlaguette (d)

GLAM modifier

Bonjour Patachonf,

comment vas-tu ? J'ai une bonne nouvelle à t'annoncer ! J'ai entamé un nouveau projet GLAM sur it.wiki, il s'agit d'écrire des articles et télécharger des photos de la bibliothèque du conservatoire de musique Giuseppe Nicolini de Plaisance, dans les prochaines mois nous ferons des activités pour valoriser le fonds photographique de Corrado Pavesi Negri (1843-1920), si cela t'intéresse je te tiens au courant. Bonne journée Pạtạfisik 7 avril 2022 à 13:37 (CEST)Répondre

Notification Patafisik : Hello grande ! Heureux de te lire, moi qui justement repensais à toi tout juste hier… L'invitation tient toujours par chez moi… hein… J'ai aussi branché ma sœur sur la Casamaure et elle y va de temps en temps, avec ses créations et sa technique (pas au piano !)… Bon, pour ton présent projet, je ne vois rien, mais je peux me tromper. Et comme certains censeurs-branleurs de wp me font profondément çier (aucune collaboration, des critiques de mouche de coche, des prises de position lamentable sur certains articles…), je n'ai créé aucun article, ni traduit depuis plus d'un an, me contentant de détails ou refilant le travail à @Sidonie61 qui fait un super job et m'aide beaucoup à étoffer mc sur des découvertes discographiques toujours très nombreuses (le dernier : Gerald Barry — zut l'est pas italien :-). Mais au sujet même de du projet, je ne demande qu'a être convaincu par ton enthousiasme. Si non, la santé est au rendez-vous ; complètement remise à plat d'ailleurs, comme les projets de vie, les préoccupations importantes et bien d'autres qui nécessiterai la confidence ! Bien à toi. Mille baci. Patachonf (discuter) 8 avril 2022 à 00:26 (CEST)Répondre
Rebonjour, voici notre page dudit editathon, si tu trouves l'inspiration pour revenir sur tes pas il y a une petite liste pour contribuer (en français c'est bien aussi, l’opéra et le belcanto n'ont pas de frontières linguistiques). Je notifie Notification Sidonie61 : aussi, au cas où cela pourrait lui intéresser. Émoticône sourire Bonne journée Pạtạfisik 10 mai 2022 à 12:32 (CEST)Répondre

Explorons la SF modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Alors allons-y : la Symphonie fantastique de Berlioz. Incontournable, inabordable. L'article sur WP.fr est nul : 10 références étiques, une description en « lecture suivie » de l'œuvre, pas d'infobox, pas de RI digne de ce nom — rien, rien, rien.

Côté discographie : trop de versions, c'est évident. Peut-être y en a-t-il deux ou trois vraiment bonnes sur la centaine officiellement disponible. Peut-être. Mais pas plus, et peut-être pas autant !

Quelques principes simples pour évaluer les efforts des uns et des autres vers une version acceptable, éventuellement bonne et par extraordinaire excellente, de la Fantastique :

  1. prise de son — les versions dont les sillons sont encore et toujours abreuvés d'un sang impur seront systématiquement rejetées. C'est injuste, peut-être, mais sans regrets : tant pis pour elles (je pense à l'enregistrement historique par Rhené-Baton, certainement un excellent chef et c'est instructif mais c'est terrifiant de vérifier comment c'était réalisé) ;
  2. respect de l'orchestration — Berlioz a longtemps attendu pour publier ses symphonies, et cette « Symphonie no 1 » (!) est donc son op. 14, mais il a relu, revu et révisé son œuvre, ce qui était justifié dans ce cas (l'orchestration originale associait un serpent à un ophicléide, ce qui était bien ophidien mais c'est aussi la raison pour laquelle cette symphonie est la première avec deux tubas… en attendant que la Symphonie de Vierne supprime les tubas pour faire « encore plus sombre » !) et donc… je veux le cornet à pistons dans le Baletc. Les ultralibéraux peuvent bien marcher au supplice : ce n'est pas négociable ;
  3. respect de la partition — ne pas jouer les reprises dans les différents mouvements, c'est un manque de respect pur et simple : Berlioz n'en abuse pas, même Méhul n'en abusait pas… tant que ça. C'est honteux de couper dans le vif. La Marche au supplice s'achève par une décapitation, ce n'est pas une raison pour lui couper aussi les pattes ! Je n'admets pas de tels procédés. Si ça ne posait pas de problème de conscience au chef, à moi non plus — mais c'est sa version que je coupe ;
  4. respect des détails — peut-être Monteux se faisait-il gloire de réclamer les sourdines aux cors, pour attaquer la Marche au supplice. La belle affaire ! du moins serait-on autorisés à le croire, si l'on n'avait pas une vingtaine de versions où les cors jouent en sons « ouverts ». Et c'est si subtil, l'écriture des cors que Berlioz considère toujours comme naturels… Alors ? « À la trrrappe ! » dit le père Ubu (revoir la version intégrale par Jean-Christophe Averty, ça fait un bien fou !) Il n'y en aura pas que pour ces messieurs les « phynanciers » Sourire diabolique
  5. justesse des instruments — les cloches, non d'un anathème ! les cloches ! Comment se fait-il qu'on ait des instruments qui sonnent admirablement dans la Messe glagolitique de Janáček (version Mackerras : pas la peine de perdre son temps avec qui que ce soit d'autre) et ils ne sont pas foutus d'accorder un Ut et un Sol comme les plus vulgaires timbales dans la musique la plus vulgaire qui soit (disons Meyerbeer, le précurseur le plus évident d'Offenbach avec le même prénom) ;
  6. justesse des tempi — Berlioz emploie le métronome (le vrai, pas celui de Lorànt Deutsch, qui est d'une fausseté sans nom) et sa partition est d'une richesse extraordinaire pour le chef d'orchestre : ah ! nous y voilà… la sale bête, qui porte sur ses épaules tout le poids de telle ou telle version. La fantaisie, dans la Fantastique, c'est bien mais on doit rester extrêmement exigeants aussi…

Pour tout ce qui pourrait se présenter ensuite, on le rangera dans la catégorie « grâce / disgrâce ». Et s'il reste une version valable, ce sera bien et il est probable que ce sera beaucoup !

Amicalement, FLours toujours 13 avril 2022 à 12:32 (CEST)Répondre

Éreintons un peu, sur tous les tons d'airain modifier

Je parlais d'anathème à propos des cloches, en songeant aux vers (les magnifiques pentamètres iambiques) de Christopher Marlowe dans l'acte « romain » et, disons-le… « carnavalesque » ! de son Doctor Faustus, où l'on procède à la condamnation rituelle avec la Bible, une chandelle et une cloche :

Bell, book and candle, candle, book and bell,
Forward and backward, to curse Faustus to Hell.

Cloche, Bible et chandelle, chandelle, Bible et cloche,
Dans un sens et dans l'autre pour condamner Faust à l'Enfer.

Je mentionnerai ici, dans l'ordre chronologique, les versions qui ne méritent que l'oubli, quand ce ne serait pas la damnatio memoriae Émoticône

1. Les versions où ils ne jouent pas les reprises (c'est facile de jouer la Marche au supplice en min, à ce compte-là) : pour moi, « leur compte est bon », d'autant plus que leur compte est mauvais ! Ça vaut pour les reprises dans Un Bal aussi, « môôôssieu Monteux ».

  • Ormandy, Orchestre de Philadelphie, 1950 (Columbia Masterworks) — aucun intérêt
  • Markevitch, OSV Radio Berlin, 1952 (Urania)
  • Markevitch, BPO, 1953 (DG) — pareil
  • Munch, BSO, 1954 (RCA)
  • Karajan, Philharmonia Orchestra, 1954 (EMI) — prise de son un peu « flocons d'avoines », aussi… et cloches douloureuses
  • Mitropoulos, NYPO, 1957 (Columbia) — Long Playing mais courte marche ! (grrr…)
  • Beecham, RTF, 1957-1958 (HMV) — très bon timbre, pour l'époque !
  • Cluytens, Philharmonia, 1958 (Erato) — un peu lointain
  • Monteux, WPO, 1959 (Decca)
  • Barbirolli, Hallé Orchestra, 1959 (EMI) — très pâle…
  • Goossens, LSO, 1959 (Everest) — cuivres languissants, les violons minaudent vilainement… et, dans le Songe final, les cloches sont abominablement abominables Émoticône
  • Mravinski, Orchestre philharmonique de Leningrad, 1960 (Russian Disc) — haché menu, cuivres ralentis et ignobles, prise de son en live et antitussifs pas au menu…
  • Markevitch, Orchestre Lamoureux, 1961 (DG) — défendre Berlioz dans les années 1950, c'est bien. Mal le défendre, c'est mal…
  • Markevitch, Orchestre Lamoureux, 1962 (DG) — pareil, ça me fait grincer des crocs…
  • Munch, Orchestre de la radio et télévision hongroise, 1966 (Philips)
  • Munch, Orchestre de Paris, 1967 (Altus) — en live, incorrigible…
  • Ansermet, OSR, 1967 (Decca) — un peu lent, en plus, mais bassons bien piqués. Dommage…
  • Stokowski, New Philharmonia, 1968 (BBC Legends) — une « Course au supplice », plutôt ! All over the place, comme ils disent. abominable !
  • Solti, CSO, 1972 (Decca) — un peu (trop) lourd mais bon tempo, bons timbres
  • Ozawa, BSO, 1973 (DG) — frénétique, pour les bassons, c'est une torture…
  • Martinon, Orchestre National de L'ORTF, 1973 (EMI) — bien interprété, pourtant, et lorsqu'il nous donne un si beau Lélio ou le Retour à la vie en complément… c'est triste. Et Martinon a l'élégance, bien française, de ne pas oublier le cornet à pistons du Bal (Jacques Lecointre) : ça, c'est bien !
  • Karajan, Berliner Philharmonic Orchestra, 1974 (DG) — très pataud
  • Bernstein, ONF, 1976 (Warner) — et pas plus de cornet à pistons dans le Bal que de baïonnette au bout de la baguette !
  • Barenboim, Orchestre de Paris, 1979 (DG) — un peu « Don Giovanni », au début : très jolis bassons… et la fanfare hurle d'un coup, lorsqu'on devrait avoir la reprise ! Triste…
  • Mehta, NYPO, 1979 (LDR) — très criard
  • Kubelík, OSRB, 1981 (Orfeo)
  • Celibidache, MPO, 1986 — et tellement nonchalant que ça dure quand même min 36 s ! C'est une marche pour somnambules (…bâââille…) qui annonce tristement un Dies Irae léthargique, mollusque édenté sans cils, sans sel, sans nerfs ni transparence (et déjà Un Bal sans cornet à pistons, évidemment…) c'est soporifique à ne jamais s'en relever, bref : contresens le plus total
  • Rozhdestvensky, Orchestre symphonique d'État de l'URSS, 1988 (Yedang) — bassons liés sur violoncelles et contrebasses hachés, cuivres accélérés et désordonnés, c'est hideux !
  • Temirkanov, RPO, 1991 (RCA)
  • Mariss Jansons, Royal Concertgebouw, 1992 (EMI) — dans une version surdécoupée en dépit du moindre bon sens, et pas de cornet à piston pour le bal ! et un tempo languissant à mourir d'ennui, d'un bout à l'autre, et des cloches abominables avant le Dies Irae ! cette version est haïssable …@#$% !… (censuré !…)…
  • Gergiev, WPO, 2003 (Philips) — en live plutôt propre, un peu lointain, languissant…
  • Dmitri Liss, Philharmonie Zuidnederland, 2019 (Fuga Libera) — languissant à s'en rendre malades…

(…à suivre…)

On élimine déjà pas mal de poids mort, ou de « bois mort », comme ça… je vais gagner du temps Émoticône et il y a bien des « grands noms », là-dedans ! Que serait-ce avec des « médiocres » ? Comment le saurais-je ? On se demande où cesse la médiocrité, d'ailleurs : la conscience professionnelle ? l'amour du travail bien fait ? le respect envers le génie ? Des clous ! du spectacle ! (ou le fameux « clou du spectacle »…) J'en ai honte pour eux : honte ! Émoticône

Et tout d'un coup, je me rends compte que la Marche au supplice s'achève presque sur le tranchant du couperet de la guillotine. Il était bien temps que ce couperet tombe…

Paul Paray coupe aussi, avec l'Orchestre symphonique de Détroit (1959, Mercury) — ça me fait infiniment mal… l'orchestre de Détroit, pas brillant (cymbales ineptes, par exemple), est mené de main de maître et lancé par son chef… C'est pas mal, mais incomplet. Et ce serait cette version que les « grands connaisseurs » placent en no 2 derrière d'indétrônables Munch ? mais ça mériterait des coups de pied où je pense ! (ce serait le plus sûr moyen de leur déboucher les oreilles, parce qu'ils y ont la tête, de toute évidence).

Et Munch tranche encore ! avec le BSO en 1962 (joli son, dans l'ensemble, mais pourquoi ne pas jouer alors ?) On va en parler quand même (« à contrecœur et à regret », ce qui restera ma devise pour toute l'actualité) parce que mon rasoir d'Ockham, si simple et raisonnable soit-il, est en train de décapiter toutes les « grandes vedettes » de la profession… J'en suis consterné : « J'ai mal à mon Berlioz », comme disent les Gen Z Émoticône « Tout à toi, Hector ! »

Amicalement, FLours toujours 24 avril 2022 à 12:32 (CEST)Répondre

2. Les versions où les cloches sont fausses (ou « la musique que c'est pas la peine », comme dirait Chabrier)

Quand on a déjà éliminé les précédentes, on n'a plus besoin d'attendre le cinquième et dernier mouvement pour se faire peur avec des quartes aussi injustes que le découpage des frontières dans des partages de la Pologne ! Ce n'est pas Chopin qui nous dira le contraire : ce qui s'accorde mal pour les cloches s'applique aussi bien au piano

  • Colin Davis, LSO, 1963 (Philips) — belle version, par ailleurs… c'est celle qui m'a accompagné pendant des années, ce qui ne m'empêchait pas de grincer des dents lorsque le Sol tombait en sonnant toujours faux.
  • Colin Davis, WPO, 1990 (Philips) — On demande un Ut et un Sol… À l'Orchestre philharmonique de VienneVienne, en Autriche. Sérieux ? sérieux…
  • John Eliot Gardiner, orchestre révolutionnaire et romantique, 1991 (Philips) — prise de son moderne sur « instruments d'époque » (pas inintéressant, a priori) où les cloches sont plutôt un « carillon de Westminster », lointain, de bonne tenue mais assez laid au niveau du timbre : l'Ut comme le Sol réverbèrent beaucoup, ce dernier avec des partiels profonds qui donnent quelque chose de troublant mais surtout faux. Ce n'est pas une version « à jeter », mais plutôt sans charmes, sans séduction, sans grâces (Un Bal tourne un peu court, par exemple). Le débat autour de l'« orchestration de 1830 » est inextricable. Pourquoi pas celle de 1828 ? Pourquoi ne pas jouer Pelléas et Mélisande « sur brouillons », pendant qu'on y est, dans la première version que Debussy avait esquissé et présenté vers 1898… naturellement sans les passages symphoniques qu'il a dû ajouter jusqu'à l'avant-veille de la première, en avril 1902 ? La bêtise est vraiment « l'autre infini » dont parlait Varèse, inconditionnel comme moi envers Claude et Hector ;
  • François-Xavier Roth, Les Siècles, 2009 (Actes Sud) — sans regrets, parce que l'écoute des deux derniers mouvements me procure une sensation d'étroitesse, d'étouffement, de petitesse qui confinerait à la mesquinerie. « La vie en beau ! » disait Baudelaire au mauvais vitrier (Le Spleen de Paris)

(…à suivre…)

Pour le coup, « J'ai mal à mon Partch » Émoticône

Si j'ajoutais (comme je devrais le faire !) un 3. les versions sans cornet à pistons pour le Bal, il ne survivrait plus grand-monde. Et c'est un scandale ! C'est ahurissant. Je n'aurais jamais soupçonné que la Symphonie fantastique était l'un des plus grands chefs-d'œuvre de la musique symphonique moderne les plus mal enregistrés de toute la discographie ! Je suis atterré. Comment peut-on, non seulement admettre, mais porter aux nues des interprétations aussi incomplètes, aussi incorrectes, aussi insuffisantes que leurs perpétrateurs sont « suffisants » ? Que dois-je soupçonner là-dedans de plus bas, de plus abject, de plus vil comme contre-vérités ? Dans ses articles de critique musicale, Berlioz citait volontiers Molière, Corneille — Racine, plus rarement — ou La Fontaine qu'il affectionnait. J'en ferai autant, pour conclure :

« Allez, de tels soupçons méritent ma colère,
Et vous ne valez pas que l'on vous considère. »

— Molière, Le Misanthrope, acte IV scène III, v. 1409-1410

Amicalement, FLours toujours 25 avril 2022 à 11:14 (CEST)Répondre

Boulez, Cleveland Orchestra (DG, 1997) modifier

Je commence par celle-ci pour situer un « degré zéro » de la Fantastique : « La Fantastique sans LE Fantastique ».

Et tout d'abord, je n'écarte pas cette version (malgré toutes les précautions oratoires qui précèdent) parce que cette interprétation reste intéressante comme un feu qui brûlerait à froid. Bien des critiques musicaux ont supposé que la Fantastique était une musique des Enfers. Son exemple a été suivi par bien d'autres, du premier mouvement de la Dante-Symphonie de Liszt au second mouvement de la Symphonie no 3, op. 21 de Georges Enescoetc. Admettons. Si c'est le cas, je songe (d'une nuit de Sabbat) que Pierre Boulez y est condamné à diriger sans fin, sans répit ni repos, cette version avec l'orchestre de Cleveland : comme ils le disent dans ce pays porte-Bible, « Hell hath no Fury ».

On n'aura donc pas la moindre fureur, « feux et tonnerres ! » dont l'évocation faisait ricaner les Vuillermoz et les Gavoty. Qu'ils se tiennent dans l'assistance, et bouches cousues : c'est leur place. De toute évidence, Boulez se situe devant la Symphonie fantastique comme une poule devant les sommets des Alpes… Quand bien même il a des ailes, ce n'est pas pour voler si haut. C'est un peu ce qui lui arrive aussi devant La Mer de Debussy

Cependant, Boulez reste un chef d'orchestre compétent, spécialisé dans la musique austro-allemande mais capable de lire une partition. Et comme on n'a que trop traduit Berlioz en allemand, il a plutôt le réflexe de le traduire en russe. Voyons, deux pupitres de timbales ? mais c'est exactement Le Sacre du printemps ! Après tout, Berlioz est le père co-fondateur, avec Glinka, de toute la musique moderne russe… On aura donc une lecture distanciée, quasi chostakovitchéenne, de cette partition flamboyante.

Un exemple que je considérerai jusqu'au bout comme symptomatique : les cloches sont d'une justesse accordée au quatre-cent-quarantième-de-partiel sur la quarte juste Ut-Sol. Sur des questions comme celle-ci, on ne prendra pas Boulez en défaut.

Un autre exemple, alors : le Sibémol grave du trombone basse, si merveilleusement menaçant chez d'autres, fait tellement partie de son pain quotidien qu'il n'y fait pas attention. Évidemment, on en a entendu bien d'autres chez Edgard Varèse ! qui savait, lui, ce qu'il devait à son grand aîné, « toujours précurseur ». On exagère peut-être l'importance de la filiation Berlioz-Varèse, mais elle était délibérément affirmée, assumée et démontrée par l'auteur d'Arcana lui-même…

En somme, c'est une version à noter « B- ». Non, je réécoute et je la dégrade en « C » : il n'y a pas de cornet à pistons dans Un Bal, et cette absence m'est devenue intolérable. Boulez avait quand même la réputation de savoir lire une partition, tout de même ! et de plus « chargées » ! Berlioz n'emploie pas quatre flûtes pour obtenir un accord de quatre notes du timbre « flûte » (alors que Berg s'estime assez riche pour les réclamer dans Wozzeck) mais la vilénie de ce gougnafier-en-chef passe donc toute borne — un peu comme notre gouvernement actuel, ce qui se pose là comme vilénie de gougnafiers / petits chefs. Ce n'est pas mauvais : c'est très mauvais. Je disais, avant de me relire, que ce n'est pas tout-à-fait bon — et le brillant auteur des Mémoires nous rappelle que « dans ces cas-là, ce qui n'est pas tout-à-fait bon est tout-à-fait mauvais » (il faudrait que je trouve la citation exacte). Toute version qui n'atteint pas ce niveau ne devrait pas être digne seulement d'un mot pour en signaler l'inexistence. Hélas ! je n'en rencontrerai donc pas d'autres ?

Parenthèse pour les Mémoires

Les Mémoires de Berlioz ont enchanté mon adolescence. La semaine dernière, en mission professionnelle terne à Fontaine-Daniel, commune de Saint-Georges-Buttavent, je disposais d'une heure et demie de pause pour le casse-croute de midi. L'épicerie du village nous ramenait au monde d'Alexandre Vialatte. À l'étage, un panneau fléché signalait une « Librairie de livres d'occasion ». J'y monte. Il traînait là une collection qui, en d'autres temps, devait être moins dépareillée : un peu de tout, du grand classique au roman de gare et au polar, du livre de poche à la grande édition illustrée. Dans ce fatras organisé par thèmes et selon l'ordre alphabétique, peu de raretés, peu d'ouvrages intéressants, tous vendus pour 1 ou 2 euros.

Et, à la lettre B, entre quelques Balzac et deux ou trois Bernanos, une édition en deux volumes (format de poche) des Mémoires de Berlioz chez GF, préfacée par Pierre Citron. L'oasis dans ce désert. J'en ai relu quelques pages, et l'enchantement a repris comme à neuf.

Un des plus extraordinaires « coups de génie » de ces Mémoires, c'est que la vie même (et la nature profondément volcanique et sincère) de Berlioz lui a donné la clef des rêves, pour finir, celle que Sylvie refuse à Gérard de Nerval : comparer ces deux textes ouvre des abîmes de réflexion sur le Romantisme français… Existe-t-il enfin une thèse sur « Berlioz et Nerval » ? C'est un sujet dont la richesse s'impose avec une telle évidence !

Berlioz commençait ses Mémoires comme l'autobiographie d'un musicien. Il se trouvait contraint de l'achever sur un suicide : cette page inoubliable provoquait la colère de Romain Rolland (au moins l'a-t-il lue avec les mêmes yeux que moi…) — mais non ! Les Troyens devaient être composés. Ils l'ont été, ils existent : cet opéra-civilisation, surmontant tous les océans du monde, inégalable réponse à la question de « l'œuvre à emporter sur une île déserte », est peut-être le seul digne de survivre éternellement puisqu'il nous fait partager cette expérience du collectif qui survit. Fuit Troia, Stat Roma. Et après Rome, nous verrons bien mais il y aura quelque chose à faire ! (tout le contraire de cet effondrement funeste du Ring wagnérien…)

Et encore mieux : les Mémoires ne s'achèvent pas sur ce suicide. Berlioz compose Les Troyens, ajoute un chapitre, une Postface. Et la vie l'entraîne. Il boucle la boucle avec une jeunesse éblouissante : la fin de son ouvrage où il dit que « Ma vie est un roman qui m'intéresse beaucoup » est effectivement un roman ! Tout y est, descriptions, intimité, subjectivité, dialogues qui prennent soudain une importance et une vie autonome étonnantes. C'est la réponse la plus brillante aux échecs de Sylvie et d'Aurélia. Ce n'est pas Hector qui s'est suicidé, c'est notre malheureux Gérard.

Dans cet ultime Voyage en Dauphiné, tout est à relire et l'émotion est toujours là. Flaubert en poussait des hurlements d'admiration (c'était une mode, à l'époque : il en faisait autant pour Guerre et Paix de Tolstoï… « Excusez du peu », comme dit l'autre). Kafka confiait à Max Brod qu'il lisait Berlioz « comme un roman d'aventures », le cœur battant.

Explorer la Symphonie fantastique, c'est sonder un peu l'espace immense, pascalien mais sonore, et toutes les possibilités du cœur humain. C'est encore une des œuvres les plus indispensables, à titre individuel (lorsque Les Troyens le sont au titre des peuples et des civilisations) pour se connaître soi-même. Quelqu'un qui n'aimerait pas Berlioz ne pourrait pas être compté parmi mes amis.

Amicalement, FLours toujours 16 avril 2022 à 15:08 (CEST)Répondre

Bernstein, New York Philharmonic Orchestra (Sony Classical, 1963) modifier

Pour ne pas quitter les B, voici au moins une version autrement sympathique de la Symphonie fantastique. Une version évidemment séduisante, puisque la logique de « filiation » est évidente : Leonard Bernstein rêvait d'être un second Gustav Mahler, qui rêvait d'être un second Hector Berlioz, tout est lié !

De fait, il s'agit bien de l'association « compositeur et chef d'orchestre » que l'on retrouve (d'une certaine manière, il paraît que Pierre Boulez a été aussi un compositeur mais, à ce compte-là, tant d'autres ! André Messager, par exemple — et celui qui a assuré la création mondiale de Pelléas et Mélisande est peut-être le plus musicien des deux…)

Ceci étant posé, on a droit — sans surprise — à une version « mahlérienne américaine » de notre cauchemardesque chef-d'œuvre français. Soit. La valse d'Un bal flirte avec un « mauvais goût » un peu schmalzy. Et pourtant, il y a un moment dans la mélodie où la courbe et la texture orchestrale anticipent étonnamment sur l'Ouverture de Candide… C'est intéressant.

Surtout, Bernstein s'est montré admirablement sensible au caractère psychotrope, voire psychopompe, de la Fantastique. Sa présentation est toujours didactique mais bien menée (c'est un exercice auquel il était rompu ! et admirable ! on souhaiterait qu'un chef reprenne ce flambeau de l'éveil et éducation musicale auprès des jeunes publics… on a toujours les Jeunesses musicales de France, mais qui y songe sérieusement, musicalement ?) et cette analyse conduit Bernstein à mener la symphonie vers deux moments de « griserie » vertigineuse pour la fin du Bal et celle de la symphonie toute entière.

Cette lecture est enthousiasmante : tout référence à Coleridge (A sadder and a wiser man / he rose the follow morn) est absente de l'esprit de Berlioz, et Bernstein conclut « When you take a trip, you end up screaming at your own funeral ! » C'est magnifique. En effet, on tient là l'accord d'Ut majeur le moins « majeur », le moins écrasant d'héroïsme de toute l'histoire de la musique, le moins « ferme, décidé, bien assis, avec l'équilibre et le définitif de la force souveraine » (dixit Charles Koechlin dans son Traité de l'orchestration) tout le contraire !

C'est un réveil, sans doute, et en sursaut. Pas encore le retour à la vie, mais la gifle que l'air du matin envoie au visage du dormeur. On est allés très loin, et Bernstein souhaite « tenir le pas gagné », comme Rimbaud

Est-ce si bien tenu ? Je dois dire que ce n'est pas mal du tout, mais il y a deux-trois faux pas qui me gênent beaucoup :

  1. au sommet des Rêveries, passions, l'entrée à contre-contretemps des timbales est ratée — on aurait déliré parfaitement, si on les avait entendues. C'est un effet remarquable, parce que Berlioz n'écrit pas (je crois que n'est au no 18 de sa partition) Ut et Sol en blanches ou en noires forte mais une succession régulières de triolets de noires avec des forte decresc., ce qui donne plus de consistance ou de résonance à ces attaques, mais il faut les marquer ! (on retrouve des effets de ce genre chez Mahler, Nielsen et même Sibelius à leurs meilleurs moments) ;
  2. il n'y a pas de cornet à pistons dans le Bal, et c'est inacceptable. Ça manque, et ça aurait apporté la touche éclatante (le glow up, dit-on aujourd'hui) qui correspondait bien à sa vision — problème de budget ? — de recrutement ? — à New York en 1963 ???
  3. les pizz. de la décapitation, à la fin de la Marche au supplice « zinguent » quelque peu, c'est dommage ;
  4. les cloches… ah, là là… le Sol est tellement faux que, par moments, je suis tenté de croire que la succession est Ut-Ut-Ut au lieu de Ut-Ut-Sol. C'est tragique, parce que les cuivres entonnent un Dies Irae monstrueusement colérique !

Tout le reste est, à peu près, parfait. Le tempo et le mouvement sont maîtrisés, tenus, sans fanfaronnades ni caprices inutiles. Les timbales sont le maillon faible de cet orchestre, de bout en bout (dans le Songe d'une nuit de Sabbat, encore : c'est plus clair chez Boulez !) — j'ai presque envie de les taxer d'ingratitude, tant la partition leur donne l'occasion de se faire plaisir. On ne leur confierait pas la Symphonie no 4 « Inextinguible » de Nielsen sans rester sur notre soif…

All in all, c'est une version superbement conduite mais pas toujours superbement suivie. Tout le contraire de Boulez, qui conduisait sans chaleur des troupes bien disposées au combat. On en reste là, même si l'impression d'ensemble est finalement très bonne : « B+ »

Amicalement, FLours toujours 18 avril 2022 à 13:45 (CEST)Répondre

Parenthèse sur les cloches de la Fantastique

No hubo remedio, no 24 des Caprichos de Francisco de Goya — le « François » le plus visionnaire, le diamant noir le plus brillant de son temps que les François ont abominablement saccagé… et qui nous a fait l'inestimable grâce de s'exiler pour mourir à Bordeaux donc « chez moi », pratiquement « dans mes bras » Émoticône

La fausseté de ces instruments est le fléau de cette partition géniale. Les deux derniers mouvements de l'œuvre (et peut-être bien les trois premiers aussi…) sont au diapason de ce monde fantasque, d'une noirceur illuminée par le seul génie, des Caprichos de Goya — infiniment plus proches de cet univers qu'En blanc et noir de Debussy.

La Marche au supplice n'a d'équivalent, dans le domaine des arts plastiques, gravé ou peint, que certaines de ces visions comme No hubo remedio ou d'autres qui évoquent l'Inquisition espagnole : on sait que cette marche devait prendre place dans Les Francs-juges, donc le thème est bien présent. Nul doute qu'une telle page symphonique aurait fait éclater le cadre corseté de l'opéra… Les opéras de Berlioz sont punis « pour excès de musique », disait Fred Goldbeck, et c'est vrai : une interprétation seulement « acceptable » de Benvenuto Cellini, c'est déjà un miracle, tant il faut mobiliser de talents, de capacités, d'efforts, disons de « bonnes volontés » à qui on ne laisse pas seulement la paix !

Mais le monde intérieur de Goya se retrouve encore mieux dans le dernier mouvement : Songe d'une nuit de Sabbat. Dies irae. Ronde du Sabbat. Dies irae et Ronde du Sabbat ensemble (Berlioz est le maître et le modèle inégalable de la forme « A, B, A+B »)

Citer le Dies iræ, ce n'est pas tellement original. D'autres l'ont fait (beaucoup d'autres ! probablement trop…) de diverses manières. Aucune autre interprétation n'atteint cette poésie noire, typiquement romantique frénétique — le vrai romantisme français, celui de Nerval, de Gautier, de Pétrus Borel ! celui du Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand — cette vision de clair de lune sur un clocher en silhouette, maigre comme un chat noir. Et il suffit, pour cela, d'accorder deux cloches en Ut et en Sol. La quarte juste la plus commune, la plus banale, la plus évidente de notre musique occidentale — au XIXe siècle, on considérait parfois les timbales comme des instruments transpositeurs (!!!) en écrivant toujours Ut et Sol sur la portée de Fa, avec l'indication « Timbales en et en La » pour un morceau en majeur, par exemple…

Évidemment, c'est tout le reste qui « habille » ce carillon et ce thème en planus cantus féroce : les pizz., la couleur pointue et pointée des vents, l'hétérophonie de l'ensemble, l'intention sardonique, le mouvement de danse qui anticipe sur ceux de La Damnation de Faust… Et là dedans, « rien de trop » ! Berlioz n'utilisait les harpes que pour Un Bal, et il n'y revient pas. Est-ce bien ce compositeur qu'on n'a cessé d'accuser des pires excès, de la pire façon ? Un Florent Schmitt, que dis-je ? un Maurice Ravel n'aurait pas hésité à ramener les harpes pour faire briller la fin de leur symphonie…

Une telle retenue mériterait d'être prise en considération. Et la moindre des politesses, ce serait de disposer d'instruments justes. J'abomine les enregistrements où les cloches sont fausses, dont la vibration est un contresens. On croirait que ce n'est qu'une question d'intendance, que ce n'est rien en somme. Ou ne fait-on pas plutôt le pari que le public n'a pas d'oreilles ? que l'auditoire n'entend pas ?

Lorsque le compositeur en personne présentait son œuvre en premières auditions, à travers toute l'Europe (heureusement plus coalisée contre nous — ce sont les critiques qui se coaliseront contre Berlioz…) trouver ces deux cloches pour l'orchestre posait évidemment un problème. Berlioz emportait dans ses bagages des baguettes de timbale, faisant découvrir aux musiciens que l'on peut en jouer piano et même pianissimo (on croit rêver en lisant ses Mémoires : comment jouait-on Mozart en 1850 ?) il emportait évidemment ces cymbales antiques de son invention, pour le Scherzo de la reine Mab de Roméo et Juliette (auquel le Prélude à l'après-midi d'un faune doit tant… et nous donc, par la même occasion !) mais des cloches, surtout aussi graves, c'était impossible.

Je devrais pouvoir retrouver, au moins chez David Cairns (alors, ça se trouve p. 305 dans le tome II), comment la Symphonie fantastique a été présentée au public de Leipzig (je crois) avec les cloches remplacées par un piano… mais avec Mendelssohn au piano, sous la direction de Berlioz ! Ce devait être atroce, comme pis-aller, mais quel bel exemple d'abnégation romantique, pour l'un et l'autre. Je corrige : Cairns mentionne que Mendelssohn a joué les parties de harpe au piano, donc ça le valorisait quand même un peu plus… et ça devait être une souffrance de plus pour Berlioz — d'autant plus douloureuse que Mendelssohn, même après y avoir mis les mains, continuait de considérer sa musique… (Smiley: triste)

Dans ces conditions, je ne peux que donner raison à notre Hector qui admirait sincèrement ce bon Felix et lui reprochait sans méchanceté « d'aimer toujours un peu trop les morts » (c'est-à-dire Bach, encore Bach, toujours Bach ! encore et toujours ! tricoteur infatigable de fugues pour autant de voix qu'il en tiendra dans les mains et architecte-décorateur-terrassier de Cantates à la Gloire de l'Éternel, chaque jour que Dieu fait — « Et il en fait, le Bougre ! » ajoutait Alphonse Allais Émoticône)

Il me semble que, dans la version Stokowski (New Philharmonia, 1968, BBC Legends) les cloches, assez fausses, sont doublées par un piano. C'est curieux mais c'est abominable — et le chef accélère la « réponse » et ralentit le Dies Irae, sans aucune considération pour le mouvement indiqué dans la partition : c'est hideux ! Je me contenterai de ce passage pour condamner cette interprétation.

Berlioz précise, pour les cloches : « derrière la scène ». Quand on connaît un peu mieux ses intentions, il y a de quoi être désolé par le caractère « bruyant » ou « envahissant » de la sonorité vraiment métallique de certains enregistrements. Si ce passage est raté, tout est raté : inutile de prétendre que le chef « s'en sort mieux » dans les premiers mouvements. Il aura mal travaillé sur la partition qu'il doit connaître, mal préparé ses répétitions, mal communiqué avec son orchestre, avec ses ingénieurs du son (l'autre fléau de la discographie, surtout pour les versions les plus récentes…) Bref, il avait un devoir à remplir, et il ne l'a pas fait correctement. Ce n'est même pas une faute de goût, c'est une faute professionnelle.

J'espère avoir fait le tour de la question sur cette instrumentation d'exception. Il y en a, des cloches, dans Boris Godounov et dans Háry János — et plus nombreuses, et plus compliquées ! Si elles étaient à moitié aussi fausses, un russe ou un Hongrois poursuivrait le chef d'orchestre avec des torches et des fourches. N'y a-t-il qu'en France que le public applaudit à un massacre de ses chefs-d'œuvre, ou préfère les ignorer ? (au fait, ça s'est vérifié assez souvent…)

J'attends toujours LA version qui me conviendrait. Je ferais peut-être un point sur celle de Colin Davis chez Philips, pour rappeler « d'où je parle », comme tout le monde aime citer cette expression de Bourdieu.

Amicalement, FLours toujours 18 avril 2022 à 15:13 (CEST)Répondre

P.S. La version d'« essai » avec piano en doubles octaves, pour le Guide des instruments 1800-1950 (livre + 8 CD Ricercar, 2013) est intéressante à double titre :

  1. c'est la démonstration qu'il ne faut pas considérer une orchestration comme « réductible au piano ». On a réalisé des films en noir et blanc. La couleur n'était pas malvenue pour autant, et ce n'était pas une « fioriture orchestrale » ;
  2. contrairement à ce qu'écrit malicieusement Jérôme Lejeune, les réalisations avec de vraies cloches ne « trichent » pas vraiment : les cloches sont écrites en Ut et Sol en haut de la portée de Fa. C'est tout-à-fait accessible, c'est plus haut que des timbales. Au milieu de la portée de Fa, ce serait l'écriture « classique » des timbales, et cela réclamerait des instruments très lourds, en effet. Cependant, en 1830, écrites « comme des timbales », l'usage aurait encore autorisé à les considérer encore comme des instruments transpositeurs ! Aujourd'hui même, les compositeurs sont un peu embarrassés avec les transpositions à appliquer (octave supérieure ? double octave supérieure ?) pour le xylophone ou le glockenspieletc. Il précisent souvent, exprès, mais on s'y embrouille aussi souvent !

En tous cas, la justesse des instruments n'est pas négociable. Et les fondeurs de cloches savent bien que, plus elles sont aiguës, plus elles sont naturellement fausses. Berlioz ne réclamait certainement pas des cloches « du fond de l'abîme » non plus, puisque la résonance de tels instruments aurait englouti tout ce qui aurait suivi (notamment la réponse parodique au Dies Irae par les vents avec les pizz. des cordes…)

Amicalement, FLours toujours 26 avril 2022 à 08:01 (CEST)Répondre

Munch, Orchestre symphonique de Boston (RCA, 1962) modifier

Des interprétations nombreuses et plus-ou-moins variées de la Fantastique par Charles Munch, avec divers orchestres plus-ou-moins bons, je ne peux m'empêcher de songer à ce qu'en aurait pu dire le duc de Saint-Simon — notre mémorialiste le plus « furieux », et « d'une suite enragée » — dont je me demande parfois si Berlioz l'a lu, ce qui était possible déjà en 1830 : aucune comparaison possible avec ses propres Mémoires (si Saint-Simon s'était seulement intéressé un instant à la musique !)

« Cet homme si aimable, si charmant, si délicieux, n'aimait rien. Il avait et voulait des amis comme on veut et qu'on a des meubles. »

— Mémoires, à propos du prince de Conti.

Ceci pour motiver mon appréciation : « Ces interprétations si applaudies, si renommées, si célébrées, ne valent rien. On les prendra et on les gardera comme on prend et qu'on garde des meubles. » Et ne pas me parer des plumes du paon pour prétendre à quelque originalité de parade.

De toutes ces versions, retenons seulement la version la plus applaudie, la plus renommée, la plus célébrée : tant de monde y a mis les mains, les trompettes et la plume qu'on ne saurait tout-à-fait l'ignorer, malgré les fautes flagrantes, accablantes, désespérantes qui s'y trouvent. Il me semble évident, avec le recul, qu'on a écrit en faveur de cette interprétation dans l'ombre de notre duc-et-pair : « avec une évidence encore plus parfaite que la vérité » (1711, relation de la mort du grand Dauphin) Émoticône

Cet indice étant posé — indisposé — je m'aperçois que je n'ai rien à dire sur ces multiples versions : il n'y en a pas une pour « sauver » les autres, et celle de Boston en 1962 ne mérite pas plus qu'on y perde une heure à l'écouter que je ne perdrai un mot de plus à la commenter.

Amicalement, FLours toujours 14 mai 2022 à 16:19 (CEST)Répondre

Davis, Orchestre symphonique de Londres (Berlioz Odyssey, 2000) modifier

« Même le soleil a des taches », écrit Cocteau à un ami. « Votre cœur n'en a pas ». Je croirais volontiers qu'il s'aveuglait sur les détails de telle personnalité, comme d'autres se sont aveuglés en observant le soleil. En relisant attentivement la partition de la Symphonie fantastique, j'en arrive à la conclusion qu'elle n'a pas de taches… ni de rides ! (comme la musique de Debussy pour Pelléas et Mélisande, autre partition majeure avec une cloche en Sol…) Je croirais plus volontiers que certains auditeurs, musicologues ou critiques musicaux affectionnent les taches et les rides qu'apporte une version « de cœur », qui les protège de l'éblouissement pur de la musique de Berlioz, avec cet orchestre que « la lumière inonde et s'y joue comme dans les facettes d’un diamant » (dixit Saint-Saëns, impeccable orchestrateur sans tache s'il en est !)

Quand on a, une fois pour toutes, ajusté son optique sur les bonnes focales, et les bonnes ondes, le choix devrait être facilité. En ce qui me concerne, c'est tout simple : je n'éprouve aucun fétichisme « béat » (pour ne pas dire « béant »… ni « bêlant », si on s'amuse à toujours ajouter des lettres sur des lettres !) envers telle ou telle version archéologique, d'un indéniable intérêt historiographique s'il s'agit de prendre la mesure des évolutions dans la technique des instruments, de la direction d'orchestre et de la prise de son, dans les pratiques du concert et du disque, dans les goûts et les mœurs d'une société qui ne portait peut-être pas le Maréchal aux nues, ni le Général en particulier, mais qui portait sur Berlioz un regard toujours un peu méfiant et apeuré, enfin une écoute distraite, monotone et routinière. De fait, dans ce contexte morose, certains « ardents défenseurs » nous sont d'autant plus sympathiques : un anglais qui travaille à faire découvrir Les Troyens ne peut pas être tout-à-fait mauvais (je dirais même qu'il ne peut pas être tout-à-fait anglais !)

Sir Colin Davis est un de ces artisans, de ces joyeux forgerons d'après Haendel, mais l'un des rares qui aura proposé une quasi-intégrale de l'œuvre de Berlioz. Beaucoup moins rares, mais fort logiquement, il nous laisse plusieurs versions de la Fantastique et c'est une de ses dernières qu'il faut retenir : avec l'orchestre symphonique de Londres (LSO) en 2000.

Cette version récente est pratiquement « sans rides et sans taches ». Tout y est, tout y est juste et tout y est bien en place. J'aurais honte de citer ce qui s'y trouve et devrait se trouver dans chaque version enregistrée (honte de constater que c'est tout le contraire qui se vérifie !) mais signalons quelques détails sur des points essentiels :

  1. Rêveries, Passions — ce mouvement, qui ne paraît « classique » aujourd'hui que par comparaison avec ceux qui suivent, est déjà un sommet : j'aime passionnément cette rêverie, et ce délire de rythmes (vers 12 min 50 s) qui couronne le mouvement avant la très, très belle cadence plagale des dernières mesures (notée Religiosamente ! on est aussi surpris d'une telle notation que dans le Concerto pour piano no 3 de Bartók) L'orchestre adopte tout-de-suite le ton qui me convient le mieux, « à fleur de peau » (et certes pas « fleur bleue »… on n'est pas chez les Schtroumpfs non plus) ;
  2. Un Bal — à partir de min 49 s et jusqu'à min 3 s, il y a un long crescendo (plus de dix secondes, quand même !) pour les cors. Compare avec d'autres versions : il y en a où je pousse des hurlements d'horreur. À min 20 s, l'entrée « en beauté » du cornet à pistons est parfaite (c'est ce passage, avec cette arabesque mélodique, qui me fait songer à quelque chose dans l'ouverture du Candide de Bernstein). Le tourbillon final est magnifiquement mené, mais achevé comme une « vraie » valse. Tout disparaît comme si les danseurs se saluaient, nous saluaient peut-être. C'est de bon goût et de bon aloi ;
  3. Scène aux champs — il y a toujours un (très léger) « bruit de fond » sous le duo du cor anglais et du hautbois, mais ce n'est presque rien. La trame sonore est si fine que toute version live est exclue d'avance : il se trouvera toujours quelqu'un dans le public pour tousser. Tout le reste est absolument impeccable, transparent et lumineux avec d'innombrables lignes de chant (ou de champÀ travers chants…) amoureusement confiées aux instruments solistes  : la clarinette, le violoncelle, etc. Berlioz semble avoir inventé ici la « musique de chambre spatialisée » Oh ! La composition de tout ce mouvement est au-delà de l'éloge. Berlioz ne nous cache pas qu'il l'a beaucoup retravaillé. C'est le « cœur du cœur » de toute la symphonie (l'idée de cette fin « sans écho » est déchirante…) et il n'y a pas une note de trop, ni horizontalement, ni verticalement. Pas besoin d'indiquer « Domaine réservé / Propriété privée » : on se situe sur des hauteurs tellement hautes que Nietzsche lui-même en éprouverait le vertige (la double thèse de Dominique Catteau sur Berlioz et Nietzsche est à lire absolument…) Notre Hector préféré, viennois du Dauphiné, promeneur rêveur et solitaire, alpiniste avant que ce soit devenu un loisir à la mode, pouvait lire et se retrouver dans la préface d'Ecce homo :

    « Celui qui sait respirer l'atmosphère qui remplit mon œuvre sait que c'est une atmosphère des hauteurs, que l'air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, autrement l'on risque beaucoup de prendre froid. La glace est proche, la solitude est énorme — mais voyez avec quelle tranquillité tout repose dans la lumière ! voyez comme l'on respire librement ! que de choses on sent au-dessus de soi ! — »

    Ce n'est ni du Beethoven, ni du Mahler (même si l'influence de Berlioz est évidente…) ni du Messiaen ! En fait, si l'on devait faire un rapprochement qui ait du sens, il faudrait aller direct au fond du fond de l'expression : ça se situe entre Weber et Webern. Il y a aussi, vers min 44 s, un accent rythmique puissant des violoncelles pour rappeler l'« idée fixe » qui me fait irrésistiblement penser à un geste comparable dans Ariane et Barbe-Bleue de Dukas (à regarder de près sur partitions) ;
  4. Marche au supplice — l'orchestre est tellement bien disposé envers ce mouvement qu'il accorde aux timbales un droit rarissime, celui de briller : elles y sont félines, bondissantes sans impatience, tout en griffes et en crocs… On a envie de les appeler Georges ! Et le trombone basse apporte juste ce qu'il faut de cruauté dans cet hymne démoniaque dont se souviendra évidemment Moussorgski (Une nuit sur le mont Chauve) mais aussi Zimmermann (Musique pour les soupers du roi Ubu, où cette Marche surclasse la célébrissime « chevauchée » des Walkyries de Wagner) ;
  5. Toujours dans cette Marche — Berlioz oppose des coups de cymbales et grosse caisse fortissimo et mezzo-forte, ce qui n'est pas si aisé à maîtriser (beaucoup de percussionnistes vont jusqu'au piano pour mieux ménager leurs effets). Boulez, attentif aux moindres nuance, ne s'y trompait pas. En revanche, il n'y avait rien de saillant dans ses timbales ou ses trombones…
  6. Songe d'une nuit de Sabbat — Berlioz écrit un portando pour les hautbois (etc.) qui est d'une réalisation très délicate. Certaines versions s'y montrent « à nu », timides ou effrontées… rabougries, rabrouées, ridicules. Ici, c'est impeccable. Et les cloches enfin ! quelle clarté, quelle justesse dans les harmoniques et la mise en place, par rapport à la version de 1963 (Philips) : c'est parfait. Le coup de cymbale final est un peu ambigu. Elle est sensée être frappée par une baguette de timbale « à tête d'éponge », il ne s'agit pas d'un grand « crash ». C'est la réverbération de l'accord final d'Ut majeur qui compte. Et, pour le coup, ce sont les ingénieurs du son qui l'autorisent ou l'étouffent. J'aurais beaucoup de mal à en dire : ils sont littéralement le fléau de toute la discographie moderne…

Verdict : « A+ », pratiquement sans réserves. C'est une version parfaitement menée, tendre et profondément émouvante (I), scintillante et séduisante (II), poignante, vertigineuse (III), sombre, cruelle et flamboyante (IV), cauchemardesque (V) enfin « à fleur de peau » de bout en bout. Je commence toujours par écouter les passages « à effets » (tu sais lesquels, maintenant) et ensuite les mouvements « à effets » (dans l'ordre : V, IV et II) mais la valeur profonde d'une interprétation de la Symphonie fantastique se devine dans les mouvements I et surtout III : c'est là qu'on départagera les mérites de nos champions vraiment méritants. Les autres ? pour la montre ! pour l'estrade ! où il y a une trappe judicieusement placée pour que je les y ensevelisse Sourire diabolique

À suivre avec d'autres versions — celle-ci me semble assez difficile, je ne dis pas à surpasser mais à égaler.

Parenthèse sur les ingénieurs du son

Tout bien considéré, la presque-seule et quasi-unique réserve que j'aurais envers cette version, c'est son passage par les mains d'un ingénieur du son particulièrement peu ingénieux : tout est « sous l'abat-jour », « passé à l'éteignoir » comme Fauré se plaignait qu'on jouait sa musique (avec raison, quand on doit en juger sur pièces enregistrées !) Il faut mettre le volume à fond pour pouvoir entendre tous les détails. Je n'y avais pas songé tout d'abord, parce que… eh bien ! tristement… on y est habitués, depuis les années 1990-2000 (Smiley: triste)

Au moins les contrastes formidables de la partition ne sont-ils pas « égalisés » — c'est-à-dire équarris — comme cela se produit abominablement souvent pour des versions récentes et très applaudies (par des sourds ? CQFD) des symphonies de Mahler : dans la pratique, toutes les Symphonie no 8 « des Mille » qui ne sont pas dans la version dirigée par Kubelík (avec l'orchestre symphonique de la Radio Bavaroise, DG 1972) sont à jeter !

Qu'importent les « impératifs » de la production, de la diffusion ou de l'audition ! je condamne ces pratiques, je repousse avec horreur les produits de consommation manufacturée aseptisée qui en résultent, et je me fais un plaisir de citer un vers de « mon cher Tristan » :

« Vous ne deviez jamais m'y faire consentir. »

— Tristan L'Hermite, La Folie du sage, acte V scène II, v. 1371
Cette surprenante tragi-comédie est beaucoup trop ignorée… Amour

(Tu pourras comparer, à toutes fins utiles, avec le vers 592, acte II scène III, dans Andromaque de Racine — #MeToo Lequel des deux est plus proche de nous ? Émoticône)

Amicalement, FLours toujours 23 avril 2022 à 18:26 (CEST)Répondre

Paray, Orchestre symphonique de Détroit (Mercury, 1959) modifier

La Symphonie fantastique en 45 min 5 s Oh ! ça a l'air d'une blague ! mais une blague d'un goût atroce (et ça ne sera pas la seule atrocité de cette version…)

Si l'on considère que c'est LA version idéale de la Fantastique « pour les gens pressés », très bien : jouons le jeu. Après tout, mon temps est précieux aussi !

Je trouve incroyable que les instrumentistes boulent leur texte à ce point : rien n'est posé, tout est précipité, sens dessus-dessous, pêle-mêle, à la va-comme-je-te-pousse à flanc de falaise… vraiment, est-ce un concours ? est-ce une course à l'abîme, encore ? Ce qui est curieux, alors, ce sont les écarts de dynamique : tantôt juste, plutôt languissant même (certains moments de la Marche au supplice) et tantôt accéléré en dépit du moindre bon sens (la fanfare finale de la même Marche !) Les cris des violons avant le fameux passage col legno sont dignes des hurlements que Bernard Herrmann écrivait pour Psychose

Les cloches sont fausses comme un billet de 20 francs avec un portrait de Vincent d'Indy et Fervaal en fond de décor ! Le Sol est particulièrement repoussant.

Le Bal est aussi précipité que possible : dès le début, on croirait que l'orchestre attaque l'ouverture de Gwendoline ! (et Paul Paray a magnifiquement dirigé ces partitions de Chabrier, pour ce même label et avec ce même orchestre…) C'est frénétique de bout en bout. Les cordes passent leurs archets sur une pente dangereusement savonneuse et il y a d'inquiétants dérapages, dès le premier mouvement. Quels danseurs tiendraient sur ce rythme ? On les aura dopé à la caféine, c'est une réception arrosée au café Balzac… Les instruments à vent sont faibles, criards, facilement essoufflés. La bougie tiendrait plus longtemps qu'eux, dans cette surenchère.

La prise de son, en revanche, est à fleur de micro — c'était toute une époque, évidemment. Dans bien des cas, je préfère cette approche à la soierie gris-perle des ingénieurs du son sortis d'une école d'ingénieurs du son, manufacturés en série et réciproquement interchangeables dans la foule. Ici, c'est une prise de son chaude et râpeuse come une langue de vache. Le son pourrait être beau, très beau, et il l'est parfois — mais tout est tellement froissé là-dedans que l'ensemble n'arrive pas à me convaincre.

Verdict : « B- », c'est une version tendue, nerveuse mais sans charmes, surtout sans discernement. J'en sors énervé, frustré. L'uniformité du ton est un principe classique, racinien même — et c'est à bannir ! L'esthétique de Berlioz, comme celle de « nos » grands poètes baroques (Vermeil par exemple, le bien nommé Émoticône) est une esthétique du contraste, du surpassement des contraires, de l'étonnement et de l'enchantement : je veux des contrastes.

Amicalement, FLours toujours 30 avril 2022 à 16:23 (CEST)Répondre

Tilson Thomas, Orchestre symphonique de San Francisco (RCA, 1997) modifier

J'ai bien écouté cette version, une douzaine de fois, très attentivement et avec beaucoup d'intérêt. Elle a de grandes qualités, mais aussi d'impardonnables défauts. Pour les qualités :

  1. une bonne appréciation du mouvement, de la dynamique interne à long terme qui anime les mouvements de la symphonie ;
  2. une clarté d'élocution dans l'ensemble, qui parvient à fusionner les éléments de l'orchestre lorsque d'autres ne font que les juxtaposer ;
  3. une prise de son claire, équilibrée sans (trop) sacrifier les détails ni écrêter les sommets (très comparable à la version Davis) ;
  4. une bonne tenue de la direction d'orchestre, souple, nerveuse et sans (trop) d'excès vers la précipitation : le chef garde la tête froide.

Pour les défauts :

  1. l'absence du cornet à pistons en La dans Un Bal, impardonnable ;
  2. le mouvement donné à ce second mouvement, pris trop lentement, trop alangui, trop court de timbres : on se croirait dans un bal, sans doute, mais un bal de sous-préfecture à Vienne (Isère) — au lieu du ponch dont nos romantiques étaient grands consommateurs, on y servirait de l'eau sucrée — ce n'est pas exactement ce que j'attends dans la Fantastique ! et cette sonorité d'ensemble provinciale, terre-à-terre, presque « gnan-gnan », dépare complètement cette version ;
  3. d'un bout à l'autre de la symphonie, les flûtes glapissent… « Quels cris affreux ! » s'écrierait Faust. Cela déchire et défigure cruellement les premiers mouvements ;
  4. l'interprétation laisse d'emblée une impression très faible : Rêveries, Passions démarre à peu près comme une vieille Ford, avec des heurts et des ratés… Les silences y sont plus pesants que les forte — ces deux premiers mouvements nous décourageraient d'entendre la suite. On aurait tort : les deux derniers mouvements sauvent la mise, remontent la pente (qui devrait pourtant être descendante, tournée vers l'abîme… eh bien ! pas ici…)

Dans la Marche au supplice, quelques points de comparaison avec la version Davis — mais, à ce niveau d'excellence, on ne signalera que des écarts très acceptables :

  1. les cors sont moins « en sourdines », donc moins « de cape et de crocs », que dans le LSO sous la direction de Davis. C'est dommage mais, après quelques secondes un peu hasardeuses, ils se rattrapent et ça passe ;
  2. les cymbales sont aussi plus « sèches », moins bien associées à la grosse caisse. Le timbre d'ensemble était plus heureux chez Davis. C'est pardonnable, là encore, parce que cette méchanceté de timbre se trouve bien en situation ;
  3. en revanche, les timbales sont au diapason : impeccables, irréprochables. Il faut dire que c'est admirablement écrit pour elles (Berlioz combine habilement deux quintes : Si bémol-Fa, et Sol-, ce qui lui permet d'obtenir à la fois la justesse et l'éclat des résonances : la tierce conclusive Si bémol- est redoutable !) « À voir ces guerriers bondir comme des tigres, quel ennemi ne tremblerait ? » comme dit le sultan des mogols dans Padmâvatî Émoticône
  4. surtout, surtout, le mouvement est meilleur que chez Davis, qui montrait une sorte de cruauté tempérée, modérée dans le tempo en faveur du timbre. On tient ici la bonne dynamique, avec cet orchestre athlétique sans la moindre pesanteur. Chez Bernstein, les violoncelles et les bassons semblent prendre une grande respiration avant de plonger, en se disant « Quand faut y aller, faut y aller » (ce qui est compréhensible mais désagréable pour l'auditeur).

Dans le Songe d'une nuit de sabbat, enfin, MTT surpasse ses concurrents :

  1. les cloches sont aussi justes que chez Boulez ou Davis, quoiqu'un peu étranges de timbre. C'est très curieux, parce qu'elles sonnent exactement, ponctuellement, et parviennent à rayonner suffisamment, à infuser dans les groupes opposés de l'orchestre leurs longues vibrations. On comprend tout de suite qu'elles ne nous appellent pas à quelque Missa pro defunctis, mais à une véritable messe noire. Le résultat est aussi beau que dans la version Davis, peut-être un peu plus trouble, donc raisonnablement préférable ;
  2. la petite clarinette exulte de joie mauvaise, en reprenant l'« idée fixe » ! Est-ce l'exemple des flûtes qui lui inspirait de prendre une juste revanche sur ces « bonnes caquetières » ? La phrase de clarinette est commentée, naturellement, dans les Traités d'instrumentation et d'orchestration (à partir de quelle note le son est véritablement sensé être « ignoble » : cas d'école). Les bassons suivent comme un seul homme, ou mieux : un beau diable ! Leurs arpèges sont survoltés… c'est étourdissant. Voilà ce que devraient pouvoir offrir des interprètes conscients qu'ils ont de l'or dans les mains et un texte en or à défendre, sur les portées (les bons outils dans les bonnes mains et « de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace », Berlioz en prodigue de tous bords, au-delà du bord) ;
  3. la réponse affolée des vents aux cordes col legno (moment bien connu mais d'une invention prodigieuse, débordant de génie : les fameux « feux d'artifice » de Rimski-Korsakov sont des pétards mouillés, en comparaison !) cette débandade des flûtes sur les clarinettes, sur les hautbois, etc. est parfaite. Davis n'y mettait pas assez de feu, c'était propre mais trop retenu. D'autres s'affolent complètement, et c'est à peine si l'ensemble ne s'effondrait pas sur lui-même comme une cornemuse qui se dégonfle…
  4. le mouvement d'ensemble est la grande qualité de ce dernier mouvement : frénétique sans que la poigne de fer du chef d'orchestre se desserre un seul instant.

Ce finale de symphonie, absolument sans précédent en 1830, est caractéristique du jeune Berlioz. Harold en Italie se termine aussi sur une note ténébreuse, cette « Orgie de brigands » (Allegro frenetico, mais oui !) dont le compositeur avoue, dans ses Mémoires, que lorsqu'il le joue « pour lui-même » c'est « en grinçant des dents »…

J'ai tendance à penser, aujourd'hui, que toutes les grandes partitions de Berlioz sont triomphales et funèbres, et simultanément. Je ne dis pas que c'est une esthétique du Triomphe de la Mort, mais la marche funèbre qui conclut Tristia op. 18, est caractéristique, par exemple. La Damnation de Faust commence pratiquement par la célèbre Marche hongroise et se conclut presque par le Pandæmonium. Presque, parce que Berlioz accorde toujours le véritable « dernier mot » à la sensibilité. Les tambours de Santerre peuvent bien écraser la phrase guillotinée de l'« idée fixe » à la clarinette, son souvenir reste. C'est l'Apothéose de Marguerite qui conclut la Damnation de Faust. C'est sur la vision de Rome encore à naitre par Didon, soulignée par des harpes magnifiques, et non sur le chant de « haine » des vaincus, que Les Troyens nous laissent.

J'ai aussi tendance à croire que Berlioz, comme Searle au XXe siècle, avait « tout dit » avec ses deux premières symphonies. Non pas « tout ce qu'il pouvait dire », dans son cas, mais bien « tout ce qui pouvait être dit par une symphonie ». Lorsque Debussy déclare que « depuis Beethoven, la preuve de l'inutilité de la symphonie était faite », Berlioz devait avoir son opinion sur le sujet — et cette opinion devait être très proche de celle de son griffus confrère. Roméo et Juliette fait exploser tous les cadres possibles pour une symphonie… et j'entends toujours la Symphonie funèbre et triomphale comme l'équivalent musical d'Un enterrement à Ornans : c'est la fin de l'orchestre symphonique classique… C'est lui qu'on enterre, avec la prééminence des cordes sur tous les autres instruments, avec ses mouvements pris dans une tonalité unique et qui conditionne jusqu'au titre (Symphonie en Sol mineur, Symphonie en Mi bémol majeur, Symphonie en Utetc.) avec son organisation en coupe réglée, avec un menuet ou un scherzo (con brio ma non senza trio), avec un finale toujours un peu laborieux, etc.

Il y aurait toute une étude à consacrer à « Berlioz et la danse » : pour un compositeur qui n'a jamais « officiellement » composé de ballet — comme il n'a jamais « officiellement » composé de fugues — il y en a partout ! mais pas forcément où on l'attend… 2d mouvement (sur 5) de sa première symphonie, 3e (sur 4) dans sa deuxième (ce qui la rendrait relativement classique), Grande fête chez les Capulet dans sa troisième symphonie (avec aussi le Scherzo de la reine Mab !) et pas de danses pour sa quatrième, ce qui limite assez logiquement ses mouvements à trois.

Conclusion sur la version MTT : « A- », les deux derniers mouvements à retenir, le reste à jeter. L'association des trois premiers par Davis LSO nous permet d'obtenir une version « à deux chefs » qui frôle l'absolue perfection. C'était bien la moindre des choses pour cette partition.

Amicalement, FLours toujours 30 avril 2022 à 14:14 (CEST)Répondre

Muti, Orchestre symphonique de Chicago (Resound, 2015) modifier

Rien à dire, et voici pourquoi : j'ai écouté cette version trois ou quatre fois, mais c'était en m'apercevant, à la (n+1) fois, que j'avais déjà oublié la nème fois.

C'est dire… C'est tout dire…

Et c'est bien tout ce que j'avais à en dire.

J'ai eu le temps d'écouter toutes les versions : elles sont toutes imparfaites (j'entends bien : toutes !) à un moment ou à un autre, et j'en suis venu à vouer une sorte de haine froidement enragée contre certains « grrraaands noms » de la direction d'orchestre : pompeux pantins pontifiants, épileptiques sur l'estrade, et batteurs de baguette aux bâtons de mesure — indignes des partitions qui leur étaient confiées. Ces gens-là brassaient de l'air comme les rois de Bavière brassaient de la bière !

Il faut ajouter qu'ils sont habilement secondés par leurs assistantes-maquilleuses, j'ai nommé les ingénieurs du son. Tout ce qui surnagerait du brouillard, ils le plongent dans la boue. Ce n'est pas de la musique qu'ils entendent, mais est-ce seulement du son ? Les plus récents sont les plus abjects : pour eux, c'est « du beau ! du bon ! du bouillon ! » (et du brouillon, aussi souvent…)

Autant dire que l'essentiel de la discographie de la Symphonie fantastique est bonne pour la fosse à compost. On n'en fera pas pousser des roses, mais ce sera autant de place libérée dans nos bibliothèques.

Amicalement, FLours toujours 14 juillet 2022 à 12:11 (CEST)Répondre

Martinon, Orchestre National de L'ORTF (EMI, 1973) modifier

Rattle, BPO (Warner, 2008 — et en vidéo, 2009) modifier

Edmond Guérard cite volontiers Berlioz dans son Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes, non seulement de grands passages des Mémoires mais des « bons mots » dont l'auteur des Troyens était assez prodigue. En sortant d'un concert, un soir dans les années 1855-1860, un témoin aperçoit le vieux Berlioz dont une des partitions venait d'être interprétée par un autre chef que lui (ce qui était exceptionnel, alors, en France et surtout à Paris) :

— Alors, monsieur Berlioz ? [sous-entendu : « Vous devez être content ! »] Comment vous a-t-on exécuté ?
Comme un malfaiteur

La discographie que j'ai la douleur de parcourir et analyser me ferait conclure que Berlioz n'a longtemps été confié qu'à des « malfaiteurs » — réellement indignes de leur réputation. Avant les années 1990, je ne trouve pas une version seulement valable de la Symphonie fantastique : je ne dis pas une « bonne » version (comme il y a une Bonne chanson… et il y en a même une deuxième !) mais une version « digne », acceptable, raisonnable et défendable.

Alors, cette version par Simon Rattle filmé avec l'Orchestre philharmonique de Berlin (2009) que vaut-elle ? Auditorium très propre, bonne acoustique : c'est à peine croyable, tout ce qu'un public peut contenir d'air et de fluides pour éternuer, tousser, se moucher, que sais-je encore ? au moins tentent-ils de le faire entre les mouvements symphoniques. Pour un « retour à la vie réalité », ça se pose là.

L'interprétation ? Très propre, mais sans relief. Je pense qu'il y a un cornet à pistons pour le Bal (on ne le voit pas, on l'imagine plutôt qu'on ne l'entend). La Marche au supplice m'impatiente : quelle bonhomie des cuivres ! on dirait qu'ils escortent le condamné à mort en lui disant « Allons, allons… Vous savez, ce n'est pas si terrible… Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, vous verrez… Nous autres, nous en avons bien vu d'autres… » — c'est à croire que la Symphonie fantastique n'était que la première partie d'un concert avec une œuvre contemporaine à suivre (quand même pas la Symphonie de chambre op. 9 de Schönberg ou la Symphonie op. 21 de Webern, modèles achevés du « chef-d'œuvre / mauvais moment à passer »…)

C'est abêtissant. Les cloches pour le Dies Irae sont bien en place, justes et très « comme il faut » : ce clocher a été bâti avec le village autour, dans la bonne tradition. Mais tout ce qui devait être griffu est diffus, ce qui devait être mordant est édenté. D'un bout à l'autre, les cuivres et les vents restent ronds et aussi peu tranchants que des couteaux à beurre, sans aucune prétention à avoir inventé le fil à couper la même chose. C'est terne et morose, sans éclat jusqu'à la toute fin.

Le chef ? Pour la caméra, il ne minaude pas trop. D'ordinaire, ces messieurs tournent le dos à leur public : on s'aperçoit par l'expérience qu'il n'y a rien à regretter.

Verdict : oubliable, oublié.

Amicalement, FLours toujours 15 mai 2022 à 12:32 (CEST)Répondre

Parenthèse sur Berlioz et Dukas

Je fais un zoom rapide pour comparer un passage de la Symphonie fantastique de Berlioz et un autre d'Ariane et Barbe-Bleue de Dukas.

Comparaison de deux passages dans les œuvres de Berlioz et Dukas.

Chez Berlioz, ce geste en triples et quadruples croches se souvient, sans doute, de ces « tirades » véhémentes que l'on trouve dans les opéras de Rameau et que l'on entend nettement dans Les Troyens pour accompagner Cassandre au premier acte (l'« acte de Cassandre », qui lui est entièrement consacré, comme le dernier acte est l'« acte de Didon » : parallèle formellement génial, pour un opéra qu'on a déclaré « informe » et que l'on a longtemps coupé en deux parties, avec plus d'acharnement que de motifs valables… d'autre part, compter sur la vanité des chanteuses — véritablement sans limites vers les sommets affolant l'applaudimètre ou vers les abîmes de la mesquinerie la plus vétilleuse — c'était encore un « coup de génie » : on représente aujourd'hui Les Troyens pratiquement pour cette seule raison…)

L'orchestre est d'un grande légèreté de texture : cordes seules contre les deux bassons, qui viennent corser la phrase des violoncelles et contrebasses à l'unisson. Les violons et altos, divisés, tiennent un trémolo « très serré ». Tous se taisent pour la réponse (l'« idée fixe ») avec une flûte, un hautbois, deux clarinettes. On est dans un contexte local de Si bémol majeur.

Je compare avec le moment d'Ariane et Barbe-Bleue où l'héroïne va briser le vitrail, lorsqu'elle s'écrie « Voici la clef de votre aurore » [c'est tout-de-suite au début du CD no 2 de la version Erato, dirigée par Armin Jordan avec l'orchestre philharmonique de Radio France: tu peux vérifier facilement]. Paul Dukas se souvient certainement des opéras du premier classicisme français, mais ne se souvient-il pas de ce passage de la Fantastique aussi ? Cette partition était plus souvent présentée en concert que Castor et Pollux

En comparaison, l'écriture est d'une épaisseur de mille-feuille qui m'écrase… Juges-en : arpège ascendant des harpes, redoublé par une gamme (on est en Ut majeur) aux bassons et à la clarinette basse, aux seconds violons, aux altos et aux violoncelles, profond trémolo des contrebasses à l'unisson d'une longue tenue du tuba et du contrebasson, redoublé encore par des accents rythmiques des timbales, grand arpège en arche des premiers violons en trémolo sur chaque double croche, arpèges brisés en questions-réponses (ascendants, descendants) aux flûtes et à la petite flûte, aux hautbois, au cor anglais et aux clarinettes — sans oublier un roulement de grosse caisse, lancé par un fortissimo des cymbales (laissez vibrer) remplacé par un roulement du triangle sur l'accord tenu des trompettes, cors et trombones : cet accord parfait est enfin redoublé, un soupir après cet éclat, par les sept femmes de Barbe-Bleue sur les trois notes (Do-Mi-Sol) avec l'indication « cri » ! Oh !

C'est incontestablement brillant, éblouissant, mais c'est aussi incroyablement lourd comme texture ! et comme Ariane doit encore se lancer dans un « grand air » (avec au moins deux La aigus, comme dans l'« air des diamants » du premier acte) c'est épuisant pour les interprètes… et je trouve que c'est aussi épuisant pour les auditeurs. On étouffe dans cette atmosphère luxuriante, parmi toutes ces lianes en arpèges, ces appels d'oiseaux et de bêtes plus ou moins fauves. C'est beau, la jungle, et la biodiversité. Ça manque un peu de diversité, dans les dynamiques de cet opéra. C'est très beau, et j'ai beaucoup étudié cette partition. Plus je l'étudie, plus je l'admire : la demi-douzaine de leitmotives qu'on y trouve anime toute la partition, sur ses trois actes… C'est impressionnant, c'est admirable mais j'aime le résultat peut-être d'autant moins que je l'admire.

Paul Dukas, c'est tout de même moins « lourdaud » que Richard Strauss, que je ne peux plus supporter, mais il tient beaucoup trop de l'autre Richard, et les épices ou les feux d'artifices du groupe des Cinq (surtout Rimski-Korsakov) n'ont pas allégé l'écriture. Debussy a dû mieux entendre l'orchestre berliozien, et savoir à quoi s'en tenir… en attendant Stravinsky !

Amicalement, FLours toujours 1 mai 2022 à 15:36 (CEST)Répondre

Dudamel, Los Angeles Philharmonic Orchestra, 2008 (DG) modifier

Une version appliquée, honnête, sans beaucoup de talent mais sans défaillances coupables. Gustavo Dudamel respecte le texte berliozien et, dans le contexte qui nous occupe, il semble que c'est déjà beaucoup ! C'est dire à quel point nous avons dû abaisser nos seuils de tolérance. Je ne peux m'empêcher aux mots (terribles) de Saint-Saëns, qui soutenait qu'« on s'habitue à tout, à la saleté, au crime même, mais il y a, précisément, des choses auxquelles il ne faut pas s'habituer » (malheureusement, c'était pour dire le plus grand mal d'En blanc et noir de Debussy (Smiley: triste)) et je ne peux pas m'habituer aux interprétations criminelles de la Fantastique.

Alors, devant cette version plutôt scolaire, distribuons « bons » et « mauvais » points :

  1. Moyennement mauvais point : version en live, donc on a deux-trois bruits parasites par-ci par-là mais c'est très propre (le public est plutôt sage) ;
  2. Bon point : Dudamel nous offre Un Bal plutôt « en beauté », d'un mouvement un peu timide mais qui ne va pas jusqu'à la mièvrerie (disons qu'on y échappe de justesse) avec ENFIN un cornet à pistons bien mis en avant (ça fait tellement plaisir quand les musiciens se font plaisir en faisant leur devoir) ;
  3. Bon point : Le mouvement de passion du premier mouvement est bon, avec de beaux contrastes ;
  4. Mauvais point : la trompette domine trop, au sommet de ce mouvement (chez MTT, ce sont ces ((per))sifflantes flûtes !) et les timbales sont trop effacées ;
  5. Bon point : la Scène au champs est proprement menée — 18 min quand même… c'est un peu longuement étiré, mais ça passe ;
  6. Mauvais point : la texture de l'orchestre est si fine que le moindre éternuement s'entend (mais, parfois, ce sont les musiciens eux-mêmes ! peut-être) ;
  7. Bon point : il y a la reprise de la Marche au Supplice, et le mouvement n'est pas mauvais ;
  8. Mauvais point : dans cette marche, le (si) du trombone basse ressort trop — ce n'est plus la touche qui fait vibrer toutes les couleurs, la sonorité d'ensemble des cuivres en est déchirée, gênée, les autres instruments n'apportent pas tout le « mordant » qu'ils devraient y mettre (les timbales, par exemple) ;
  9. Bon point : le mouvement du Songe d'une nuit de Sabbat est bon, les sonorités des instruments solistes plutôt très bonnes ;
  10. Mauvais point : les cloches du Dies Irae ne sont pas très justes (toujours le Sol qui gêne…) et ce Dies Irae manque de griffes et de crocs (mouvement un peu lent, sonorités des vents nettes mais pas assez incisives, les violoncelles et contrebasses dominent désagréablement : ce n'est pas mauvais, ça devrait être mieux) ;
  11. Mauvais point : la brutalité finale des timbales, que rien ne justifie, est très mal venue lorsque le mouvement final est très bon — pour ne rien dire des applaudissements d'un public assez indulgent.

Verdict : « B », c'est une version très honnête mais sans audaces. Quel dommage que ce soit en live : on tenait peut-être la meilleure interprétation d'Un Bal, malgré des harpes trop timides (il faut dire que la concurrence des « bonnes » versions est rude ! ça se limite à une petite poignée… le choix est vraiment difficile, dans ces conditions). C'est le seul mouvement où cette version surclasserait toutes les autres, c'est dire à quel point c'est remarquable ! (en bien comme en mal)

Amicalement, FLours toujours 14 mai 2022 à 15:53 (CEST)Répondre

Harding, Swedish Radio Symphony Orchestra, 2015 (Harmonia Mundi) modifier

Associer Berlioz à Rameau, c'est bien. De fait, Rameau, Berlioz et Debussy sont les trois grands compositeurs de notre histoire de la musique française. Ils ne dominent pas leurs siècles : ils sont — in saeculae saeculorumetc. Ceci étant dit, établi, jouer Berlioz comme si c'était du Rameau est aussi absurde que jouer Debussy comme si c'était du Berlioz ! (ou, au piano, comme si c'était du Chopin)

Faute de goût impardonnable, mais qui me permet de résumer toutes celles que l'on identifie une par une, en écoutant l'œuvre d'un bout à l'autre.

Par exemple, contre toute attente, il y a bien un cornet à pistons dans Un Bal (ou est-ce un cornet à bouquin ? le son en est si ténu, le plus souvent, qu'on se demande un peu…) D'ailleurs ce mouvement est assez beau, pris dans ces grâces de robes à paniers versaillaises. Le mouvement n'est pas mauvais, c'est plus classique évidemment que romantique. On peut l'admettre.

Le mouvement de la Marche au supplice, en revanche, est inadmissible : min 11 s, c'est trop lent, on a tourné le dos à l'orchestre de Lully, Rameau, etc. et l'orchestre ne suit plus : le trombone basse grince, les bassons minaudent mignonnement, les cuivres mignardement, les timbales ponctuent le tout comme des répliques de Marivaux. Les cymbales n'y sont pas mal, pourtant : est-ce parce qu'elles pensent à Gluck ?

On pense plutôt à Rebel qu'à Berlioz pour le Songe d'une nuit de Sabbat (au fameux début des Éléments). Ce n'est pas mal du tout, par instants (l'entrée de la petite clarinette). C'est malheureusement un peu gâché par le Sol toujours mal ajusté des cloches (du moins sont-elles derrière la scène : c'est noté ainsi dans la partition). Le Dies Irae languit trop, encore une fois, et l'alliance des vents et des cordes « râpe » comme dans les orchestres classiques ou préclassiques : le manque de fusion vient-il du manque de rythme ? non, le mouvement est juste un tout petit peu lent. C'est un manque d'éclat, d'élan, de fougue. La moindre des choses, en somme !

Les timbales sont curieusement amphibies, dans ce mouvement : on les entend, elles surnagent, on ne les entend plus… C'est assez maussade, comme ensemble. La réponse des vents aux cordes col legno est encore (et toujours) « gracieuse », « jolie », « fleurie » avec des gentillesses de jeunes filles juste un peu revêches : c'est une version par et pour les demoiselles de Saint-Cyr, avec l'approbation pincée de madame de Maintenon !

Verdict : Très peu pour moi. Enfin, à tout prendre, c'est une « curiosité ». Berlioz mérite mieux, beaucoup mieux.

Amicalement, FLours toujours 14 mai 2022 à 16:16 (CEST)Répondre

Libre adaptation pour orchestre de chambre par Arthur Lavandier, Alpha (2016) modifier

Le premier mouvement (de recul) d'horreur passé, la lecture de la liste des instruments digérée (comme une gorgée de poison) et après avoir admis que le mauvais goût ne connaissait pas de limites, on doit considérer cette « libre adaptation » comme une œuvre à part entière, un jeu (de massacre) pris tel qu'en lui-même, pour lui-même, complètement parasite et presque autonome, indépendant à la manière des parodies cinématographiques les plus ignobles de films célèbres.

C'est à peu près comme si on jouait du P. D. Q. Bach au lieu de la Messe en si : moi, je veux bien. Dans un contexte carnavalesque post-Zimmermannien, ça peut même être drôle. Reste à se poser la question de la valeur humoristique d'une plaisanterie aussi cruelle et qui dure plus de cinquante minutes ! Paul Hindemith parodie l'ouverture du Fliegende Holländer pour quatuor à cordes — pas l'opéra entier…

Comme Fantaisie sur des thèmes de, c'est passable. Les cloches sont fausses, mais le reste à l'avenant. Du reste, la plupart du temps, l'humour ne « mord » pas : Berlioz avait écrit quelque chose de tellement fort, et déjà tellement naturellement grinçant que ces pauvres, piteux musiciens en sont réduits à jouer presque ce qu'il y avait dans la partition. Qu'ils y mettent du xylophone et de l'accordéon, peine perdue.

Verdict : ça ne compte pas.

Amicalement, FLours toujours 14 mai 2022 à 15:23 (CEST)Répondre

Leonard Slatkin, Orchestre national de Lyon, Naxos (2011) modifier

Pour commencer par… tout autre chose que le commencement, cette version nous fait la grâce — inestimable — des deux versions du Bal. Et ce qui est plus fort encore : les deux versions, sans cornet à pistons / avec cornet à pistons, sont parfaites ! Oh ! On est loin au-dessus de toutes les autres versions, même Michael Tilson Thomas (vraiment pâle dans ce mouvement) ou Davis (dont la battue me semble parfois incertaine : c'est de la Valse à trois temps mais, curieusement, il me semble que des demi-temps manquent ici et là… c'est étrange, mystérieux comme on voudra mais très agaçant). On peut donc se débarrasser de tous les autres Bals et retenir celui-ci / ceux-ci.

La présence du cornet à pistons est un peu appuyée, notamment pour ses premières notes. On aurait pu souhaiter un tout petit peu plus de fondu avec l'orchestre, mais c'est d'une verdeur bienvenue. C'était déjà très net dans la version Martinon de 1973 (version solitaire et vaillante, unique, seule contre toutes ! faut-il dire « française », pour tout résumer en un mot ?) Les harpes sont très bien mises en valeur (on croirait que c'est « la moindre des choses », puisqu'elles n'interviennent que dans ce mouvement ? Il suffit d'entendre certaines autres versions pour s'en dégoûter tout-à-fait, définitivement).

Le premier mouvement donne la mesure de tout ce qui va suivre : cette version est fascinante à étudier, pour ses qualités comme pour ses défauts. L'orchestre est curieusement divisé entre le meilleur et le médiocre. Commençons par le meilleur ou, pour mieux dire, l'inespéré : tous les pupitres des vents sont ad-mi-ra-bleus (et de toutes les nuances de bleu, alors !) L'équilibre entre bois et cordes est aussi au-delà de l'éloge, le plus souvent. Mais des considérations de détails m'entraîneraient trop loin. Passons au médiocre : les cors sont bons, le plus souvent — surtout le premier cor, qui s'appelle peut-être Moran comme dans Les Soirées de l'orchestre — mais pas toujours. Témoin les mes.4-5 après le no 2 où leur cresc.-decresc. (de piano à fortissimo, quand même !) n'existe pas… Et beaucoup plus grave, au no 17 de ce même mouvement (le sommet délirant de joie, presque / déjà celui de Roméo sur le tombeau de Juliette) les cornets à pistons et les trompettes n'existent pas : on entend les flûtes ! on entend les violons ! Avec du fortissimo sous les portées ! Est-ce que nous devons encore entendre des flûtes et des violons ?…

[Parenthèse sur Harold en Italie : les pupitres des bois y sont aussi admirables. Les trente premières secondes de la Sérénade sont un petit bijou d'équilibre et de fraîcheur. Mais ils en arrivent à voler la vedette à l'alto solo ! Émoticône Et les cors n'existent plus lorsque les trombones menacent dans l'« Orgie des brigands » ! C'est déroutant…]

Il faut écouter de près pour comparer les bonnes versions. La Scène aux champs est parfaite ! J'y reviendrai, mais c'est cette version-ci qu'il convient de retenir Amour

[Parenthèse n°2 : la prise de son est belle ! C'est extraordinaire. Et ce n'est pas le label Naxos qui nous avait habitués à cela.]

La Marche au Supplice est d'une belle tenue, quoiqu'elle manque un petit peu de griffes. Les timbales sont un peu lourdes, mais puissantes. Les cymbales, très bien. C'est moins le timbre que l'élan, le galbe orgueilleux, ce je-ne-sais-quoi de cruel qu'expriment ces fanfares, et qui manque ici à leur « parade sauvage » (comme aurait dit Arthur Rimbaud)

Les cloches du Songe d'une nuit de Sabbat sont, techniquement, justes, mais d'un timbre assez désagréable. C'est dommage, mais c'est assez laid… La petite clarinette est un peu neutre — et pourtant, le mouvement est bon, l'ensemble est cohérent. Je crois que, pour ces deux derniers mouvements, Tilson Thomas reste assez insurpassable, malgré des cymbales un peu « sèches » dans la Marche au Supplice.

C'est extrêmement curieux, cette insuffisance des pupitres des cuivres : dans l'ouverture du Corsaire, les trombones sont franchement très bons, dans celle de Benvenuto Cellini c'est comme si un piano les remplaçait (aucune tenue, dans la présentation finale du thème du Pape, superposé, etc.) Quel dommage ! et irréparable…

N'empêche : cette version est à sauver, à tirer hors du lot et à étudier. Pour les deux versions du Bal dont chacune est indispensable, et pour cette Scène aux champs superlative, c'est une version qui mérite de rester ! Émoticône

Coco… pas tout à fait rico — mais c'est aussi la seule version par un orchestre français qui se tient droit ! C'est assez rare pour être noté. Je pense que, certains soirs, avec des pupitres de cuivres plus assurés, en belle humeur, l'Orchestre national de Lyon est capable d'en remontrer à n'importe quelle phalange symphonique de quelque pays anglo-germanique, russo-machinchouette ou asiatico-chinois que ce soit ! Prenez toujours ça, messieurs, et tenez-vous le pour dit…

Amicalement, FLours toujours 12 septembre 2022 à 13:30 (CEST)Répondre

Norrington, Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR, Hännsler (2003) modifier

Bonjour Patachonf Émoticône Procédons par ordre : au moins, voilà une Marche au supplice qui ne se presse pas de trancher dans les reprises ! min 50 s, nom de nom ! C'est l'anti-Paray à un point qui laisse songeur… Alors ? les cuivres couaquent, l'orchestre piétine et se traîne. Rien de rien de rien de rien de Berlioz dans cette version barbouillée, nonchalante et chaloupée. On se demande si on va couper une tête, à la fin.

Passons. Le Songe d'une nuit abattue ? pardon, le Songe d'une nuit de Sabbat : 11 min 20 s, c'est affligeant ! Des cloches en carton-pâte, des cuivres qui éternuent chaque note du Dies Irae. Le tempo adopté pour ces mouvements est à compter parmi les péchés mortels et les crimes irrémissibles.

Un dernier mot ? Un bal ? Pas plus de cornet à pistons que dans tant d'autres versions ! Donc, décidément, définitivement, cette version s'effondre sous ses propres insuffisances. À fuir.

Comme j'ai toujours un doute concernant le premier mouvement, je vais écouter ça pour voir si on peut au moins sauver celui-là. Mais ça reste très majoritairement pourri. Et sourd. Comme un pot !

Amicalement, FLours toujours 3 mars 2023 à 15:22 (CET)Répondre

Marek Janowski, Pittsburgh Symphony Orchestra, Pentaphone (2009) modifier

Bonjour Patachonf Émoticône Procédons dans le désordre : pas de reprise pour la Marche au supplice, c'est toujours aussi criminel. Est-ce que les chefs d'orchestre préfèrent une exécution rapide et froidement médicalisée ? Dommage, le son de l'Orchestre symphonique de Pittsburgh est plutôt joli. Le tempo est un peu rapide. Les cuivres manquent tout simplement de mordant lorsqu'il en faudrait. Manquer de cruauté, dans ce mouvement, c'est manquer l'intention du mouvement. J'en viendrais presque à dire que cela fait « guimauve » ! (sur un texte musical qui est tout le contraire du « flon flon »…)

Pas de cornet à pistons pour Un Bal : encore une faute impardonnable. Il ne sera jamais question de pardonner cette absence. Tempo rapide, encore une fois. Sonorité soyeuse voire satinée, lisse, un peu indifférente. L'absence du cornet à pistons fait que les cors « mordent » un peu trop, dans leurs interventions (ils auraient mieux fait de se réserver pour la Marche au supplice).

Pour le Songe d'une nuit de Sabbat, des cloches très, très, vraiment très résonnantes (quels longs échos !) avec un Ut juste et un Sol assez juste. Ça passe, mais l'équilibre Cuivres / Cloches / pizz. des cordes avec les vents n'est pas réalisé : cuivres souverains (très joli), cloches lointaines mais vibrant longtemps, contrebasses un peu lourdes et les pizz. etc. un peu défavorisés. Rien de scandaleux. Ce qui est plus désagréable, c'est le découpage en quatre « sous-mouvements » de ce mouvement. Pourquoi ? ou à quoi bon ? C'est regrettable.

Dans l'ensemble, la sonorité de l'orchestre est plutôt « ronde » : disons « onctueuse » (pas « guimauve ») avec un manque de résonances pointues des cuivres (par où Berlioz annonce directement Varèse, sans intermédiaires !)

Le tempo au début du premier mouvement est, encore et toujours, un peu rapide — à mon avis. Les cors manquent complètement de mordant (vers min 52 s) — ça, ce n'est pas acceptable ! Et je pousse l'écoute jusqu'au climax de ce mouvement (environ 11 min 40 s) : les violons ne crient pas au secours. Les trompettes se contentent de jouer, les timbales de taper juste — c'est-à-dire : juste à temps. Aucun sentiment de panique, de fièvre, de stupeur et tremblement de terre. Décidément, nous n'y sommes pas. On veut du vertige, des hurlements profonds comme des soupirs, une averse d'étoiles sur la terre. On veut des imprécations à la Macbeth :

« Even till Destruction sickens, answer me ! »

— Shakespeare, Macbeth. Acte IV, scène 1.

Ça, c'est la Symphonie fantastique — pas une Fantaisie romantique pour orchestre avec programme distribué à l'entrée.

Donc, sans être dégoûté du tout à force de ne pas y retrouver tous ces « petits riens » si précieux, on est loin des résultats obtenus par certains, rares, chefs avec certains orchestres.

Amicalement, FLours toujours 6 avril 2023 à 13:49 (CEST)Répondre

Berlioz « pour orchestre de chambre », Mark Laycock, Michael Drapkin (2022, Pro Organo) modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Encore une version qui me fait hurler d'indignation, de dégoût, d'horreur et de haine. Quand on déteste la musique à ce point-là, ce n'est même plus du sadisme, c'est de l'acharnement homicide. On en a envoyé au peloton d'exécution, au gibet ou au bûcher pour moins que ça. C'est ignoble ! Saint-Saëns ou Rimski-Korsakov qui se désolent de ce qu'« on s'habitue à tout, même à la saleté, même au crime » (Rimski-Korsakov également maltraité dans cette salade russe en miniature) auraient de quoi renchérir : « On vous l'avait bien dit ».

La stupidité de ces « réductions (ad absurdum) » tient en plusieurs points :

  1. souvent, Berlioz écrit pour instruments solistes — moins que ça, c'est quand même difficile — et le mérite de ces réductions (si mérite il y avait !) tombe à zéro ;
  2. toujours, Berlioz écrit pour le nombre exact d'instruments nécessaire pour l'équilibre de l'ensemble — ne pas comprendre cela, c'est… à la rigueur, pardonnable, puisque cela relève du véritable « grand art » (un Boulez n'y comprenait rien non plus : considérer l'évolution de l'orchestre comme une simple « hypertrophie », c'est persister dans l'imbécillité « avec une obstination digne d'éloges » — pour reprendre la formule de Courteline dans Messieurs les ronds-de-cuir) ;
  3. toujours, Berlioz compose pour orchestre en tant qu'organisme complet, vivant, équilibré, je dirais même : sain ! (pas sacro-saint, mais je partage l'avis de Nietzsche : il vaut mieux être vivant et en bonne santé que mort en odeur de sainteté…) — réduire ? c'est mutiler. Ce n'est pas amoindrir, c'est amputer. Arracher son sourire à La Joconde. Crever un œil au buste de Néfertiti. Couper la tête à la Vénus de Milo (elle en a vu d'autres !) Alors, pourquoi pas ? Alors, c'est très bien. Alors, bravo…

Il faut croire qu'il existe des récompenses d'un genre spécial pour ces malfaiteurs. Une sorte de Légion d'honneur au chant XXX de l'Enfer de Dante. Et je les félicite d'être tombés si bas.

Amicalement, FLours toujours 11 juin 2023 à 11:33 (CEST)Répondre

Otto Klemperer, Philharmonia (1964, Warner) modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Un peu de contexte :

p. 193 : « Un courant « fantastique » traverse presque tout le XIXe siècle. Même si, en français, ce mot ne devient substantif qu'en 1821, ce qu'il désigne est antérieur. Il ne s'agit absolument plus du merveilleux féerique du premier romantisme, mais d'un courant beaucoup plus noir, alliant l'étrange, l'occulte, le frénétique et même le satanique ».

Ce passage nous donne les bonnes composantes pour préciser le sens du mot « fantastique » dans la Symphonie fantastique. Comme son cousin Viktor, auteur du fameux LTI, Otto Klemperer devait connaître la valeur d'un mot bien compris. Cette version de la SF s'exprime clairement, d'une clarté transparente et très appréciable — surtout pour l'époque où elle a paru, encombrée jusqu'à l'écœurement de versions tout simplement ignobles… Cependant, pour s'en tenir à des considérations de couleurs, cette version d'un dessin net et dont les contours sont souvent incisifs (surtout pour les lignes des instruments à vent, souvent solistes d'ailleurs) manque de saturation dans les tons : les timbales manquent de mordant, les cloches sont à peu près justes mais à peu près insignifiantes dans la trame de l'orchestre. La présence du cornet à pistons est bienvenue dans Un bal mais, heureusement, ce mouvement a trouvé de meilleures réalisations plus récentes.

Version qui domine bien le troupeau des moutons gris, sans discussion, mais qui manque de profondeur dans le noir, ou dont la noirceur manque d'éclat. Berlioz n'eût-il écrit qu'avec des notes, c'était bon. Or, il écrit avec des sons — ce qui le distingue comme le maître-magicien de l'orchestre, et notre modèle absolu — donc ce n'est pas suffisant, tel quel.

Amicalement, FLours toujours 5 janvier 2024 à 15:02 (CET)Répondre

Colin Davis, Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1987, BR Klassik) modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Il faut que j'écoute cette version d'une oreille attentive, mais elle s'annonce ma-gni-fi-que-ment. Oui : on tient ENFIN la bonne version du premier mouvement, Rêveries, passions. On n'osait plus y croire. Sir Colin semble avoir été véritablement possédé, survolté, chauffé à blanc ce soir-là. Version live d'une extraordinaire transparence (pas une quinte, ni de toux, ni à vide !) avec applaudissements immensément mérités à la fin, mais WOW ! Quel souffle !

Plus j'écoute la Fantastique, plus je l'aime. Il est cruel d'être obligés de l'entendre toujours dans des versions innommables (et d'entendre ces versions louées sur tous les tons et demi-tons de la gamme par des sourds vociférants).

Je t'écris un compte-rendu réel ce week-end.

Amicalement et avec mes remerciements renouvelés, FLours toujours 17 avril 2024 à 12:09 (CEST)Répondre

Bilan / Verdict modifier

Une tribune à prix modique pour notre Berlioz, trésor national encore et toujours négligé des « connaisseurs » professionnels professant au nom de la professionAd usum Ursidae, donc…

Quelques points de comparaison objectifs : on entrera dans les détails ensuite :

Interprétations à retenir (ou pas) de la Symphonie fantastique
Paray 1959 Munch 1962 Bernstein 1963 Boulez 1997 MTT 1997 Davis 1987 Muti 2015 Slatkin 2011
Rêveries, passions 11 min 33 s 13 min 57 s 13 min 18 s 13 min 58 s 15 min 49 s 15 min 56 s 15 min 19 s 14 min 37 s
Un Bal min 33 s min 25 s min 15 s min 10 s min 50 s min 43 s min 45 s min 43 s
Scène aux champs 14 min 36 s 14 min 56 s 17 min 14 s 15 min 23 s 17 min 5 s 18 min 58 s 16 min 7 s 17 min 20 s
Marche au supplice min 20 s min 28 s min 49 s min 3 s min 37 s min 2 s min 40 s min 1 s
Songe d'une nuit de Sabbat min 3 s min 15 s min 47 s min 53 s min 22 s 10 min 53 s min 56 s 10 min 3 s

En rouge : les versions sans la reprise, donc ça ne compte pas. En orange, la version la plus courte (légitime). En vert, la version la plus longue.

Bilan : « Elle est trouvée ! » — « Quoi ? L'Éternité ? » — « Mieux : la quadrature du disque ! »

La solution n'est pas si simple, mais pas impossible. Pour le mouvement no 1, il faut que je reprenne depuis le début : Davis LSO 2000 est bien, mais desservi par une prise de son pâle… pâle… comme une jeune fille anglaise, anémique et chlorotique, en tenue de première communiante par un matin de neige mêlée de brume (avec un souvenir ému pour les monochromes d'Alphonse Allais) donc en attente — pour Un Bal, les deux versions généreusement proposées (et parfaitement exécutées) de Slatkin ONL 2011, et sa Scène aux champs im-pec-ca-ble (appelons-les le « versant ensoleillée », ou la « Face A » de la Fantastique) — et pour les deux derniers mouvements (le « versant ténébreux », et la « Face B » fort logiquement) MTT San Francisco 1997. Solution qui, loin d'être le monstre de Frankenstein que l'on pouvait craindre, sacrifie impitoyablement les faiblesses de l'un comme de l'autre pour accorder les réussites esthétiques de ces trois réalisations dans leurs meilleurs moments, complexes mais miraculeusement complémentaires : tout atout du tout au tout Émoticône

En effet, ce qui empêche Davis de réussir parfaitement tient à sa vision un peu trop uniformément « apollinienne » de l'œuvre : souveraine mais pas assez nerveuse ou fiévreuse, pour finir (ça se vérifie dans le tempo, donc les durées des mouvements). À l'opposé, le caractère un peu trop « m'as-tu entendu » de Tilson Thomas (comme il y a du « m'as-tu vu »… et chez bien des chefs dans cette discographie !) fait merveille dans ces deux derniers mouvements, après avoir pesé bien inutilement sur toutes les notes, tous les traits, tous les accents et même les silences des premiers mouvements : cela ne convient que pour le tourbillon dionysiaque de la Marche au supplice et du Songe d'une nuit de Sabbat, où tout l'orchestre est parfait.

C'était évident. Il aurait suffi d'y penser. Reconnaissons que trop de versions passées ici au crible sont irrécupérables de platitude pour espérer combler leurs manques par le concours d'autres versions, souvent comparables dans leur manque de tenue. Cette discographie était un abîme — c'eût été un travail de Danaïdes… mais nous voici consolés, comblés. Un peu de Robert Desnos, plutôt :

« Marchant ensemble, en compagnons,
Voici Bacchus et Apollon,
Le temps est court, l'espace est long. »

Berlioz : le plus dionysiaque et apollinien de toute l'histoire de la musique classique occidentale — rien d'étonnant, alors, qu'il soit le plus authentiquement Nietzschéen de nos compositeurs, le plus musicien de nos musiciens…

Amicalement, FLours toujours 12 septembre 2022 à 13:35 (CEST)Répondre

PS : Ballade / Sed non satiata modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

À 19 ans, j'écrivais quelque part (recueil inédit) une Ballade à l'auteur des Troyens :

« Quand Charles X perdait sa couronne
et quand la rue servait de décor
à l'émeute — aux lourds canons qui tonnent —
aux concerts, un chef-d'œuvre sonore
fut sifflé : ses imposants trombones,
en catastrophique apothéose,
effrayaient les oies… de la Sorbonne.
Rien ne vaut le génie de Berlioz.

Louis-Philippe au pouvoir, on s'étonne :
cet homme-orchestre, faible de corps
comme de cœur, foudroie Babylone
en faisant pérorer les pécores…
Roméo meurt, Benvenuto sonne,
Méphisto chante « Voici des roses »
dans une salle où ne vient personne…
Rien ne vaut le génie de Berlioz.

Or, quand il entre dans son Automne,
seul, triste comme un solo de cor,
Napoléon le petit fredonne
un air d'Offenbach… En grands accords
magnifiques, son drame rayonne.
L'Opéra se meurt, avec des poses…
Et bien que Tannhaüser s'époumone,
rien ne vaut le génie de Berlioz.

ENVOI

Hector Berlioz — oublié encore ?
Seul musicien terrible et grandiose
dont la France artistique s'honore,
rien ne vaut le génie de Berlioz… »

Ballade irrégulière, s'il en est : on n'écrit pas de ballade française en vers de neuf syllabes, ma sœur m'a fait découvrir plus tard que l'assonance n'est pas la rime (va me trouver des mots qui se terminent exactement en -ioz !) et qu'il faut un hémistiche en tout, et que l'enjambement est mal venu, et le hiatus (oublié encore), et qu'il faut une majuscule au début de chaque vers, en dépit de la phrase — et que le troisième vers compte dix syllabes, puisqu'il faudrait prononcer « aux-z-émeutes-z-aux lourds canons », surmontant la ponctuation — et que sais-je encore ? Nous faudra-t-il toujours rendre raison aux raisonneurs, lorsqu'ils cessent d'être raisonnables ? Toutes ces contraintes sont le plus sûr chemin de la stérilité.

Aussi bien, ces défauts ou cette absence de qualité de regardent que moi. Je me suis corrigé de la plupart d'entre eux. J'en ai pris mon parti pour la plupart du reste. On n'est pas obligés de me lire, et c'est toujours gratuit.

Mais s'en prendre à Berlioz ? Et toucher seulement du bout de la baguette ou de la pointe du crayon à sa musique, sans le respect qui lui est dû ? Ah, certes non ! Je les poursuivrai d'une telle haine que l'oubli au-delà de la mort leur serait trop doux. Je sais à quoi m'en tenir : je serai sanguinaire et sans pitié ! Sourire diabolique

Amicalement, FLours toujours 28 avril 2022 à 15:37 (CEST)Répondre

Bilan hypercritique modifier

Pour commencer :

« Il y a des Héros en mal comme en bien. »

— La RochefoucauldMaximes, CLXXXV.

et encore :

« On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois et remplissant tout l'entre‑deux. »

— PascalPensées, fragment no 34 / 85.

Voilà, en deux mots (deux « mots d'auteurs »), toute la Symphonie fantastique résumée — autant dire « compréhensible », à défaut d'être « accessible », à l'usage des musiciens et des chefs d'orchestre, s'ils ont des oreilles pour entendre, des yeux pour lire une partition et ce qui peut lier ceci à cela pour exprimer avec intelligence et sensibilité ce qui se présente (en doutait-on ?) comme une symphonie.

Les cinq mouvements de la Fantastique tracent une telle courbe, tendue d'un extrême à l'autre, que ceux qui se contentent de la suivre me font pitié. Pour commencer, il faut surmonter le monceau d'ordures dont une discographie, disons « peu regardante » — autant dire « aveugle et sourde » — a encombré trop longtemps notre champ d'audition et nous a fait perdre assez de temps. Autant dire, une fois pour toutes, que je méprise la version Paray 1959 si précipitée de bout en bout (je n'ignore pas que ce chef d'orchestre a laissé quelques belles réussites… ni qu'il est compositeur, et que Maurice Emmanuel lui a dédié sa Symphonie no 2… Eh ! qu'est-ce que cela me fait ? Cela pèse-t-il seulement une aiguille dans le plateau de la balance où Brennus jeta son glaive gaulois ? « Væ victis ! » Je pourrais le renommer Paray-le-Monial pour le stigmatiser définitivement…) Je hais les versions Munch, toutes années et tous orchestres confondus (et toutes prises de son ! nom d'une enceinte stérile) : « munch, munch, munch » — ce doit être le son des marmottes qui mâchent leurs brins d'herbes ? Admettons. Mais qu'on ne m'en parle plus. Et je n'ai rien de mieux à dire des Markevitch (bon compositeur, pour le coup, comme tu sais), Monteuxetc.

Je ne dis pas que ces versions poussiéreuses portent le poids des ans : elles portent le poids de leur propre culpabilité, qui est bien assez lourd. Elles ne sont pas devenues poussiéreuses — elles sont nées poussiéreuses, elles ont été conçues dans la poussière ! et, poussière, elles n'ont pas tardé à retourner à la poussière… Il en est de ces enregistrements de la Fantastique de Berlioz comme des fées chez Baudelaire (Le Don des fées, dans Le Spleen de Paris) : « Les unes, jeunes, qui avaient toujours été jeunes ; les autres, vieilles, qui avaient toujours été vieilles ».

Cependant, c'est la musique de Berlioz qui est jeune — d'autant plus jeune, en regard de ces tas de cendres sur microsillons — et, comme le souligne Antoine Goléa :

« À cet égard, Berlioz représente un cas unique : c'est le musicien devant lequel la critique réactionnaire n'a jamais déposé les armes, comme ses représentants successifs le font généralement, le temps passant, devant ceux qu'elle a d'abord couverts de sa bave. Si on y regarde de près, cela est très compréhensible : dans ses œuvres majeures, Berlioz n'a jamais acquis cette fameuse patine du temps qui fait finalement paraître classiques les œuvres les plus révolutionnaires à l'origine. Toute bonne exécution de la Symphonie fantastique montre aujourd'hui encore cette œuvre dans son éternelle jeunesse, non seulement sans une ride, mais tout aussi nouvelle, tout aussi inconfortable pour les esprits qui ne cherchent dans la musique que leur confort et leur repos. »

Mais quelle idée, aussi, d'invoquer « toute bonne exécution de la Symphonie fantastique » ? Il en a de bonnes ! Il écrivait cela en 1977 (j'allais bientôt entrer en scène, alors…) Et pouvait-on compter une seule « bonne exécution » enregistrée ?

Soyons un peu sérieux. Il n'y a que trois (ou quatre) bonnes versions qui doivent nous occuper. Encore faudra-t-il distinguer, trancher, séparer pour assembler ensuite une version digne de ce chef-d'œuvre à la fois inaugural (jamais une « Symphonie no 1 » n'aura montré une originalité aussi puissante, ou une toute-puissance aussi originale : originelle) et définitif (j'en suis venu à considérer que Debussy avait presque raison : « Depuis Beethoven, la preuve de l'inutilité de la symphonie était faite »… Heu ! pas tout-à-fait. Mais Berlioz a épuisé toutes les possibilités de la symphonie du premier coup, magistral… Ce n'est pas un moindre miracle qu'Harold en Italie existe et « achève » la Symphonie concertante dans le propos, la forme, l'esthétique… Roméo et Juliette est un opéra-oratorio incomparable et inassimilable, et j'ai toujours considéré la Symphonie funèbre et triomphale comme l'équivalent symphonique d'Un enterrement à Ornans : la symphonie classique est morte et enterrée, l'orchestre constitué par Haydn a vécu… Ni fleurs ni couronnes…)

Je n'ai pas eu le temps de re-écouter en détails et de traiter la version Martinon 1973, qui mérite vraiment d'être abordée avec tendresse : « Honneur au courage malheureux ». Avant 1990, c'est quasiment la seule qui mérite de survivre (d'autant mieux que Martinon n'oublie pas Lélio ou le Retour à la vie… On a envie d'ajouter qu'« il est bien le seul ! »)

Pour le seul premier mouvement, je suis tenté de revenir à la version Davis 1963 avec le LSO (Philips). Cette version et celle de Martinon m'ont accompagné pendant toute mon adolescence berliozienne (et celui qui n'a pas vibré adolescent à la lecture des Mémoires ou à l'audition des Troyens peut considérer qu'il a gâché sa vie, et l'âge adulte doit se présenter à lui simplement comme l'antichambre de la mort… s'il s'en aperçoit seulement !) Je sais bien : les cloches sonnent faux comme des discours d'entre-deux-tours… Je ne considère, pour ces versions, que les mouvements I et II.

Pour la Scène aux champs, Davis 2000 (toujours LSO) est bien mais il est surpassé — terrassé, plutôt — par la version Slatkin 2011 avec l'ONL. Et pour Un Bal, cette version lyonnaise est à retenir : on peut se passer de toutes les autres, sans regrets ! (et sans quitter « ces riantes campagnes », pour citer Faust)

Pour les deux derniers mouvements, Tilson Thomas SF (San Francisco, ne pas confondre Émoticône) 1997 — c'est évident. Il faut relire nos deux citations de La Rochefoucauld et Pascal : ce qui menaçait dans les trois premiers mouvements a eu lieu. De quoi s'agit-il ? Ce n'est pas si compliqué à exprimer, il n'y a (encore ?) qu'à citer Baudelaire :

« Par toi je change l'or en fer
Et le paradis en enfer »

— Baudelaire Les Fleurs du Mal, « Spleen & Idéal », LXXXI Alchimie de la douleur.

Ce qui rend « toute bonne exécution de la Symphonie fantastique » si difficile, ce n'est rien de technique (je ne dis pas que c'est « facile » à jouer : ça se saurait !) c'est le « supplément d'âme » qu'il faut mettre dans les trois premiers mouvements. On se trompe en s'imaginant un Berlioz pratiquant le bluff ou « l’esbroufe » musicale et qui réserverait ses effets « spectaculaires » à la Marche au supplice et au Songe d'une nuit de Sabbat : le sommet délirant de la symphonie est à la fin du premier mouvement, le sommet onirique est dans Un Bal, le plus sombre et le plus poignant est dans la Scène aux champs… Mais alors ? Que reste-t-il ? La musique hallucinée, visionnaire, inouïe (nous y voilà ! enfin !) d'un être sensible qui s'est élevé au plus haut, qui s'est enivré au plus ardent, qui est tombé au plus bas — et après ? Toujours de quoi citer Baudelaire ! (dire que cet immense poète est passé comme « à côté » de Berlioz pour se déclarer sur le tard admirateur de Wagner ! On aura beau dire, la psychanalyse n'explique pas tout et la syphilis n'excuse pas tout…)

Il faut, pour jouer de manière appropriée ces deux derniers mouvements, avoir tant donné de soi-même dans ce qui précède qu'il ne reste qu'un orchestre sans âme… Et je ne m'étonne plus autant, à la réflexion, si un tel orchestre se trouve aux États-Unis (en Californie, même : c'est tout dire…)

L'immense majorité des imbéciles — et, parmi eux, la plupart des chefs d'orchestre — ne s'est pas aperçue que les trois premiers mouvements de la Symphonie fantastique n'emploient que les 4 cors, 2 cornets à pistons et 2 trompettes (Rêveries, Passions) et qu'on retire les trompettes pour Un Bal (on ne conserve, ad. lib. qu'un seul cornet à pistons) avec ses deux harpes, et qu'on retire encore ce dernier cuivre pour la Scène aux champs ! Qu'on nous parle, après cela, des « cures amaigrissantes » d'un Debussy, d'un Satie… Musicographes de papier chiffon ! Il y a des communards et des résistants qu'on a fusillés pour moins que ça. Et, depuis trop longtemps, on se fout de nous !

L'« économie de moyens » est poussée tellement loin que les trombones, les tubas, les cloches et les effets d'orchestre post-Weberiens prennent tout leur sens. Un sens « nouveau », si l'on veut ? Oui. Mais fallait-il être sourd et aveugle, encore une fois, pour ne pas y voir clair ou entendre clair ? Vraiment, c'est un siècle et demi d'escroquerie pure et brute qui entoure la postérité berliozienne. Il faut croire que nous avions confié notre plus riche trésor à des voleurs, des accapareurs, des agioteurs — autant dire : des banquiers !

Un mot de transition, et je passerai ensuite-et-enfin aux choses sérieuses : « La tolérance ? Il y a des maisons pour ça ! » disait Claudel (c'est son meilleur bon mot, à mon avis Sourire diabolique)

Ceci encore, en reprenant ce que Cocteau écrivait sur la marquise Casati, qui « étonnait. Elle ne plaisait pas » :

« Un jour elle décida de pousser son type à l'extrême. Il ne s'agissait plus de plaire, de déplaire ni d'étonner. Il s'agissait de stupéfier. Elle sortit de son cabinet de toilette comme d'une loge d'actrice. Elle était rousse. Les mèches se hérissaient et se tordaient autour d'une tête de Gorgone si peinte, que ses yeux, que sa bouche à forte denture, barbouillés de noir et de rouge, détournaient instantanément le regard des hommes des autres bouches et des autres yeux. Et comme ils étaient beaux, les hommes s'en apercevaient. Ils ne disaient plus : « Elle est quelconque ». Ils se disaient : « Quel dommage qu'une femme si belle se barbouille de cette façon-là ». »

— Jean Cocteau, La Difficulté d'être, « Des maisons hantées ».

Maintenant que j'ai entendu et considéré chaque moment de la Symphonie fantastique, je sais que cette partition est admirablement écrite, parfaitement écrite en vérité ! mais, selon ce mot immortel de Montaigne, « la vie est tendre et aisée à troubler » : on a confié cette œuvre à des malfaiteurs, parfois multirécidivistes (Munch) ou à d'ubuesques salopins (Boulez) qui ont barbouillé toutes les parties de l'orchestre, de la petite clarinette aux timbales, comme un maquillage infâmant… Le destin posthume de Berlioz est ainsi : on a toujours pris, naïvement, la caricature pour le portrait ! Romain Rolland s'en étonnait déjà en 1908 : qui aurait cru que Berlioz — comme Chopin, comme Liszt, même comme Hugo ou Musset — était blond avec yeux bleus ? Le portrait de Signol (pas la version en billet de banque !) montre des yeux d'un bleu-vert profond, sous la chevelure d'un blond un peu roux mais ardent. Ce dernier adjectif devrait qualifier toutes les interprétations de la Fantastique.

Aux élèves de Fauré, Saint-Saëns disait à peu près — un peu rogue, mais bienfaisant, comme en a témoigné loyalement Georges Enesco — après un concert sans succès : « Ne vous en faites pas. Votre partition n'est pas mal écrite, elle était juste mal jouée ». Ceci étant posé, il faut en finir avec cette sélection, qui sera donc :

Interprétation à retenir de la Symphonie fantastique
Davis BR 1987 MTT SF 1997 Slatkin ONL 2011
Rêveries, passions X (15 min 56 s)
Un Bal X (min 43 s)
Scène aux champs X (17 min 20 s)
Marche au supplice X (min 37 s)
Songe d'une nuit de Sabbat X (min 22 s)

Donc une interprétation d'environ 55 min 45 s — n'est-ce pas, MM. Paray, Monteux, etc. ?

I. Rêveries — Passions

II. Un Bal

III. Scène aux champs

IV. Marche au supplice

V. Songe d'une nuit du Sabbat

Amicalement, FLours toujours 14 septembre 2022 à 01:53 (CEST)Répondre

Affrontons la fugue modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Tu me demandais des citations de compositeurs « contre » la fugue. Je relisais à l'instant cette lettre de Maurice Ravel à Cipa Godebski (p. 71 du bouquin de Jankélévitch) :

« Loués soient vos oreillons, qui vous ont empêché d'ouïr le concert de la Nationale ! Ah, les sales musiciens ! C'est pas fichu d'orchestrer, et ça vous bouche les trous avec la « musique turque ». Des divertissements de fugue remplacent le métier, des thèmes de Pelléas suppléent à l'inspiration. Et tout ça fait un bruit ! Du tam-tam, des tambours basque et militaire, du glockenspiel, des cymbales, à tort et à travers. »

Voilà qui semble anticiper sur la citation que tu avais trouvée de Dutilleux Émoticône

Amicalement, FLours toujours 21 mai 2022 à 13:03 (CEST)Répondre

Suriñach et Montsalvatge modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Je prends cinq minutes (que je n'ai pas) pour t'envoyer un petit mot sur les Conciertos para piano de Carlos Suriñach et Xavier Montsalvatge. D'abord passons, chapeaux bas, devant l'interprétation de grand style, de fière allure et d'une impeccable noblesse d'Alicia De Larrocha... Voilà une artiste dont j'ai toujours aimé ce qu'elle interprétait, et comme elle l'interprétait. Je t'assure que je n'adresserais pas ce compliment à beaucoup d'autres !

Mais considérons les œuvres. Juste un mot, en passant : on n'a pas le droit d'écrire de mauvaise musique quand on s'appelle Xavier Montsalvatge. Quel nom de compositeur, on entend déjà des fanfares et des applaudissements. Je me souviens d'un critique quelconque qui déclarait : « Quand on s'appelle Franz Schmidt, on ne se mêle pas d'écrire de la musique ! » (à quoi nous répondrions volontiers : « D'accord... mais ta gueule. ») J'en dirais autant si on s'appelle Tel ou Tel... ou quand on ne s'appelle pas du tout, comme moi.

Les deux Concertos sont assez proches, dans leurs sonorités d'ensemble et dans leurs conceptions d'ensemble. Ils s'enracinent dans un fond commun, espagnol / hispanisant bien sûr, mais on sent que les deux compositeurs ont bien travaillé leur Bartók et leur Stravinsky (surtout le premier, en vrai). Le résultat est... éblouissant, tout simplement. J'admire cette verve, cette fougue, ces explosions de couleurs plein le paysage sonore. C'est beau.

J'aurais bien quelques réserves : les mouvements lents ne sont pas vraiment des mouvements lents. Dans le Concerto de Suriñach, l'attaque du magnifique Final est un peu gâchée parce que le mouvement précédent qui avait déjà beaucoup d'élan, de coups de griffes ou de marques de crocs. Il n'y a pas assez de contrastes, c'est dommage. Mais pour la frénésie et la couleur, encore une fois, c'est un spectacle merveilleux.

L'inspiration hispanique a même, par instants, quelque chose de carrément juif espagnol : les tournoiements hallucinés de la fin du Concerto de Suriñach ont quelque chose de réjouissant et d'archaïque qu'un Leonard Bernstein essayait de recapturer (pas toujours avec succès...) et celle du Concerto de Montsalvatge s'élance dans un flamboyant sur-place de percussions. Il manque un souffle plus profond, plus continu, moins à fleur de touches, pour que ce soit parfait. On aurait eu de très bons successeurs au Concerto en sol de Ravel, qui demeure inégalé mais qui n'avait pas vocation à être inégalable.

N'empêche qu'on éprouve plus de plaisir et d'émotions très positives en les écoutant. Et ça fait du bien ! Émoticône

Amicalement, FLours toujours 5 août 2022 à 20:18 (CEST)Répondre

PS : Je ne sais pas si la prise de son est un peu étouffée, je pense que c'est plutôt mon appareil qui ne dispose pas d'assez de canaux et d'étendue pour les graves, les aigus, etc. mais ce qui est certain, c'est que l'interprétation au piano et à l'orchestre est très satisfaisante. On apprécie toutes les qualités de ces deux œuvres. Il suffit bien d'une interprétation valable, comme cela, et tout est dit : ça nous change des interprétations « ignobles » de la Symphonie fantastique — je souligne : pas seulement « indignes », je dis bien « ignobles » et je le maintiens ! J'attends encore de pouvoir entendre une interprétation « digne » de la symphonie de Berlioz.

L'admissibilité de l'article « Martti Paavola » est débattue modifier

Page proposée au débat d'admissibilité
Page proposée au débat d'admissibilité

Bonjour,

L’article « Martti Paavola » fait l'objet d'un débat d'admissibilité (cf. Wikipédia:Débat d'admissibilité). Après avoir pris connaissance des critères généraux d’admissibilité des articles et des critères spécifiques, vous pourrez donner votre avis sur la page de discussion Discussion:Martti Paavola/Admissibilité.

Le meilleur moyen d’obtenir un consensus sur l'admissibilité de l’article est de fournir des sources secondaires fiables et indépendantes. Si vous ne pouvez trouver de telles sources, c’est que l’article n’est probablement pas admissible.

N’oubliez pas que les principes fondateurs de Wikipédia ne garantissent aucun droit à avoir un article sur Wikipédia.

Chris a liege (discuter) 18 août 2022 à 19:59 (CEST)Répondre

"Ihm gleichet kein Schütz" : René Jacobs, Harmonia Mundi 2021 modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

« Ihm gleichet kein Schütz
Von fern und von nah :
Es lebe Der Freischütz ! »

J'écoute cette version d'un bout à l'autre (sans la partition, puisque je ne dispose que de la version définitive-&-oufficielle... et quelle importance ! pour ce que j'en connais, je la connais par cœur) et je te donnerai mon avis détaillé.

D'emblée, l'oreille est enchantée par deux aspects : cette poésie du singspiel décapé, à nu, brillant comme un sou neuf, qui nous offre un spectacle bien plus parlé que chanté sans tomber dans cet atroce Sprechgesang — solution répondant à un problème de dramaturgie musicale par le sacrifice de la musique au drame et du drame à la musique (dilemme du prisonnier qui consisterait, aussi bien, à mettre le feu au théâtre pour voir si le public chante à l'unisson…)

Deuxième aspect important : la clarté brute, essentielle, élémentaire, des instruments. C'est impressionnant. Le résultat est râpeux, voire élimé comme un Lederhosen qui aurait connu des jours meilleurs (oh ! certes) mais qui se présente comme une évidence, modeste, franc, irréfutable. Ce n'est pas « ce qu'on appelle beau ». C'est beau.

Le reste à çuivre.

Amicalement, FLours toujours 19 septembre 2022 à 17:35 (CEST)Répondre

Rosalie, Rosalie... modifier

Bonjour @Patachonf !

Je viens de créer un article Rosalie, et en liant à la page d'homonymie idoine je me rends compte que tu avais en réalité déjà défini le terme et ajouté une illustration musicale... Je te laisse du coup insérer ce que tu souhaites dans l'article, histoire que tu sois crédité...

Bien wikipédialement, BerwaldBis (discuter) 9 octobre 2022 à 16:16 (CEST)Répondre

Notification BerwaldBis : Hello ! T'inquiètes… Copie l'exemple si ça te dis… selon ton bon plaisir. Il y a un autre exemple encore plus parlant, dans je ne sais plus quelle fugue du premier livre du CBT… Bon vent. Patachonf (discuter) 10 octobre 2022 à 02:37 (CEST)Répondre
Bonjour Patachonf et BerwaldBis Émoticône
Je vois le sujet en passant : voilà un article utile ! depuis le temps que je me demandais pourquoi Guy Sacre « peste » contre ce qu'il appelle des « rosalies » dans ses deux gros volumes de Musique de piano chez Robert Laffont — je ne voyais pas ce que c'était, et son emploi du terme n'apportait aucun indice pour le comprendre (il aurait aussi bien pu maugréer contre les marches harmoniques et appeler ça « marches », ou contre les procédés du contrepoint d'école…) Avec ça qu'il aurait mieux fait de consacrer quelque place ou quelques pages à la musique de Hans Gál ou de Pantcho Vladiguerov dans son Guide du découvreur de compositeurs pas connus (même classiques : Hélène de Montgeroult ? gnapa…)
Pour les Mont- (« les plus sauvages ? » demanderait mon Hector, le bienvenu) il y a une page et demie pour Xavier Montsalvatge : « C'est toujours ça » Émoticône
Amicalement, FLours toujours 10 octobre 2022 à 09:40 (CEST)Répondre

L'admissibilité de l'article « Rhétorique politique de guerre dans la pandémie de Covid-19 » est débattue modifier

Page proposée au débat d'admissibilité
Page proposée au débat d'admissibilité

Bonjour,

L’article « Rhétorique politique de guerre dans la pandémie de Covid-19 (page supprimée) » fait l'objet d'un débat d'admissibilité (cf. Wikipédia:Débat d'admissibilité). Après avoir pris connaissance des critères généraux d’admissibilité des articles et des critères spécifiques, vous pourrez donner votre avis sur la page de discussion Discussion:Rhétorique politique de guerre dans la pandémie de Covid-19/Admissibilité.

Le meilleur moyen d’obtenir un consensus sur l'admissibilité de l’article est de fournir des sources secondaires fiables et indépendantes. Si vous ne pouvez trouver de telles sources, c’est que l’article n’est probablement pas admissible.

N’oubliez pas que les principes fondateurs de Wikipédia ne garantissent aucun droit à avoir un article sur Wikipédia.

JohnNewton8 (SysOp) [Viens !] 12 novembre 2022 à 15:32 (CET)Répondre

Bonne année ! modifier

Meilleurs vœux pour 2023 !
À l'instar du musicien comme du poète
je te souhaite une année nouvelle au
« beau regard d'étoile qui [...] éblouit » !
Bonne année sur wikipédia
ainsi que dans la « vraie vie » !
Amicalement,
--BerwaldBis (discuter) 1 janvier 2023 à 14:26 (CET)Répondre
sursum corda patachonf !
très très bonne année 2023 !
mandariine (fait au mieux pour wp sans se sentir investie d'une mission divine :) 4 janvier 2023 à 08:33 (CET)Répondre

Bonne année 2023 ! modifier

« Comment ça, en retard ? Et comment ça,
c'est pas la gare de La Ciotat ?… »
Bonjour Patachonf Émoticône
Tous mes vœux pour une bonne et très heureuse année 2023 Émoticône Avec un petit dessin pour célébrer (pour commencer, parce que je n'ai pas eu le temps d'en faire un plus grand) le centenaire de Pacific 231 d'Arthur Honegger — je « raccrocherai les wagons » plus tard, au fur et à mesure Émoticône On ne devrait pas manquer de choses à commémorer (il suffit de s'en souvenir Émoticône) ni, je l'espère, de choses à célébrer ou à fêter ensemble !
Je te souhaite une pleine encyclopédie de bonnes choses pour cette année…
Amicalement, FLours toujours 8 janvier 2023 à 21:53 (CET)Répondre

L'admissibilité de l'article « Paul Texel » est débattue modifier

Page proposée au débat d'admissibilité
Page proposée au débat d'admissibilité

Bonjour,

L’article « Paul Texel » fait l'objet d'un débat d'admissibilité (cf. Wikipédia:Débat d'admissibilité). Après avoir pris connaissance des critères généraux d’admissibilité des articles et des critères spécifiques, vous pourrez donner votre avis sur la page de discussion Discussion:Paul Texel/Admissibilité.

Le meilleur moyen d’obtenir un consensus sur l'admissibilité de l’article est de fournir des sources secondaires fiables et indépendantes. Si vous ne pouvez trouver de telles sources, c’est que l’article n’est probablement pas admissible.

N’oubliez pas que les principes fondateurs de Wikipédia ne garantissent aucun droit à avoir un article sur Wikipédia.

Chris a liege (discuter) 23 mai 2023 à 21:59 (CEST)Répondre

Projet d'editathon - La vie musicale dans l'Hérault - samedi 10 juin 2023 modifier

Bonjour wikipédiennes et wikipédiens,

Le service médiation culturelle des archives départementales de l’Hérault organise son editathon annuel le samedi 10 juin 2023 dans ses locaux de Pierresvives à Montpellier sur un thème qui pourrait vous intéresser !

En effet, lors de cette journée, contributeurs avertis comme néophytes et curieux se regroupent et sont invités à enrichir l’encyclopédie sur le thème de la vie musicale à Montpellier et dans l’Hérault.

C’est à partir de divers styles, objets, personnalités, et lieux musicaux comme les fanfares montpelliéraines, les orgues réalisés par Jean-François L’Epine, les chansons occitanes, le hautbois languedocien ou encore l’Opéra-comédie à Montpellier que vous contribuerez en équipe, de manière ludique et festive à promouvoir le patrimoine musical du département sur l’encyclopédie.

Comment participer ? Vous pouvez bien sûr vous joindre à nous comme wikipédiens heureux de partager ses connaissances ou désireux d’en apprendre plus sur la musique dans l’Hérault ou comme intervenant pour présenter plus en détails comment vous contribuez.

Si vous êtes intéressé, nous serons ravis d’en discuter plus longuement avec vous. Contactez-nous par mail : serv-educa.archives@herault.fr.

Vous trouverez aussi plus d’informations concernant l’événement juste ici :

Projet:Editathon La vie musicale à Montpellier et dans l'Hérault.

https://pierresvives.herault.fr/943-enrichissons-les-projets-wikimedia.htm

Au plaisir de vous rencontrer,

Margaux et Emma - Volontaires en service civique au sein du service des actions culturelles, éducatives et des actions Archives départementales de l’Hérault. Margx14 (discuter) 30 mai 2023 à 10:53 (CEST)Répondre

Un document familial étonnant - l'Alsace au début de la Première Guerre mondiale modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

J'ai posté ce message pour les utilisateurs, à titre professionnel ou universitaire, des portails Alsace et Première Guerre mondiale, mais ça mérite le coup d'œil.

C'est un document que j'ai scanné récemment : il s'agit d'un journal anonyme (215 pages manuscrites, à l'encre bleue ou noire) rédigé par une femme vivant à Altkirch. La première entrée de ce journal est, sans surprise, le . Le cahier porte comme titre : Altkirch. Guerre de 1914. La dernière entrée est datée du (évacuation du village, avec la phrase « Pour la 3e fois, j'ai demandé à la Ste Vierge de garder la maison », suivi d'un trait tremblé). Les conditions dans lesquelles ce journal a été retrouvé, derrière le fond d'un tiroir d'un meuble de bureau, lors d'un déménagement, laissent supposer que le document avait été caché en espérant le retrouver lors d'un hypothétique retour. Si la personne qui avait entrepris cette rédaction a pu, en effet, revenir à Altkirch, elle ne l'a pas repris et personne n'en connaissait l'existence jusqu'à une période très récente.

Sans être spécialiste de la question, je suppose que ce document doit pouvoir être considéré parmi les écrits du for privé. L'écriture est soignée mais spontanée, très vivante, parfois vraiment étonnante, et la lecture ne manque pas d'être intéressante à plusieurs titres.

Pour vous en donner une idée, j'ai choisi la double page suivante. Le texte est toujours très lisible, dans l'ensemble, mais appelle quelques commentaires.

Folio 44 du journal. 12-14 février 1915.

bombes, cela a duré toute la nuit. Depuis nos fenêtres on voyait les flammes c'était dans la direction de l'église d'Aspach cela devait être à Heidweiler ; on voyait le feu vers 8 heures et à 11 heures tout était encore en feu.
12 Février. Vers 3 heures cela a recommencé et a duré toute la soirée, de même la nuit. Un Flieger a passé, les canons allemands ont bombardé dessus sans l'attraper. quelque temps après il a repassé, même bombardement. Mieur Rieder de Carsbach a été arrêté de même sa dame et la bonne ; on les accuse d'avoir rapport avec les F[rançais], on croit qu'il se trouve un théléphone secret chez eux. On leur donne un quart d'heure pour se préparer et on les amène à Mulhouse. Mieur Rieder est Américain, est parti de l'Alsace après la guerre de 1870, et est frère à Mieur Rieder d'Altkirch.

13 Février : Dans l'après-midi le canon gronde tout autour de la ville mais la durée n'était pas longue. Les Kamm ont eu la nouvelle de la mort de leur fils Ernest. La nuit était calme.
14 Février. Matinée calme. On annonce en chaire la mort des Fils : Mayer, Stampfler et Kamm. A midi toutes les cloches ont sonné pour le Sieg sur les Russes, ils disent qu'ils ont fait 30 000 prisonniers, personne ne le croit plus, on en rit. Vers quatre heures le canon commence de la Bärenhütte sur Aspach, et du Scheighof sur la Bärenhütte. La famille Rieder de Carspach est rentrée, on n'a rien trouvé chez eux, on a questionné la bonne sur tous les tons pour la surprendre, on n'a rien pu savoir. Toute la soirée on voyait les Scheinwerfer du côté de la Litte [?]. Deux bombes granades ont été envoyés dans l'auberge d'Aspach.

On peut relever des abréviations utiles (F. pour Français), des confusions vite corrigées (Carsbach puis Carspach), des fautes d'orthographes qui relèvent plutôt d'hésitations autour des termes techniques (« théléphone », « granades » pour grenade) et une méconnaissance du vocabulaire militaire qui fait passer soudain le texte en allemand (Flieger : avion, Scheinwerfer : projecteuretc.). Dans certains cas, l'emploi d'un terme en allemand est peut-être toponymique (Bärenhütte = « Cabane des ours », peut-être un lieu-dit ou le (sur)nom d'un bâtiment) et même, peut-être, ironique (Sieg = « Victoire » — et ce commentaire « 30 000 prisonniers, personne ne le croit plus, on en rit », après l'annonce de la mort de trois fils dans les familles du village, me laisse songeur…)

En fin de cahier, dans des pages que je n'ai pas compté comme « journal », il y a des tableaux avec une tentative (vite abandonnée) de suivi des différents fronts. Détail significatif : ces tableaux sont rédigés en allemand (Westfront |Italienische Front | Russische Front | etc.) Je me dis que l'emploi du français est significatif (le 8 février, elle note « L'artillerie F. ne tire pas seulement bien mais très bien ») : de toute évidence, les allemands occupent le terrain où elle vit, lorsqu'elle écrit ces lignes. Il y a des histoires d'espionnage étonnantes, des visites du Kaiser ou du grand-duc de Bade annoncées, puis avortées, etc. Les activités décrites dans le journal relèvent de l'ancillarité féminine classique : travaux ménagers, infirmerie, j'en passe…

Le contact direct avec un document de ce genre a quelque chose d'enivrant et de vertigineux. Ce doit être la même chose avec une partition que l'on découvre en l'explorant soi-même, sans l'avoir entendu d'abord (ça m'est arrivé comme ça pour des partitions pour piano : les Sonatines no 1, 2 et 5 de Maurice Emmanuel, la Suite op. 14 et la Sonatine op. 16 d'Albert Roussel...) Bref, je trouvais dommage de ne pas en partager au moins un court extrait : ça change un peu Émoticône sourire

Amicalement, FLours toujours 30 juin 2023 à 18:00 (CEST)Répondre

P.S. : Dernier jour en mission à Saint-Malo. Comme je te disais précédemment, ça ne va pas fort. Pour autant, cette situation n'est pas appelée à durer plus qu'aucune autre — si ça ne peut pas aller mieux, je devrai faire en sorte pour que ça n'aille pas de pire en pire. Ou pour que ça ne se voie pas.

Amicalement, FLours toujours 5 juillet 2023 à 06:59 (CEST)Répondre

L'admissibilité de l'article « Christine Géliot » est débattue modifier

Page proposée au débat d'admissibilité
Page proposée au débat d'admissibilité

Bonjour,

L’article « Christine Géliot » fait l'objet d'un débat d'admissibilité (cf. Wikipédia:Débat d'admissibilité). Après avoir pris connaissance des critères généraux d’admissibilité des articles et des critères spécifiques, vous pourrez donner votre avis sur la page de discussion Discussion:Christine Géliot/Admissibilité.

Le meilleur moyen d’obtenir un consensus sur l'admissibilité de l’article est de fournir des sources secondaires fiables et indépendantes. Si vous ne pouvez trouver de telles sources, c’est que l’article n’est probablement pas admissible.

N’oubliez pas que les principes fondateurs de Wikipédia ne garantissent aucun droit à avoir un article sur Wikipédia.

Chris a liege (discuter) 7 juillet 2023 à 23:25 (CEST)Répondre

L'admissibilité de l'article « David Walter » est débattue modifier

Page proposée au débat d'admissibilité
Page proposée au débat d'admissibilité

Bonjour,

L’article « David Walter » fait l'objet d'un débat d'admissibilité (cf. Wikipédia:Débat d'admissibilité). Après avoir pris connaissance des critères généraux d’admissibilité des articles et des critères spécifiques, vous pourrez donner votre avis sur la page de discussion Discussion:David Walter/Admissibilité.

Le meilleur moyen d’obtenir un consensus sur l'admissibilité de l’article est de fournir des sources secondaires fiables et indépendantes. Si vous ne pouvez trouver de telles sources, c’est que l’article n’est probablement pas admissible.

N’oubliez pas que les principes fondateurs de Wikipédia ne garantissent aucun droit à avoir un article sur Wikipédia.

Chris a liege (discuter) 23 août 2023 à 22:52 (CEST)Répondre

Pour Franz Liszt modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Mieux vaut tard que jamais : je me trouve en train de découvrir la musique de Franz Liszt. J'entends bien : Saint-François de Paule marchant sur les flots, entendu en 2000 grâce à un CD d'extraits de musique classique prêté par un ami, a tout de suite été un coup de cœur (ça m'a donné envie d'écrire pour piano… sans disposer de la partition… sans aucun moyen de l'obtenir alors… et le plus drôle, c'est que ce que j'ai composé alors est aussi en mi majeur ! Émoticône) mais l'œuvre pour orchestre ne soutenait pas (ou pas assez) la comparaison avec les symphonies de son ami Hector ou les opéras de son gendre Richard (le plus encombrant des trois)…

Eh bien ! j'en suis revenu : Berlioz et Wagner ont été indignes de son amitié. Sur ce point, il n'y a pas à y revenir et j'en suis convaincu. J'ai la douleur de constater aussi que l'encyclopédie en ligne ne lui rend pas justice, malgré le label BA Bon article et l'existence d'un beau portail Liszt créé en 2007, les manques sont criants : rien pour la Messe de Gran, rien pour Die Legende von der heiligen Elisabeth, j'en passe…

Comme je te disais, Hunnenschlacht est mon poème symphonique préféré de Liszt, mais je me prends à trouver que Ce qu'on entend sur la montagne est un peu comme Amériques dans l'œuvre de Varèse : une rhapsodie pour orchestre, un peu décousue, avec tout-dans-tout-et-dans-tous-les-sens, mais c'est un arsenal de composantes pour l'orchestre le plus moderne de leur époque. Vladimir Jankélévitch a toujours insisté sur l'importance de l'orchestration de Liszt sur celle de Ravel et ça me semble indéniable, à la réflexion. René Char commence aussi par réunir un Arsenal pour son premier recueil, Le Marteau sans maître (sans que Boulez s'ensuive, à la chaîne).

Je pense qu'un ou deux articles sont vraiment nécessaires à créer : j'en suggère deux ici, mais je n'ai rien pour le faire. Et ça promet d'être des « gros morceaux ». Qu'en penses-tu ?

Amicalement, FLours toujours 3 septembre 2023 à 10:51 (CEST)Répondre

L'admissibilité de l'article « Prix Georges-Bizet » est débattue modifier

Page proposée au débat d'admissibilité
Page proposée au débat d'admissibilité

Bonjour,

L’article « Prix Georges-Bizet » fait l'objet d'un débat d'admissibilité (cf. Wikipédia:Débat d'admissibilité). Après avoir pris connaissance des critères généraux d’admissibilité des articles et des critères spécifiques, vous pourrez donner votre avis sur la page de discussion Discussion:Prix Georges-Bizet/Admissibilité.

Le meilleur moyen d’obtenir un consensus sur l'admissibilité de l’article est de fournir des sources secondaires fiables et indépendantes. Si vous ne pouvez trouver de telles sources, c’est que l’article n’est probablement pas admissible.

N’oubliez pas que les principes fondateurs de Wikipédia ne garantissent aucun droit à avoir un article sur Wikipédia.

Chris a liege (discuter) 8 octobre 2023 à 22:57 (CEST)Répondre

L'Enfant à la balustrade modifier

Récompense L'Enfant à la balustrade est désormais un article de qualité de la Wikipédia francophone. Merci pour ta relecture de la page et pour ton vote qui ont contribué à cette promotion. Bien à toi, — Arcyon [Causons z'en] 11 octobre 2023 à 18:00 (CEST))Répondre

Nouvel article ou demande de traduction de l’anglais : en:Sidor Belarsky modifier

Bonjour Patachonf - J'ai apprécié vos articles sur les interprètes de musique classique. Hélas, je ne parle pas français. Si vous avez un peu de temps supplémentaire, vous pourriez aimer créer un petit article sur la basse d'opéra Sidor Belarsky (en) à partir de Wikipédia anglais. Il est né en Ukraine, a étudié au Conservatoire de Musique de Saint-Pétersbourg et a joué avec Arturo Toscanini. Il est un expert de la musique judaïque de l'Holocauste. Merci pour votre considération.160.72.80.178 (discuter) 4 novembre 2023 à 18:35 (CET)Répondre

Hello Patachonf - I've enjoyed you articles about performers of classical music. Alas I do not speak French- If you have some extra time you might enjoy creating a small article about the operatic bass Sidor Belarsky (en) from the English Wikipedia. He was born in Ukraine, studied at the St. Petersburg Conservatory of Music and performed with Arturo Toscanini. He is an expert on Judaic music from the Holocaust. Thanks for your consideration.160.72.80.178 (discuter) 4 novembre 2023 à 18:35 (CET)Répondre

Hello from France Notification 160.72.80.178 : ! Sorry, I no longer create articles or translations, since I saw that Wikipedia contributing to brain shaping. I will nevertheless forward it to Notification Sidonie61 : who is participating classical music project. Best wishes, music friend. Walk in peace. Patachonf (discuter) 5 novembre 2023 à 10:24 (CET)Répondre
Notification Patachonf : il faudrait mieux demander la création de cet article soit sur le Bistro, soit sur la section à faire de la musique classique. Merci de t'en occuper stp. Bien à toi, Sido

Boris Papandopulo modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Quel plaisir, ces Quatuors à cordes de Boris Papandopulo ! Ils sont adorables à entendre, on y respire comme si ce n'était même plus de la musique de chambre, on y chante et on y danse. On voudrait n'avoir rien de moins au répertoire du quatuor à cordes, encombré comme il est de toiles d'araignées tirées à quatre épingles sur quatre cordes par des équarrisseurs de mouches qui ne trouvent rien de mieux à faire que d'en écarteler tous les paramètres…

C'est extrêmement curieux d'avoir une affiche de film (avec le nom de Boris Papandopulo en tout petit, tout petit…) en guise de photo. Je sais que tu n'y toucheras pas, mais je serais aussi curieux de connaître les droits pour les représentations d'artistes, musiciens ou nom, dans la philatélie. Au moins pour donner une représentation de la bonne bouille du monsieur, sans que ce soit une photo non-libre de droit et de qualité plus-que-douteuse.

Tout le reste est pris dans les glaces.

Cordialement, FLours toujours 19 décembre 2023 à 16:05 (CET)Répondre

Bonne année 2024 ! modifier

Bonjour Patachonf Émoticône

Fichiers audio
« дyдaрик »
noicon
« Гeй, видно ceпo »
noicon
« Пойду ль я, выйду ль я »
noicon
« щeдрик »
noicon
Chœur de la Radio & Télévision de Leningrad
sous la direction de Grigori Sandler.
Meilleurs vœux pour une meilleure année 2024, avec chœurs et musique au cœur,
en te souhaitant toujours de belles découvertes partagées sur l'encyclopédie en ligne !

Un petit cadeau pour quitter 2023 et aborder 2024 : quatre chansons populaires, ukrainiennes et russes, parce que je ne connais pas grand-chose d'aussi beau dans ce genre que j'adore — et parce que je ne connais rien de plus déchirant, en ce moment… Espérons, comme voudrait le proverbe, que « tout finisse par des chansons » !

Amicalement, FLours toujours 1 janvier 2024 à 01:06 (CET)Répondre

Bonne année ! modifier

Meilleurs vœux pour 2024 !
« Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise... »

Aux notes de Fauré
Ne puis-je qu'ajouter :
Belle et heureuse année !
--BerwaldBis (discuter) 1 janvier 2024 à 01:32 (CET)Répondre
Bonne année Patachonf, et d'ailleurs, merci beaucoup pour ton amélioration de Cadence de soliste, le résultat est très intéressant ! Fourmidable abla ? aussi sur Wikiversité 6 janvier 2024 à 01:12 (CET)Répondre

Antoine Bailleux modifier

Bonjour Patachonf, un mystère de plus résolu, j'ai trouvé le décès d'Antoine Bailleux que j'ai ajouté dans l'article. Bonne journée à toi. Pierregil83 (discuter) 24 avril 2024 à 09:17 (CEST)Répondre